La Passion de l'Église

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Le blog de Vincent MORLIER

"La crise de l'église"


Blog: Blog "La crise de l'église"

... HABEMUS PAPAM !!!

 
 
 
... HABEMUS PAPAM !!!
 
 
        ... Oui, oui, oui, oui !!!, habemus papam !!, nous avons un nouveau pape, un pape enfin catholique tout de bon cette fois-ci, remplaçant de par Dieu l'abominable homme des neiges du Vatican, François !! Nous en avons même, chers amis, au moment où j'écris ces lignes, au moins... trois ou quatre, si pas plus (car il ne faut pas oublier les sédévac-survivantistes qui s'auto-élisent des papes du passé, Paul VI ou Benoît XVI, rajoutant donc de leurs côté deux numéros à la liste !), tous élus, je rassure mon lecteur, non pas par le Saint-Esprit mais par les esprits hérétiques et schismatiques des sédévacantistes voulant aller perseverare diabolicum jusqu'au bout de leur hérésie et de leur schisme.
           
        Et c'est pourquoi on ne peut certainement pas s'en conjouir et féliciter entre nous, catholiques, dans la sainte, glorieuse et joyeuse union des âmes, annonciatrice de la joie divine immarcescible qui sera communautairement nôtre dans la Vie éternelle du Ciel, comme lorsqu'un nouveau vrai Vicaire du Christ est légitimement élu par l'Église Universelle, je vous annonce une grande joie, annuntio vobis gaudium magnum..................
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
 
        J'aurais très-volontiers, qu'on le croit bien, passé sans m'arrêter sur ces délires d'esprits fanatiques et sectaires, obscurantistes et inintelligents, rebelles au Plan divin de "LA PASSION DE L'ÉGLISE" et extrémistes, prétendant réparer à la pélagienne l'Église Universelle mortellement malade de Vatican II par leurs propres forces et non par la grâce du Christ, si je n'étais tombé dernièrement sur un hit, pardon, un pur sommet dans le genre, qui appelle vraiment à grands cris une remise à niveaux, un... remontage théologique de bretelles.
 
        Je veux parler du nouveau "pape" qui a été "élu" par le Patriarcat Catholique Byzantin, lequel, apparemment, car ce n'est pas très-clair, a son siège en Ukraine, à Donetsk (...!), et s'avère n'être rien d'autre, en fait, qu'une petite communauté groupusculaire gréco-catholique sédévac qui se prend à peu près pour l'Église Universelle à elle toute seule, sous couverture prophétique. Cela remonte d'ailleurs à quelques courtes années puisque c'est le 14 octobre 2019 que ledit Patriarcat a "élu" comme nouveau Souverain Pontife... Mgr Carlo-Maria Viganò !! Oui-da, vous avez bien lu !!
 
        Et il l'a fait le plus "sérieusement" du monde, comme il appert de sa proclamation fantastico-fantastique faite sur cette vidéo ci-dessous, par laquelle il annonce très-solennellement cette nouvelle "élection pontificale" à la ville et au monde, urbi & orbi (attention !, soyez bien assis sur votre chaise, mettez la ceinture de sécurité, vérifiez avec soin la prise de terre : effet électrochoc garanti) :
 
 
           
         Vous avez vu cette vidéo ? Alors, je vous laisse vous remettre de vos émotions...!
           
        Cependant que nos catholiques byzantins sont bien obligés d'avouer dans un entrefilet obscur sur leur site (http://vkpatriarhat.org/fr/), un peu piteux quand même, que Mgr Viganò n'a pas répondu à la lettre qu'ils lui ont envoyée pour lui annoncer avec un éclat de trompette d'Apocalypse risible son élection au Souverain Pontificat. Ne pouvant pas toujours pleurer, convenons en effet que ce serait vraiment drôle : il n'y aurait, aux dernières nouvelles qui remontent au 14 octobre 2019, date de cette super-élection pontificale, pas d'acceptation de la part de Mgr Viganò, accepto, du moins elle ne serait pas connue de l'Église et dûment scellée par la note ecclésiale de Visibilité indispensable en la matière, donc, évidemment, pas de nom pontifical choisi par l'intéressé, ce qui, au final, signifie de manière flagrante qu'en fait... il n'y a même pas de pseudo-pape élu !
 
        Encore qu'en vérité, on se voit obligé de dire qu'on n'en sait vraiment trop rien, on ne sait pas si Mgr Viganò l'a acceptée ou bien non, car l'ancien nonce apostolique aux États-Unis est fort éloigné de cacher son sédévacantisme au moins pratique quant à François, qu'il n'appelle jamais que "Bergoglio" dans ses interventions publiques, ce qui, dans notre contexte ecclésial, est la première porte grande ouverte à deux battants pour accepter l'élection d'un nouveau pape... et pourquoi pas soi-même, puisqu'on est grand'prélat émérite et qu'on y est bougrement poussé (cf., par exemple, sa récente interview du 11 août dernier par Matt Gaspers, rédacteur en chef au "Catholic Family News", un journal web traditionaliste américain : https://catholicfamilynews.com/blog/2023/08/11/cfn-interviews-vigano-francis-trump-ukraine-child-trafficking-and-more/, dans laquelle, ne tenant hérétiquement nul compte de la règle prochaine de la légitimité de toute élection pontificale, à savoir l'infaillible pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, Mgr Viganò ose mettre en doute la validité certaine du conclave théologiquement achevé qui a élu François au Siège de Pierre en 2013). Et donc, comme ne manquent surtout pas de le faire remarquer nos byzantins sédévacs, si Mgr Viganò n'a pas accepté son élection comme pape, il ne l'a pas non plus refusée (suivez mon regard).
           
        Car en effet, il faut de toute nécessité un pape à la tête de l'Église militante, et comme la surnature plus encore que la nature a horreur du vide, si Mgr Viganò soutient sédévacantistement qu'il n'y en a pas actuellement sur le Siège de Pierre, alors, il n'est pas vraiment impossible qu'il se soit senti obligé d'accepter occultement l'élection de sa personne au Souverain Pontificat faite par les byzantins. Lui seul pourrait le dire évidemment, mais Mgr Viganò peut en effet aller jusque là, car, n'ayant pas vraiment compris le cadre eschatologique de "la crise de l'Église", qui s'épèle "PASSION DE L'ÉGLISE", qui est vraiment la der des der ordonnée en finale au règne de l'Antéchrist-personne et surtout à la Parousie du Christ glorieux qui le terrassera définitivement, cela lui fait émettre des opinions théologiques complètement erronées pour la solutionner, cela le soumet dangereusement à toutes sortes de tentations hétérodoxes et scabreuses, dont bien sûr, éventuellement, celle d'accepter une pseudo-élection pontificale de sa personne de toutes façons ecclésialement éminente. J'ai fait remarquer ces graves erreurs et insuffisances de Mgr Viganò dans le bon combat spirituel que par ailleurs il mène, quoique dans un conservatisme peu éclairé, dans un article le concernant écrit il y a trois ans, qu'on pourra lire au lien suivant : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/le-survol-tres-superficiel-de-mgr-vigano?Itemid=1.
           
        Nous aurions donc, au moins possiblement, un nouveau pseudo-pape sédévac dans la personne de Mgr Viganò. Maintenant, il va être intéressant de savoir qui furent les électeurs de cette pseudo-élection pontificale byzantine...? Ce ne sont même pas des évêques diocésains ayant juridiction active, ce sont seulement huit simples évêques de campagne ou chorévêques (korâs - episcopos), dont peut-être uniquement l'un d'entre eux, le plus âgé, a rang d'évêque diocésain, ayant été sacré secrètement, selon ce qu'il en dit, par un évêque des catacombes sous le régime communiste soviétique. Les chorévêques, dont l'institution s'est développée beaucoup plus en Orient qu'en Occident, sont effectivement de vrais évêques possédant la plénitude du sacerdoce, mais ils n'ont qu'une juridiction très-limitée qui peut ne pas dépasser les dimensions d'une simple paroisse, et surtout ils sont eux-mêmes sous juridiction d'un évêque diocésain. On pourrait dire dans une formule sans doute un peu rapide que ce sont des curés de campagne ayant la plénitude du sacerdoce. C'est surtout dans les premiers âges chrétiens que cette institution épiscopale subalterne fonctionna, issue, semble-t-il, de la tradition apostolique de saint Jean Apôtre ; quant au statut d'évêque diocésain qui, depuis, est le seul à pratiquement exister dans l'Église, il prend plus sa source sur la lignée apostolique des saints Pierre & Paul Apôtres. Après le XIème-XIIème siècle, on ne trouve pratiquement plus trace de ces chorévêques dans l'Église, du moins en Occident, sauf de manière honorifique, pour perpétuer et respecter une tradition immémoriale (par exemples, dans certaines cathédrales d'Allemagne) ; il n'en va pas de même en Orient, où cette institution a plus ou moins perduré, selon les régions et les églises.
           
        Quant à nos chorévêques orientaux ayant "élu pape" Mgr Viganò, on peut voir clairement leurs noms sur leur site, l'un d'entre eux se baptisant même archevêque (...???), probablement sans eau bénite ; de ce côté-là du moins, ils ne sont pas comme Archidiacre, ils n'avancent pas masqués, larvatus prodeo. Et par ailleurs, Dieu me garde de juger leurs personnes sacerdotales. Il suffit de visiter leur site pour se rendre compte qu'ils vivent leur vie de Foi dans une vraie spiritualité, en mettant fort l'accent sur la prière et l'oraison quotidiennes, comme les orientaux savent peut-être mieux le faire que les occidentaux. Qui sait si, parmi eux, il n'existe pas, trompé de bonne foi, un saint plus saint que moi devant Dieu ?, un P. Cyril Gordien comme chez les "ralliés" ? Il n'en reste pas moins, ne me jugeant pas moi-même, ni en plus ni en moins par rapport à qui que ce soit, que je dois, en tant que catholique et beaucoup plus encore en tant que prophète dans "la crise de l'Église", dénoncer à mon prochain l'hétérodoxie viscérale de leur agir ecclésial quant au Siège de Pierre.
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Pour commencer, je ne chipoterai pas sur leurs pouvoirs épiscopaux et prendrai l'hypothèse qui leur est la plus favorable, à savoir que ces huit chorévêques byzantins possèdent tous vraiment la plénitude du sacerdoce comme ils l'affirment, c'est-à-dire qu'ils sont vraiment évêques, ce qui est possible. Mais alors, cela signifie donc que la pseudo-élection pontificale de Mgr Viganò, dans ce synode extraordinaire tenu le 14 octobre 2019, aurait été faite exclusivement par des évêques, puisqu'ils le seraient, tous et chacun d'eux.
           
        Et c'est justement là où le bât blesse mortellement, rien que cela fait s'écrouler toute leur procédure, nonobstant toutes autres raisons fondamentales invalidantes, très-nombreuses. Car, comme je l'expliquais dans un précédent article, il est rigoureusement impossible, eu égard à la Constitution divine de l'Église, que les évêques puissent avoir la moindre part à une élection pontificale sans que, par-là même et pour cette seule raison dirimante, celle-ci soit radicalement et complètement invalide. Je n'en referais pas ici la démonstration théologique, je renvoie le lecteur à ce précédent article où je la fais (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/o-se-situe-lacte-de-droit-divin-qui-fait-certainement-le-pape-actuel-chez-les-cardinaux-qui-l-lisent-canoniquement-dans-le-conclave-ou-chez-les-v-ques-de-lorbe-catholique-qui-approuvent-a-posteriori-l-lection-des-cardinaux-?Itemid=1).
           
        Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que des sédévacs veulent élire un nouveau pape uniquement par une assemblée d'évêques, ils n'en sont pas à leur coup d'essai, on enregistre déjà, depuis Vatican II, au moins trois "papes" sédévacs élus de cette manière. Mais les chorévêques du Patriarcat Catholique Byzantin ne le savent peut-être pas, et il me semble bon, surtout pour eux (à qui je vais envoyer les présentes), de rafraîchir ce qui est maintenant presque une page d'histoire dans le traditionalisme.
           
        Lorsque je rédigeais il y a plus de vingt-cinq ans mon ouvrage de fond sur la théologie de "la crise de l'Église", L'Impubliable, je reçus un jour un document très-intéressant émanant d'un de ces groupes de catholiques sédévacantistes voulant procéder à l'élection d'un nouveau pape. Dans celui-ci, les auteurs exposaient dans le grand détail les lois théologiques sur lesquelles ils croyaient pouvoir fonder leur action. Les arguments étaient clairs, bien développés, quoique avec une syntaxe très-défectueuse puisqu'il s'agissait d'une traduction d'un texte en provenance des États-Unis ; cependant, par souci de bien respecter la pensée des auteurs, je n'y avais fait aucune correction lorsque je le relatais in extenso et ne varietur dans L'Impubliable, et je recopie maintenant ici de même ce document, tel quel :
 
"Dossier New True Pope (Nouveau Vrai Pape)
           
        "III. 9 - Droit de suppléance contre faux cardinaux
           
        "A. Droit de suppléance dans l'élection du Pape Martin en 1417.
           
        "Le 11 novembre 1417 le grand-schisme d'Occident fut terminé après 39 ans, grâce à l'élection du pape Martin V. Cette élection papale a été réalisée sans le Collège normal des cardinaux.
           
        "Depuis 1378, il y avait deux papes, l'un à Rome et l'autre à Avignon en France. Puis depuis 1409, il y en avait trois : Bénédict XIII en France, Grégoire XII à Rome et Alexandre V en Allemagne. Chacun de ces trois papes créait ses propres cardinaux et consacrait ses propres évêques. Enfin, sur l'initiative de l'empereur d'Allemagne, ces trois groupes de cardinaux vinrent s'assembler à Constance. Outre les cardinaux, venaient aussi les évêques consacrés par ces papes, avec plusieurs théologiens de renom de toute l'Europe.
           
        "On peut dire qu'aucun de ces trois papes n'est vrai pape depuis longtemps. Mais même si nous supposons que l'un des trois est vrai pape, la conférence de Constance n'en comprenait pas moins de deux tiers de cardinaux invalides et évêques également invalides, parce que ceux-ci avaient été créés et consacrés par de faux papes. D'un pape invalide, tous les actes sont invalides.
           
        "Dans leurs divisions, que faisaient ces dignitaires de validité plus ou moins douteuse ? Basés sur les langues, ils formaient cinq groupes appelés «Groupes de Nations». Impossible de distinguer les cardinaux valides (si valides il y en ait), des invalides. Chacun croyait fermement que lui-même était valide. Dans cette confusion inextricable, il fut vite admis que tous les cardinaux étaient autorisés à élire le nouveau pape.
           
        "Il n'était pas si simple que cela. Chaque pape était soutenu par des nations différentes, si bien que ce rassemblement disparate (qui devait élire un vrai pape au lieu et place de trois douteux) devint une affaire politique. Si un ou plusieurs «Groupes de Nations» ne reconnaissaient pas le résultat de l'élection, le Schisme continuerait pour le pire. Il fallait donc prendre des mesures appropriées pour éviter cette catastrophe. Quelles étaient ces mesures ? Lisons ce qu'écrivit l'historien ecclésiastique Auguste Frésen :
           
        "«Il fallait un procédé spécial pour choisir l'homme qui conviendrait à tout le monde, qui pourrait jouir de l'approbation universelle. À cette fin, en plus de vingt-six cardinaux, chaque «Groupe de Nations» avait six représentants pour entrer en Conclave le 8 novembre 1417. Cinquante-six électeurs en tout. L'Hôtel de ville de Constance avait été aménagé spécialement pour servir cette gravissime élection papale. Le choix s'avérait très difficile. Ce fut seulement trois jours plus tard, dans une atmosphère d'«exaltation religieuse au-dedans du conclave» (Flink) pendant qu'au-dehors se déroulait une procession, que fut trouvée la conciliation qui paraissait déjà aux contemporains comme un miracle opéré par le Saint-Esprit. Le 11 novembre 1417, le cardinal Odo Colonna fut élu pape. Il prit le nom de Martin V selon le Saint du jour. Non seulement au Concile, mais partout en Occident, régnait une joie indescriptible... L'Église avait à nouveau un chef qui était reconnu par tout le monde et qui avait été élu légalement» (Citation d'après Johannes Rothkranz).
           
        "Légalement fut élu le pape Martin, malgré le fait que parmi les 56 électeurs seulement 8 ou 9 étaient peut-être vrais cardinaux et que plus de la moitié des électeurs n'étaient pas du tout cardinaux. Dans ce cas de nécessité exceptionnelle, en effet, ces 56 électeurs étaient considérés à juste titre comme les représentants les plus dignes de toute la Chrétienté et ils agissaient conformément au Droit de Suppléance. Si vous n'admettez pas la validité de cette élection papale de 1417, vous aurez à admettre que l'Église Catholique n'a pas eu de papes valides depuis 1417, durant ces dernières 582 années.
           
        "La leçon à tirer de ce fait historique est que : en cas d'exception, quand l'Église n'a plus de vrais cardinaux, d'autres délégués ont à s'avancer pour élire un nouveau Pape.
           
        "B. Droit de Suppléance dans le Droit Canon.
           
        "«Faux cardinaux sans doute, mais cardinaux quand même», certains le prétendent et nourrissent le vain espoir que le présent Collège des cardinaux éliront un vrai Pape pour succéder au faux actuellement. Contrairement à leur espérance, l'existence des hérésies contenues dans les documents du Concile Vatican II n'est plus une question [à débattre], mais une certitude bien établie ; si bien qu'en les proclamant officiellement le 7 décembre 1965, Paul VI et tous les cardinaux, archevêques et évêques en communion avec lui sont devenus hérétiques publiques et furent déchus de leur charge et dignité pastorales ipso-facto. Faux collège de faux cardinaux n'a aucun pouvoir pour élire aucun valide pape. Alors, sans un valable collège de cardinaux, serons nous sans vrai pape jusqu'à la fin des temps ?
           
        "L'ancien Droit Canon (1917) a prévu ce cas anormal et nous a donné une solution au Canon 20. Dans une circonstance extraordinaire, quand les électeurs pourvus du droit d'élire manquent à leur prérogative, il peut y avoir un droit de Suppléance pour leurs remplaçants. Ce droit sera déterminé conformément aux quatre normes : 1. Legibus latis similibus. 2. Generalibus Juris principiis cum æquitate canonica servatis. 3. Stylo et praxi Curiæ Romanæ. 4. Communiconstantique sententia doctorum. ― Un professeur espagnol, Dr. Tomas Tello Corraliza a fait des recherches en ces quatre domaines de 1. lois semblables, 2. principes généraux de droit, 3. pratique usuelle de la Curie romaine, et 4. opinions communes, constantes, des docteurs ; et il est venu à conclure : «Le résultat des recherches sur ces quatre domaines : légal, juridique, pratique et doctrinal, est une étonnante, harmonieuse convergence sur une même conclusion, à savoir que les électeurs de droit pour organiser une élection papale dans les circonstances actuelles sont les Évêques fidèles» (voir son Dictamen Guide de base pour une élection papale, mai 1994). Les Canons «semblables» que le professeur a consultés sont les numéros 109, 166 ; «la pratique» de l'Église à laquelle il s'est référé fut trouvée dans une documentation digne de foi, Dictionnaire de la Théologie Catholique (art. Élection des papes), les «docteurs» qu'il a personnellement consultés, et quelques-uns des récents chercheurs (qu'il mentionne : abbé A.M. Zins, Daly J. Britons, H. Johas, K.-J. Mock), sont : Cajetan, Vitoria, St. Robert Bellarmine, Jean de St. Thomas, Dom Grea, L. Billot et Ch. Journet.
           
        "Dr. Homero Johas, professeur brésilien, avait affirmé que «Dieu ne détermine pas la forme de l'élection papale, mais la nécessité de l'élection papale continue à être de mandat divin». Puis, il discute le Droit de Suppléance sur la base des opinions des Docteurs de l'Église. Un autre chercheur, Mgr Charles Journet, se base sur la doctrine du grand théologien Cajetan et de Jean de St. Thomas pour affirmer que : En cas d'exception le pouvoir d'élire le pape est transféré à l'Église par restitution. «Exceptionnellement, par exemple, quand il est incertain qui sont vrais cardinaux, qui est vrai pape, comme il est arrivé au temps du Grand-schisme d'Occident, alors le pouvoir d'élire sera retourné à l'Église Universelle... Il revient à l'Église par restitution» (Cajetan, Apologia, chap. XIII). Restitution, au sens strictement canonique, comme Cajetan l'explique lui-même, signifie transmission de la part d'un supérieur à son inférieur immédiat... Dans notre cas, les électeurs de droit sont les Évêques fidèles, qu'ils soient nombreux ou pas, auxquels nous pouvons nous fier en nos temps présents.
           
        "Voilà déjà la réponse à la première question : Qui seront les électeurs légitimes du prochain Pape ? Pr. Tomas Tello Corraliza a précisé : «Reviennent exclusivement au corps des Évêques Sédévacantistes le devoir et le pouvoir d'élire un pape dans les circonstances actuelles». Une deuxième question a été soulevée et examinée par le même professeur : «Quelle sera la procédure à suivre pour une telle élection ?» Quand le pape Pie VI fut tenu prisonnier par Napoléon, il accorda de larges pouvoirs aux cardinaux pour décider sur la loi du Conclave ainsi que sur les réglementations en cérémonies, formalités concernant la suivante élection papale. Son successeur, Pie VII, en fit de même. Quant à Pie IX, suivant l'invasion des États pontificaux, il établit une législation spéciale à servir comme alternative au cas où les lois normales ne pourraient pas être observées. Professeur Corraliza cite tout cela du Dictionn. De la Théologie Catho., pour supporter sa déclaration : Les Évêques électeurs de droit sont souverains pour déterminer les conditions spécifiques et la procédure de cette élection, v.g. nombre et qualités des représentants électeurs, majorité requise, etc.
           
        "En pratique, la masse des fidèles ont à savoir qui sont, nominativement, les Évêques sédévacantistes dignes de confiance, qui restent fidèles à la Sainte Tradition de l'Église d'avant Vatican II et qui combattent les hérésies. Sont ils seulement parmi les successeurs apostoliques de l'Archevêque P. M. Ngo Dinh Thuc ? Ceux-ci pourtant, consacrés validement comparés aux innombrables faux évêques consacrés invalidement selon le rite nouveau, ne sont pas tous entièrement dignes de confiance. Par exemple, celui qui semble ignorer complètement ce qu'avait fait son Archevêque [Ngo Dinh Thuc] quand il écrivit : «Après l'Archevêque Lefebvre, Mgr Castro-Meyer est l'Évêque le plus connu parmi les traditionalistes...» La résignation de Mgr Castro-Meyer éteint le dernier espoir pour un évêque en position avec juridiction, pour accuser Jean Paul II d'hérésies. Un autre Évêque [de la lignée Thuc] semble déplorer la déclaration du 25 février 1982 de Mgr Ngo Dinh Thuc à Munic, quand il écrit de France : «En 1979, puis en 1981, spécialement en 1982 avec sa déclaration, Mgr Thuc nous a laissé un drôle d'héritage». Deux autres Évêques [de cette même lignée Thuc sédévacantiste] nous conseillent de rester tranquilles et prier, en attendant que Dieu intervienne en Son temps et à Sa manière.
           
        "Validement consacrés, ayant à cœur de combattre les hérésies et «anathématiser les hérétiques» (St. Martin 1er, pape martyr) afin de préserver la vraie Foi, de tels Évêques [sédévacantistes, qu'ils soient ou non de la lignée Thuc, veulent dire les auteurs] sont vrais successeurs des Apôtres, quoique leur nombre est minime. De rares religieux et religieuses, qui sont restés fidèles à leur vocation initiale, sont vivants idéaux de la Foi traditionnelle, comme précieux survivants d'espèces en voie de s'éteindre. De vrais fidèles laïcs, qui ont hérité d'une solide formation religieuse traditionnelle, sont multitudes mais ils restent silencieux pour la plupart. Que ces trois catégories, qui constituent la vraie Église du Christ, s'unissent pour prier et agir en vue d'un Nouveau Vrai Pape.
           
        "Notre-Dame de La Salette, priez pour nous.
           
        "Note. L'original en anglais daté du 6 Avril, cette version française le 8 août 1999" (fin de citation).
           
        Après avoir cité tout ce texte du plus haut intérêt pour la question du jour, il n'est pas difficile de voir que nos chorévêques byzantins se rangent exactement dans les mêmes arguments que ceux exposés il y a vingt-cinq ans par les sédévacantistes américains de mon texte...
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Mais voici comment je commentais ce texte apologétique des élections pseudo-pontificales sédévacantistes, il y a donc presque vingt-cinq ans maintenant, dans L'Impubliable :
           
        "Une erreur sédévacantiste d'aiguillage : l'élection hic et nunc d'un nouveau pape.
           
        "On l'a vu : la thèse sédévacantiste professe la vacance actuelle du Siège de Pierre. Or, la nature a horreur du vide, plus encore lorsqu'il s'agit de la vie sur-naturelle de l'Église, de laquelle dépend le salut de nos âmes : poser en principe que nous n'avons plus de pape depuis Vatican II pousse bon gré mal gré le sédévacantiste à aller jusqu'au bout de son raisonnement, à savoir tout mettre en œuvre dans l'Église pour procéder à l'élection d'un nouveau vrai pape, afin de supprimer l'insoutenable et insupportable absence du «doux Christ en terre» (sainte Catherine de Sienne). Certes, tous les sédévacantistes ne s'autorisent pas à aller jusque là (... ce qui, soit dit en passant mais il est important de le dire, ne les disculpe nullement du même gravissime péché de schisme dont se rendent coupables ceux qui vont jusque là, car, ne reconnaissant pas le pape actuel désigné infailliblement par l'Église Universelle, qui est François, ceux qui cantonnent leur sédévacantisme uniquement au non-una cum liturgique sans vouloir élire un nouveau pape, commettent autant ce péché matériellement mortel de schisme que ceux qui, parmi eux, allant jusqu'au bout du non-una cum liturgique, plus logiquement avec leurs principes et moins hypocritement, décident de faire un nouveau pape...), mais un certain nombre d'entre eux s'en font un devoir de conscience. C'est ainsi que, dans ces dernières années, des groupes sédévacantistes, en Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre, etc., ont été jusqu'à procéder concrètement à l'élection d'un nouveau... «pape». Qu'en penser ?
           
        "Face à cette «solution», la première question à se poser est celle-ci : dans le cas théologique précis de notre «crise de l'Église», cette «action» ecclésiale apporterait-elle une solution valable, une réparation théologiquement adéquate de l'Église, eu égard à sa divine Constitution ? La réponse est formellement négative, cette prétendue solution est totalement inadéquate. Pour la raison essentielle suivante : nous avons bien montré en effet dans notre étude que le problème théologique posé par «la crise de l'Église» n'est pas tant le fait d'un pape hérétique en tant que docteur privé que celui de toute l'Église Enseignante hérétique, puisqu'elle fut unanime dans la signature du décret sur la Liberté religieuse, una cum le pape. C'est infiniment autre chose, infiniment plus grave que le problème d'un simple pape hérétique en tant que docteur privé. En fait, il est capital de prendre bien conscience que ce qui est arrivé dans l'Église le 7 décembre 1965 avec la Liberté religieuse NE POUVAIT PAS ARRIVER SUR LE PLAN THÉOLOGIQUE. Donc, tout raisonnement exclusivement canonique de «la crise de l'Église» (et toute action subséquente, comme ici l'élection d'un nouveau pape), est radicalement impuissant à apporter la moindre solution : il n'y a pas de solution canonique à cela. Et d'ailleurs, si l'on en restait au premier degré du constat objectif, comme le feront les impies, il faudrait conclure que "les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église", au rebours de la promesse pourtant formelle du Christ. Il n'y a en effet AUCUNE solution canonique ou théologique à l'impasse que nous manifeste «la crise de l'Église» issue de Vatican II, quelle qu'elle soit, parce qu'elle est radicale et touche l'essence même de la Constitution divine de l'Église.
           
        "Seule l'appréciation mystique de la situation permet au catholique contemporain de comprendre ce qui se passe dans l'Église de son temps, par la Mystique de la très-sainte Passion du Christ, et de rentrer humblement le plus qu'il peut dans les Voies certes humainement incompréhensibles de la Sagesse divine : il n'y a plus qu'à contempler l'Église crucifiée, que l'on voit, tel Jésus, être «faite péché pour notre salut» (II Cor V, 21), un péché bien sûr matériel et non formel, les actes hérétiques de Vatican II ayant été posés seulement matériellement par les Pères de l'Église actuelle una cum Paul VI, c'est-à-dire en toute inadvertance du caractère hérétique formel des doctrines y professées, en prendre sa propre part de co-Rédemption dans sa vie personnelle de chrétien, puis attendre la Mort mystique de l'Épouse très-sainte du Christ dans son économie de salut actuelle dite du temps des nations et de Rome son centre (Mort mystique qui concrètement sera le règne de l'Antéchrist-personne), prélude indispensable à sa Résurrection dans le Millenium par la Parousie du Christ Glorieux venant venger l'outrage et l'opprobre suprêmes faite à l'Épouse immaculée du Christ et des âmes d'avoir été "faite péché"... mais pour le salut, comme le dit lapidairement si bien saint Paul à propos du Christ vivant et mourant sa Passion. Et ne pas se scandaliser de cette Heure certes terrible, affreuse, qui est l'abomination de la désolation dans le Lieu-Saint, car c'est d'elle que le Christ a dit : «C'est POUR cette Heure que Je suis venu» (Jn XII, 27).
           
        "On voit donc par-là à quel point est totalement inadéquate pour solutionner «la crise de l'Église», vraiment hors-sujet, l'élection d'un nouveau pape. À quoi servirait-il bien, en effet, d'élire un nouveau pape, à supposer que la chose soit possible (et nous allons voir qu'elle ne l'est pas du tout, et surtout pas par un "conclave d'évêques") ? À rien du tout, puisque cela ne réparerait nullement, sur le plan théologique, le fait qu'il y a eu dans l'Église le 7 décembre 1965 la promulgation d'une hérésie, quand bien même elle n'est que matérielle et non-formelle, non pas par un pape seul mais par tout le Collège Enseignant una cum le pape, c'est-à-dire par l'Église Universelle. Ce qui met l'Épouse du Christ dans l'économie de la Passion, laquelle, une fois mise en œuvre, ne peut plus se terminer que par la mort de l'Église dans son économie de salut actuelle, dite du temps des nations et de Rome son centre...
           
        "Et précisément, une preuve pratique que cette solution n'en est pas une, c'est que ceux qui ont cru devoir l'adopter n'ont pas réussi à réunir l'Église UNIVERSELLE, condition cependant indispensable pour procéder validement à l'élection d'un nouveau pape dans les conditions actuelles. Chaque groupe sédévacantiste qui a cru pouvoir procéder à «l'élection» d'un nouveau pape a pourtant bien prétendu réunir l'Église Universelle, mais, sensiblement dans le même laps de temps, ils ont été... plusieurs groupes sédévacantistes à faire ce raisonnement, et cela a abouti concrètement à la création de... trois «nouveaux papes» (significative analogie avec le Grand-Schisme d'Occident !), lesquels se partagent désormais une certaine obédience sédévacantiste (nous avons en effet un Pierre II, un Michel 1er, un Linus II... et à ces trois «anciens», il faut désormais rajouter un Pie XIII, ce dernier frais émoulu d'octobre 1998, tous issus de divers groupuscules sédévacantistes), preuve pratique que pour chacune de ces élections particulières, l'Église Universelle n'était nullement réunie, n'était pas au rendez-vous. Cela montre que le Saint-Esprit ne cautionne aucun de ces papes. Ce simple fait pratique est une preuve théologique de plus qui montre bien que la théorie sédévacantiste qui fonde cette action d'élire un nouveau pape, dont nous avons montré plus haut dans notre étude toute la spécieuse et hérétique fausseté, n'est pas valable.
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        "Mais il est temps de rappeler l'authentique doctrine de l'Église concernant les électeurs canoniques du Souverain Pontife. Le cardinal Charles Journet, cité trop évasivement par nos auteurs sédévacs américains, en faisait une synthèse remarquable en ces termes très précis : «Le pouvoir d'élire le pape réside formellement (c'est-à-dire, au sens aristotélicien, comme apte à procéder immédiatement à l'acte d'élection) dans l'Église Romaine, en comprenant dans l'Église Romaine les cardinaux-évêques qui sont, en quelque sorte, les suffragants de l'Évêque de Rome (le pape). C'est pourquoi, selon l'ordre canonique prévu, le droit d'élire le Pape appartiendra de fait aux cardinaux seuls. C'est pourquoi encore, quand les dispositions du droit canonique seraient irréalisables, ce serait aux membres certains de l'Église de Rome qu'il appartiendrait d'élire le Pape. À DÉFAUT DU CLERGÉ DE ROME, CE SERAIT À L'ÉGLISE UNIVERSELLE, dont le pape doit être l'Évêque» (L'Église du Verbe Incarné, Journet, p. 623). La question qui nous occupe donc, se résume ainsi très précisément : l'élection pontificale revient au Haut-Clergé de Rome ; à son défaut, elle revient au Bas-Clergé de Rome ; à son défaut encore, elle revient à l'Église Universelle, comme du reste l'ont fort bien noté nos sédévacs américains en rappelant Cajetan, ainsi qu'on l'a vu plus haut : «En cas d'exception le pouvoir d'élire le pape est transféré à l'Église par restitution. Exceptionnellement, par exemple, quand il est incertain qui sont vrais cardinaux, qui est vrai pape, comme il est arrivé au temps du Grand-Schisme d'Occident, alors le pouvoir d'élire sera retourné à l'Église Universelle... Il revient à l'Église par restitution. Restitution, au sens strictement canonique, comme Cajetan l'explique lui-même, signifie transmission de la part d'un supérieur à son inférieur immédiat...».
           
        "Ceci étant bien posé, supposons, pour suivre la thèse de nos sédévacantistes, que la solution théologique de notre «crise de l'Église» résiderait dans l'élection d'un nouveau pape par l'Église Universelle, l'Église romaine, dans son haut et bas clergé, ayant en corps défailli toute entière le 7 décembre 1965 par la signature à Vatican II du très-hérétique décret sur la Liberté religieuse. Toute la question reviendrait alors à définir «l'Église Universelle». Qu'est ce que l'Église Universelle, en matière d'élection pontificale ? La réponse est simple : l'Église Universelle, c'est la réunion de tous les membres enseignants avec les membres enseignés, sans distinction de rang ni d'autorité dans l'Église, ni surtout exclusions aucunes, c'est l'assemblée plénière de tous les fidèles du Christ actuellement intégrés à son Église, c'est-à-dire qui ne sont ni excommuniés, ni schismatiques, ni hérétiques, ni apostats, c'est vraiment l'universitas fidelium. Et c'est justement ici que nos sédévacantistes font une grave erreur d'aiguillage, d'où le titre de mon excursus, en faisant consister l'Église Universelle, pour ce qui est de l'élection pontificale extra-ordinaire, dans les seuls Évêques. Ainsi que je l'ai dis plus haut, leur erreur d'assimiler l'Église Universelle purement et simplement aux seuls Évêques certainement catholiques (... soit, pour eux : exclusivement ceux qui sont sédévacantistes !) est, quant à la Constitution divine de l'Église, fort grave, comme s'assimilant à l'hérétique conciliarisme.
           
        "À l'appui de leur thèse, les sédévacs américains citent l'exemple historique du Grand-Schisme d'Occident. Ils font très-bien, car c'est effectivement le seul cas dans toute l'histoire de l'Église où un pape fut élu par ce moyen très-extraordinaire d'un «conclave universel» qui, en l'occurrence, nous allons le constater, fut fort éloigné de n'être composé que des... seuls évêques, ce qui condamne la thèse de nos sédévacs américains (reprise de nos jours par nos chorévêques byzantins), qui, apparemment, n'en ont nullement pris conscience. Un mot, cependant, avant de continuer, sur ce mode très-exceptionnel de l'élection pontificale. Il faut bien comprendre, et nos auteurs l'ont parfaitement saisi dans leur petit dossier, à quel point ce mode d'élection par voie universelle est extraordinaire, et nécessite pour ainsi dire visiblement l'Assistance toute-puissante du Saint Esprit. Car par les voies humaines, la réunion de toute l'Église pour ne former qu'une seule voix, est radicalement IMPOSSIBLE. C'est pourquoi, l'Assistance divine était presque palpable dans cette élection de Martin V terminant le Grand-Schisme d'Occident. C'est vraiment un moyen de toute dernière extrémité au-delà duquel l'Église militante meure, qui nécessite quasi le miracle visible.
           
        "Penchons-nous à présent sur les électeurs de Martin V. Toutes les histoires ecclésiastiques les rangent en deux catégories bien marquées, bien distinctes l'une de l'autre, et nos auteurs eux-même n'ont pu s'empêcher de les distinguer ainsi dans leur article : il y a les vingt-six cardinaux de toute obédience des trois papes douteux d'un côté, et, de l'autre côté, les trente représentants des cinq Nations chrétiennes principales d'alors. On ne saurait mieux marquer la distinction membres enseignants et membres enseignés, dont la réunion, et elle seule, réalise théologiquement l'Église Universelle quant à la chose juridictionnelle dont dépend l'élection pontificale (nous ne sommes pas là en effet dans le domaine sacramentel ou celui de l'enseignement de la Foi, pour lequel, certes, les membres enseignants, c'est-à-dire le pape et les évêques, représentent, et eux seuls, l'Église Universelle). Là, on peut le dire, c'était vraiment l'Église Universelle qui était représentée par ces cinquante-six électeurs, composés de deux moitiés sensiblement égales de membres enseignants et de membres enseignés. Car en effet, notons avec soin que même s'il y avait (forcément) des évêques parmi ces trente représentants des cinq nations, ils ne l'étaient pas tous, et de plus, ceux qui l'étaient n'agirent au conclave nullement en tant qu'évêques de l'Église catholique, mais comme simples mandataires des nations.
           
        "Toutes les Histoires de l'Église le révèlent bien ; limitons-nous à deux exemples : dans sa célèbre Histoire universelle de l'Église catholique écrite au siècle dernier, l'abbé Rohrbacher, à propos de ces trente représentants des cinq nations principales de la Chrétienté ayant voix au conclave duquel sortira Martin V, emploie le mot très-révélateur de «députés». Députés de qui ? Pas de l'Église, mais des nations chrétiennes qui, ici, figurent les membres enseignés, les laïcs autrement dit (même nos auteurs sédévacantistes ne peuvent s'empêcher, dans leur texte, de classer ces électeurs qui ne furent pas cardinaux dans des "Groupes de Nations"). Or, quand on est «député», on n'a pas plus de pouvoir que celui qui nous députe, c'est en effet un principe formel de droit que le mandataire n'a pas plus de pouvoir que ceux possédés par son mandant. Autrement dit, les personnes juridiques des nations n'ayant nullement le pouvoir d'Ordre qui appartient exclusivement à l'Église, les députés qu'elles envoyaient au «conclave universel» pour les représenter, ne l'étaient nullement en tant qu'évêques, pour ceux qui l'étaient. Il est tout-à-fait inutile de préciser que les nations chrétiennes, en effet, dans l'Ordre de l'Église, ne sont pas des membres enseignants (quoique, dans l'ordre sociopolitique inhérent au Temps des Nations qui est le nôtre jusqu'au règne de l'Antéchrist, on peut les considérer comme des sortes d'Institutions divines sub-ordonnées à l'Église), elles sont théologiquement des personnes juridiques LAÏQUES intégrées aux membres enseignés, et leurs roys très-chrétiens, quoiqu'ayant une mission très grande dans le Plan divin du salut des âmes, ne sont que des «évêques du dehors». C'est pourquoi l'appellation de Rohrbacher dans son Histoire nous semble être la plus juste, à propos de ces représentants des «Groupes de Nations» : «députés», sous-entendus de tous les membres enseignés de l'Église Universelle, dûment représentés moralement par les cinq nations chrétiennes principales d'alors, France, Allemagne, Angleterre, Italie & Espagne. Un autre historien, Gaston Castella, désigne ces trente députés des nations ayant voix au conclave universel par la double dénomination fort significative pour notre sujet de : «prélats et docteurs», parce qu'elle laisse encore mieux entendre que s'il y eut des évêques parmi ces électeurs des nations, il y eut également des laïcs, docteurs de Sorbonne, Salamanque ou autres ("Prendraient part, cette fois-là, à l'élection, non seulement les cardinaux présents, mais trente prélats et docteurs, soit six de chacune des cinq nations" ― Histoire des papes illustrée, t. 1, p. 315).
           
        "Remarquons au passage que nos auteurs sédévacantistes américains semblent s'être rendus compte de leur bévue comme malgré eux puisque le dernier paragraphe de leur article en revient à plus d'orthodoxie : concluant d'une manière générale leur harangue sur la nécessité de faire un nouveau pape, ils font un appel solennel cette fois-ci non plus seulement aux seuls évêques sédévacantistes, mais ils leur adjoignent à parité les «rares religieux et religieuses restés fidèles à leur vocation initiale» et les «vrais fidèles laïcs qui sont multitude quoique silencieux pour la plupart» : «que ces trois catégories, qui constituent la vraie Église du Christ, s'unissent pour prier et agir en vue d'un Nouveau Vrai Pape». Là, ils sont dans le vrai (... sauf à considérer le "et agir" qui sent son activisme à plein nez...!, parce qu'il est rigoureusement impossible de toute impossibilité aux hommes de réunir l'Église Universelle dans les conditions actuelles post-vaticandeuses) : ces «trois catégories» forment effectivement l'Église Universelle, l'universitas fidelium, seule apte à procéder par un consensus omnium à l'élection d'un nouveau pape lorsque les cardinaux de la sainte Église romaine sont hors-course.
           
        "Retenons de tout ceci que la théologie pose deux choses fondamentales : 1/ Une élection pontificale par l'Église Universelle est une chose très-extraordinaire, qui nécessite quasi un miracle de Dieu ; 2/ Quant à l'élection pontificale, l'Église Universelle n'est pas représentée par les seuls Évêques, mais par l'ensemble de tous les fidèles catholiques vivant au moment où l'élection a lieu, universitas fidelium, qu'ils soient clercs ou laïcs, qu'ils aient ou non autorité dans l'Église, qu'ils soient membres enseignants ou enseignés. Tout le monde catholique doit être dûment représenté et c'est précisément pourquoi la réunion universelle de l'Église est si extraordinaire" (L'Impubliable, p. 285, note de fin de texte "v").
           
        J'exposais donc tout ceci dans L'Impubliable, 3ème édition du 25 décembre 1999. Mais onze ans auparavant, en 1988, je le formulais déjà dans L'extraordinaire Secret de La Salette, en ces termes : "Notons bien, en passant, que les évêques n'ont pas plus de pouvoir sur l'acte d'élection du pape que le simple catholique du rang, à quelque niveau que ce soit de l'élection. Ceci, pour sauvegarder le merveilleux équilibre constitutionnel de l'Église : si l'évêque avait un quelconque droit dans l'élection du pape, c'en serait bien fini de la liberté du pape ainsi élu !" (pp. 325-326)
 
.Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Et en effet. Faire élire un pape par les seuls évêques est anti-théologique au possible : souvenons-nous du concil(iabul)e de Bâle voire même de Constance à ses débuts, lesquels n'avaient rien moins en projet que de soumettre en principe le pape à tout concile général (qui sont composés des seuls évêques quant aux voix actives). Ce n'est qu'à fort grand'peine si l'Église romaine réussit, notamment grâce à l'action intelligente, pondérée, inspirée et persévérante, du pape Eugène IV (1431-1447) et de sa Curie, à sauvegarder sa constitution voulue par le Christ, à savoir que l'Autorité du Pape prévaut sur tout concile général. Or, depuis ces conciliabules du XVe siècle, très agressifs dans leur dernier avatar, celui de Bâle, étouffés d'extrême justesse, cette révolte contre l'Autorité pontificale ne cessa jamais : les hérésiarques parus dans l'Église depuis lors, qu'ils soient luthériens, calvinistes, hussites puis jansénistes et enfin modernistes, ont tous voulu battre en brèche l'autorité du Souverain Pontife, en voulant la plier démocratiquement aux voix épiscopales de l'Église, qu'on fasse résider ces voix dans des assemblées "parlementaires" d'Église, conçues comme de véritables "États généraux permanents de l'Église" reconductibles tacitement, ou bien dans des conciles nationaux, comme avec les jansénistes français. C'est d'ailleurs cette sourde mais continuelle et formidable révolte qui a fini par susciter la proclamation libératrice de Pie IX en 1870, concernant l'infaillibilité pontificale ex cathedra. Nonobstant le caractère anti-théologique et anti-constitutionnel de la chose, soumettre donc ne serait-ce qu'une seule élection pontificale à un conclave composé exclusivement d'évêques, ce serait du même coup créer un précédent des plus fâcheux dans la vie de l'Église militante, alors que les ennemis du Christ et de son Église n'ont jamais renoncé à abattre l'Autorité pontificale. Il est bien facile de comprendre qu'une fois ce "conclave d'évêques" canoniquement enregistré dans les annales ecclésiastiques, rien ni personne ne pourrait plus désormais contredire les prétentions indues des démocrates révolutionnaires qui veulent soumettre par principe le pape au concile général d'évêques. Ne serait-ce que pour cette raison, la thèse de nos auteurs sédévacantistes de faire élire le nouveau pape par les seuls évêques catholiques actuels, serait proscrite formellement.
           
        Conclusion générale : nonobstant la bonne intention des sédévacantistes qui veulent faire un nouveau pape au moyen d'un conclave d'évêques exclusivement de leur bord, croyant sincèrement quoique naïvement arranger ainsi les affaires, cette thèse est radicalement et absolument insoutenable, pour deux raisons théologiques fondamentales, dont une seule suffirait pour la débouter : 1/ Sur le plan théologique, l'élection d'un nouveau pape bien catholique ne réparerait en rien "la crise de l'Église", puisque l'Église a été "faite péché pour notre salut", qu'elle est rentrée dans l'économie de la Passion, le 7 décembre 1965, par la Liberté religieuse, et que rien, et surtout pas un nouveau pape, ne peut la sortir de la Passion que désormais elle endure à l'instar du Christ jusqu'à la mort, usque ad mortem, car elle est voulue par la Providence de Dieu ; 2/ L'élection d'un nouveau pape dans un conclave exclusivement composé d'évêques, même certainement catholiques, serait ipso-facto formellement invalide, car les seuls évêques ne représentent théologiquement nullement l'Église Universelle dans la procédure extraordinaire d'une élection pontificale.
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Pour qu'on comprenne bien à quel point il est dangereux de donner un quelconque pouvoir à l'évêque dans l'élection pontificale, je ne finirai pas cette mise au point sans citer de larges extraits de l'instructif article sur le conciliarisme contenu dans le Dictionnaire historique de la papauté, par Philippe Levillain, 1994 :
           
        "Conciliarisme. ― Le mouvement composite du conciliarisme, qui naquit dans les milieux du concile de Bâle (1431-1449), reposait sur la conviction que le pouvoir pontifical devait être tempéré. C'est pourquoi l'assemblée générale de l'Église (concile œcuménique) devait intervenir, même et surtout dans le cadre d'une véritable réforme de l'Église elle-même. Dans sa phase plus évoluée, c'est-à-dire du XIVe au XVe siècle, cette conception aurait pu conduire à la démocratisation de l'Église. (...) Les théories conciliaristes se développèrent à partir [des thèses émises par certains théologiens sur la déchéance par l'Église Universelle d'un pape hérétique, d'où leur prétention de faire passer l'Église Universelle par-dessus le pape, même ordinairement ; au passage, remarquez bien comme les motivations théologiques du sédévacantisme et du conciliarisme sont identiques...]. Un autre canoniste, Enrico da Susa († 1271), parla de l'Église comme d'une "corporation" dans laquelle l'autorité devait être exercée non seulement par le chef, mais aussi par les membres, l'autorité du chef étant limitée par le bien général. Ces idées seront reprises par Jean Quidort († 1306). Comme le pape, les Évêques reçoivent leur pouvoir directement de Dieu. En tant qu'administrateur d'une corporation, le pontife a le droit d'agir tant qu'il recherche le bien commun, mais il peut être jugé et déposé quand il ne le fait plus, car son autorité est le fruit d'une délégation humaine, obtenue par l'intermédiaire de l'Église représentée par les cardinaux électeurs [c'est exactement le raisonnement sédévacantiste : mais cela revient à professer hérétiquement l'inexistence du droit divin de la fonction pontificale...]. L'Évêque Guillaume Durand le Jeune († 1328) peut être considéré comme un autre "père" du conciliarisme. Avant toute véritable réforme, il pensait qu'il fallait d'abord diminuer un pouvoir pontifical exorbitant. Il souhaitait donc que l'Évêque retrouvât son ancienne importance [???] et que le concile œcuménique, cessant d'être un événement extraordinaire, fût convoqué tous les dix ans, en application du principe juridique selon lequel "quod omnes tangit ab omnibus approbari debet". Par conséquent, le concile n'était plus seulement une espèce de cour d'appel ou un instrument de pression sur un pape négligent, mais un véritable organe de contrôle, essentiel pour un bon fonctionnement du gouvernement ecclésiastique.
           
        "Le conciliarisme dans le Grand-Schisme d'Occident. ― La double élection pontificale de 1378, et l'impossibilité évidente de dénouer la situation en faisant appel à la bonne volonté des deux papes rivaux, amena théologiens et canonistes à réétudier les textes du droit canonique des deux derniers siècles afin d'en déduire des solutions possibles. Deux théologiens influents, Conrad de Gelnhausen († 1390) et Heinrich de Lagenstein († 1397), s'appuyèrent sur ces textes (et de nouveaux apports des maîtres Marsile de Padoue et Guillaume d'Ockham [ce qu'oublie de dire l'auteur, c'est que ces auteurs cités ne font pas particulièrement partie des meilleurs théologiens de l'Église : le conciliarisme s'appuie donc sur des théologies douteuses de docteurs situés pour le moins sur la frange de l'Église...]). En 1380, le premier publia l'Epistola concordiae, dans laquelle était exposée, pour la première fois de façon systématique, la thèse selon laquelle seule la "via concilii" pouvait résoudre la crise en cours. Il tirait les conséquences d'un critère ecclésiologique bien précis. L'Église universelle étant constituée par l'"universitas fidelium", la primauté revenait donc au concile général qui la représentait.
           
        "[il y a ici une précision excessivement importante à faire, que ne fait nullement l'auteur encyclopédique de cette notice, lequel semble prendre fait et cause pour la chose conciliariste qu'il expose, c'est à savoir que la "via concilii" n'est légitime que dans la situation extraordinaire où le pape est empêché ou inexistant ou douteux, par la loi d'épikie qui veut qu'en cas d'impossibilité de la loi supérieure (le pape, règle vivante et immédiate de la Foi), c'est la loi inférieure qui fait règle (l'Église Universelle, normalement représentée par le pape), mais la "via concilii" n'est point du tout légitime dans la situation ordinaire où le pape est dans le libre exercice de ses fonctions, car dans ce cas, c'est le pape qui, de droit divin, prend lui seul les rênes de l'Église ; autrement dit, à proportion même où le pape est empêché, l'Église universelle assume ce qu'il ne peut faire, mais il est capital de comprendre que l'inverse est encore plus vrai, à savoir qu'à proportion même où le pape peut agir librement et universellement, l'Église universelle concrétisée par la "via concilii" n'a strictement plus aucun pouvoir et s'efface complètement derrière lui. Et il ne faut pas insinuer faussement qu'il en était autrement dans les premiers siècles de l'Église en invoquant une mensongère "ancienne importance de l'évêque", comme le fait l'auteur : dès les premiers siècles chrétiens, toute l'orbe catholique reconnaissait dans le pape la règle première et prochaine de la Foi et de la discipline pour réformer l'Église. Même en Afrique. Même en Orient. Où, lors de la tenue de conciles plus ou moins œcuméniques, on ne les considérait comme obligeant de Foi que lorsqu'ils avaient reçu le placet du pape... Les monuments ecclésiastiques des saints Pères de l'Église sont sur cela sans équivoque et innombrables. Cette règle de la primauté du pape, l'histoire des concil(iabul)es de Pise, Constance, Bâle, etc., l'a d'ailleurs fort bien montré... au grand dam des conciliaristes : après avoir rempli leur mission essentielle consistant à redonner une tête à l'Église pour terminer le dramatique Grand-Schisme d'Occident, c'est ce nouveau pape qu'ils ont créé qui a ipso facto repris en main la gestion suprême de la loi, en tant que premier rector (ce qui s'est fait très difficilement car justement les conciliaristes voulaient toujours indûment, même une fois le pape fait, continuer à dominer dans l'Église sur le pape !) ; continuons cependant à lire cet article hélas insidieusement apologétique du conciliarisme, mais fort intéressant sur le plan documentaire pour bien comprendre l'erreur grave et profonde de nos sédévacantistes qui veulent faire élire un nouveau pape... par des évêques :].
           
        "Peu après, ses thèses étaient reprises par Lagenstein, auteur de l'Epistola concilli pacis. La conception conciliaire fut défendue tout particulièrement par les théologiens de l'université de Paris, creuset de ce gallicanisme où le conciliarisme puisa une grande partie de son argumentation doctrinale et politique [... ça n'est pas précisément une référence d'orthodoxie !]. En 1403, l'évêque Pierre d'Ailly († 1420) publia un traité savant dans lequel il justifiait l'utilité d'un concile universel dans lequel le vote ne serait pas limité aux Évêques, mais étendu aux théologiens et aux canonistes. Les docteurs de l'université de Bologne reprirent la doctrine de certains canonistes et rappelèrent que le pape pouvait être jugé en s'appuyant aussi sur le délit de schisme. Le fait de persister dans celui-ci pouvait être assimilé au crime d'hérésie. Ils ajoutaient que, si les cardinaux négligeaient de convoquer le concile, l'initiative pouvait être prise par quiconque avait à cœur le bien de l'Église [c'est parfaitement exact pour une situation hors-la-loi ordinaire où le pape est absent de l'Église, mais précisément n'oublions surtout pas que cet agir dans l'Église est extraordinaire, et non ordinaire, et ne mélangeons surtout pas les deux cas, comme il semble que fait l'auteur].
           
        "Le conciliarisme aux conciles de Pise, Constance et Bâle. ― C'est ainsi que l'on arriva à 1409 et à la décision déchirante des collèges cardinalices des deux "obédiences" de convoquer un concile à Pise sans (et contre) la volonté des papes. Dans cette assemblée très représentative étant donné la quantité et la qualité des participants, de claires professions de foi conciliariste furent exprimées, à commencer par le discours inaugural prononcé par Petros Filargès († 1410), largement inspiré par les écrits de Gelnhausen. On aboutit à la déposition formelle des deux rivaux [... par le concile lui-même, mais les deux rivaux en question, dont surtout le légitime et urbaniste Grégoire XII, n'avaient nullement donné leur accord à cette déposition ! Et d'autre part, certaines nations et villes restaient dans l'obédience de l'un ou l'autre : donc, l'Église Universelle n'était pas représentée dans le concile de Pise] et à l'élection de Filargès lui-même (qui devint Alexandre V [éphémère antipape dont on peut dire qu'il doit son élection de par la grâce du conciliarisme, et duquel Jean XXIII prendra la suite douteuse et mouvementée, jusqu'à son abdication forcée]).
           
        "Ce concile, première étape de l'application des théories conciliaristes à la vie de l'Église, permit celui de Constance et la fin du schisme. Son échec apparent, dû à l'obstination des deux papes à refuser les décisions de l'Église Universelle, ne détourna pas le plus grand nombre de continuer à penser que la voie conciliaire était la seule à suivre. Fort de cette amère expérience, le théologien et chroniqueur Dietrich von Niem († 1418) écrivit que le concile deviendrait un moyen efficace d'unification et de réforme s'il était pris en main par le détenteur du pouvoir temporel dans la chrétienté, l'empereur [!]. C'est ce qui eut lieu [... mais pas à la manière conciliariste, comme nous l'assure mensongèrement l'auteur tendancieux de cet article ; l'empereur Sigismond s'est effectivement montré très-zèlé pour procurer un nouveau pape à l'Église et pour éteindre le Grand-Schisme, prenant comme en main parfois les destinées du concile par des initiatives hardies auprès des prélats, mais il s'est immédiatement parfaitement soumis au pape dès que celui-ci fut créé...], et l'unité fut retrouvée grâce au concile de Constance (1414 1418) [au concile, oui, mais pas aux thèses conciliaristes...].
           
        "Surtout, le 6 avril 1415 fut promulgué le décret Hæc sancta. Celui-ci faisait du conciliarisme la doctrine officielle de l'Église dans des termes que l'on peut ainsi résumer : le concile universel est inspiré par le Saint-Esprit ; son pouvoir provient directement du Christ et il représente toute l'Église ; en conséquence, chacun, même revêtu de la dignité pontificale, est tenu de se conformer à ses décisions. Ce décret représente donc la sanction officielle du conciliarisme, sinon dans la forme qui voulait réduire le pape à un simple organe exécutif subordonné, du moins dans celle qui attribuait au concile une fonction d'"instance de contrôle" du pape [ce que dit l'auteur est gravement faux. Cedit décret ne fut pas du tout approuvé par le concile, pas même par tous les conciliaristes, et son enregistrement fut refusé dans les actes officiels après d'homériques batailles au sein de l'aula conciliaire entre les cardinaux avec lesquels s'étaient rangés tous les saints prélats du concile, d'une part, et les conciliaristes durs, d'autre part : le non-enregistrement de ce décret concocté par les "progressistes" du concile, était effectivement chose très importante, et il fut obtenu ; justement, pour le dire en passant, il est instructif au plus haut point de constater que ce même cas de figure s'est reproduit à l'identique dans Vatican II, mais cette fois-ci, ce sont les "progressistes" qui ont triomphé et qui ont réussi à faire enregistrer par toute l'Église leurs décrets hérétiques, très-notamment celui de la Liberté religieuse]. Par ailleurs, cette fonction [d'un concile universel omnipotent dans l'Église, même sur le pape] ne devait pas se limiter à des moments particuliers de crise, mais être permanente [c'est précisément là que réside toute l'hétérodoxie de la thèse conciliariste, qui n'a jamais été décrétée loi d'Église dans le concile de Constance, n'en déplaise à l'auteur ; au contraire, l'auteur aurait bien fait d'ajouter que dans ce même concile, on condamna Wicleff précisément sur cela, qu'il ne reconnaissait pas la suprématie du pape sur toute l'Église Universelle...].
           
        "En effet, par un autre décret, du 9 octobre 1417 (Frequens), le concile fixait des échéances périodiques précises pour la réunion des conciles généraux [là encore, ce décret ne fut pas plus approuvé que le précédent, Hæc sancta]. Si ces décisions solennelles avaient été appliquées par la suite, le visage de l'Église en aurait été transformé [... Oh oui certes !, mais pas pour la sanctification de l'Église, bien plutôt pour sa subversion destructrice par le démocratisme dit chrétien, dont Lamennais se fera le prophète quelques siècles plus tard, et que le Dauphin de France fustigera en ces termes remarquables, quand, à leur retour, il tancera d'importance les théologiens français qui s'étaient fait les promoteurs du conciliarisme au concile de Constance : "[Le conciliarisme] fut sévèrement blâmé à la cour de France. Les députés de l'université [qui l'avaient soutenu au Concile, Gerson en tête] y ayant paru, le dauphin, qui était encore Louis, duc de Guyenne, les reçut fort mal, et leur dit en colère : «Il y a longtemps que vous vous en faîtes un peu trop accroire, en vous donnant la liberté d'entreprendre des choses qui sont bien au-dessus de votre condition : ce qui a causé bien du désordre dans l'État. Mais qui vous a fait si hardis que d'avoir osé attaquer le Pape et lui enlever la tiare [en invoquant la thèse conciliariste que le pape est inférieur au concile universel, non pas un pape douteux, mais tout pape en tant que tel], en le dépouillant de sa dignité, comme vous avez fait à Constance ? Il ne vous reste plus, après cela, que d'entreprendre encore de disposer de la couronne du roi, mon seigneur, et de l'état de princes de son sang ; mais nous saurons bien vous en empêcher»" ― Rohrbacher, t. XXI, p. 152].
           
        "En revanche, la Curie romaine effectua un travail subtil et persévérant pour les rendre vaines [c'est tout à l'honneur de la Curie, qui, avec l'intelligent Eugène IV, étouffa avec grande diplomatie et douceur des moyens cette gravissime subversion naissante du conciliarisme, évitant avec beaucoup de tact tout combat frontal avec les dangereux tenants conciliaristes, ce qui finira par les isoler, puis les réduire comme tout naturellement ; ici, avec grande tristesse, on ne peut que rappeler à nouveau que c'est exactement l'inverse qui arriva à Vatican II, la Curie romaine représentée par le cardinal Ottaviani fut subvertie par les prélats progressistes du Rhin...]. (...) La papauté reprit rapidement en main la situation. (...) Pie II (naguère conciliariste à Bâle [mais seulement pour résoudre une situation extraordinaire de l'Église, ici le Grand-Schisme, et point du tout à la manière hétérodoxe qui veut que tout pape, en situation ordinaire de l'Église, est soumis au concile général, comme le sous-entend sournoisement l'auteur...]) arriva à formuler une condamnation explicite du conciliarisme par la bulle Exsecrabilis du 18 janvier 1460. Dès lors, les condamnations pontificales se succédèrent, mais l'idée ne cessa pas de circuler. (...) Sur le concile de Trente, bien que solidement tenu par les papes, plana encore le spectre du conciliarisme dont, parmi les épigones, se trouvent plusieurs positions ultérieures visant à accroître l'autorité des Évêques ou même celle des curés (richerisme)" (fin de citation).
           
        "L'idée ne cessa pas de circuler", moins encore les mauvais procédés pour l'accréditer, comme il arrive toujours d'être poussé à le faire quand on est dans le mauvais camp. C'est ainsi que les actes officiels du concile de Constance, ceux approuvés par le pape, furent falsifiés subtilement de la manière suivante : "En vérité, le conciliarisme est basé [entre autres] sur un faux en écriture. En décembre 1865, un prélat découvrit dans les archives de la bibliothèque vaticane les manuscrits originaux de toutes les sessions du concile de Constance. Il remarqua que des faussaires avaient recopié infidèlement les actes originaux : ils avaient remplacé un mot par un autre, en substituant la lettre «d» à la lettre «n». En changeant à peine une lettre de l'alphabet, ils transformèrent le mot «finem» en «fidem», ce qui donne un sens tout-à-fait différent. Car le concile de Constance se réunit pour mettre «fin» au schisme, et non pour juger la «foi» du pape (= donc soutenir que le concile serait supérieur au pape). «Ce synode, légitimement assemblé au nom du Saint-Esprit, formant un concile général représentant l'Église catholique militante, tient immédiatement de Jésus-Christ son pouvoir, auquel toute personne de tout état, de toute dignité, même papale, est tenue d'obéir, en ce qui regarde l'extinction et l'extirpation dudit schisme (obedire tenetur in his qui æpertinent ad FINEM et extirpationem dicti schismatis)» (concile de Constance, IVe session du 30 mars 1414). FAUSSE version : «est tenus d'obéir en ce qui regarde la foi et l'extirpation dudit schisme»" (Mystère d'iniquité, etc., pp. 103-104).
           
        Le lecteur, qui saisit bien pourquoi j'ai cité longuement l'article du Dictionnaire de Levillain augmenté du petit appendice complémentaire sur la falsification des actes du concile de Constance, est mieux à même de comprendre à présent combien l'élection d'un pape par un conclave formé exclusivement d'évêques est totalement proscrite, sur le plan théologique. En aucun cas, et surtout pas le nôtre, elle ne saurait apporter la moindre "solution", aggravant au contraire d'une manière extrêmement dangereuse la situation…
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Portons notre réflexion, à présent, sur le fond du problème. D'où vient cette très-mauvaise et déplorable idée de "faire un pape bien catholique" dans le contexte ecclésial actuel ? Elle vient, on le sait, nous l'avons vu, de la thèse sédévacantiste, qui est d'abord une hérésie quant à la doctrine de la Légitimité pontificale, puis un schisme lorsque ses tenants, ses adeptes, la mettent en œuvre, déniant à François son caractère certain de vrai Vicaire du Christ actuel.
           
        La doctrine catholique quant à la Légitimité pontificale est pourtant excessivement simple et claire : c'est l'Église Universelle, dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique des deux/tiers plus un, qui fait formellement le pape actuel, verus papa.
           
        Dès lors donc que le catholique, du plus haut rang ou au contraire du rang le plus modeste dans la chrétienté, sait que les cardinaux ont élu puis reconnu au nom de l'Église Universelle un tel comme pape actuel (et les cardinaux agissent toujours au nom de l'Église Universelle, in Persona Ecclesiae, dès lors qu'ils élisent un pape dans un conclave dûment réuni), il a l'obligation formelle de croire que celui-là est le pape que Jésus-Christ lui donne pour ses jours terrestres actuels, sous peine de s'exclure lui-même soi-même ipso-facto de l'Église, de s'auto-anathématiser sur le champ dès le moment où il refuse de faire obédience à ce nouveau pape. C'est pourquoi nous avons vu, dans un mien article fouillé sur le sujet dont j'ai mis le lien Internet au début de ces lignes, que le grand théologien thomiste Jean de Saint-Thomas professe : "Dès que les hommes voient ou apprennent qu’un pape a été élu, ils sont obligés de croire que cet homme est le pape, et de l’accepter" (Cursus Thelogicus, t. VI, questions 1-7, Sur la Foi, Disputation VIII, 1640).
           
        Notons avec grand'soin que Jean de Saint-Thomas ne fait pas rentrer le criterium de la Foi dans l'obligation de la croyance "que cet homme est le pape" mais UNIQUEMENT le criterium de l'Église Universelle : dès lors qu'elle a parlé par l'organe des cardinaux, et l'Église Universelle le fait toujours infailliblement de par le Saint-Esprit, la croyance de fide est actée et obligatoire pour tout fidèle. Par ailleurs, le jugement de la Foi du papabile puis du pape est commis dans les seules mains des cardinaux, et non point du tout dans celles des simples "membres enseignés" comme le croient, dans un raisonnement de libre-examen hétérodoxe luthérien, les sédévacantistes (ils peuvent certes, par l'intellect seulement, prendre acte que le Magistère des papes moderne est doctrinalement défectueux, mais qu'ils comprennent bien que cette prise de conscience purement intellectuelle de leur part, comme au reste de la part de tous les catholiques dignes de ce nom, ne leur donne aucun pouvoir, aucun droit, sur le plan théologique, pour juger le pape moderne au sens fort, c'est-à-dire le déclarer déchu, pouvoir de déchéance pontificale qui est, là encore, aux seules mains des cardinaux dans leur majorité canonique).
           
        C'est pourquoi, tout catholique actuel a l'obligation formelle de professer que François est notre pape actuel puisqu'il est le sujet avéré de l'infaillible pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, règle prochaine de la Légitimité pontificale, par laquelle le Saint-Esprit parle depuis 2013 à toute âme vivante fidèle.
           
        Pour refuser en rebelles revolvere la Foi de l'Église en matière de Légitimité pontificale, s'anathématisant ainsi eux-mêmes très-certainement, les sédévacantistes vont jusque dans les plus folles "solutions", les plus déjantées, dont celle de nos chorévêques byzantins n'est qu'un échantillon. On les voit se diviser en plusieurs groupes.
           
        1/ Le premier groupe en reste paresseusement au non-una cum liturgique et ne va pas plus loin. Ces communautés réunissent le plus grand nombre (relatif) des sédévacantistes. Les adeptes de ce premier groupe, de toutes façons, je l'ai rappelé plus haut, commettent un péché de schisme aussi grave que les sédévacs qui, allant plus logiquement au bout du toub de leur positionnement hérétique, pseudo-élisent des papes par assemblée d'évêques, ou s'auto-élisent des papes du passé, Paul VI ou Benoît XVI, par survivantisme. Car qu'on comprenne bien les choses : ce qui fait le péché de schisme, c'est le refus de croire que François est notre pape actuel, quelque soit la manière dont ce refus est posé. Or, ce refus est formellement acté rien que par le non-una cum liturgique, même si le sédévac ne se choisit pas un autre pseudo-pape actuel, par pseudo-conclave d'évêques ou par survivantisme non moins pseudo.
           
        2/ Le deuxième groupe est constitué par les sédévacantistes radicaux qui, non satisfaits dans leur Foi sédévac par le seul non-una cum liturgique y adjoigne l'obligatoire nécessité d'élire un nouveau pape par assemblée pseudo-conclavique d'évêques. Ceux-là sont très-peu nombreux, d'autant plus qu'ils se divisent en plusieurs factions puisque chacune, prétendant à faux représenter l'Église Universelle, a élu "son" pape, quatre à ma connaissance sans que je sois très-sûr du nombre. C'est évidemment dans ce groupe-là que se situe le Patriarcat Catholique Byzantin... quand bien même, dans son cas, on ne sait même pas si l'heureux élu pour remplacer François, Mgr Viganò, a accepté ou bien non sa pseudo-élection au Siège de Pierre ! Cependant, tous ces pseudo-papes sédévacs le sont ex nihilo, théologiquement tirés du néant et devant y retourner tôt ou tard... Pour la (très) petite histoire, je consigne ici que le pseudo-pape original et illuminé Pierre II m'avait téléphoné un jour, c'était un... garagiste de profession, qui, quant à lui, avait reçu son pseudo-Souverain Pontificat... directement du Ciel, par révélation privée, et, m'avait-il précisé très-fièrement, il était aussi... une ceinture noire de karaté, un dan (... rien à voir avec la tribu juive de Dan, de laquelle certains Pères de l'Église veulent voir sortir l'Antéchrist-personne...!!!) ; je me rappelle avoir eu du mal à ne pas rire, Dieu me pardonne, et qu'Il daigne aussi avoir fait miséricorde à ce pauvre illuminé de Pierre II, parce que je pense qu'il doit être décédé maintenant, rip.
           
        3/ Le troisième et dernier groupe est constitué par les sédévacs survivantistes. Ceux-là se subdivisent en deux catégories, dont la première, certes, est la plus déjantée.
           
        a) Les adeptes de "la survie physique de Paul VI" (... si, si, il en existe encore, je suis fort bien placé pour le savoir !) : des brontosaures de Jurassic Park, qui, s'imaginant dans les vaps une "conversion" de Paul VI dont ils n'ont strictement aucune preuve mais qui l'aurait rendu aussi blanc doctrinalement que sa soutane pontificale, vivent désormais, en 2023, leur survivantisme pontifical en schizophrènes isolés dans leurs têtes et sur leur île-laboratoire, comme dans le film... Non seulement ils n'ont aucune preuve de la "conversion" de leur pape survivant, mais ils n'en ont pas plus de son existence physique, pas l'ombre de l'ombre du plus petit indice, après la mort de Paul VI, le 6 août 1978 : ce qui ne les empêche nullement de toujours croire à... "la survie de Paul VI" (qui, né en 1897, aurait actuellement... 126 ans), dans un fidéisme surréaliste bétonné en forme de bunker, résolument à toute épreuve...!
           
        b) Les adeptes de la survie, seulement théologique cette fois-ci, de Benoît XVI. Ceux-là, contrairement aux premiers survivantistes, ne croient pas à une survie physique de Benoît XVI, mais seulement à sa survie théologique à partir de 2013, déclarant invalide son abdication de la fonction pontificale suprême. C'est-à-dire que, premièrement, ils croient que François n'est pas pape, et deuxièmement, à l'instar des adeptes de "la survie de Paul VI" qui veulent s'amouracher d'un Paul VI converti après lequel, pontificalement parlant, il n'y aurait rigoureusement plus rien sur le Siège de Pierre, Benoît XVI serait, lui aussi, le dernier pape vraiment catholique de l'Église catholique, apostolique et romaine. Ils vivent donc de sa doctrine (enfin, de ce qu'ils veulent en prendre de catholique, mettant de sérieuses œillères très-rabattues sur leurs yeux pour ne pas voir les professions de foi ratzingériennes parfaitement modernistes que j'ai eu la tristesse de relater dans cet article : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/Que%20le%20pape%20Beno%C3%AEt%20XVI,%20MALGR%C3%89%20%20TOUT,%20repose%20en%20paix%20dans%20le%20Christ?Itemid=1), tirant un trait sur le présent Magistère pontifical de François qui crucifie l'Église...
           
        Le point commun entre ces deux sortes de sédévacantisme-survivantisme réside dans le fait que leurs adeptes respectifs vivent dans leurs têtes avec un pape imaginaire qui serait doctrinalement "tout blanc", bien catholique, qui ne crucifierait pas l'Épouse du Christ, au contraire, qui la garderait avec soin d'être sous "la puissance des ténèbres". Or, justement, c'est précisément par-là même qu'ils se trompent le plus complètement et le plus radicalement possible dans leur compréhension de "la crise de l'Église". Par cette illusion qu'on pourrait retrouver un pape doctrinalement "tout blanc" aux temps de la "PASSION DE L'ÉGLISE" que nous vivons et mourons présentement, illusion que l'ange des fausses lumières, en riant, attise dans leurs âmes, ils rejettent ce que le Saint-Esprit fait vivre à l'Église aujourd'hui : sa Passion propre et personnelle, c'est-à-dire le "être fait péché" ecclésial opéré par la papauté elle-même, et donc se mettent par-là même hors de l'Église sur le plan spirituel. C'est-à-dire que les survivantistes n'ont rien compris à rien de "la crise de l'Église", qui est "PASSION DE L'ÉGLISE".
           
        C'est en effet par la papauté au premier chef, c'est bien le cas de le dire, que, dans notre âge moderne, l'Église est "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21), qu'elle en est crucifiée usque ad mortem, jusqu'à ce que mort s'ensuive dans et par le règne de l'Antéchrist-personne... Il faut même aller plus loin, si l'on veut comprendre le fond mystique de la question : c'est le Saint-Esprit qui aveugle les papes modernes POUR QUE ils crucifient l'Église sans même s'en rendre compte, car Sa volonté est de faire vivre la Passion à l'Épouse du Christ ; exactement comme le Père VOULAIT la Passion de son Fils, non pas faut-il le dire pour la Passion en elle-même mais pour son fruit surnaturel de grâce. Vouloir donc vivre avec un pape doctrinalement "tout blanc", un pape qui ne serait pas le surnaturel instrument de "LA PASSION DE L'ÉGLISE", est donc rejeter ce que Dieu fait vivre à l'Église contemporaine, juste dire qu'on ne comprend rien à rien de ce que le Saint-Esprit fait vivre à l'Épouse du Christ en nos jours.
           
        Car en outre, cela ne remonte pas à hier : les papes ont mis l'Église en état de péché matériel inhérent à l'économie de la Passion d'abord au niveau des Mœurs, et ce fut le pape Pie VII qui initia la chose dès le sortir de la Révolution, dès 1801, par l'abominable Concordat napoléonien qui fut rien moins que le "Vatican II des Mœurs", auxquelles Mœurs sont inhérentes les choses de la Politique constitutionnelle ; puis il en a été de même au niveau de la Foi, pour sceller la longue contamination occulte des Mœurs corrompant de plus en plus la Foi pendant plus d'un siècle et demi, et ce fut Paul VI qui en fut le maître d'œuvre au moyen de Vatican II et de son décret le plus exécrable, la Liberté religieuse, le 7 décembre 1965.
           
        Mais nos survivantistes pontificaux sont dans cette illusion totale de vouloir s'abstraire de la Volonté du Père et du Saint-Esprit de faire vivre l'économie de la Passion à l'Église. Ils disent en leurs âmes rebelles et obscurantistes : "Père, que ce calice s'éloigne de moi, et pour qu'il en soit bien ainsi, que Ta volonté, ô Père, NE soit PAS faite !"
           
        Voyez par exemple ce récent article du site Benoît & moi, dont sa responsable est complètement obnubilée par la seule personne pontificale de Benoît XVI qu'elle veut voir doctrinalement "tout blanc", en en faisant quasi une religion (suivant d'ailleurs en cela les traces des survivantistes première mouture, qui veulent voir Paul VI comme le pape martyr de la fin des temps) :
 
Benedikt hat nie abgedankt2
 
Benedikt hat nie abgedankt
 
"Benoît XVI n’a jamais abdiqué"
           
           
        "Giuseppe Nardi
           
        "katholisches.info/
           
        "3 août 2023 
           
        "(Rome) Peu avant le départ du pape François pour le Portugal [pour les JMJ à Lisbonne], un incident s’est produit dimanche dernier sur la place Saint-Pierre. Lors de l’Angélus dominical, une femme a montré une banderole sur laquelle on pouvait lire : «Benoît XVI n’a jamais abdiqué». 
           
        "Le message qui persiste depuis dix ans.
           
        "Ce message correspond à celui qui, deux semaines plus tôt, le 16 juillet, également un dimanche, avait été affiché par un avion sous forme de banderole au-dessus de la côte au large de Rome. L’avion volait vers le sud depuis Ostie, le long d’une côte envahie par les visiteurs de la plage.
           
        "Il n’est pas possible de dire s’il existe un lien entre les deux événements. On peut toutefois supposer que ce message veut exprimer un rejet de l’actuel pontificat du pape François. Un rejet qui est si grand dans certaines parties de l’Église qu’elles continuent à se référer à Benoît XVI même après sa mort.
           
        "Cela montre que la combinaison de l’abdication surprenante et jusqu’à aujourd’hui pas vraiment explicable de Benoît XVI et du pontificat de François qui a suivi, a infligé une blessure profonde à l’Église" (cf. https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2023/08/03/le-message-quon-ne-peut-pas-faire-taire-benoit-xvi-na-pas-abdique/).
           
        Ce site, qui véhicule sans trop le dire la survivance théologique de Benoît XVI (et donc, suivez mon regard, l'invalidité de François comme pape), est aussi clivé que les adeptes de la survie de Paul VI pour considérer que c'est le dernier pape légitime de l'Église catholique parce qu'il est doctrinalement impeccable (...!) : ainsi, après son décès, le site a créé toute une rubrique "École Ratzinger", pour toujours vivre doctrinalement du meilleur de lui, en tant que chef de l'Église... faisant totale abstraction ou plutôt obstruction sur le fait que Benoît XVI, lorsqu'il était sur le Siège de Pierre, mettait l'Église sous "la puissance des ténèbres" mortifères rien qu'en la soumettant à Vatican II et à la Liberté religieuse... pour en rester là.
           
        ... Savez-vous à qui me font penser les sédévacantistes, qu'ils soient survivantistes ou non ? Ils me font penser à la racaille du peuple juif qui préférait le criminel Barrabas à son Sauveur Jésus-Christ, lorsqu'Il comparaissait devant Pilate, dans sa Passion...
           
        Où se situe le Sauveur, de nos jours ? Le Sauveur, dans tous les temps de l'Église y compris celui de la fin des fins, le nôtre par conséquent, c'est le pape actuel, "le doux christ en terre" comme l'appelait sainte Catherine de Sienne. Or, le Saint-Esprit désigne infailliblement François pour être, de nos jours, ce "doux christ en terre" ! Comme cela semble contradictoire !! C'est certes, au premier examen superficiel, vraiment la "si grande contradiction" (Heb XII, 3) inhérente à "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Et cependant, si nous voulions bien rentrer humblement dans les Desseins et les Agirs du Saint-Esprit, au lieu de nous croire plus malin que Lui pour le salut de l'humanité...?? Le pape Bergoglio, en crucifiant véritablement l'Église, n'agit-il pas en croyant faire le MIEUX DU MIEUX alors qu'en fait il fait le PIRE DU PIRE, exactement comme, peu ou prou, tous les papes modernes le font depuis Vatican II pour faire court ? Par cet aveuglement total où demeurent leurs esprits, et qui est une disposition de la Providence divine à leur égard, le Saint-Esprit se sert d'eux comme d'instruments pour faire vivre la Passion à l'Église, c'est trop sûr.
           
        Mais, l'économie de la Passion est-elle, en soi, un péché ? Non, bien sûr. Loin de l'être, la première Passion, celle archétypale du Christ, nous mérita la Rédemption parfaite et plénière. Il en sera de même lors de la seconde Passion, celle de l'Église : lorsqu'elle sera finie, par sa mort arrivée dans le règne de l'Antéchrist-personne, elle nous méritera un surcroît de grâce inouï en faisant advenir parmi nous le Millenium, nouvelle économie de salut qui monte d'un palier vers le Ciel par rapport à l'économie de l'Église actuelle, dite du temps des nations et de Rome son centre.
           
        Or, puisque François est désigné par le Saint-Esprit pour être le légitime pape actuel, digitus Dei hic est, alors, si l'on veut bien saisir les choses, il ne faut pas le voir dans sa personne humaine pontificale, il faut le voir comme représentant l'Église elle-même, in Persona Ecclesiæ. Prenant la suite et succession de tous les papes modernes, François crucifie certes l'Église, en en rajoutant une sérieuse couche quant à lui, quoique en toute inadvertance, mais encore, dans sa fonction suréminente, il est aussi, mystérieusement, L'ÉGLISE ELLE-MÊME. Et c'est en représentant de droit divin l'Épouse-Église que le pape François Bergoglio représente en surnaturelle décalcomanie LE CHRIST DE LA PASSION. En fait, ce n'est pas lui qui représente le Christ de la Passion, mais l'Église-Épouse qu'il représente, c'est elle qui représente le Christ de la Passion. Il faut certes s'élever très-haut pour comprendre cela, mais il est plutôt conseiller de le faire, ou du moins de s'y essayer, si l'on ne veut pas courir après des Barrabas au lieu de suivre le Christ...
           
        À quoi ressemblent les sédévacantistes qui ne veulent pas du pape que leur envoie le Saint-Esprit, mais qui s'en inventent criminellement de toutes sortes par le péché d'hérésie et de schisme ? Ne ressemblent-ils pas à la populace juive qui, lors de la Passion du Christ, criait "Barrabas !" au lieu de "Jésus !"...?
           
        Le Patriarcat Catholique Byzantin qui s'est créé un pseudo-pape... qui n'existe même pas, probablement, en tant que pseudo-pape, crie : "Barrabas !"
           
        Tous ces sédévacantistes s'assemblant fébrilement dans des pseudo-conclaves d'évêques, comme le firent nos américains, créant des Linus II, des Michel 1er, des Pie XIII, crient : "Barrabas !"
           
        Les sédévacs illuminés qui, tel Pierre II, s'auto-élisent pape par pseudo-révélation privée, crient : "Barrabas !"
           
        Les sédévacs qui s'en tiennent au non-una cum liturgique, sans créer des pseudo-papes mais en rejetant la légitimité de François, eux aussi crient à pleins poumons : "Barrabas !"
           
        Les sédévac-survivantistes de "la survie physique de Paul VI", crient tout aussi fort : "Barrabas !"
           
        Les sédévac-survivantistes de la survie seulement théologique de Benoît XVI, crient : "Barrabas !"
           
        Ils donnent tous leurs cœurs et leurs âmes à Barrabas le criminel, parce que c'est par le crime d'hérésie et de schisme qu'ils se créent leurs pseudo-papes et/ou en rejetant simplement le vrai pape actuel désigné par le Saint-Esprit, c'est-à-dire François. Tous, en effet, préfèrent s'acoquiner du criminel, c'est-à-dire du crime d'hérésie et de schisme, plutôt que de suivre le Saint-Esprit révélant "LA PASSION DE L'ÉGLISE" en désignant infailliblement François comme pape actuel. 
           
        Notre-Seigneur fait remarquer aux pharisiens que c'est à tort qu'ils se vantent de faire mieux que leurs pères qui ont tué les prophètes, car en vérité ils commettent le même crime qu'eux. Les sédévacs font exactement de même : ils s'imaginent qu'ils n'auraient jamais fait ce qu'ont fait les juifs en préférant Barrabas au Christ lors de la Passion, un criminel au Juste. Mais lors de la Passion présente, non plus du Christ mais de l'Épouse-Église, on les voit préférer, par crime d'hérésie puis de schisme, les papes de leur choix au lieu du pape que le Saint-Esprit donne à l'Église pour vivre et mourir sa Passion, et qui est actuellement François. C'est exactement comme s'ils criaient "Barrabas !" au lieu de Jésus-Christ...
           
        Il ne va pas être mauvais, d'ailleurs, de relire cet anathème du Christ : "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes, et qui ornez les monuments des justes, et qui dites : «Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes». Par là, vous témoignez contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Comblez donc aussi la mesure de vos pères. Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au jugement de la géhenne ? C'est pourquoi, voici que Je vous envoie des prophètes, et des sages, et des scribes ; et vous tuerez et crucifierez les uns, et vous flagellerez les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre, depuis le sang d'Abel le juste, jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel. En vérité, Je vous le dis, toutes ces choses retomberont sur cette génération" (Matth XXIII, 29-36)
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        Nous avons vu avec nos byzantins jusqu'où peut aller la folie des sédévacs : se créer un pseudo-pape dont on ne sait même pas s'il existe puisqu'on ne sait pas si Mgr Viganò a accepté ou refusé sa pseudo-élection pontificale !
           
        Mais il est fort peccamineux, sur le plan de la Foi, de créer des faux papes, car c'est là titiller très-dangereusement la fibre mauvaise de l'homme, sa tendance au sectarisme et au fanatisme, son prurit luciférien de se passer de l'Église que Dieu nous donne par le Sacrifice de son Fils, en s'en auto-créant une soi-même pour auto-gérer le propre cosmos de salut qu'on s'invente, en gnostique... ce qui commence bien évidemment par s'auto-créer un pape de son choix. Il y a des précédents historiques qui montrent fort bien cette dangerosité extrême pour le salut de l'homme. Créer un faux pape est un très-grave péché pour celui qui le commet, car il peut avoir de très-graves suites. Le Grand-Schisme d'Occident nous en donne un exemple frappant, avec la figure de l'antipape Benoît XIII, très-entêté de son pseudo-pontificat et élisant un successeur, même après l'élection légitime du vrai pape, Martin V. Cette page historique est remplie d'une grande leçon pour notre sujet, que les sédévacantistes qui osent élire des pseudo-papes la lisent avec attention :
           
        "Et si les papes d’Avignon existaient toujours ?…
           
        "Les antipapes du Moyen-Âge n’ont pas eu de postérité, même si une séduisante légende s’est forgée autour de la figure de Pedro de Luna (1329–1423), originaire d’Aragon, qui devint pape à Avignon en 1394 et prit le nom de Benoît XIII. Après de multiples péripéties, l’Occident se retrouva en 1409 avec trois papes. La crise fut finalement surmontée, mais Benoît XIII, retiré en Aragon, refusa le compromis qui avait mis fin au grand schisme [par l'élection de Martin V au Siège de Pierre, en 1417]. Il désigna quatre cardinaux : trois d’entre eux choisirent à sa mort un nouveau pape, Clément VIII, qui abdiqua en 1429 en reconnaissant le pape de Rome, Martin V.
           
        "Mais l’un des cardinaux de Pedro de Luna s’obstina dans sa résistance : il se nommait Jean Carrier et, arrivé par la suite, contesta pour simonie l’élection de Clément VIII. Il aurait alors élu seul un pape en 1425 en la personne d’un prêtre, Bernard Garnier, même si ce dernier contesta avoir été appelé à cette fonction. Jean Carrier mourut en prison, quasiment abandonné, en 1433. Il y eut cependant des paysans du Rouergue qui restèrent fidèles à l’héritage de Pedro de Luna et finirent par mener une existence de proscrits dans les gorges du Viaur, mais les derniers moururent ou furent condamnés en 1467 (leur histoire a été racontée dans un article ancien par Noël Valois, “La prolongation du Grand Schisme d’Occident au XVe siècle dans le Midi de la France”, Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, t. 36, 1899, pp. 162–195 ; voir également Nicole Lemaître, Le Rouergue flamboyant : le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez, 1417–1563, Paris, éd. du Cerf, 1988, pp. 87–99.)
           
        "Fascinés par le destin de ces ultimes fidèles, certains auteurs contemporains ont cependant laissé entendre que l’Église avignonnaise aurait clandestinement survécu jusqu’à aujourd’hui. On doit notamment la diffusion de cette thèse à Pierre Geyraud, qui a consacré à “Une survivance secrète du Grand Schisme d’Occident” un chapitre de son livre L’Occultisme à Paris (Paris, Éditions Émile-Paul-Frères, 1953, pp. 161–177). Selon Geyraud, l’Église catholique apostolique avignonnaise durerait “à travers les siècles par la personne d’un successeur légitime”: celui-ci porterait le titre d’”Évêque d’Avignon, Vicaire de Jésus-Christ, successeur du Prince des Apôtres, Pontife Suprême de l’Église universelle, Patriarche d’Occident, Primat de France, Archevêque et Métropolitain de la Province Avignonnaise, humblement régnant”. Le Saint-Siège avignonnais serait secrètement installé dans un monastère en Suisse. Geyraud lui attribuait douze cardinaux, une vingtaine de préfets apostoliques, des évêques et quelque 10.000 fidèles tenus au secret. Certains éminents prélats de l’Église catholique romaine y appartiendraient. L’Église avignonnaise, toujours selon Geyraud, aurait décidé de “conférer à l’Église romaine la légitimité pontificale qui lui manque, afin de légitimer son action”: “À chaque élection d’un nouveau pape romain, notification écrite lui est donnée par le pape avignonnais qu’il devient son mandataire”. Il est à peine besoin de préciser que le Vatican dément avoir jamais reçu de telles notifications…
           
        "Si la légende de la survivance de la papauté avignonnaise et de la résistance de Pedro de Luna et de Jean Carrier ne semble pouvoir s’appuyer sur aucune preuve historique, elle ne cesse de fasciner : il m’est déjà arrivé de recevoir des courriers de personnes espérant que je pourrais les aider à identifier le monastère suisse supposé abriter le pape d’Avignon" (cf. l'article très-intéressant de Jean-François Mayer, d'où je tire cet extrait, Quand le pape n'est plus à Rome : antipapes et sédévacantistes, au lien suivant : https://www.orbis.info/2013/03/quand-le-pape-nest-plus-a-rome-antipapes-et-sedevacantistes/).
           
        Pour éviter d'aboutir à ce genre de folies honteuses, très-dangereuses pour le salut non seulement de sa propre âme mais de celles qu'on contamine par la pseudo-création de faux papes, et qu'on contamine possiblement après sa propre mort sans pouvoir plus y apporter aucun remède, il ne reste plus aux sédévacantistes qu'à admettre le devoir formel de Foi que leur intime la règle prochaine de la Légitimité pontificale, devoir qui leur est tout tracé pour redevenir de bons catholiques, ce que je leur souhaite bien sincèrement : puisque la désignation-reconnaissance ecclésiale universelle du pape fait infailliblement le vrai pape, verus papa, majeure, puisque François est le pape actuel qui en bénéficie formellement, mineure, les sédévacantistes de toutes mouvances ont donc, conclusion, sous peine d'anathème formel, à professer que François est le vrai pape actuel. C'est le devoir de tout catholique digne de ce nom, qui ne se fabrique pas orgueilleusement ex nihilo son église voire même son pape par une pseudo-élection lors d'un synode conclavique ou par auto-élection dans les nuages d'un pape du passé, mais qui prend l'une et l'autre des Mains du Saint-Esprit et du Christ, dans l'état de crucifixion et de Passion où l'Église se trouve avec le pape François. Parce que c'est là que Dieu la veut.           
           
        Reconnaître François comme verus papa, ainsi que l'Église romaine actuelle comme toujours vraie Épouse du Christ, est certes un vrai martyre pour le catholique actuel, mais justement, c'est cela le chemin de l'Église aujourd'hui : vivre "LA PASSION DE L'ÉGLISE" précisément parce que François est vrai pape, précisément parce que l'Église romaine est vraie Église. Si l'on ne reconnaît pas François comme vrai pape, l'Église romaine comme vraie Église, alors, on ne vit pas "LA PASSION DE L'ÉGLISE" que le Saint-Esprit et Dieu le Père font vivre à l'Épouse du Christ aujourd'hui, dans notre contemporanéité ecclésiale depuis Vatican II. On s'invente alors damnablement une vie ecclésiale qui surnaturellement n'existe pas, qui vit dans les ténèbres extérieures inexistentielles puisqu'elle n'est plus dans l'Église Universelle.           
           
        Rejeter avec rébellion ce formel devoir de Foi, s'appuyant sur la mauvaise force de l'orgueil, c'est en effet vivre hérétiquement sa Foi dans une bulle de savon surréaliste qui n'existe pas, c'est se créer contre la Volonté divine un petit nid douillet de pseudo-église, de petite-église schismatique, et mettre son âme, par un chemin insoupçonné du sédévacantiste, sur la voie de la damnation.           
           
        Que les sédévacantistes prennent à cœur de ne pas mériter qu'on entende dire d'eux ce que saint Bernard disait des hérétiques cathares de son temps : "On ne les convainc ni par le raisonnement (ils ne comprennent pas), ni par les autorités (ils ne les reçoivent pas), ni par la persuasion (car ils sont de mauvaise foi)" !           
           
        Que Dieu et sa très-sainte Mère, et saint Joseph Patron de l'Église Universelle, soient en bonne et victorieuse aide aux sédévacantistes pour les aider à vaincre leur démon, qui ne leur est si terrible, qui aveugle si formidablement leurs yeux au point qu'ils ne peuvent plus du tout les ouvrir, que parce qu'ils l'ont trop couvé et caressé dans leur sein, en se mettant au-dessus de tout le monde !
 
Habemus Papam 1415
Habemus papam, au concile de Constance
terminant le Grand-Schisme d'Occident
par l'élection de Martin V (1369-1431)
           
        "Veilleur, que vois-tu dans la nuit opaque de notre monde et de notre Église...??"
           
        Le veilleur répond : "Je ne vois que ténèbres, sépulcres blanchis et ossements de morts ; et si je prends à devoir de percer d'un regard d'aigle de Pathmos ces ténèbres de la mort et de l'enfer, j'y vois tous les vices de Satan, essentiellement folie et orgueil, orgueil et folie, possédant tous les hommes" ― "Le Seigneur a regardé du haut du Ciel sur les enfants des hommes, pour voir s'il y a quelqu'un qui soit intelligent ou qui cherche Dieu. Tous se sont détournés, ils sont tous devenus inutiles. Il n'y en a point qui fasse le bien, il n'y en a pas un seul. Leur gosier est un sépulcre ouvert ; ils se servent de leurs langues pour tromper ; le venin des aspics est sous leurs lèvres !" (Ps XIII, 1-3 & Ps LII, 3-4).
           
        Et tous les humains en sont là, en effet, parce que tous fuient "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (cf. l'exposé de la thèse, à ce lien : https://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf). Ils fuient le Royaume céleste tel que la Providence de Dieu le manifeste ecclésialement pour notre temps, et souvent pour des raisons de préférence les plus futiles, les plus indignes et très-outrageantes envers la Providence divine, que Jésus-Christ, déjà, consigne prophétiquement dans l'Évangile lorsqu'Il montre la réaction des hommes lorsque le Royaume leur est annoncé : "Tous, unanimement, commencèrent à s'excuser. Le premier lui dit : J'ai acheté une terre, et il est nécessaire que j'aille la voir ; je t'en prie, excuse-moi. Le second dit : J'ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer ; je t'en prie, excuse-moi. Et un autre dit : J'ai épousé une femme, et c'est pourquoi je ne puis venir" (Lc XIV, 18-20).
           
        ... Comment ne pas conclure d'une telle attitude, qui est celle de tous les hommes de nos jours, de préférence ceux qui parmi eux se croient les meilleurs, et de préférence parmi ces meilleurs, les catholiques de toutes mouvances, ce que saint Jean Baptiste le Précurseur concluait :
           
        "Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui s'en vient ?" (Matth III, 7).
En la fête du Cœur Immaculé de Marie,
Ce 22 Août 2023.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
  
 
Coeur Immaculé de Marie 
 
 
 
 
22-08-2023 17:16:00
 

Vie et mort d'un bon jeune prêtre... "rallié"

 
  
 
 
Abbé Cyril Gordien
L'abbé Cyril Gordien, le 5 mars 2022 (30 avril 1974-14 mars 2023) © LA NEF
 
 
 
 
Vie et mort d'un bon jeune prêtre... "rallié"
 
 
Præambulum
       
        Voici la lettre que je viens d'envoyer en collectif aux abonnés de mon site : 
 
        "Chers amis lecteurs,
       
        "Il est fort important, devant Dieu, de garder la pureté de la Foi comme on garde la prunelle de son œil, et donc de mener le bon combat contre ceux qui y attentent, bonum certamen certavi (II Thim IV, 7). «Il vaut mieux mourir en ce monde plutôt que de corrompre la chasteté de la vérité» (pape saint Pie X) est un programme de vie de Foi des plus exaltants, des plus enthousiasmants, spirituellement enrichissant, qui en outre attire puissamment Dieu à vivre dans l'âme qui le met en œuvre autant qu'elle peut, je vous en porte personnellement témoignage.
 
        "Pour autant, il est tout aussi important de ne pas juger les personnes qui se trouvent dans des camps mauvais, dont certaines, dans une proportion que Dieu seul connaît, peuvent certes très-bien, par une mystérieuse ignorance invincible du mal qu'elles épousent, mener un chemin authentique de sainteté véritable (le "Qui suis-je pour juger ?" du pape François a de toutes façons un fond certain de vérité... évangélique : "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés" ― Lc VI, 37).
 
        "Dans mon dernier article, j'ai lutté avec grande force et éclat victorieux contre l'hérésie des «ralliés» qui, en voulant blanchir Vatican II et très-notamment la Liberté religieuse à la chaux et à la pharisienne, est une abomination. Et Dieu m'en bénit sûrement au Ciel (cf. http://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/le-site-ralli-archidiacre-un-ramas-derreurs-graves-et-de-fausset-s-pr-sent-es-comme-des-v-rit-s-m-lang-quelques-vraies-v-rit-s-ce-qui-le-rend-plus-toxico-nocif-encore?Itemid=191‌).
 
        "Cependant, farfouillant aujourd'hui pour complément d'enquête sur le site «rallié» La Nef, je suis tombé par «hasard», et j'ai vite été édifié, sur le long testament spirituel d'un jeune prêtre «rallié», le P. Cyril Gordien (1974-2023), décédé d'un cancer à 49 ans. Dernier écrit de ce prêtre empreint d'une vraie vie de Foi, c'est un témoignage qui mérite fort d'être connu, surtout en notre temps de grande apostasie générale où tout semble extrêmement important (de préférence : ce qui ne l'est absolument pas), sauf Dieu et son Église, sauf le salut des âmes. Son testament spirituel est en effet une expression vibrante de Foi, d'Espérance et de Charité, quoique très-humble dans la trame et le filigrane du temps qui passe et trépasse, quoique, surtout, hélas, plombée par l'ignorance invincible dans laquelle vivait de toute évidence ce prêtre «rallié» quant à la malignité moderniste et progressiste des pontificats de Jean-Paul II & Benoît XVI.
 
        "Oui, il peut exister des saints authentiques même dans des mauvais camps... c'est une évidence, bien sûr, pour le chrétien qui connaît sa Religion, théoriquement, il le sait, mais il est toujours bon de s'en rafraîchir la mémoire par des exemples concrets, pour notre humilité. Est-ce que moi, qui suis dans le bon camp et qui y demeure par grâce de Dieu, je poursuis la sainteté autant que celui que je vois être dans un mauvais camp, mystérieusement aveuglé quant à lui dans l'ignorance invincible de son mauvais camp ? C'est en fait la seule vraie question, that's the question...
 
        "C'est pourquoi, chers amis lecteurs, je vous mets le lien du site «rallié» La Nef, où vous pourrez lire le beau testament spirituel de ce prêtre mort jeune : http://lanef.net/2023/03/20/le-testament-spirituel-de-labbe-cyril-gordien-pretre-au-coeur-de-la-souffrance/‌, lequel ne peut que contribuer, dans une saine émulation, à échauffer salutairement votre Foi personnelle (vous le trouverez aussi sur le nouvel article de mon Blog, au lien suivant : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/vie-et-mort-dun-bon-jeune-pr-tre-ralli-?Itemid=154).
 
        "Je vous en souhaite à tous une édifiante et fructueuse lecture, pour vous rapprocher du Bon Dieu.

"Vincent Morlier,
"Écrivain catholique.
"https://www.eglise-la-crise.fr/"
 
 
 
Le testament spirituel de l’abbé Cyril Gordien :
prêtre au cœur de la souffrance
 
 
        "L’abbé Cyril Gordien a été enterré ce matin, 20 mars [2023], en la fête de saint Joseph reportée à ce jour, en présence de 220 prêtres et plus de 2 000 fidèles dans l’église Saint-Pierre de Montrouge pleine à craquer. Mgr Ulrich, archevêque de Paris, présidait la cérémonie et le Père Guillaume de Menthière a prononcé une homélie forte et bouleversante. Le testament spirituel de l’abbé Gordien était distribué aux fidèles à l’entrée de l’église ― on peut aussi se le procurer en version papier à la paroisse Saint-Dominique. Nous le publions ici intégralement avec l’aimable autorisation de la famille" (La Nef ― cf. http://lanef.net/2023/03/20/le-testament-spirituel-de-labbe-cyril-gordien-pretre-au-coeur-de-la-souffrance/).
 
 
"Comment rendrais-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur" (Ps CXV, 12).
 
        Chaque jour, en célébrant la sainte Messe, j’élève la coupe du précieux Sang de notre Sauveur, et je lui rends grâce pour cet immense don qu’il m’a fait : être prêtre de Jésus-Christ, moi, son indigne serviteur.
 
        ITINÉRAIRE SPIRITUEL
 
        C’est par une immense action de grâce lancée à notre Seigneur que je voudrais débuter ces quelques lignes de méditation. Oui, je rends grâce à mon Dieu pour la foi que j’ai reçue dans mon enfance, une foi solide et pure, une foi qui n’a jamais failli malgré les nombreuses épreuves de la vie, une foi que mes chers parents m’ont transmise dans la fidélité et l’amour vrai de l’Église. Je rends grâce au Seigneur pour la famille unie dans laquelle je suis né, et pour tout l’amour que mes parents et mes frères m’ont prodigué. J’ai eu une enfance très heureuse, marquée par l’exemple que donnait mon père, exemple de don de soi dans son métier de chirurgien et de fidélité dans la pratique religieuse.
 
        Mon père m’a transmis le sens de l’effort, le dégoût pour la mollesse et la paresse, la rigueur dans le travail bien fait, et la force pour combattre. Il a toujours fait preuve d’un grand courage pour défendre la vie et la foi, à travers de multiples engagements, que ce soit pour toutes les questions bioéthiques, avec son expertise de chirurgien, ou que ce soit pour défendre l’école libre.
 
        Ma mère m’a transmis sa douceur et sa joie de vivre, son sens du beau et son bon sens, sa piété fidèle et sa finesse dans les relations. Elle aussi, a toujours fait preuve d’un immense courage pour soutenir mon père à la fin de sa vie, et pour affronter ensuite sa nouvelle vie de veuve, si jeune, avec ses enfants à charge. Elle n’a jamais baissé les bras, animée d’une foi indéfectible. Aujourd’hui encore, elle affronte ma maladie en m’apportant son caractère optimiste et joyeux pour avancer.
 
        Je rends grâce au Seigneur pour m’avoir appelé au sacerdoce, moi, son indigne serviteur. Lorsque j’ai ressenti cet appel au fond de mon cœur, il m’a rempli d’une joie indicible, et simultanément d’une crainte pleine de respect pour le Seigneur : pourquoi moi, qui me sens si indigne et si incapable d’assumer une telle charge et une si grande mission ? Mon chemin vers le sacerdoce, au séminaire, fut à la fois joyeux et douloureux. Joyeux, par les grâces reçues, lesquelles m’ont toujours conforté dans ma vocation, et par tout ce que j’ai reçu à travers la formation ; douloureux, aussi, par des épreuves et souffrances venant de l’Église.
 
        Je n’ai jamais trahi les convictions qui m’animaient, malgré les persécutions inévitables. J’ai toujours résisté, combattu et lutté quand je sentais que les mensonges, la médiocrité, ou la perversité étaient à l’œuvre. Cela m’a valu des coups reçus et des brimades, mais je ne regrette pas ces combats menés avec conviction. Le plus dur est de souffrir par l’Église.
 
        Le Pape saint Jean-Paul II fut le Pape de ma jeunesse. Je l’ai tellement aimé, dans l’exemple de force et de courage qu’il nous donnait. C’est lui qui m’a communiqué l’enthousiasme de la foi et l’ardeur apostolique. Avec lui, j’ai grandi dans l’amour de l’Église et la fidélité au Magistère. Le témoignage de sa vie donnée jusqu’au bout, dans la souffrance acceptée et offerte, dans la célébration de la Messe malgré les douleurs, m’a bouleversé. C’est toujours sur lui que je m’appuie aujourd’hui pour célébrer la messe. Quand les forces me manquent, quand je suis essoufflé, quand mon corps me fait mal, je lui parle et lui demande : "Très saint Père, donnez-moi votre force et votre courage pour célébrer les saints mystères, comme vous l’avez fait jusqu’au bout dans un don total". Il fut pour moi le témoin de la joie de la foi et de l’attachement au Christ. Il fut pour moi l’exemple d’un bloc de prière au milieu des tribulations de ce monde. Il fut confronté aux forces du mal, affrontant avec courage ces deux totalitarismes du vingtième siècle qui ont fait des millions de morts. Il a résisté, il a combattu, il a fait tomber le mur de Berlin qui écrasait l’humanité. Saint Jean-Paul II est pour moi un géant de la foi, un saint exceptionnel qui continue de me porter. Je n’oublierai jamais ces moments où j’ai eu la joie de le rencontrer. C’est pourquoi j’ai participé, malgré tous les obstacles, à ses funérailles, à sa béatification puis à sa canonisation.
 
        Le Pape Benoît XVI fut le Pape de mon sacerdoce. J’ai été ordonné le 25 juin 2005, deux mois après son élection. Il m’a porté d’une manière extraordinaire dans les débuts de ma vie de prêtre par la profondeur de ses homélies, par ses analyses pertinentes et prophétiques de notre monde, par ses réflexions lumineuses. L’exemple de son humilité et de sa douceur m’ont beaucoup touché. Il fut un vrai serviteur de Dieu, soucieux d’affermir la foi des fidèles pour le salut des âmes. Il a cherché sans cesse à ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Ce fut un homme de prière, enraciné dans la contemplation du Dieu vivant. Pendant près de dix ans, après sa renonciation, il vécut retiré du monde, mais le portant dans sa prière. Depuis son décès, je l’invoque pour notre Église, en proie à une grave crise. Il est pour moi l’exemple d’une vie donnée au service de la vérité, déployant toute sa grande intelligence pour mettre en lumière, de façon limpide, les plus hautes vérités de la foi. Je me plonge toujours dans ses écrits, ses livres, ses homélies, ses discours avec la joie profonde de celui qui apprend et commence à mieux comprendre. La défense et la transmission de la foi, dans la fidélité à la Tradition, furent son combat de chaque jour. Je puis témoigner du fait qu’il m’a affermi dans la foi. Je demeure toujours bouleversé par son cœur de bon Pasteur, en particulier lorsqu’il écrivit une lettre aux évêques du monde entier, suite aux attaques suscitées par son geste de communion en levant l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques de la fraternité saint Pie X. Cette lettre est magnifique, c’est son cœur qui parle.
 
        Dans ma vie d’homme et de prêtre, j’ai connu pas mal d’épreuves. La mort d’Ingrid, ma si chère amie de jeunesse, en août 1995, puis celle de mon cher père en mars 1996 furent pour moi une véritable épreuve marquée par une profonde douleur du cœur. Deux êtres qui me sont si proches sont morts la même année à sept mois d’écart. La vie se poursuit, la foi demeure ma force. J’avance dans mes études, et l’appel au sacerdoce s’intensifie. Je rentre au séminaire en 1998 et serai ordonné prêtre le 25 juin 2005.
 
        Ma première mission fut au Liban, pays que j’ai beaucoup aimé, malgré les conditions éprouvantes dans lesquelles j’avais été envoyé. Je remercie les Carmes qui m’ont ouvert les portes de leur couvent et m’ont accueilli comme un frère. J’ai découvert un beau pays, marqué par la foi et l’amour de la France. Puis je fus nommé à la Paroisse sainte Jeanne de Chantal, où j’ai connu la grande joie de servir une communauté et une jeunesse que j’aimais. J’ai passé deux ans dans cette paroisse, heureux avec les paroissiens, et malheureux avec un curé qui n’a pas su me recevoir comme jeune prêtre.
 
        J’ai été nommé au bout de deux ans à la chapelle Notre Dame du Saint Sacrement, rue Cortambert. Mon apostolat s’est entièrement déployé auprès des jeunes, que ce soit dans les lycées où j’étais aumônier ou bien à la chapelle avec toutes les activités proposées. Ce furent des moments heureux et plein de joie au milieu de tous ces jeunes qui avaient soif d’une parole vraie et exigeante. Je n’ai hélas pas toujours rencontré le soutien escompté des responsables locaux (communauté des sœurs, conseil pastoral…), ayant sans cesse à subir des blocages dans les initiatives liturgiques et pastorales. Que de combats à mener !
 
        En septembre 2013, je fus nommé dans une paroisse voisine, Notre Dame de l’Assomption. C’est alors que survint l’affaire Gerson, en avril 2014, sur laquelle je ne m’étendrai pas. Je voudrais simplement confier que cette affaire fut fomentée de toute pièce par des parents d’élèves et des professeurs ne supportant pas l’impulsion religieuse déployée dans l’établissement. Dans ce combat, nous n’avons été soutenus ni par la direction diocésaine, qui alimentait la crise, ni par le diocèse. Je n’ai jamais été consulté pour donner mon avis sur la manière dont je percevais les choses de l’intérieur. Cette crise fut éprouvante, mais nous l’avons surmontée grâce à notre unité et nos convictions. J’ai encore constaté à cette occasion à quel point nos responsables ne prenaient pas soin des prêtres.
 
        Les six années passées à l’Assomption furent des années de grand bonheur : j’étais profondément heureux dans les missions auprès des jeunes, et nous étions très unis avec les prêtres, dans une ambiance joyeuse et fraternelle. Ce furent des années de grâces. Je remercie en particulier le Père de Menthière qui fut pour moi un modèle de curé et un ami. Je tiens ici à dire combien l’amitié sacerdotale est importante dans la vie du prêtre. J’ai de très bons amis prêtres, depuis le séminaire, et nous nous rencontrons régulièrement. La société sacerdotale de la Sainte Croix, dont je fais partie, m’assure aussi du soutien et de l’amitié de nombreux prêtres.
 
        Puis je fus nommé en septembre 2019 curé de la paroisse saint Dominique, dans le XIVe, quartier que je connaissais bien, ayant vécu trois ans chez mon grand-père, porte d’Orléans. Première paroisse comme curé : sa paroisse on l’aime, on s’émerveille, on se donne. Je me suis tout de suite engagé dans l’apostolat auprès des jeunes, qui me semblait quelque peu délaissé. J’ai entrepris peut-être trop vite des changements, notamment liturgiques, qui s’imposaient, sans prendre suffisamment le temps d’expliquer.
 
        Puis la crise du coronavirus est survenue. En mars 2020, six mois à peine après mon arrivée, la vie est paralysée. Je me retrouve totalement seul au presbytère et dans l’église, chacun étant parti se confiner ailleurs. Pour moi, une évidence s’impose : je ne peux pas célébrer la messe pour moi tout seul, en m’enfermant pour me protéger… Je ne suis pas prêtre pour moi, privant les fidèles des sacrements. Je décide de laisser l’église ouverte, toute la journée, et de célébrer la messe dans l’église, en exposant auparavant le Saint-Sacrement, me tenant disponible pour les confessions. Je n’ai prévenu personne, mais les fidèles sont venus d’eux-mêmes. J’assume pleinement ce choix, et ne le regrette en rien. Certains, partis en villégiature à la campagne, me l’ont reproché à distance. D’autres, à leur retour des confinements, m’ont fait de vifs reproches. Il est facile de critiquer quand on passe plusieurs semaines au soleil, en dehors de Paris…
 
        Cette crise révèle un drame de notre époque : on veut protéger son corps pour préserver sa vie, fût-ce au détriment des relations personnelles et de l’amour donné jusqu’au bout. On veut sauver son corps au détriment de son âme. Que vaut une société qui privilégie de manière absolue la santé du corps, laissant des personnes mourir dans une solitude effroyable, les privant de la présence de leurs proches ? Que vaut une société qui en vient à interdire le culte rendu au Seigneur ? Comme l’écrit le cardinal Sarah : "Aucune autorité humaine, gouvernementale ou ecclésiastique, ne peut s’arroger le droit d’empêcher Dieu de rassembler ses enfants, d’empêcher la manifestation de la foi par le culte rendu à Dieu. (…) Tout en prenant les précautions nécessaires contre la contagion, évêques, prêtres et fidèles devraient s’opposer de tout leur pouvoir à des lois de sécurité sanitaire qui ne respectent ni Dieu ni la liberté de culte, car de telles lois sont plus mortelles que le coronavirus" (1).
 
        PRÊTRE DE JÉSUS-CHRIST
 
        Le sacerdoce a été toute ma vie. Je n’ai jamais regretté un seul instant d’avoir répondu oui au Seigneur qui m’a comblé de ses grâces à travers mon ministère. Quel don inestimable que celui d’être prêtre de Jésus- Christ ! Quelle grâce ineffable ! Chaque jour, célébrer la sainte Messe fut un immense bonheur. Je mesure à peine le cadeau que le Seigneur m’a fait de pouvoir tenir dans mes pauvres mains son divin corps, et de lui prêter ma voix et mon humanité blessée afin qu’il puisse se rendre sacramentellement présent. Je vais à la sainte Messe en montant sur le Golgotha, conscient que le drame du salut s’est déroulé sur cette colline. Je recueille dans mon calice le précieux sang qui coule du cœur transpercé, ce sang sauveur qui coulait déjà à Gethsémani. C’est en transpirant des gouttes de sang que notre Seigneur Jésus a prononcé le grand oui à la volonté de son Père et qu’il a accepté d’offrir sa vie en sacrifice pour le salut de tous les hommes.
 
        Je ne suis qu’un petit vase d’argile dans lequel mon être fragile fut transformé par la grâce sacerdotale le jour de mon ordination. Je ne suis plus le même être qu’avant : désormais, le caractère sacerdotal imprègne mon corps et mon âme et me rend capable de donner Dieu aux hommes. Quel mystère et quelle grâce ! Le curé d’Ars disait : "Si le prêtre savait ce qu’il est, il mourrait". Je ne suis pas prêtre pour moi mais pour les âmes, pour leur salut. Quelle charge pèse sur mes épaules : prêtre pour le salut des âmes qui me sont confiées. Je médite avec humilité ces paroles du bon et saint Curé d’Ars. Elles m’aident à saisir la grandeur du sacerdoce qui ne m’appartient pas : "Si nous n’avions pas le sacrement de l’ordre, nous n’aurions pas Notre Seigneur. Qui est-ce qui l’a mis là, dans le tabernacle ? Le prêtre. Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie ? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraitre devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ? Le prêtre, toujours le prêtre. Et si cette âme vient à mourir à cause du péché, qui la ressuscitera, qui lui rendra le calme et la paix ? Encore le prêtre. Après Dieu, le prêtre c’est tout. Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel".
 
        J’ai conscience que le prêtre doit être à la fois du côté de Dieu et du côté de l’homme. C’est le Pape Benoit XVI qui m’a aidé à mieux comprendre la mission de médiateur du prêtre, lors d’une lectio divina qu’il donna aux prêtres de Rome. Le prêtre est un médiateur qui ouvre aux hommes les portes du chemin vers Dieu. Il est comme un pont qui relie l’homme à Dieu pour lui donner la vraie vie, la vie éternelle et le conduire à la lumière véritable. Le prêtre doit être d’abord et fondamentalement du côté de Dieu. Cela signifie qu’il doit passer du temps en présence du Seigneur pour être avec Lui. Le Seigneur choisit ses douze apôtres pour demeurer avec Lui, et ensuite, pour les envoyer prêcher. Il y a pour le prêtre une priorité absolue à se donner à Dieu en lui consacrant du temps : à travers la messe quotidienne, la prière du bréviaire, la méditation et l’oraison, la prière du chapelet, et tant d’autres dévotions qui nourrissent la vie intérieure. Si un prêtre ne prie plus, il ne peut plus porter de fruits.
 
        Arrivé comme curé dans ma paroisse en septembre 2019, j’ai eu le sentiment que beaucoup de belles choses se vivaient, mais surtout de manière horizontale. Même si une réelle vie de prière était présente, je percevais qu’il manquait une dimension verticale, transcendante, une dimension qui permettrait de tout supporter pour harnacher à Dieu l’ensemble de la vie paroissiale. C’est pourquoi j’ai eu la conviction qu’il fallait se lancer dans l’adoration permanente du Saint Sacrement. Sans l’appui indéfectible d’un fidèle couple de paroissiens dont la foi est un roc et l’engagement sans faille, je n’y serais jamais parvenu.
 
        Lorsque nous avons décidé de lancer l’adoration permanente en novembre 2020, je n’imaginais pas à quel point le démon se déchaînerait pour empêcher la réalisation de ce projet. Les obstacles furent nombreux, entre les contingences matérielles, les doutes, les inquiétudes, la recherche de volontaires engagés, et les contraintes dues à la situation sanitaire. Malgré tout, l’organisation se met en place progressivement, et nous pouvons raisonnablement envisager une adoration sur quatre jours et trois nuits. Les créneaux du soir et de la nuit sont vite comblés, puis viennent progressivement les créneaux du jour. Au bout de deux semaines, tout est prêt, le tableau est bien rempli. Une date est fixée : le mardi 10 novembre. C’est alors que survient comme un couperet l’annonce du couvre-feu… Nous décidons de maintenir malgré tout, en rappelant peu à peu les Adorateurs pour faciliter leur venue, en proposant aux plus jeunes de dormir sur place… Puis vient très vite la nouvelle du deuxième confinement, avec les départs en province de quelques paroissiens… Il nous faut à nouveau rappeler tout le monde, pour s’assurer de leur présence à Paris, de leur motivation, et appeler de nouveaux Adorateurs.
 
        Finalement, après toutes ces péripéties, nous parvenons à débuter l’Adoration comme prévu, le 10 novembre. Du mardi 8h jusqu’au vendredi 18h30, les fidèles se succèdent et se relaient pour adorer le Seigneur Jésus dans son Saint Sacrement. Comme prêtre, j’éprouve une immense joie à venir adorer au cœur de la nuit silencieuse. Je suis profondément heureux de voir les fidèles venir prier à toute heure, et constituer ainsi comme un foyer capable de rayonner de l’amour de Dieu. Je suis émerveillé devant ces jeunes, collégiens, lycéens ou étudiants, qui se sont engagés pour un créneau et qui viennent la nuit, ou bien juste à la sortie de leurs cours, sac au dos. Je suis admiratif devant ces pères de famille qui viennent dans la nuit, ou bien très tôt le matin avant de rejoindre leur lieu de travail, ou encore ces mères de famille qui emmènent leurs petits enfants. Je suis ému devant ces personnes âgées qui tiennent dans la fidélité, aux heures les plus mouvementées de la journée.
 
        Tous, de toute condition et de tout âge, se sont mobilisés pour mettre le Christ au centre de leur vie, l’adorer, le prier, lui confier leurs intentions, et porter leur paroisse. Je suis convaincu que cela est source de nombreuses grâces pour chacun et pour la vie paroissiale, et que cette prière continue est la source de la fécondité des diverses activités pastorales. Avec la sainte Vierge, je m’écrie, le cœur rempli de gratitude : "Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur !".
 
        Oui, l’adoration est au cœur de la vie du prêtre. Je dois passer du temps devant le Seigneur, devant le tabernacle. Auprès de Lui, je peux confier mes peines et mes joies, lui ouvrir mon cœur, lui parler comme on parle à un ami cher, tout déposer près de son cœur, en étant certain qu’il est là, qu’il m’écoute, et qu’il parle à mon cœur.
 
        "Je vous dirai, confiait saint Josemaria Escriva, que le tabernacle a toujours été pour moi comme Béthanie, cet endroit tranquille et paisible qu’aimait le Christ, où nous pouvons lui raconter nos préoccupations, nos souffrances, nos espérances et nos joies, avec la simplicité et le naturel avec lesquels lui parlaient ses amis, Marthe, Marie et Lazare" (2).
 
        Le saint Pape Jean-Paul II nous a montré l’exemple de la dévotion eucharistique. Je me permets de le citer dans ce qui fut sa dernière encyclique : "Le culte rendu à l’Eucharistie en dehors de la Messe est d’une valeur inestimable dans la vie de l’Église. Ce culte est étroitement uni à la célébration du Sacrifice eucharistique. La présence du Christ sous les saintes espèces conservées après la Messe – présence qui dure tant que subsistent les espèces du pain et du vin – découle de la célébration du Sacrifice et tend à la communion sacramentelle et spirituelle. Il revient aux pasteurs d’encourager, y compris par leur témoignage personnel, le culte eucharistique, particulièrement les expositions du Saint-Sacrement, de même que l’adoration devant le Christ présent sous les espèces eucharistiques" (3). Dans la Sainte Eucharistie "se trouve le trésor de l’Église, le cœur du monde, le gage du terme auquel aspire tout homme, même inconsciemment. Il est grand ce mystère, assurément il nous dépasse et il met à rude épreuve les possibilités de notre esprit d’aller au-delà des apparences. Ici, nos sens défaillent ― "visus, tactus, gustus in te fallitur", est-il dit dans l’hymne Adoro te devote ―, mais notre foi seule, enracinée dans la parole du Christ transmise par les Apôtres, nous suffit. (…) Tout engagement vers la sainteté, toute action visant à l’accomplissement de la mission de l’Église, toute mise en œuvre de plans pastoraux, doit puiser dans le mystère eucharistique la force nécessaire et s’orienter vers lui comme vers le sommet. Dans l’Eucharistie, nous avons Jésus, nous avons son sacrifice rédempteur, nous avons sa résurrection, nous avons le don de l’Esprit Saint, nous avons l’adoration, l’obéissance et l’amour envers le Père. Si nous négligions l’Eucharistie, comment pourrions-nous porter remède à notre indigence ?" (4).
 
        Si le prêtre est du côté de Dieu, il doit aussi être du côté de l’homme. Et là je mesure mon indigence et mes grandes faiblesses. Le prêtre doit soutenir, encourager, exhorter, consoler, soigner par les sacrements tous ceux qui lui sont confiés, sans distinction ni préférence. Tout à tous. L’humanité du prêtre, blessée mais restaurée par le Christ, lui donne la capacité de compatir aux souffrances des hommes. Dans la lettre aux Hébreux (5), nous comprenons que la véritable humanité ne consiste pas à s’abstraire des souffrances de ce monde, mais au contraire à être capable de les rejoindre pour les porter dans la compassion. Le prêtre doit être une personne "en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse" (5, 2), à l’image du Christ qui, "pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé" (5, 7).
 
        Ainsi, le prêtre est celui qui porte jusque dans son corps la souffrance des hommes pour faire monter vers Dieu leur cri, dans les larmes de la prière, pour porter au cœur de la divinité les peines et les misères humaines. Le prêtre porte la souffrance du monde dans son cœur et il souffre avec le monde. C’est à cette capacité de compassion que se mesure la véritable humanité.
 
        Combien de fois des fidèles m’ont-ils confié leurs déboires, leurs immenses peines, leurs combats et leurs épreuves. Parfois, je ressens ce poids du monde qui souffre, et il n’y a que le Christ qui puisse me soulager, lorsque je dépose à ses pieds ce lourd fardeau après lui avoir fait entendre la complainte des hommes souffrants. Il y a les misères matérielles, tous ces pauvres que nous croisons sur nos routes, et que nous essayons de soulager un peu, par un don, mais surtout par un regard, une parole, par le fait d’entrer en relation ; il existe aussi les misères morales, dues aux péchés, qui font que certaines personnes sont enlisées dans des situations qui semblent inextricables. Et puis nous rencontrons les misères du corps, tous ces malades qui n’en peuvent plus, tous ces blessés de la vie que nous essayons de consoler et de soulager, notamment par le sacrement des malades.
 
        Seigneur Jésus-Christ, combien notre humanité souffre ! Mais tu as présenté, "avec un grand cri et dans les larmes" la clameur de ces souffrances, et tu continues de les présenter à Dieu notre Père qui veille. Dans la foi, nous savons que ces souffrances ne sont pas vaines, mais que, si elles sont offertes dans un acte ultime d’amour, elles recèlent une mystérieuse fécondité.
 
        Je fais mienne cette belle prière de saint Ambroise : "Puisque Tu m’as donné de travailler pour ton Église, protège toujours les fruits de mon labeur. Tu m’as appelé au sacerdoce, alors que j’étais un enfant perdu ; ne permets pas que je me perde maintenant que je suis prêtre. Mais avant tout, donne-moi la grâce de savoir compatir aux pécheurs du plus profond de mon cœur. Donne-moi d’avoir compassion, chaque fois que je serai témoin de la chute d’un pécheur ; que je ne châtie pas avec arrogance ; mais que je pleure et m’afflige avec lui. Fais qu’en pleurant sur mon prochain, ce soit aussi sur moi-même que je pleure, et que je m’applique la parole «Thamar est plus juste que toi». Amen".
 
        Le Curé d’Ars est pour moi un modèle et un guide dans mon sacerdoce. Lorsque j’étais étudiant, et que je réfléchissais à la vocation, j’ai lu avec passion sa biographie écrite par Mgr. Trochu. Cette vie entièrement donnée, dans l’oubli total de soi, pour le salut des âmes, m’a bouleversé. Il fut un apôtre infatigable de la miséricorde de Dieu.
 
        La confession, avec la Messe, est au cœur de la vie du prêtre. Transmettre le Pardon de Dieu à travers le sacrement est une grâce extraordinaire. Qui suis-je, moi, pauvre homme, pour dire à quelqu’un : "Et moi je vous pardonne tous vos péchés…". Quelle immense joie que d’être le témoin de la miséricorde du Seigneur ! Le sacrement du pardon réjouit bien sûr le pénitent : arrivé avec un visage triste, portant le poids de ses péchés, il repart le cœur léger et purifié et la mine réjouie par l’amour de Dieu. Le sacrement suscite aussi la joie du prêtre : quel bonheur de permettre à une personne d’être libérée de ses péchés et de repartir le cœur en paix ! Ce sacrement entraîne aussi la joie du Seigneur, il réjouit le cœur de Dieu ! "Il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur qui se convertit…".
 
        Le curé d’Ars disait : "Le sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus". Cela signifie que le prêtre puise auprès de notre Seigneur, penché sur sa poitrine dans la prière, comme l’apôtre saint Jean, l’amour qui jaillit de son divin cœur, pour ensuite le transmettre aux hommes par la grâce des sacrements.
 
        Parmi mes grandes joies sacerdotales, il y a la joie de l’apostolat auprès des jeunes. J’ai eu la chance, dans mes divers apostolats, d’avoir à accompagner beaucoup de jeunes : à travers le scoutisme, notamment comme conseiller religieux national des guides et scouts d’Europe ; comme aumônier de collèges et lycées ; comme prêtre de paroisse, en fondant un groupe Even ; en organisant et accompagnant de nombreux pèlerinages, aux JMJ, en Terre Sainte, en France…Je suis l’heureux témoin d’une belle jeunesse, qui a soif d’exigence, qui se confesse, qui désire se former, qui prie, qui progresse sur le chemin de la sainteté. Je voudrais dire à tous ces jeunes qu’il est beau de vivre et d’accueillir la vie comme un don de Dieu ! Il est beau de vouloir bâtir sa vie sur le roc de la foi ! Je voudrais vous encourager à vous engager, à désirer fonder une famille authentiquement chrétienne où la foi est au centre, à oser répondre à l’appel du Seigneur à tout quitter pour le suivre dans le sacerdoce ou la vie consacrée, sans crainte. Seul le Christ est capable de combler les plus hautes aspirations de nos cœurs !
 
        L’ÉPREUVE DE LA MALADIE
 
        Lorsque j’ai appris que j’étais atteint d’un cancer, en mars 2022, cela ne m’a pas vraiment surpris. J’avais l’intuition que quelque chose de grave se produirait et que je mourrai jeune.
 
        Mystère de la souffrance… J’ai eu la confirmation qu’il n’y avait pas de guérison possible pour mon cancer. La médecine peut simplement contenir relativement l’évolution de ce cancer au stade 4. Pour combien de temps ? Combien de mois me reste-t-il à vivre ? Moi qui ai souvent médité sur la mort, accompagné des mourants, célébré des funérailles, exhorté à l’espérance de la vie éternelle, me voici maintenant confronté à ma propre mort, à 48 ans. Je veux me préparer avec foi à cet instant décisif. Je n’ai pas peur de la mort, car je crois de tout mon être en la vie éternelle ; mais je crains mon Seigneur, d’une crainte pleine de respect et d’amour. "Je sais que mon Rédempteur est vivant", comme le professe Job. Je sais que mon Seigneur m’attend. Je sais aussi que je vais comparaître devant le Christ, et je dois me préparer à paraître face à Lui, humblement. Je reconnais mes péchés, mes nombreux péchés. Et j’implore pour moi la grande miséricorde de Dieu. Comme je suis indigne d’avoir été choisi pour devenir prêtre… Ai-je bien rempli ma mission ? Ai-je suffisamment aimé le bon Dieu, et par Lui, ai-je suffisamment aimé mon prochain ? Certainement pas. Ma faiblesse et mes péchés sont autant d’obstacles à l’amour véritable. Je sens la charge qui pèse sur mes épaules comme prêtre de Jésus-Christ. Je ne me suis pas assez donné ni sacrifié pour le salut des âmes. Je n’ai pas assez prié pour mes paroissiens, pour le bien de leur âme et leur salut. Je suis passé trop vite à côté des petits et des humbles, à côté de ceux qui souffrent. Je n’ai pas assez montré le chemin de la sainteté.
 
        Je ne prie pas assez pour ce que je souffre. Personne ne peut imaginer ce que j’endure depuis le mois de mars 2022 où tout a basculé. Comme il est difficile de porter sa croix, chaque jour… Je porte discrètement ces souffrances quotidiennes, ces humiliations cachées, ces blessures du corps qui font mal jusque dans les réalités de la vie quotidienne. J’essaye d’assumer, de ne rien montrer. Je désire accomplir au mieux, autant que je peux, ma mission de curé à travers les tria munera (les trois charges), en particulier dans la célébration quotidienne du sacrifice de la Messe. Je m’unis de tout mon être au Christ qui donne sa vie sur la Croix. En prononçant les saintes paroles, "Ceci est mon corps livré pour vous", je pense aussi à mon pauvre corps qui souffre et que je désire livrer pour le salut des âmes.
 
        J’ai dû accepter de nombreux renoncements, et c’est peut-être cela le plus éprouvant. Tel enseignement, tel pèlerinage avec les jeunes que j’avais préparé, tel mariage que je devais célébrer, telle veillée de prière que je devais mener, telle mission ou telle retraite auprès des élèves que je devais assumer… Tout cela, je n’ai pas pu l’accomplir à cause de mes opérations de mai et juin. J’ai dû renoncer, humblement, en apprenant à me reconnaitre malade. Cela m’a rendu si triste, j’ai beaucoup pleuré. Des joies tangibles de ma vie de prêtre m’étaient peu à peu retirées… Je découvrais mon impuissance, mon incapacité à accomplir certaines tâches, moi qui, auparavant, ne mesurais pas ma peine et dépensais toute mon énergie dans la fidélité à la mission confiée. J’ai beaucoup donné, de peine, de temps, de fatigue, dormant peu et prenant trop peu de repos. J’ai appris de mon père le renoncement à soi-même, le sens de l’effort et du sacrifice, la volonté de ne pas s’écouter et d’avancer malgré fatigue et contradictions. Je ne regrette pas cela, c’était ma façon de me donner et de m’oublier.
 
        Aujourd’hui, je souffre de ne pas parvenir à réaliser tout ce que je voudrais. Je suis mortifié par ces renoncements de chaque jour, par cette énergie que je n’ai plus, par cette force physique qui me manque cruellement. C’est sûrement ainsi, dans cette voie du dépouillement, que notre Seigneur désire me conduire désormais. Cela m’apprend le saint abandon, moi qui aimais décider, organiser, et tout planifier, jusque dans les moindres détails. Mes journées s’enchaînaient, rythmées par un programme précis, me tenant en haleine et sans repos, car le sacerdoce n’est pas fait pour les paresseux, les oisifs ou les planqués. Je perçois mieux la portée de cette parole du Christ adressée à saint Pierre, après la résurrection, au bord du lac : "En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas" (Jn XXI, 18).
 
        Dans l’abbatiale de saint-Wandrille, je contemple la Croix du Christ, qui resplendit au milieu des ténèbres. Elle est illuminée tandis que tout est obscur alentour. Notre Seigneur Jésus a choisi librement le chemin de la Passion. Lui, l’Innocent, est mort crucifié sur cette croix effrayante, laquelle est pourtant devenue le signe de notre foi et l’instrument de notre salut. J’essaye de discerner un chemin lumineux au cœur de mes souffrances. Je regarde le Christ qui a donné sa vie pour moi. Suis-je prêt à donner ma vie ? Quel sens ont mes souffrances ? Mes larmes se mêlent à celles de la sainte Vierge, debout, au pied de la croix. C’est ma consolation. Je reçois cette parole de l’Évangile du jour comme une flèche de feu qui perce mon cœur et m’apporte réconfort et espérance : "Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger" (Mt XI, 29-30). Oui, Seigneur, je veux venir à toi, m’approcher de toi qui fais tout mon bonheur, et te confier ce fardeau de la souffrance qui pèse lourdement sur mes épaules. Si telle est ta volonté, j’accepte de le porter, mais avec toi, car sans toi, ma vie tombe en ruine. Je désire être chargé de ton joug, c’est-à-dire de ta très douce volonté, pour faire ce que tu veux et devenir ton vrai disciple. Ta sainte volonté est portée par la douceur, car elle ne s’impose jamais de force, mais elle suscite l’adhésion libre et confiante. Ta sainte volonté est portée par l’humilité, car elle s’enracine dans le grand oui adressé à la volonté de Dieu notre Père et scellé dans le sang. Auprès de toi, Seigneur Jésus, mon âme désire se reposer et s’apaiser. Que loin de moi s’enfuient les songes, et les angoisses de la nuit.
 
        Que veux-tu que je fasse, ô mon Dieu ? Je suis prêt à tout, j’accepte tout, du moins je l’exprime dans ma pauvre prière. Si tu le veux, Seigneur, tu peux me guérir, pour ta plus grande gloire. Je te le demande humblement. La médecine ne peut plus rien, seul un miracle peut me guérir. Je ne refuse pas le labeur et la peine, pour le salut des âmes, si tu désires que ma mission sacerdotale se poursuive encore sur cette terre. Mais si tu le veux, Seigneur, je veux aussi me préparer à ma mort, me sanctifier, implorer le pardon de mes fautes, purifier mon âme pour comparaître devant toi. J’accepte de mourir, car peut-être, selon ton désir, serais-je plus utile au Ciel que sur terre.
 
        Ma vie est entre tes mains. Je ne refuse pas le combat pour la vie. Si telle est ta volonté, je veux continuer à me battre, avec les armes de la médecine, vers une issue que Toi seul connais. Depuis le mois de mars, je lutte, je supporte, je souffre. Je suis prêt à poursuivre ce combat pour la vie, même s’il est si rude à travers toutes les chimiothérapies. Je désire me battre pour tous ceux qui comptent sur moi, pour ma famille, mes amis, mes paroissiens et fidèles. Je fais mienne la profession de foi de Marie, sœur de Lazare, à qui Jésus demandait : "Je suis la résurrection. Qui croit en moi, fût-il mort, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?" ― et Marie de répondre  "Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui devait venir en ce monde" (Jn XI, 25-27). Je demande au Seigneur la grâce d’accepter de quitter ce monde quand mon heure sera venue, dans la volonté de Dieu.
 
        Au-delà de la souffrance, je découvre une fécondité nouvelle. Auparavant, la fécondité de mon sacerdoce transparaissait bien souvent à travers des signes visibles : des joies et des grâces tangibles, des jeunes qui répondent à l’appel du Seigneur, des apostolats réussis, des gratitudes exprimées, des victoires obtenues. À présent, la fécondité de mon sacerdoce demeure voilée, mystérieuse, mais réelle. C’est la fécondité de la croix, le grand passage de l’apparent échec au triomphe de la vie.
 
        Nos petites actions, humbles, portées par la prière, possèdent une grande force. Notre Seigneur s’en sert pour toucher les cœurs, avec parfois plus d’efficacité que par une grande action éclatante. J’ai peut-être parfois trop cherché à briller devant les hommes, plutôt que de laisser le Christ briller à travers moi, lui qui est la Lumière du monde. Mon sacerdoce est celui du Christ, pas le mien. "Il faut que Lui grandisse, et que moi, je diminue" criait St Jean-Baptiste, en désignant le Christ, et en s’effaçant devant Lui. Je prends à présent un chemin d’abaissement et d’humiliation qui est celui de la Croix. Chemin d’abaissement, pour renoncer davantage à moi-même, et accepter ce que Dieu veut, en le laissant décider, en le laissant agir, en m’appuyant sur Lui. Chemin d’humiliation, car des humiliations me sont données, elles viennent de la maladie et s’imposent à moi comme des épines bienfaisantes, pour autant que je les accepte et les supporte avec le Christ.
 
        Comme je comprends mieux la portée de cette parole que nous recevons le jour de l’ordination sacerdotale : "Recevez l’offrande du peuple saint pour la présenter à Dieu. Ayez conscience de ce que vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur". Se conformer au mystère de la croix, c’est toute la vie du prêtre, en particulier dans la célébration des saints mystères. Mes années de sacerdoce m’ont appris la gravité de la Messe. Pour un prêtre, célébrer la sainte Messe signifie s’unir au Christ qui vit sa Passion et s’offre pour le salut du monde en gravissant le Golgotha. Je suis là, avec mes pauvres mains, ma pauvre voix, mes fragilités, au pied de la Croix, à côté de la sainte Vierge. Je suis là au milieu de ce déchaînement de haine, et je contemple la Croix. Je suis là pour accomplir ce que notre Seigneur a confié à ses apôtres puis à tous ses prêtres : rendre présent ce sacrifice chaque jour pour le salut des âmes.
 
        LA PURIFICATION PAR LA SOUFFRANCE
 
        Je vis un chemin de croix quotidien. Notre Seigneur désire certainement me purifier, m’unir à ses souffrances. Je ne comprends pas encore bien pourquoi je dois vivre tout cela. Je crie souvent vers le Seigneur, je pleure aussi, parfois. L’épreuve est lourde. Je ne me rebelle pas contre Dieu, mais j’ose crier, comme les psalmistes. Le cri de l’âme qui souffre est aussi une prière. Notre Seigneur Jésus a crié vers son Père, au moment de mourir : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?". Il prend sur lui les cris de souffrance de tous les hommes qui traversent les ténèbres, il les dépose auprès de son Père. Je sais dans la foi que mes prières douloureuses sont reçues par le Seigneur, qu’elles sont écoutées, et que le Seigneur répond comme il a répondu à son divin Fils sur la Croix. Réponse mystérieuse, que l’on aimerait plus claire, plus évidente. Mais réponse réelle, car le Seigneur console. Je garde gravée au plus profond de moi cette parole du Christ qui est la source d’une immense espérance : "Voici que je suis avec tous les jours, jusqu’à la fin du monde". Oui, le Seigneur est avec moi, il est là, il veille, il me soutient.
 
        "Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car ton bâton me guide et me rassure". J’ai souvent médité sur ce psaume qui m’assure du soutien du Seigneur dans les grands moments d’épreuve. Ces ravins de la mort prennent plusieurs aspects, que ce soit le combat spirituel ou la lutte contre la maladie. Seul, sans le Christ, il est impossible de se battre. Saint Pierre en a fait l’amère expérience, lorsqu’il se mit à couler parce qu’il avançait tout seul. Je saisis volontiers ce bâton du Seigneur, ce bâton qui fendit la Mer Rouge et perça le rocher. Ce bâton, c’est la houlette du Bon Pasteur. Et le pasteur a besoin de ce bâton pour chasser les bêtes sauvages, pour combattre les loups qui veulent s’emparer des brebis.
 
        À l’intérieur de l’Église, des loups se sont introduits. Ce sont des prêtres, et même parfois des évêques, qui ne cherchent pas le bien et le salut des âmes, mais qui désirent d’abord la réalisation de leurs propres intérêts, comme la réussite d’une "pseudo-carrière". Alors ils sont prêts à tout : céder à la pensée dominante, pactiser avec certains lobbies comme les LGBT, renoncer à la doctrine de la vraie foi pour s’adapter à l’air du temps, mentir pour parvenir à leurs fins. J’ai rencontré ce genre de loups déguisés en bons pasteurs, et j’ai souffert par l’Église. Dans les différentes crises que j’ai traversées, je me suis rendu compte que les autorités ne prenaient pas soin des prêtres et les défendaient rarement, prenant fait et cause pour des récriminations de laïcs progressistes en mal de pouvoir et voulant une liturgie plate dans une auto-célébration de l’assemblée. Comme prêtre, pasteur et guide des brebis qui vous sont confiées, si vous décidez de soigner la liturgie pour honorer notre Seigneur et lui rendre un culte véritable, il est peu probable que vous soyez soutenu en haut lieu face aux laïcs qui se plaignent.
 
        Aujourd’hui, je veux offrir mes souffrances pour l’Église, pour ma paroisse, pour les vocations. Toutes les vocations : sacerdotales, religieuses, maritales. Je demande au Seigneur la force de pardonner à ceux qui m’ont persécuté, et le courage d’avancer en portant ces croix de chaque jour. Comme Zachée, pour voir le Christ, il nous faut monter sur un arbre, l’arbre de la Croix. "Stat crux dum volvitur orbis" ― "La croix demeure tandis que le monde tourne" : telle est la devise des Chartreux. Au milieu des changements et des troubles de ce monde, demeure plantée sur notre terre de manière stable, comme le signe de notre foi, la croix de notre Sauveur.
 
        LA FORCE DE LA PRIÈRE
 
        En décembre 1993, j’ai suivi une retraite à l’abbaye Notre-Dame de Maylis, dans les Landes. C’était une école d’oraison, pour apprendre à prier, à l’écoute du Père Caffarel, qui fonda les équipes Notre Dame, mais fut aussi un maître d’oraison. J’ai beaucoup reçu de lui, en particulier à travers son livre : Cent lettres sur la prière. Durant ces jours, notre Seigneur m’a donné la grâce de percevoir son amour pour moi, et m’a fait découvrir la place éminente et vitale de la prière dans la vie chrétienne. Dès cet instant, ma vie a changé, car mes journées sont marquées au fer rouge de l’oraison qui transforme la vie et donne l’amour de Dieu.
 
        La prière est le secret d’une vie chrétienne féconde. Sans la prière, un chrétien ne peut pas tenir, car il ne peut affronter les puissances des ténèbres. Nous ne luttons pas contre de petits adversaires insignifiants, mais contre le démon, le prince des ténèbres, le père du mensonge. Comme nous y exhorte saint Paul : "Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon" (Ep VI, 11-13).
 
        Pour résister et tenir bon, nous avons besoin de la puissance de la prière. C’est elle, la force qui en secret, transforme le monde. Si les chrétiens abandonnent la prière, en se laissant séduire par le règne de l’efficacité et de la rentabilité, alors la porte s’ouvre "sur la nuit spirituelle et la barbarie scientifique". Le Père Caffarel prophétise ainsi : "Ou bien le christianisme fera la conquête du monde en priant, ou bien il périra. Il y a là une question de vie ou de mort pour le christianisme" (cf. Présence à Dieu, Cent lettres sur la prière).
 
        Et saint Jean de la Croix d’affirmer : "Sans l’oraison, tout se réduit à frapper des coups de marteau pour ne produire à peu près rien, ou même absolument rien, et parfois plus de mal que de bien" (6). Et le curé d’Ars : "Vous avez un petit cœur, mais la prière l’élargit et le rend capable d’aimer Dieu".
 
        Dans la prière quotidienne, dans ce cœur à cœur avec le Seigneur, nous sommes transformés en profondeur. Le bon Dieu agit au fond de notre âme pour nous prodiguer toute sorte de bien. Ce n’est pas d’abord moi qui agis, par mes belles paroles ou médiations, mais c’est Dieu qui agit. Ce temps passé en sa présence est source de grâces, et ce qui compte, c’est la fidélité et la persévérance, chaque jour. Plus nous avons à faire et plus nous devons prier !
 
        Depuis l’annonce de mon cancer, la famille, les amis, les fidèles se sont engagés avec ardeur dans la prière pour demander ma guérison. Je suis émerveillé par toutes ces initiatives prises, des neuvaines aux veillées de prière. Je suis impressionné par ces chaînes de prière qui touchent jusqu’aux abbayes. Cette prière me porte et me soutient. Elle est vraiment efficace. C’est elle qui m’aide à garder confiance et à avancer avec courage. Je voudrais dire à tous ceux qui prient pour moi de continuer, d’être bien persuadés que leurs prières ne sont pas vaines. Comme j’aimerais qu’ils ne se découragent pas de prier et qu’ils voient leurs efforts couronnés, d’une manière ou d’une autre. Je ne veux pas les décevoir, c’est pourquoi je continue de lutter, soulevé comme par un souffle immense qui monte vers notre Seigneur.
 
        LA SAINTE VIERGE MARIE
 
        "Comment ai-je ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?" s’interroge Elizabeth (Lc I, 43). Et je m’émerveille aussi devant la présence de Marie dans ma vie.
 
        La Vierge Marie a toujours été présente dans ma vie, depuis mon enfance jusqu’à aujourd’hui. C’est elle qui m’a guidé vers le sacerdoce, m’encourageant avec confiance, malgré le sentiment de mon indignité et de mon incapacité. Je me souviens avec émotion de ce moment de grâce où, dans une petite chapelle située sur la colline de Vezelay, Marie m’a comme pris par la main pour me rassurer et me lancer dans le chemin vers le sacerdoce. La sainte Vierge m’a toujours protégé, et consolé. Dans tous les moments d’épreuves que j’ai connus, dans toutes ces situations humaines qui semblaient perdues, je me suis toujours confié à Marie, réfugié sous son manteau blanc immaculé, placé sous sa protection. J’ai toujours éprouvé dans ces moments d’abandon une grâce de consolation, avec la certitude que Marie veillait, qu’elle était là, vigilante et protectrice. Je n’ai jamais été déçu ni abandonné par elle. Je voudrais témoigner combien la prière à Marie est source de grâces. La sainte Vierge ne nous retient pas contre elle, mais elle nous conduit vers son divin Fils, elle nous apprend, comme une mère, à le connaitre et à l’aimer.
 
        Dans ma vie de prêtre, Marie tient une place privilégiée, car c’est elle qui nous a donné le Sauveur, et telle est la mission du prêtre : donner le Seigneur aux hommes. Sans la sainte Vierge, sans un lien particulier et affectueux avec elle, sans une prière constante adressée à notre bonne Mère du Ciel, un prêtre ne pourra pas accomplir pleinement son ministère. Je voudrais citer ici le Cardinal Journet dont je fais miennes ses paroles : "La Vierge Marie est restée, et restera toujours, une joie dans notre vie de prêtre. Les fêtes de la Vierge, ainsi chaque samedi, sont comme un peu de soleil et un printemps dans nos cœurs. Lorsqu’on demeure près d’elle, la peur n’existe plus. Les menaces de la misère et de la médiocrité qui nous enveloppent cessent de nous accabler. Avec elle, nous sommes de l’autre côté parce que nous sommes devenus ses enfants" (7).
 
        C’est Marie qui a sans cesse fortifié ma foi. Je me suis toujours appuyé sur sa foi limpide et indéfectible. C’est avec elle que je désire prononcer mon Fiat au Seigneur, soutenu et entrainé par elle. Mon affection pour notre bonne mère du Ciel est portée par elle dans le cœur de son divin Fils. Grâce à Marie, mon amour pour le Christ s’est accru et affermi. Plus on aime Marie, et plus elle nous fait aimer son Fils. Plus on se confie à elle, plus notre foi grandit. Quel bonheur d’avoir Marie pour mère ! Quelle joie de sentir qu’elle intervient en notre faveur, et qu’elle nous prodigue sa tendresse toute maternelle. Marie nous console, elle sèche nos larmes comme une mère sait le faire. Elle a pleuré, à Nazareth, lorsque son Fils fut incompris, chassé et rejeté. Elle ne veut pas que nous souffrions, elle est à nos côtés pour soulager nos peines et nous aider à les porter.
 
        J’ai fait graver sur mon calice, offert pour mon ordination, une devise que je fais mienne et qui était celle de saint Jean-Paul II : "Totus tuus". Ces deux mots signifient mon désir de m’en remettre à Marie en toute chose, de passer par elle, de lui livrer et consacrer, en toute soumission et amour ― selon la prière de St Louis-Marie Grignon de Montfort ― mon corps et mon âme, et tout ce que je dois accomplir. Comme tout est plus simple et efficace lorsqu’on choisit de tout confier à la sainte Vierge ! Le secret, c’est de comprendre que notre Seigneur a voulu passer par Marie pour se donner aux hommes, et qu’il continue de faire ainsi : les grâces passent par la sainte Vierge.
 
        Dans mes pauvres prières de chaque jour, souvent marquées par la faiblesse, par la sécheresse du cœur, par les distractions, je me dis que Marie achève et complète ce que je ne parviens pas à réaliser. C’est elle qui présente à son divin Fils mes pauvres balbutiements de prière. C’est pourquoi, comme l’écrit le Curé d’Ars, "Lorsque nos mains ont touché des aromates, elles embaument tout ce qu’elles touchent. Faisons passer nos prières par les mains de la Sainte Vierge, elle les embaumera".
 
        Le récit de l’Annonciation est une des plus belles pages des Évangiles, car un double mystère nous est dévoilé : le mystère de l’Immaculée Conception, et celui de la conception virginale du Christ. Ces deux mystères sont reliés par la liberté de Marie qui prononce son Fiat au Seigneur en lui disant oui de tout son être. Ce Oui de Marie, comme l’écrit le Cardinal Charles Journet, "est le plus beau Oui que la terre n’ait jamais dit au Ciel" (8). Et saint Thomas d’Aquin d’affirmer : "Elle le prononce au nom de l’humanité tout entière, depuis le soir de la chute jusqu’à la fin du monde" (9).
 
        C’est par Marie, et avec elle, que nous pouvons dire oui au Seigneur et à sa sainte volonté. Son oui n’a pas été marqué par le péché originel et la rébellion contre Dieu. C’est un Oui pur, limpide, total, vrai, sans aucune retenue ni arrière-pensée. Nos "oui" à nous sont toujours marqués par un "mais" caché, par des conditions posées, par des fuites discrètes… "Oui Seigneur, mais… ". Pourtant, le Seigneur nous avertit : "Que votre parole soit oui, si c’est oui, non si c’est non ; ce qui est plus vient du Mauvais" (Mt V, 37). Avec Marie, nous pouvons enfin dire un vrai oui au Seigneur, elle nous aide à nous abandonner à son divin Fils, elle nous porte dans son Fiat.
 
        À la grotte de Massabielle, où je me suis rendu tant et tant de fois, j’ai demandé à Notre Dame de Lourdes de m’aider à vouloir ce que Dieu veut pour moi. Cette grotte est pour moi un refuge, un lieu saint, un rocher sur lequel s’appuyer pour reprendre des forces. La source d’eau vive qui coule au fond de la grotte est la fontaine de grâces que la sainte Vierge désire nous donner. Je me suis réjoui dans cette grotte, j’y ai rendu grâces, j’y ai déposé de nombreuses intentions de prière ; c’est aussi là que j’ai été guéri par Marie d’une blessure venant de l’Église. Ce lieu béni est pour moi un lieu fondateur de ma foi depuis mon enfance. Là, dans le froid du mois de janvier, je me confie à nouveau avec ardeur à Notre Dame de Lourdes. Je demeure devant la grotte, je prie en silence, je m’abandonne au Seigneur par les bras de Marie, je reprends des forces, je prie mon chapelet. Le froid ne parvient pas à me chasser de ce lieu béni. "La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée". Je contemple cette lumière qui émane de la grotte, lumière bienfaisante et salutaire. Merci, Marie, pour ta protection maternelle et ta présence constante à mes côtés. J’entends résonner en moi la voix du psalmiste : "Espère le Seigneur, sois fort et prends courage, espère le Seigneur" (Ps XXVI, 14). Et je fais mienne la parole du lépreux, dans l’Évangile de ce jour : "Si tu le veux, tu peux me purifier" (Mc I, 40). Oui Seigneur, si telle est ta sainte volonté, tu peux guérir mon corps blessé. Mais que ta volonté soit faite ! Je confie à Marie cette humble prière.
 
        LE BON COMBAT
 
        Comme j’aimerais, au soir de ma vie, m’écrier comme saint Paul : "J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi" (2 Tm IV, 7). Quel est le bon combat à mener en ce monde ? Beaucoup dépensent de l’énergie pour des luttes qui n’en valent pas la peine, comme cette écologie érigée en nouvelle religion, ou cette défense de la cause animale au détriment des hommes. Voyez toute cette énergie dépensée pour des combats menés avec le diable, comme ceux de la culture de mort, de la théorie du genre, du transhumanisme, du wokisme…. Tout cela détourne les personnes de Dieu et leur fait mener de faux combats qui sont ceux du démon.
 
        Le bon combat est celui de la foi : garder la foi et transmettre la foi, dans la fidélité à la tradition de l’Église. Ma foi, aujourd’hui, est celle des patriarches, des prophètes, des apôtres, des saints et des saintes qui nous précèdent et qui nous ont transmis ce trésor de la foi au vrai Dieu. Au long des siècles de l’histoire de l’Église, que de sang versé, de souffrances subies, de persécutions violentes pour protéger et transmettre la foi !
 
        Le bon combat, c’est celui qui consiste à rester fidèle aux promesses de son baptême, à lutter pour demeurer uni au Seigneur Jésus, à vivre en chrétien, à garder ses convictions. C’est un combat de chaque jour, car le démon ne cesse de tenter de nous détourner de Dieu. Le bon combat, c’est celui de la fidélité au Christ, fidélité qui se gagne chaque jour à travers les devoirs de la vie chrétienne : la prière quotidienne, la messe dominicale, la confession régulière, la lutte contre tel ou tel péché qui revient sans cesse. Il y a des chrétiens héroïques qui se battent chaque jour pour terrasser un péché qui empoisonne leur vie. Ces combats de l’ombre, dans les secrets de la vie, sont autant de petites victoires remportées contre le Prince des ténèbres.
 
        Dans ma vie de prêtre, je mène ce combat avec ardeur, car je porte sur mes épaules la charge des âmes qui me sont confiées. Comment pourrais-je remplir ma mission sans une réelle vie intérieure, sans être uni au Christ par la prière et les sacrements ? Où puiser la force nécessaire pour sanctifier le peuple chrétien si ce n’est en Dieu lui- même ? Je me rends compte combien il est vital pour un prêtre de donner du temps au Seigneur, de lui consacrer un temps précieux, pour être avec Lui, pour l’aimer, pour l’adorer. Un prêtre doit d’abord être proche du Seigneur pour pouvoir donner Dieu aux hommes. La fécondité d’un apostolat ne tient qu’à la puissance de la prière qui le porte. J’ai lutté contre la tentation de l’activisme qui nous fait croire que le temps de la prière est inutile, ou bien impossible dans tel contexte. Celui qui prie ne perd pas son temps, celui qui prie n’est jamais seul. Combien de fois ai-je éprouvé dans ma vie de prêtre la force de la prière ! C’est la prière qui, de manière invisible, me donne la capacité de prêcher, d’enseigner, d’assumer une mission délicate, et surtout de m’effacer pour laisser toute la place au Christ. Sans la prière et l’union intérieure au Christ, notre vie tombe en ruine.
 
        Le bon combat, c’est celui de chaque instant pour bien accomplir son devoir d’état et porter le poids du jour sans récriminer contre Dieu. Les tâches de la vie quotidienne, humbles et souvent cachées, relèvent de ce combat qui nous aide à demeurer uni au Christ.
 
        Le bon combat, c’est celui qui consiste à suivre le Christ, pas à pas. "Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive" (Lc IX, 23). Telle est la condition de celui qui veut être disciple du Christ, en un mot, de celui qui veut être vraiment chrétien. Le chemin du Christ passe par la Croix, et c’est pourquoi le chemin de tout chrétien passe aussi par la croix. On ne choisit pas ses croix, on ne choisit pas ses souffrances. Elles se présentent à nous, sans que nous les ayons demandées. Il existe les petites croix de chaque jour, faites de renoncements, d’humiliations, d’efforts. Le devoir d’état.
 
        Et puis il existe les grandes croix de la vie, celles qui sont plantées dans notre être, corps et âme. Ce sont les souffrances dues à la maladie, les douleurs provoquées par la mort d’un être cher, les épreuves des combats à mener, les persécutions pour la foi. Ces grandes croix ne peuvent être portées qu’avec l’aide de Dieu. Le Christ a porté sa croix, si lourde, et il ne cesse de nous aider à porter les nôtres. Trois fois il est tombé, trois fois il s’est relevé avec la force de Dieu son Père. Il prend sur ses épaules notre fardeau, si nous lui confions, pour nous fortifier et nous soutenir.
 
        "LE MOMENT DE MON DÉPART EST VENU"
 
        "Moi, en effet, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi" (II Tim IV, 6-7).
 
        Voici près d’un an que je combats contre ce cancer. Un an de lutte acharnée, de souffrances quotidiennes, de diverses hospitalisations. Un an de chimiothérapies endurées toutes les deux semaines. Je sens bien que mon corps s’affaiblit, et que le cancer gagne du terrain. "Mais l’on ne se bat pas dans l’espoir du succès, non, non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !" (Cyrano de Bergerac). La médecine semble baisser les armes, les chimios ne sont pas assez efficaces. Demeure toujours le combat de l’âme, pour tenir, avancer, garder l’espérance, s’abandonner au Seigneur, se confier à la sainte Vierge, prier sans relâche, encourager ses proches, garder la joie du cœur, et se préparer à la mort. Je veux mener ce dernier combat avec le courage et la force de la foi.
 
        Je me prépare donc à paraître devant mon Seigneur. J’ai confiance, car comme l’écrivait Benoit XVI, le Seigneur est à la fois mon juge et mon avocat : "Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Même si, en regardant ma longue vie, j’ai beaucoup de raisons d’avoir peur et d’être effrayé, j’ai néanmoins l’âme joyeuse, car j’ai la ferme conviction que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais en même temps l’ami et le frère qui a lui-même souffert de mes défauts et qui, par conséquent, en tant que juge, est également mon avocat" (Benoît XVI).
 
        Saint Josémaria disait : "La joie chrétienne a ses racines en forme de croix". Au soir de ma vie, malgré toutes ces souffrances, je garde une joie profonde, la joie de savoir que le Seigneur est avec moi, la joie de savoir que le Seigneur m’attend au Ciel. Si parfois la tristesse apparaît, je demande au Seigneur de la changer en joie. La mort d’un être cher provoque des pleurs, des larmes, des douleurs. Le Christ aussi a pleuré devant la mort de son ami Lazare. Mais que cette douleur du cœur, aussi intense soit-elle, n’éteigne pas la flamme de la foi et de l’espérance.
 
        "Quelle joie quand on m’a dit, nous irons à la maison du Seigneur ; maintenant notre marche prend fin, devant tes portes Jérusalem".
       
         Oui, ma marche prend fin, dans la joie de paraître bientôt devant le Seigneur. C’est avec la sainte Vierge que je veux franchir cette porte au dernier instant de ma vie, elle qui est la porte du Ciel.
 
        "Serviteur de votre joie", je vous bénis de tout cœur.
 
Abbé Cyril Gordien +
Prêtre pour l’éternité
 
(1) Cardinal Sarah, Catéchisme de la vie spirituelle, Fayard, 2022, p. 67.
(2) Saint Josémaria Escriva, Quand le Christ passe, 154.
(3) Saint Jean-Paul II, encyclique Ecclesia de Eucharistia, n.25.
(4) Saint Jean-Paul II, encyclique Ecclesia de Eucharistia, n.59.60.
(5) Cf. Benoit XVI, rencontre avec le clergé de Rome, Lectio divina, 18 février 2010.
(6) Saint Jean de la Croix, le Cantique spirituel, B, strophe 29,3.
(7) Card. Charles Journet, Entretiens sur Marie, p. 37.
(8) Card. Charles Journet, Entretiens sur Marie, p. 22.
(9) Somme théologique, IIIa, q.30.
 
LA NEF, mis en ligne le lundi 20 mars 2023, en la fête de saint Joseph ;
testament spirituel de l’abbé Gordien
(fin de citation)
 
En la fête de saint Laurent,
[cardinal-]diacre & martyr,
Ce 10 août 2023.
Vincent Morlier
Écrivain catholique.
 
 
 LaurentSaint
 
 
 
10-08-2023 07:47:00
 

Le site "rallié" Archidiacre : un ramas d'erreurs graves et de faussetés présentées comme des vérités, mélangé à quelques vraies vérités, ce qui le rend plus toxico-nocif encore...

16-07-2023 09:07:00
 

Où se situe l'acte de droit divin qui fait certainement le pape actuel ? Chez les cardinaux qui l'élisent canoniquement dans le conclave ? Ou chez les évêques de l'orbe catholique qui approuvent a-posteriori l'élection des cardinaux ?

 
 
 
 
 
Où se situe l'acte de droit divin
qui fait certainement le pape actuel ?
Chez les cardinaux qui l'élisent
canoniquement dans le conclave ?
Ou chez les évêques de l'orbe catholique
qui approuvent a-posteriori l'élection des cardinaux ?
 
            
        Mon titre résume bien la question. Qu'on me permette cependant, pour commencer mon nouvel article, de la reformuler ainsi avec un peu plus de précision : qui sont les sujets habilités à poser l'acte de droit divin désignant en toute certitude à tous les fidèles un tel comme le Vicaire du Christ actuel, ledit acte obligeant tout catholique à la croyance de fide, à défaut de laquelle croyance le fidèle se mettrait ipso-facto lui-même hors de l'Église ?
           
        Je soulève ce lièvre, car la lecture de quelques articles faite ces jours derniers m'a montré que certains auteurs de la mouvance "ralliée" professent que lesdits sujets sont seulement et exclusivement les évêques de l'orbe catholique toute entière, au nom de l'universitas fidelium. Selon ces auteurs en effet, la reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de Pontife romain actuel sur un tel, encore dite pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, qui est de soi toujours un fait dogmatique doté de l'infaillibilité, ne serait actée que par toute l'orbe catholique universelle, c'est-à-dire par absolument tous les fidèles de l'Église catholique en corps, sans distinction de rang, dont cependant les chefs seuls, qui sont tous les évêques, seraient habilités à poser, en leurs noms à tous, l'acte de droit divin engageant la croyance de fide de tous les fidèles. Dans cette thèse, l'acte double des cardinaux élisant le pape dans leur majorité canonique des deux/tiers, adhæsio cardinalice au nouveau pape actuel pourtant toujours antécédente à l'adhæsio de l'universitas fidelium, à savoir l'élection conclavique proprement dite théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, puis, dans l'octave de cette dite élection, l'obédience cardinalice faite publiquement dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, cet acte cardinalice double disais-je, n'aurait aucune valeur pour asseoir la croyance de fide dans le nouveau pape, il ne serait pas le fondement théologique de ce qu'on a appelé la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio.
           
        Or, cette thèse est manifestement et profondément erronée, elle ouvre même à deux battants grand'ouverts la porte à une grave hérésie attentant radicalement à l'Institution divine de la papauté et prétendant la détruire de fond en comble, à savoir le conciliarisme. C'est pourquoi je crois bon et utile de la dénoncer dans ce nouvel article.
           
        Mais partons tout d'abord d'un premier point, sur lequel tout le monde sera d'accord.
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Ce point fondamental et prolégoménique que je vais poser maintenant, que j'ai toujours posé ainsi dès les premières rédactions de L'impubliable, mon ouvrage de fond sur la théologie de la "crise de l'Église" (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/images/stories/users/43/LImpubliableCompletTERMINUSDEFINITIF7meEdition2015.pdf), est que les sujets habilités à poser l'acte de reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de Pontife romain actuel sur un tel valant fait dogmatique doté de l'infaillibilité, ne peuvent qu'avoir, pour ce faire, Autorité de droit divin de représenter l'Église Universelle dans cette mission suréminente particulière de légitimer le pape actuel. Or, tout le monde dans l'Église, il s'en faut de beaucoup, n'a pas l'autorité de représenter l'Église Universelle dans sa mission de légitimer le pape actuel, il n'y en a au contraire que très-peu qui ont cette dite autorité. Avant de dire quelle catégorie de sujets dans l'Église ont, in capite et au premier chef, cette autorité, je ferai remarquer une chose.
           
        Si on lit les théologiens et les canonistes qui ont traité de la question, aucun, à ma connaissance, ne prend la peine de définir qui sont cesdits sujets, aussi étonnant et même incroyable cela puisse paraître. Je n'en citerai que quelques-uns qui, on le remarquera sans difficulté, en reste au générique, à la règle générale :
           
        ― "Dieu peut permettre que le Siège apostolique demeure vacant assez longtemps ; il peut permettre même qu'un doute s'élève sur la légitimité de tel ou tel élu ; mais il ne peut pas permettre que l'Église toute entière reconnaisse comme pontife légitime celui qui, en réalité, ne le serait point. Dès l'instant où le pape est accueilli comme tel, et apparaît uni à l'Église comme la tête l'est au corps, la question ne saurait plus être agitée d'un vice dans l'élection ou de l'absence d'une des conditions requises pour sa légitimité. L'adhésion de l'Église guérit pour ainsi dire radicalement tout vice possible de l'élection, et, d'une manière infaillible, elle démontre l'existence de toutes les conditions requises" (cardinal Billot) ;
           
        ― "L'acceptation pacifique de l'Église universelle s'unissant actuellement à tel élu comme au chef auquel elle se soumet, est un acte où l'Église engage sa destinée. C'est donc un acte de soi infaillible, et il est immédiatement connaissable comme tel (conséquemment et médiatement, il apparaîtra que toutes les conditions prérequises à la validité de l'élection ont été réalisées). L'acceptation de l'Église s'opère soit négativement, lorsque l'élection n'est pas aussitôt combattue ; soit positivement, lorsque l'élection est d'abord acceptée par ceux qui sont présents et progressivement par les autres" (cardinal Journet, citant en finale Jean de Saint-Thomas) ;            
           
        ― "Peu importe que dans les siècles passés quelque pontife ait été élu de façon illégitime ou ait pris possession du pontificat par fraude ; il suffit qu'il ait été accepté ensuite comme pape par toute l'Église, car de ce fait, il est devenu le vrai pontife. Mais si pendant un certain temps, il n'avait pas été accepté vraiment et universellement par l'Église, pendant ce temps alors le siège pontifical aurait été vacant, comme il est vacant à la mort du pape" (saint Alphonse de Liguori) ;
           
        ― Plus récemment, et même extrêmement récemment, un auteur à sensation genre paparazzi ayant voulu mettre en doute la validité de l'élection pontificale de François, une canoniste italienne faisant autorité a réfuté sans aucune difficulté ses allégations mensongères, et conclut, elle aussi, comme tous les théologiens catholiques du passé : "Étant donnée l’absence totale de fondement juridique de ces suppositions [l'auteur à sensation affirmait qu'il y avait eu des erreurs de dépouillement de bulletins dans le conclave élisant François], on voit également disparaître, même si l’on veut ajouter foi aux informations dont il tire son origine, le cauchemar inconsidérément agité que serait la présence actuelle, sur la chaire de Pierre, d’un pape douteux. Quoi qu’il en soit, les canonistes ont constamment et unanimement enseigné que la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio est le signe et l’effet infaillible d’une élection valide et d’un souverain pontificat légitime. Et l’adhésion du peuple de Dieu au pape François ne peut être mise en doute d’aucune manière" (Geraldina Boni).
           
        On le constate sans peine : les membres de l'Église ayant Autorité et habilités à poser l'acte d'adhésion pacifique ou reconnaissance ecclésiale universelle sur le nouveau pape... ne sont pas définis. On laisse même pratiquement entendre qu'il s'agit tout simplement de l'universitas fidelium, c'est-à-dire en fait de tous les fidèles quels qu'ils soient, indistinctement, qu'ils soient grand'clercs ou simples laïcs, "membres enseignants" ou "membres enseignés", notre canoniste italienne contemporaine parlant même carrément, à la façon moderne voire même moderniste, de... "peuple de Dieu" !
           
        Or, théologiquement, il ne peut pas en être ainsi. En effet, de dire avec certitude qu'un pape est légitime engage une croyance de fide, c'est donc un enseignement, au sens théologique fort du terme, de l'Église Universelle à l'Église Universelle : c'est l'Église Universelle qui se révèle à elle-même qu'elle a un nouveau et vrai Vicaire du Christ, règle prochaine et immédiate de sa Foi. Or, tout enseignement d'une croyance de fide, dans l'Église, qu'il soit sur les choses de la Foi ou sur celles de la Légitimité pontificale, ne peut qu'être un enseignement autorisé, c'est-à-dire émanant d'une Autorité constituée de droit divin pour donner et délivrer cedit enseignement à croire de fide. Et il est évident que tous les fidèles, dans l'Église, n'ont pas cette autorité, même réunis tous ensemble : l'enseignement impliquant la croyance de fide, en effet, n'est pas démocratiquement délivré par l'Église à l'âme du fidèle, mais hiérarchiquement (hieros - archos), c'est-à-dire par des "membres enseignants" aux "membres enseignés", c'est ainsi que l'Église est divinement constituée par le Christ.
           
        La problématique que nous sommes en train d'étudier, à savoir l'enseignement dans l'âme de tout fidèle de l'Église de la Légitimité pontificale quant à un pape particulier d'une génération ecclésiale donnée, est du reste exactement la même que celle ayant trait à l'enseignement de la Foi. On peut dire aussi, d'une manière générale : "Toute l'Église a la Foi". Mais il n'est pas besoin de creuser la théologie bien loin pour comprendre que si tous les membres de l'Église ont la Foi, ils ne l'ont pas de la même manière : les uns enseignent la Foi, les autres la reçoivent. Saint Paul explique remarquablement bien toute l'articulation théologique de cette ordonnance par laquelle la Foi arrive jusqu'à l'âme du fidèle : "Comment donc invoquera-t-on Celui [le Christ Jésus] en qui on n'a pas encore cru ? Et comment croira-t-on en Celui dont on n'a pas entendu parler ? Et comment en entendra-t-on parler s'il n'y a pas de prédicateur ? Et comment seront-ils prédicateurs, s'ils ne sont pas envoyés [au sens fort, c'est-à-dire mandatés de droit divin par l'Église pour prêcher la Foi directement au nom du Christ = Magistère infaillible du pape et des évêques unis à lui] ?" (Rom X, 14‑15).
           
        Or donc, l'enseignement de la Légitimité pontificale se fait exactement de la même manière que l'enseignement de la Foi à l'âme du fidèle, on est en effet théologiquement tout-à-fait fondé à paraphraser saint Paul de cette manière : "Comment pourra-t-on prendre le nouveau pape pour règle prochaine de la Foi si on ne sait pas encore qu'il est certainement pape ? Et comment saura-t-on s'il est certainement pape, si personne ne nous le dit ? Et comment nous le dira-t-on s'il n'y a pas dans l'Église des prédicateurs, c'est-à-dire des membres autorisés par elle à dire la légitimité certaine du nouveau pape ? Et comment ces prédicateurs-là pourront-ils exister s'ils ne sont pas envoyés, c'est-à-dire s'ils n'ont pas la mission de droit divin, à eux donnée par l'Église Universelle, de dire à tous les fidèles qui est le pape actuel vrai et authentique ?"
           
        Ainsi donc, si l'adhésion pacifique de tous les membres de l'Église se fait autour d'un pape élu, il est certainement pape, tous les théologiens sont unanimes sur ce point : "toute l'Église a la Foi", aussi "toute l'Église adhère pacifiquement au vrai pape". Rien de plus sûr. Mais de la même hiérarchique manière que pour la Foi, certains membres, de droit divin, enseignent aux autres membres la certitude de la légitimité du nouveau pape, quand d'autres, ne font que recevoir cet enseignement.
           
        Et il est très-important de comprendre que ceux qui ont autorité dans l'Église pour dire qu'un tel est légitime Vicaire du Christ actuel, sont en vérité les SEULS à acter théologiquement ce qu'on appelle la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, qui a valeur de règle prochaine en matière de Légitimité pontificale, tant il est vrai que, dans l'Église, seul compte ce que font ceux qui ont autorité, c'est-à-dire les "membres enseignants". Ils sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale, et lorsqu'ils désignent et reconnaissent ensemble qu'un tel est le pape actuel de l'Église, leur acte de désignation et de reconnaissance fonde la croyance de fide de tous les autres fidèles en ce que ce un tel est certainement pape, verus papa, car tous les autres fidèles ne sont que "membres enseignés" de la Légitimité pontificale. Il est capital de bien saisir que cette dite croyance de tous les autres fidèles n'est qu'une subséquence de l'acte posé par les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale. C'est-à-dire que si tous les "membres enseignés" de la Légitimité pontificale acceptaient pacifiquement un tel pour pape, mais sans être unis et adjoints aux "membres enseignants" de la Légitimité pontificale dans cette acceptation pacifique, cela ne vaudrait rien, celui qu'ils auraient ainsi accepté pacifiquement comme pape, fussent-ils des milliards de simples fidèles, ne serait pas infailliblement vrai pape. C'est exactement la même chose pour l'enseignement de la Foi : si, tel Luther et les protestants qui le suivront, je prétends m'enseigner la Foi à moi-même sans passer par les "membres enseignants" mandatés de droit divin dans l'Église pour me l'enseigner, mon enseignement de la Foi à moi-même ne vaut rien (... encore moins vaut-il quelque chose pour les autres...).
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Maintenant que la loi fondamentale est bien exposée, quant à la règle prochaine de la Légitimité pontificale, il ne va pas être très-difficile de définir avec précision qui sont ces membres de l'Église qui ont autorité pour dire à tous les autres membres de l'Église, qui est le pape légitime, autrement dit qui sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale, in capite et au premier chef : ce sont les cardinaux en corps d'institution dans le Sacré-Collège, dans leur majorité canonique des 2/3. Ce sont eux qui, premièrement, ont pouvoir et mandat dans l'Église de dire et d'enseigner, dans leur majorité canonique, qui est le pape actuel et qui ne l'est pas. Parce que, dans toute élection pontificale, ils représentent formellement l'Église romaine, laquelle, comme le dit merveilleusement bien le cardinal Journet dans L'Église du Verbe incarné, est "le nom d'humilité de l'Église Universelle". Ce qui signifie que lorsque, dans leur majorité canonique des deux/tiers, ils désignent et reconnaissent un tel comme vrai pape actuel, c'est l'Église Universelle qui parle par leur bouche, et par-delà l'Église Universelle, c'est évidemment le Saint-Esprit qui parle, c'est DIEU Lui-même... qui ne peut ni Se tromper ni nous tromper.
           
        Que ce soient les seuls cardinaux qui, in capite et au premier chef, sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale sur un pape actuel particulier, nous est déjà bien enseigné en filigrane par les monuments de l'histoire ecclésiastique.
           
        Ainsi, le premier rituel funé­raire des papes connu, daté de la fin du XIIIe siècle, suggère le transfert de toute l'Église institutionnelle dans l'Institution cardinalice par le pape mourant : "... Deux ou trois jours avant qu'il ne «perde la parole», le camerlingue doit convoquer les cardinaux afin que le pape mourant dicte son testament en leur présence, et choi­sisse le lieu de sa sépulture. Après avoir prononcé la profession de foi, le pape doit «recommander l'Église» aux cardinaux, appelés à choisir en paix et tranquillité un nouveau pasteur" (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, art. "mort du pape (Moyen-Âge)", p. 1143, 2e col.). Le mot "recommander" dans un rituel est à lire au sens fort, c'est comme la "recommandation de l'âme" dans le rituel des agonisants : cela signifie une livraison complète de ce qui est recommandé dans les mains de ceux à qui elle est recommandée. Autrement dit, le rituel que nous venons de lire laisse entendre que l'Église Universelle est remise toute entière par le pape mourant dans le sein des cardinaux en corps d'institution : et c'est alors que ces derniers jouissent tout naturellement de l'infaillibilité de cette Église qui leur est confiée toute entière, pour lui redonner infailliblement un nouveau pape… qui jouira alors du charisme de l'infaillibilité (en vérité, admirons comme l'Église est bien organisée ! Comment n'y point voir le Sceau du Saint-Esprit ?).     
           
        Un autre rituel funéraire pontifical, établi un siècle plus tard, va tout-à-fait dans le même sens, plus explicitement encore : "En informant les princes et les prélats de la chrétienté de la mort du pape, les cardinaux doivent recourir au «style apostolique», «comme si l'expéditeur de la lettre fût le pape»" (ibid., p. 1144, 1e col.). Dans le Cérémo­nial de Grégoire XV relatif aux funérailles du pape, qui, avec peu de modifications, restera en vigueur jusque dans les temps modernes, "un détail de toilette mérite d'être noté. En quittant la chambre mortuaire [du pape de cujus], le [cardinal] camerlingue se retire un instant dans l'antichambre secrète pour déposer sa mantelletta et «découvrir son rochet». Devant le pape, tous les dignitaires de l'Église ont le rochet ou surplis recou­vert de la mantelletta, signe que leur pouvoir de juridiction est suspendu. Laisser voir le rochet, pendant la vacance du Siège, et porter la simple mozette ou pèlerine est donc, pour les cardinaux, le signe de l'Auto­rité en quelque sorte souveraine à laquelle chacun [d'eux] participe dans une mesure égale" (Le Conclave, Lucius Lector, p. 153).     
           
        Si nous passons des funérailles aux actes posés par le Sacré-Collège pendant la vacance du Saint-Siège, c'est le même enseignement : "Autrefois, les réunions du directoire exécutif [des cardinaux pendant la vacance du Saint-Siège] se tenaient régulièrement chaque soir. (…) Un maître des cérémonies introduisait les diverses personnes admises à l'audience, lesquelles faisaient devant les cardinaux la génuflexion comme devant le pape" (ibid., p. 186) ; et Lucius Lector de bien souligner : "C'est dans ces réunions que le Sacré-Collège as­semblé apparaît dans le plein exercice de sa souveraineté. Tous égaux entre eux, ses membres forment un corps unique qui gouverne momentanément le Siège apostolique et reçoit, à ce titre, toutes les marques extérieures de la déférence qui s'adressent au souverain et au pontife. Individuellement, nous l'avons vu déjà, ils affirment, par la façon de porter le rochet à découvert, l'épanouissement de leur juridiction. Ils ne peuvent admettre personne à leurs côtés, dans leurs voitures, à cause de leur participation à la souveraineté ; mais dès qu'ils sont réunis en corps, ne fût-ce qu'au nombre capitulaire de trois, tout fidèle fléchit le genou devant eux, parce qu'au-dessus et à travers leur personnalité collective apparaît l'image du Siège apostoli­que, celle du Christ qui vit dans la chaire de Pierre, selon le mot d'un Père de l'Église : «Vivit in Petro Christus [= le Christ vit en Pierre] !» Cette déférence, a-t-on dit aussi, est témoignée aux cardinaux parce que dans leurs rangs, se trouve celui qui sera l'élu de demain. Cela n'est vrai que dans une certaine mesure ; car l'élu pourra être un cardinal absent comme Adrien VI ou même un prélat non revêtu de la pourpre cardinalice, comme Urbain VI.
           
        "C'est donc comme corps souverain que le Sacré-Collège se présente aux regards des fidèles. Parce que chacun de ses membres participe, dans une mesure égale, à cette souveraineté, chacun aussi en porte quelques marques distinctives. Tous et chacun ont ainsi droit au baldaquin dans la salle du scrutin, lequel baldaquin s'abaissera au moment où sera proclamé le nom de l'élu. (…) Le camerlingue [sorte de "président" du Sacré-Collège], à partir du moment où il a constaté la mort du pape, est accompagné partout de la garde pontificale, pour affir­mer devant les populations son autorité suprême quoique provisoire. Jadis même il traversait dans ce but la ville, de temps en temps, en train de gala, dans le carrosse papal des grandes circonstances. À lui aussi revenait le droit souverain de battre monnaie à ses armes avec les insignes du pavillon patriarcal dominant les deux clefs d'or et d'argent du pontificat, sede vacante. Le droit ecclésiastique ne voit dans sa personne que le repré­sentant, primus inter pares, du Sacré-Collège ; comme le Sacré-Collège lui-même n'est que le détenteur momentané et collectif de l'autorité suprême, autorité qu'il lui est interdit d'aliéner ou simplement d'engager, à quelque titre que ce soit. Le pontife futur devra retrouver intacte et dans sa plénitude la juridiction suprême de l'Église, sans que ses électeurs aient pu en restreindre l'exercice ou en limiter l'étendue" (ibid., pp. 188-190). "Aussitôt désigné [comme nouveau pape], le [cardinal] camerlingue passe au doigt du pape l'anneau du pê­cheur, symbole de la juridiction ressuscités" (ibid., p. 639).      
           
        Ainsi donc, c'est par trop clair, tout, dans le droit ecclésiastique écrit ou simplement coutumier ayant trait à la vacance du Saint-Siège, va à cette idée fondamentale que le Sacré-Collège des cardinaux est bien récipiendaire collectif du plein-pouvoir divin et humain de l'Église, ce qui veut dire que réside dans son sein le charisme de l'infaillibilité, avec puissance d'en user pour élire le nouveau pape, et bien sûr uniquement pour cela. Terminons cette évocation de l'Histoire ecclésiastique avec Lucius Lector, nom de plume emprunté par un cardinal lorsqu'il écrivit un fort livre, Le Conclave, quelques années avant la mort du pape Léon XIII : "Sur cette communication [lorsque l'élu dit "oui" à son élection dans le conclave], les deux cardinaux les plus voisins de l'Élu s'écartent respectueusement de leur collègue devenu leur Chef ; après quoi, tous abaissent le baldaquin de leur stalle. Leur souveraineté éphémère a pris fin : l'autorité du Siège apostolique se trouve de nouveau concentrée tout entière dans la personne de l'Élu" (ibid., p. 636). 
           
        Ce sont donc les cardinaux qui, in capite et au premier chef, sont les "membres enseignants" de la Légitimité pontificale quant à un pape actuel particulier, et qui génèrent théologiquement ce qu'on a appelé la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio en l'appliquant communément mais indûment à la seule réponse de l'universitas fidelium, qui ne sera seulement, en fait, que le tout dernier acte du long processus engageant la croyance de fide de tout fidèle envers le nouveau pape actuel, comme je le dirai mieux plus loin.
           
        On ne saurait donc s'étonner des forts propos d'un grand théologien thomiste, Jean de Saint-Thomas (1589-1644), pour cautionner cette proposition. Après avoir dit que la légitimité d'un pape actuel particulier est "une question de Foi, parce que [l'Église reçoit le nouveau pape] comme la règle infaillible de la Foi et comme le chef suprême auquel elle est unie, car l'unité de l'Église dépend de son union avec lui" (Cursus Thelogicus, t. VI, questions 1-7, Sur la Foi, Disputation VIII, 1640), Jean de Saint-Thomas pose alors la question qui suit immédiatement, la plus importante : mais qui, dans l'Église, a pouvoir de "proposer cette vérité comme de fide" (ibid.) ?, question qui commande évidemment tout le reste, dont j'ai fait justement le titre de mon nouvel article, questio magna. Et notre thomiste de répondre sans équivoque ni ambiguïté aucune : "Je réponds que l'élection et l'élu sont proposés par les cardinaux, non en leur propre personne, mais en la personne de l'Église et par son pouvoir, car c'est elle qui leur a confié le pouvoir d'élire le pape et de le déclarer élu. C'est pourquoi ils sont, à cet égard et pour cette tâche, L'ÉGLISE ELLE-MÊME REPRÉSENTATIVE. Ainsi les cardinaux, ou quiconque d’autre l’Église (c’est-à-dire le Pape) a légitimement désigné pour faire l’élection, représentent l’Église dans tout ce qui concerne l’élection de son chef, le successeur de Pierre" (ibid.).
           
        Notons avec soin que Jean de Saint-Thomas formule la même croyance que celle très-suggérée par les rituels moyenâgeux funéraires des papes que nous venons de voir : les cardinaux, en corps d'institution, SONT l'Église Universelle pour cette tâche suréminente, et bien sûr uniquement pour elle, de donner une nouvelle tête visible à l'Épouse du Christ. Or, puisque l'Église qui gît dans leur sein cardinalice est dotée de l'infaillibilité, la tâche que l'Église leur a donné mandat divin d'accomplir est donc elle-même dotée de l'infaillibilité. Il est de Foi, de fide, de dire que les cardinaux donnent donc un nouveau pape actuel à l'Église infailliblement, dès lors que le processus conclavique d'élection pontificale s'est dûment et canoniquement bien déroulé. Leur acte d'élection conclavique qui s'est canoniquement bien déroulé jusqu'à son achèvement théologique complet et définitif dans le "oui, accepto" du nouveau pape actuel, est doté de l'infaillibilité ecclésiale.
           
        C'est pourquoi Jean de Saint-Thomas, après avoir comparé à l'identique l'acte d'élection du nouveau pape par les cardinaux à "une définition donnée par les évêques lors d'un concile légitimement réuni" (ibid.), ne manque pas de préciser que l'acceptation de l'élection par l'universitas fidelium n'est qu'un confirmatur de l'élection du nouveau pape faite par les cardinaux : "De plus, l’acceptation de l’Église est, pour nous, comme une confirmation de cette déclaration [cardinalice]" (ibid.). Ce qui signifie on ne peut plus clairement que la déclaration cardinalice d'avoir fait un nouveau pape actuel est suffisante en elle-même et à elle toute seule pour obliger à la croyance de fide tout catholique, sinon l'acceptation a-posteriori de l'universitas fidelium de cette déclaration cardinalice n'en serait pas une confirmation, un simple confirmatur. La confirmation d'une chose, en effet, n'est que la reconnaissance que la chose qui est confirmé existe déjà antécédemment à l'acte de confirmer. Et c'est pourquoi Jean de Saint-Thomas finit son exposé de la question en disant fortement : "Dès que les hommes voient ou apprennent qu’un pape a été élu, et que l’élection n’est pas contestée, ils sont obligés de croire que cet homme est le pape, et de l’accepter" (ibid.).
           
        ― "obligés de croire" : c'est-à-dire qu'ils n'ont pas la possibilité de NE PAS poser l'acte d'acceptation pacifique ecclésiale universelle du nouveau pape ; ce qui signifie très-clairement que cet acte est second dans l'ordre théologique, l'acte premier et fondateur étant l'élection cardinalice conclavique théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre. L'acte d'acceptation par les évêques et les simples fidèles de l'orbe catholique toute entière n'est qu'un simple confirmatur de l'acte d'élection conclavique cardinalice qui est premier dans l'ordre théologique pour asseoir la croyance de fide de la légitimité du nouveau pape.
           
        ― "et que l'élection n'est pas contestée" : certes, Jean de Saint-Thomas formule que l'élection cardinalice, pour obliger à la croyance de fide, doit ne faire l'objet d'aucune contestation. Mais ce qu'il faut bien saisir, c'est qu'il n'est plus possible qu'une quelconque contestation, quelle qu'elle soit, puisse être validement mise en avant dès lors que l'élection conclavique est théologiquement achevée, ce qui est formellement le cas dès le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre. Cette possibilité de contestation, qui d'ailleurs ne peut qu'être interne au conclave, entre cardinaux seuls habilités à contester la procédure d'une élection pontificale, ad intra, et jamais être le fait postérieur de la part d'éléments extérieurs au conclave, ad extra, ne peut absolument plus exister dès lors et immédiatement que le "oui, accepto" a été dûment prononcé par le nouvel élu au Siège de Pierre (je vais bien l'expliquer tout-à-l'heure et en donner la raison mystique précise, avec Jérôme Bignon). Il manque ici une précision importante de la part de Jean de Saint-Thomas, qui semblerait laisser entendre qu'il peut exister une contestation après le "oui, accepto" de l'élu, après que le processus de l'élection pontificale soit théologiquement dûment achevé, pouvant soit disant remettre en cause toute l'élection qui vient d'avoir lieu, ce qui est faux.
 
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        Qu'il ne puisse y avoir la moindre contestation de l'élection qui vient d'avoir lieu après le "oui, accepto" du nouveau pape élu, nous en avons la preuve par l'affirmation du pape Pie XII, dans sa Constitution de 1945 sur les élections pontificales. Pie XII dit très-clairement : "Le consentement (de l'élu à sa propre élection au Siège de Pierre) ayant été donné (…), l'élu est immédiatement VRAI PAPE, et il acquiert par le fait même et peut exercer une pleine et absolue juridiction sur l'univers entier (Code de Droit canon, can. CIS 219) ― "Hoc consensu prestito intra terminum, quatenus opus sit, pendenti arbitrio Cardinalium per majorem votorum humerum determinandun, illico electus VERUS PAPA, atclue actu plenam absolutamque iurisdictionem supra totum orbem acquirit et exercere potest" (Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945, § 101). Et Pie XII, de continuer immédiatement : "Dès lors, si quelqu’un ose attaquer des lettres ou décisions concernant n’importe quelles affaires, émanant du Pontife romain avant son couronnement, Nous le frappons de la peine d’excommunication à encourir ipso facto (Clément V, ch. 4, De sent, excomm., 5, 10, in Extravag. comm)" (§ 101).
 
        Notons bien que pour Pie XII, la croyance de fide est obligatoire dès le "oui, accepto" et non pas à partir de la cérémonie d'intronisation-couronnement qui intervient dans l'octave de l'élection. Sinon, le pape n'aurait pas été fondé, comme il le fait, à faire peser sur le contrevenant une peine d'excommunication latæ sententiæ dès le "oui, accepto" du nouveau pape.
           
        Or, si un pape n'était certainement pape que par l'adhæsio pacifique de l'universitas fidelium intervenant a-posteriori après l'élection cardinalice dûment et canoniquement terminée par le "oui, accepto" du nouveau pape, alors Pie XII n'aurait jamais pu écrire que le nouveau pape est verus papa après sa seule élection cardinalice, à laquelle l'adhésion de l'universitas fidelium a-posteriori n'a pas encore été donnée, il aurait seulement pu écrire qu'il est verus papa sub conditione, sous condition de l'adhæsio a-posteriori de l'universitas fidelium. Mais puisque Pie XII professe que le pape est vraiment et pleinement pape, verus papa, par la seule élection conclavique confectionnée par les SEULS cardinaux, c'est donc que l'acte exclusivement cardinalice qui fait le pape est de droit divin et confectionne à lui tout seul déjà le fait dogmatique toujours doté de l'infaillibilité ; ce qui signifie évidemment que la seule élection cardinalice théologiquement achevée dans et par le "oui, accepto" du nouveau pape élu implique la croyance de fide, avant toute intervention de l'universitas fidelium.
           
        Un an avant sa mort, Pie XII enseignera de nouveau cette très-catholique doctrine, lorsqu'il envisagera le cas extrême de l'élection d'un simple laïc au Siège de Pierre : "Le pouvoir d’enseigner et de gouverner, ainsi que le charisme de l’infaillibilité, lui seraient accordés dès l’instant de son acceptation, même avant son ordination" (Allocution au deuxième Congrès mondial de l’apostolat des laïcs, 5 octobre 1957).
           
        On ne saurait être étonnés de voir les papes succédant à Pie XII et ayant édicté des constitutions sur la vacance du Siège Apostolique et l'élection d'un nouveau pape, Paul VI et Jean-Paul II, reprendre quasi mot à mot la doctrine qui professe que le pape est vrai pape, verus papa, dès qu'il a prononcé son "oui, accepto".
             
        ― Paul VI : "§ 88. ― Après l'acceptation, l'élu qui a déjà reçu l'ordination épiscopale est immédiatement évêque de l'Église de Rome et en même temps vrai Pape et chef du collège épiscopal ; il acquiert en acte et peut exercer le pouvoir plein et absolu sur l'Église universelle. Si l'élu n'a pas le caractère épiscopal, il doit aussitôt être ordonné évêque" (Romano Pontifici eligendo, 1er octobre 1975).
           
        ― Jean-Paul II : "§ 87. ― L'élection ayant eu lieu canoniquement, le dernier des Cardinaux diacres appelle dans le lieu de l'élection le Secrétaire du Collège des Cardinaux et le Maître des Célébrations liturgiques pontificales ; ensuite, le Cardinal Doyen, ou le premier des Cardinaux par l'ordre et par l'ancienneté, au nom de tout le Collège des électeurs, demande le consentement de l'élu en ces termes : "Acceptez-vous votre élection canonique comme Souverain Pontife ?" Et aussitôt qu'il a reçu le consentement, il lui demande : "De quel nom voulez-vous être appelé ?" Alors le Maître des Célébrations liturgiques pontificales, faisant fonction de notaire et ayant comme témoins deux cérémoniaires qui seront appelés à ce moment-là, rédige un procès-verbal de l'acceptation du nouveau Pontife et du nom qu'il a pris. § 88. ― Après l'acceptation, l'élu qui a déjà reçu l'ordination épiscopale est immédiatement Évêque de l'Église de Rome, vrai Pape et Chef du Collège épiscopal ; il acquiert de facto et il peut exercer le pouvoir plein et suprême sur l'Église universelle. Si l'élu n'a pas le caractère épiscopal, il doit aussitôt être ordonné évêque" (Universi dominici gregis, 22 février 1996).
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Pour bien comprendre pourquoi l'élection conclavique est dotée de l'infaillibilité dès lors qu'elle est théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, rappelons qu'il y a deux temps forts dans tout conclave légitimement assemblé pour élire le futur pape.
           
        1/ L'un, le premier, n'est que sous la mouvance éloignée du Saint-Esprit, et donc ne bénéficie pas de l'infaillibilité à proprement parler quand bien même il jouit de l'Assistance divine, c'est lorsque les cardinaux assemblés commencent à essayer de s'accorder sur le choix de la personne du futur pape à élire, par voie humaine, souvent au moyen de factions qui s'opposent parfois violemment, tiraillées plus souvent encore en tous sens notamment par les intérêts politiques différents des grandes nations chrétiennes que représentent certains cardinaux majeurs du Sacré-Collège, etc. ; ce premier moment de tout conclave, qui n'est dirigé en sous-main par le Saint-Esprit que de manière éloignée, peut même durer beaucoup de temps, les exemples n'en sont pas rares. Supposons qu'à ce stade, une faction de cardinaux très-influents mais n'arrivant pas à réunir la majorité canonique du Sacré-Collège, décide d'élire toute seule le pape de son choix, comme l'ont fait les schismatiques cardinaux français en fomentant ainsi le grand-schisme d'Occident, alors, évidemment, l'élection, non-dotée de l'infaillibilité, serait parfaitement invalide, cela va presque sans dire. C'est à cette période préliminaire du conclave, et seulement à elle seule, qu'on peut dire, pour toutes raisons, qu'un conclave pourrait être douteux voire même invalide, comme Journet l'expose dans L'Église du Verbe incarné en ces termes : "On ne veut pas dire que l’élection du pape se fait toujours par une infaillible assistance puisqu’il est des cas où l’élection est invalide, où elle demeure douteuse, où elle reste donc en suspens".
           
        2/ Mais il y a, après ce premier moment conclavique non-doté de l'infaillibilité, le second et dernier temps fort de tout conclave, évidemment le plus important quoique le plus bref, c'est lorsqu'enfin tous les cardinaux, la plupart du temps par des retournements de tendance complètement inattendus, des découvertes soudaines de papabile auxquels personne n'avait pensé jusqu'alors, etc., qui montrent quant et quant l'Action du Saint-Esprit qui agit souverainement dans les conclaves en Cause première divine derrière les causes secondes humaines, parfois d'une manière presque transparente, c'est lorsqu'enfin les cardinaux disais-je, arrivent à s'entendre sur le choix UN de la personne du futur pape, d'UNE personne, laquelle voit réunir sur sa tête la majorité canonique du conclave, soit les 2/3 + 1.
           
        Alors, ce qu'il faut bien comprendre, c'est ceci : tant qu'il y a deux, trois, voire quatre ou plus, papabile en présence, qui se contrebattent et contrebalancent de séances de votes en séances de votes sans que le conclave puisse arriver à détacher du lot l'unité d'une seule personne pour être le futur pape, on est là, certes, dans les affaires humaines, quand bien même l'action du Saint-Esprit est derrière, très-présente, extrêmement présente et de plus en plus, plus l'unique personne qui doit être élue est approchée par le Sacré-Collège. Mais lorsque le conclave arrive à s'entendre sur UNE personne pour être le futur pape, alors, SOUDAIN, nous ne sommes plus là du tout dans l'ordre humain faillible voire peccable des choses conclaviques, mais immédiatement dans l'ordre humain entièrement assumé et transcendé par l'Ordre divin, de soi bien entendu infaillible, l'organe humain cardinalice n'étant plus dès lors qu'un suppôt passif du Saint-Esprit (= un suppôt, c'est une substance avec son mode d'exister). Seuls les esprits superficiels et/ou mondains ne se rendent pas compte de ce changement radical, qui évidemment n'apparaît pas au for externe, de cette prise en Main divine radicale de l'acte humain cardinalice qui, plus l'unité de la personne pontificale est approchée, plus cedit acte devient on pourrait dire inhabité du Saint-Esprit : ce ne sont plus alors tant les cardinaux qui agissent que le Saint-Esprit Lui-même. C'est-à-dire que l'acte humain, de faillible, devient infaillible, puisque transcendé par le Saint-Esprit.
           
        Qu'on réfléchisse bien en effet, qu'il est tout-à-fait IMPOSSIBLE à l'homme et à l'acte humain de faire le Don surnaturel de l'Unité à l'Église Universelle, Note qui est un charisme divin, ceci n'est pas en sa puissance et capacité (l'a assez prouvé, ce qui s'est passé dans le grand-schisme d'Occident), la Note surnaturelle de l'Unité à l'Église Universelle (Une, sainte, etc.), est en effet un Don exclusivement d'ordre divin, un Don de Dieu par la Personne du Saint-Esprit, tout spécialement bien sûr quand il s'agit du Don de la Tête unique du Corps mystique du Christ (c'est pourquoi justement, la formule populaire "le pape est l'élu du Saint-Esprit", loin d'être un simplisme inexact comme certains auteurs mal inspirés se l'imaginent, est tout au contraire un merveilleux raccourci catholique de la question). Dès lors que les cardinaux arrivent à s'entendre sur le choix d'UNE personne pour être le futur pape, il est très-important de saisir qu'ils ne sont plus alors, dans cette entente unanime, que suppôts passifs du Saint-Esprit, au même titre que l'écrivain sacré pour la sainte-Écriture. Car, théologiquement, il y a connexion très-immédiate entre l'Unité de l'Église et le Saint-Esprit. Quand bien même l'élu choisi n'est pas encore pape, le Don divin de l'Unité est déjà fait à l'Église par le Saint-Esprit, rien que par le fait, justement, que l'élu UN est conclaviquement choisi. En vérité, ce ne sont pas les cardinaux qui choisissent et désignent la personne UNE du futur pape, ils en sont viscéralement incapables de par leur nature humaine faillible voire peccable qui ne peut pas arriver à l'unité du choix surnaturel par leurs propres forces, c'est le Saint-Esprit (dans le grand-schisme d'Occident justement, on en a eu la très-excellente leçon, on a eu le spectacle lamentable de cardinaux laissés à eux-mêmes et à leurs propres forces, Dieu se retirant d'eux par punition de leur orgueil et de leur esprit de jouissance, et ils ont été absolument incapables de donner une tête UNE à l'Église pendant plus de quarante ans fort pénibles à toute la chrétienté...). Et évidemment tout ce que fait directement et immédiatement le Saint-Esprit est ipso-facto doté de l'infaillibilité faut-il avoir à en apporter la précision.
           
        Ce moment capital du conclave, où le Saint-Esprit remplace immédiatement l'homme cardinal électeur, supplée, prend en charge l'action humaine d'élire le futur pape sans supprimer pour autant l'acte humain mais en le transcendant radicalement, est atteint lorsque, tout-de-suite après que l'accord conclavique sur UNE personne est concrétisé, ordinairement par voie de vote, le cardinal-doyen du Sacré-Collège pose la fameuse question rituelle à celui qui bénéficie de l'élection : "Acceptes-tu l'élection qui vient d'être faite canoniquement de ta personne pour être le Souverain Pontife ?" À partir très-exactement de ce moment-là, ET AVANT MÊME que le cardinal objet du choix unanime de ses pairs dise "oui, accepto" à l'élection qui vient d'être faite de sa personne pour être le futur pape, l'élection pontificale est entièrement assumée transcendentalement par le Saint-Esprit et donc déjà formellement dotée de l'infaillibilité. Car le choix unanime des cardinaux sur UNE personne pour être le nouveau Pierre est le Choix de Dieu, il manifeste en effet la Note surnaturelle de l'Unité de l'Église, que Dieu seul a la toute-puissance de donner à l'Épouse du Christ (ce qui ne signifie pas que l'élu est déjà une matière de pape, il n'est, en effet, à ce stade où il n'a pas encore prononcé son "oui" à l'élection, qu'une virtualité de matière de pape). Arriver en effet à l'unité du choix pour la Tête de l'Église militante est un Acte purement et exclusivement divin dans lequel l'humain, par impuissance radicale, ne peut avoir ni n'a en effet strictement aucune part, stricto sensu. Ce qui signifie évidemment que ce nouveau pape choisi de Dieu et donné par Lui à l'Église, ne saurait être, une fois qu'il a accepté son élection au Siège de Pierre... non-pape (thèse sédévacantiste) ou... ne point posséder l'Autorité divine qui fait le pape vrai et réel (thèse guérardienne) !
           
        Et c'est bien la raison pour laquelle le sujet de l'élection pontificale ne refuse jamais son élection au Siège de Pierre, car il sait que le choix conclavique de sa personne pour être le futur pape UN, EST LE CHOIX DE DIEU. Et que bien sûr, le Choix de Dieu ne peut pas se refuser. Nous sommes là exactement dans le même cas de figure que lors de l'Annonciation : lorsque Dieu propose à la très-sainte Vierge qu'elle soit mère du Christ-Dieu, du Messie, alors, la très-sainte Vierge sait que c'est la Volonté divine qu'elle soit mère du Christ ; et donc, elle ne peut moralement que dire "oui", "fiat", au Plan divin. Théoriquement, la très-sainte Vierge Marie pouvait dire "non" au Plan divin, mais ça n'est qu'une supposition théologiquement ex absurdo (car, bien sûr, la très-sainte Vierge étant immaculée, elle ne pouvait donc dire "non"). De la même manière, pour le papabile pressenti à remplir le Siège de Pierre, théoriquement il peut certes refuser son élection au Siège de Pierre voulue par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique des cardinaux, et donc voulue par le Saint-Esprit, mais, quoique à un degré évidemment très-inférieur à la très-sainte Vierge, il lui est moralement impossible de le faire, car il sait qu'il est le sujet du Choix divin.
           
        Car en outre, nous sommes là dans l'assemblée la plus sainte existant sur la terre, dans le Sacré-Collège, la plus digne moralement : donc quand en plus tous ses membres choisissent celui qu'ils pensent être le meilleur d'entre eux pour remplir le Siège de Pierre, on est assuré de sa dignité morale et qu'il sera parfaitement conscient qu'il ne peut refuser le Choix de Dieu sur sa personne. On peut certes se souvenir de bien des cas, ils sont en effet nombreux, où l'élu, humainement épouvanté de la responsabilité de la fonction pontificale suprême, va se cacher dans quelque coin secret de l'aula conclavique, et tâche de se faire oublier de ses pairs cardinaux qui viennent de l'élire pape, le dernier exemple en date est le cardinal Sarto qui devint le pape Pie X. La réaction bien compréhensible d'émotion forte de l'élu est la raison pour laquelle Pie XII prévoit, à la sagesse des membres du Sacré-Collège, de laisser un laps de temps déterminé pour que l'élu donne son acquiescement ; mais il ne lui est moralement pas possible d'opposer un refus parce qu'il se sait le sujet du Choix divin.
           
        ET C'EST POURQUOI ON NE TROUVE PAS UN SEUL EXEMPLE DANS TOUTE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE D'UN ÉLU DU CONCLAVE QUI AIT REFUSÉ SON ÉLECTION PONTIFICALE (c'est d'ailleurs la même chose pour les cas de papes hérétiques en leur for privé : théoriquement, c'est possible, mais il n'en est pas un seul exemple dans toute l'histoire de l'Église, parce que moralement, c'est impossible, saint Robert Bellarmin l'avait bien compris). Certes, on pourrait objecter qu'on ne pourra jamais savoir s'il a existé ou non un papabile dûment élu ayant refusé son élection au Siège de Pierre, à cause du secret rigoureux dans lequel tous les conclaves se déroulent : donc théoriquement, on pourrait supposer qu'un élu ait pu dire non sans que personne du monde catholique n'en ait rien su ni n'en puisse jamais rien savoir, sauf les cardinaux présents au conclave et tenus au secret sur tout ce qui s'y est passé, le conclave continuant alors ses assises et élisant un autre pape. Mais cependant, moralement, cette assurance parfaite qu'aucun élu au Siège de Pierre n'a refusé son élection dans toute l'Histoire de l'Église, est en elle-même certaine : le papabile élu canoniquement, se sachant le Choix de Dieu, étant par ailleurs un homme catholique moralement très-digne, est dans l'impossibilité de refuser son élection.
           
        Jérôme Bignon (1589-1656), cet éminent intellectuel enfant prodige au temps d'Henri IV, d'une grande sagesse et intelligence, que le roy avait donné pour compagnon d'enfance au duc de Vendôme, rédigea, tout jeune encore, ... à l'âge de quatorze ans !, un Traicté sommaire de l'élection des papes, plus le plan du conclave, qui connut en son temps un tel succès par sa précision et son orthodoxie dans l'exposé de la question, qu'il fallut le rééditer "trois fois en une seule année" (Vie de Jérôme Bignon, avocat général et conseiller d'État, abbé Pérau, 1757, 1ère partie, pp. 28, sq.). Il exposait en effet si bien la doctrine de l'élection pontificale qu'il trouva un rééditeur de son œuvre en 1874, car, dit celui-ci dans l'Avertissement de sa réédition : "Bien que plus de deux siècles et demi nous séparent de la publication de cet opuscule, le travail de Bignon n'a pas perdu sa valeur ; les dispositions canoniques qui réglementent l'élection du pape sont les mêmes que de son temps". On y trouve justement, magistralement professée, cette doctrine catholique que je suis en train d'exposer. Je le cite :
           
        "Quand les deux tiers des voix [cardinalices] se rencontrent en une même personne, soit par le scrutin secret ou ouvert, ou par le moyen des Accessi, ou par la voie d'adoration, celui-là sans doute est le vrai Pape [je précise que dans le vieux françois du temps d'Henri IV, le qualificatif "sans doute" n'a jamais le sens dubitatif que, par antiphrase, il a reçu depuis dans la période moderne ; ce qui veut dire que Jérôme Bignon l'emploie ici pour dire ce que "sans doute" exprime très-littéralement, à savoir : "sans aucun doute", "très-certainement", "très-sûrement", ou toutes formules similaires signifiant une certitude absolue de l'élection pontificale qui vient d'avoir lieu]. Toutefois les autres Cardinaux [ceux qui n'ont pas fait partie des deux/tiers ayant emporté la majorité canonique du conclave sur l'élu] ont accoutumé d'y porter aussi leur consentement. Dès lors le premier Cardinal-Évêque, tous les autres étant assis, prononce et déclare au nom de tout le Collège qu'il élit un tel pour Pape. Et lui demande sa volonté, laquelle ayant été déclarée, et l'élection étant acceptée, tous se lèvent pour le gratifier, et à l'instant lui mettent son Rochet, le font asseoir sur un siège paré, qu'ils mettent devant la table, proche de l'Autel : ils lui baillent l'anneau du pêcheur, lui demandent, et font dire et déclarer de quel nom il veut être appelé".
           
        Dans ce remarquable exposé, à la fois très-concis et fort complet du tout, on notera avec soin que Jérôme Bignon professe que le moment où le pape est fait pape véritablement est moins quand il accepte l'élection qui vient d'avoir lieu de sa personne comme pape, que quand le cardinal-doyen du Sacré-Collège, au nom de tout le Sacré-Collège c'est-à-dire, au nom de l'Église Universelle, donc, en dernier lieu, au Nom du Saint-Esprit, le déclare élu pape. C'est bel et bien, comme je le formulais plus haut, quand la personne UNE du nouveau Pierre est élue à la majorité canonique par les cardinaux que le pape est absolument et vraiment fait pape ; son acceptation personnelle de cette décision divine de le faire pape apparaît alors, et notre remarquable, génial et jeune auteur l'exprime fort bien, comme secondaire, quoique évidemment nécessaire : il y a en effet obligation morale stricte pour le papabile élu, d'accepter le choix que Dieu fait de sa personne pour être le nouveau pape...
           
        Notez bien, en effet, la formule de Bignon : "... Et lui demande sa volonté, laquelle ayant été déclarée, et l'élection étant acceptée, tous se lèvent pour le gratifier, etc.". L'acceptation de l'élu est quasi décrite juste comme une simple formalité qui va de soi, Jérôme Bignon ne supposant pas même un seul instant, à juste titre, que l'élu puisse la refuser. En vérité, on est exactement là dans le cas de figure des plaids carolingiens où les seigneurs assemblés n'avaient pas le droit, une fois la décision prise par Charlemagne pour tout le monde, d'y opposer refus, au contraire ils se levaient tous pour acclamer la décision, et seulement pour cela. Aux temps des hommes dignes, c'est-à-dire avant la Révolution, tous comprenaient qu'une fois que Dieu avait parlé par l'Autorité de droit divin, celle religieuse ou celle politique, ou donc, quant à ce qui concerne notre affaire, celle conclavique, on n'avait plus qu'une chose à faire : s'y soumettre. Et en cela consistait précisément la dignité de l'homme (... comme nous sommes loin des mœurs post-révolutionnaires démocratiques où l'homme moderne prétend se gouverner soi-même puis imposer sa volonté à Dieu !!).
           
        Et lorsque Jérôme Bignon, pour être complet, décrit le processus de l'élection d'un pape par adoration, remarquons bien qu'il a la même doctrine, à savoir que le pape est fait pape dès lors que le Sacré-Collège se prononce sur une personne unique de papabile dans la majorité canonique : "Les Cardinaux, étant assemblés en la chapelle [sixtine], se tournent vers celui qu'ils désirent être fait Pape, et lui font la révérence, pliant le genou fort bas : et quand il se trouve que les deux tiers sont allés en cette sorte à l'adoration, le Cardinal adoré est fait Pape. Cette manière se rapporte à l'élection qui est appelée par les anciens et en droit Canon «Per inspirationem», et tenue pour être la voie du Saint-Esprit". Le propos lapidaire de Jérôme Bignon est fort clair : "le Cardinal adoré est fait pape". Immédiatement et formellement veut-il dire, par le fait même, ipso-facto, de recevoir cette adoration de la part de la majorité canonique du Sacré-Collège cardinalice, l'acceptation dudit nouvel élu étant subséquente, secondaire... presque superfétatoire et comme allant de soi !
           
        Cette doctrine est professée également dans les constitutions des papes de l'ère moderne, à tout le moins en filigrane. Lisons par exemple Pie XII, qui expose : "§ 99. ― Nous prions l’élu, Notre héritier et successeur, effrayé par la difficulté de la charge, de ne pas se refuser à la prendre, mais de se soumettre plutôt humblement au dessein de la volonté divine ; car Dieu qui impose la charge y mettra aussi la main lui-même, pour que l’élu ne soit pas incapable de la porter. En effet, lui qui donne le fardeau et la charge, est lui-même l’auxiliaire de la gestion ; et pour que la faiblesse ne succombe pas sous la grandeur de la grâce, Celui qui a conféré la dignité donnera la force (Léon XIII, const. Prædecessores Nostri)". Certes, pour respecter le libre-arbitre du nouveau pape, Pie XII dit bien que théoriquement le nouvel élu pourrait refuser la charge, mais il continue en disant immédiatement qu'il faut que le nouvel élu se soumette à la Volonté divine clairement manifestée par l'élection de sa personne UNE au Siège de Pierre, car Dieu impose la charge, donne le fardeau et la charge, etc. ...
           
        Résumons la belle et magnifique doctrine catholique, si bien, si clairement et lapidairement exprimée par le génial Jérôme Bignon : le pape est fait de droit divin dès que les cardinaux dans leur majorité canonique des deux/tiers l'ont élu pape. Bignon va en effet jusqu'à dire que le "oui" postérieur du nouvel élu est presque une subséquence obligée. A fortiori devons-nous penser qu'il en est de même de l'acte d'acceptation du nouveau pape par l'universitas fidelium : loin que cet acte soit fondateur du droit divin dans la nouvelle élection pontificale, comme il est communément (mal) pensé, il en est au contraire le tout dernier élément lointainement subséquent, le premier étant l'acte cardinalice unanime de le choisir pour la nouvelle tête de l'Église Universelle. C'est d'ailleurs pourquoi on a vu Jean de Saint-Thomas nous dire plus haut : "Dès que les hommes voient ou apprennent qu’un pape a été élu (...), ils sont obligés de croire que cet homme est le pape, et de l’accepter".
           
        ... Est-ce qu'on peut mieux comprendre, maintenant, à quel point il est prodigieusement IMPIE de dire que la Volonté de Dieu ainsi manifestée dans le conclave par le choix UN du futur Pontife romain... n'est pas dotée de l'infaillibilité ? La chose est donc bien claire : dès qu'un conclave légitime arrive à désigner UNE personne pour être le futur pape, par le fait même de l'unicité atteinte dans le processus de toute élection pontificale, qui ne peut qu'être un Don divin surnaturel, on sait que c'est le Saint-Esprit qui fait cette désignation UNE à travers les organes cardinalices transparents devenus dès lors Ses simples suppôts passifs, entièrement et saintement sous Sa mouvance. C'est donc le Saint-Esprit qui choisit l'élu, qui donne à l'Église Universelle le nouveau Pierre. Et bien entendu, tout ce que fait le Saint-Esprit est formellement doté de soi de l'infaillibilité, Il ne peut donner à l'Épouse du Christ un non-pape ou un pape dépourvu de ce qui fait la forme du pape, faut-il avoir à le dire. Car Dieu ne donne jamais à ses enfants des serpents, ou des pierres qui ne soient pas Pierre, pour remplir le Siège Apostolique, mais toujours du pain, le pain de Vie, le Christ Jésus vivant dans son Vicaire actuel sur la terre, Vivit in Petro Christus ! Dès lors que l'on sait que c'est Lui, Saint-Esprit, et Lui seul, qui donne un pape UN à l'Épouse du Christ, on est assuré qu'Il lui donne un pape vrai pape, verus papa, matière et forme.
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        C'est pourquoi je n'hésite pas à dire que les propositions des papes de la Renaissance, Jules II (1443-1513) puis Paul IV (1476-1559), qui osèrent soutenir dans des bulles qu'une élection pontificale dûment opérée par la majorité canonique des cardinaux jusqu'au "oui, accepto" du nouveau pape, cardinalement confirmée de plus par l'obédience faite publiquement devant toute l'Église dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape élu intervenant dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, qu'une telle élection pontificale théologiquement achevée pourrait cependant néanmoins être... invalide, pour cause soit de simonie (Jules II) soit d'hérésie antécédente à l'élection du nouveau pape (Paul IV), que ces propositions disais-je, sont formidablement impies, plus encore qu'elles ne sont hérétiques.
           
        Citons en effet maintenant ces propositions hélas magistérielles presque incroyables (mais, rassurons-nous, non-dotées de l'infaillibilité, car les bulles qui les contiennent n'étaient que disciplinaires).
           
        D'abord celle du pape Jules II (1443-1513), Cum tam divino, de 1506 ("et non 1503 ou 1505 ; elle ne fut publiée qu'en 1510 et devint constitution conciliaire en 1513" ― Dictionnaire historique de la Papauté, Philippe Levillain, art. Conclave, p. 439, 1ère col.) : "[Que le pape élu par simonie] n'acquerrait aucun droit à la papauté, ni par l'intronisation, ni par aucun acte de sa part ni de celle des cardinaux, et même si tous les cardinaux lui prêtent obédience, non plus que par le laps de temps [= Nec eiusmodi simoniaca electio per subsequentem ipsius intronizationem seu temporis cursum aut etiam omnium Cardinalium praestatam obedientiam ullo unquam tempore convalescat]". Et Philippe Levillain, de commenter : "Cette bulle fit grand bruit car elle pouvait permettre l'éclatement d'un schisme sous prétexte de simonie. Malgré ce risque et les critiques de nombreux canonistes, elle resta en vigueur jusqu'à son abrogation par Pie X en 1904 (Vacante sede apostolica)" (ibid.). On aura bien sûr noté que cette bulle ne fut pas en odeur de sainteté, même déjà du temps où elle parut... quand bien même elle accéda au rang de constitution conciliaire, étant en effet intégrée aux Actes du Vème concile de Latran... horresco referens !
           
        Puis, bien sûr, quelqu'un demi-siècle plus tard, la trop fameuse bulle de Paul IV, Cum ex apostolatus du 15 février 1559, trop célèbre dans les groupuscules sédévacantistes qui lui font dire n'importe quoi, surtout qu'elle est dogmatique alors qu'elle n'est que disciplinaire (cf. à ce sujet, ma récente réfutation du sédévacantisme dans ces deux articles : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-fable-s-d-vacantiste-mensong-re-de-la-bulle-de-paul-iv-et-de-son-contexte-historique?Itemid=1 & https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/un-compl-ment-dantidote-contre-lh-r-sie-s-d-vacantiste-par-saint-bernard-de-clairvaux?Itemid=1), reprend la même doctrine impie et hérétique, d'une manière même beaucoup plus détaillée et précise encore que celle de Jules II, ... et donc beaucoup plus répréhensible !, ainsi qu'on le constate sans peine dans le § 6 de la bulle, en ces termes : "De plus, si jamais un jour il apparaissait qu'un évêque, faisant même fonction d'archevêque, de patriarche ou de primat ; qu'un cardinal de l'Église romaine, même légat ; qu'un Souverain pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au Souverain pontificat, déviant de la Foi catholique, est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, sans valeur, non-avenue. Son entrée en charge, consécration, gouvernement, administration, tout devra être tenu pour illégitime. S'il s'agit du Souverain Pontife, on ne pourra prétendre que son intronisation, adoration (agenouillement devant lui), l'obéissance à lui jurée, le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son Pontificat : celui-ci ne peut être tenu pour légitime jamais et en aucun de ses actes"...!!
           
        Le pape Paul IV, comme on vient de s'en rendre compte, allait vraiment jusqu'au bout du péché contre le Saint-Esprit en matière d'élection pontificale, ce qui hélas ne peut pas vraiment surprendre de la part de ce pape au tempérament excessif voire pathologique, en tous cas et à tout le moins, théologiquement... pas trop logique.
           
        Il est bon de remarquer, par ailleurs, que toutes ces bulles ne brillent pas fort par la simplicité et la clarté dans l'expression, comme si la forme rejoignait le fond, doctrinalement défectueux. Lucius Lector, cardinal écrivant sur le conclave sous le pape Léon XIII, a ces lignes sévères mais justes sur la forme rédactionnelle de celle de Paul IV : "Préambule prolixe rédigé dans ce style ampoulé, sonore et creux, qu'ont affectionné parfois les scriptores de la chancellerie pontificale" ; "toute cette redondance d'un langage riche en pléonasmes menaçants" ; "En somme, ce sont là sept pages de style éclatant, pour amplifier ce que le décret du pape Symmaque avait dit en neuf lignes" (Lector, respectivement pp. 106-107 ; 108 ; 109). Ceci ne confirme-t-il point cela…
           
        Je crois bon de préciser ici pour ceux qui, papolâtrant trop la fonction pontificale (comme le font très-indécemment les "ralliés"), s'imagineraient qu'il est impossible de trouver des erreurs ou des hérésies dans des bulles magistérielles non-couvertes par l'infaillibilité, qu'ils en trouveront quelques exemples que j'expose dans L'Impubliable, aux pp. 201, sq.   
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024      
           
        Mais heureusement, les papes de l'ère moderne, en cela beaucoup plus catholiques que ceux de la Renaissance, Pie X, Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II, ont pris fort conscience de l'hétérodoxie formelle de ces propositions édictées magistériellement par leurs prédécesseurs, ils se sont empressés, tout en jetant discrètement le voile de Noé sur les vénérables figures de ces deux papes du passé (dont, soit dit en passant mais il faut bien sûr le dire, il n'est pas question de douter un seul instant qu'ils n'aient tous deux voulu fort bien faire, qu'il s'agisse de Jules II ou de Paul IV, loin de vouloir professer une quelconque hérésie ou impiété, et même vouloir faire un mieux... mais voilà, comme dit l'adage : "Le mieux est l'ENNEMI du bien"...! ; j'ai tâché de bien expliquer les raisons contextuelles ad hominem qui les firent promulguer ces bulles doctrinalement si défectueuses, aux pp. 198, sq. de L'Impubliable, auxquelles on pourra se reporter), les papes Pie X, Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II se sont empressés disais-je, d'abolir ces bulles parfaitement hérétiques sur la chose de la Foi (car rappelons que tout ce qui a trait à la Légitimité pontificale regarde immédiatement la Foi, puisque le pape actuel en est la règle prochaine).
           
        Voici comment le pape Pie X, qui fut le premier pape à abolir la bulle de Jules II, s'exprimait : "§ 79. ― Simoniae crimen, tam divino quam humano iure detestabile, in electione Romani Pontificis omnino sicut reprobatum esse constat, ita et Nos reprobamus atque damnamus, huiusque criminis reos poena excommunicationis latae sententiae innodamus ; sublata tamen irritatione electionis simoniacae, quam Deus avertat, a Iulio II (vel alio qualicumque decreto pontificio) statuta, ut praetextus amputetur impugnandi valorem electionis Romani Pontificis" (Vacante Sede Apostolica, 25 décembre 1904).
           
        C'est le dernier membre de phrase de ce § 79 qui est important : Pie X abolit la bulle de Jules II parce que, dit-il, l'annulation qu'édictait Jules II de toute élection pontificale simoniaque risquerait d'attaquer la valeur en soi des élections pontificales. Autrement dit, Pie X était parfaitement conscient de l'infaillibilité attachée de soi à tout acte de désignation cardinalice du Pontife romain actuel théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape, parce que, toujours et à tout coup, cet acte cardinalice est fait in Persona Ecclesiæ, au nom et pour le compte de l'Église Universelle, comme Jean de Saint-Thomas le dira explicitement. Cet acte est donc d'ores et déjà, et parfaitement, un fait dogmatique de soi toujours doté de l'infaillibilité ecclésiale, et il est donc proscrit absolument, comme hélas Jules II suivi par Paul IV oseront le dire, qu'il puisse être, pour quelque cause ou raison que ce soit, invalide. Et c'est pourquoi Pie X abrogeait la bulle de Jules II, parce qu'il osait professer qu'une élection pontificale faite par la majorité canonique cardinalice in Persona Ecclesiæ et théologiquement achevée, donc en dernière analyse faite par le Saint-Esprit, pourrait cependant être invalide.
           
        Le pape Pie X comprit donc fort bien le grave danger hérétique de ces bulles de ses prédécesseurs de la Renaissance, Jules II et Paul IV (contrairement aux sédévacantistes qui s'y sont hélas empalés passionnellement, sans réflexion et fort inintelligemment, jusqu'à fond du donf). Concrètement, il abrogea donc juridiquement la seule bulle de Jules II (ou de tout successeur, notons-le bien), ce qui eut pour effet canonique immédiat d'obroger en même temps la bulle de Paul IV, c'est-à-dire que celle de Paul IV est désormais dans la situation d'une bulle officiellement abrogée sauf que, quant à elle, il n'y a pas eu de déclaration juridique abrogative explicite, c'est la seule différence ("obrogation : suppression ou abrogation indirecte d'une loi par une loi postérieure contraire et de même degré" ― Dictionnaire de droit canonique, Naz, 1957). Pie X, donc, gardait les anathèmes de son prédécesseur Jules II contre les fauteurs d'une élection pontificale simoniaque, mais il supprimait l'annulation d'une élection pontificale qui aurait eu lieu en étant entachée de simonie, parce que, dira-t-il très-explicitement, cela risquerait d'attaquer la valeur en soi des élections pontificales.     
           
        Obrogation de la bulle de Paul IV. En fait, la bulle de Paul IV n'est qu'une décalcomanie de celle de Jules II, de cinquante ans son aînée, dont elle est fille spirituelle, reprenant exactement le même raisonnement de fond qu'elle, allant même jusqu'à en copier les formules soufflées et boursouflées d'alors. Et bien sûr, si Pie X abroge la bulle de Jules II dans sa Constitution sur les élections pontificales de 1904 pour ce motif principal et précis qu'elle invalide les élections pontificales approuvées par les cardinaux agissant in Persona Ecclesiae, la bulle de Paul IV tombe sous la même sentence puisque cette proposition hérétique est explicitement formulée et sert de raisonnement de fond dans son § 6 incriminé (elle va même, comme on vient de le voir, beaucoup plus loin que celle de Jules II dans l'exposé hérétique...). Car que ce soit pour cause d'hérésie ou de simonie, le motif de l'abrogation par Pie X de la bulle de Jules II se retrouve identiquement et absolument dans celle de Paul IV : cette dernière subit donc la même sentence de condamnation, quoique seulement implicitement mais avec la même portée que la bulle de Jules II. La bulle de Paul IV, au moins depuis la Constitution de saint Pie X sur les élections pontificales, n'a donc plus aucune valeur en Église, justement précisément à cause de l'hérésie consommée de son § 6. Les deux bulles, en effet, on est bien obligé d'en prendre acte, que cela plaise ou non, péchaient contre la Foi en ne tenant aucun compte de la loi fondamentale de l'infaillibilité de l'acte de désignation ecclésiale universelle des papes nouvellement élus, dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice.
           
        Ne soyons donc pas surpris de voir cette doctrine bien catholique, mise sur le chandelier pour la première fois depuis la Renaissance par le pape Pie X, être reprise presque mot à mot par les papes modernes qui le suivront sur le Siège de Pierre :
           
        ― Pie XII : "92. Le crime de simonie est abominable, en regard tant du droit divin que du droit humain. Comme c’est un fait bien établi qu’il est absolument réprouvé dans l’élection du Pontife romain, ainsi Nous aussi le réprouvons et le condamnons, et Nous frappons ceux qui s’en rendent coupables de la peine d’excommunication latæ sententiæ, en supprimant toutefois la nullité de l’élection simoniaque (que Dieu daigne éloigner pareille élection !) décrétée par Jules II (ou par tout autre décret pontifical), pour ôter un prétexte d’attaquer la valeur de l’élection du Pontife romain" (Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945).
           
        ― Paul VI : "79. Nous aussi, comme nos prédécesseurs, nous réprouvons et condamnons le détestable crime de simonie dans l'élection du Pontife romain, et nous frappons d'excommunication latae sententiae tous ceux qui s'en rendraient coupables ; mais nous confirmons également la décision de notre prédécesseur St Pie X, selon laquelle a été supprimée la nullité de l'élection simoniaque établie par Jules II ou tout autre décret pontifical, afin que la valeur de l'élection du Pontife romain ne soit pas mise en cause pour cette raison (cf. const. ap. Vacante Sede Apostolica, n. 79 ; Pii X Pontificis Maximi Acta, III, p. 282)" (Romano Pontifici eligendo, 1er octobre 1975).
           
        ― Jean-Paul II : "78. Si dans l'élection du Pontife Romain était perpétrée (que Dieu nous en préserve !) le crime de simonie, je décide et je déclare que tous ceux qui s'en rendraient coupables encourront l'excommunication latae sententiae et qu'est cependant supprimée la nullité ou la non validité de cette élection simoniaque, afin que, pour cette raison (comme cela a déjà été établi par mes Prédécesseurs), ne soit pas mise en cause la validité de l'élection du Pontife Romain" (Universi dominici gregis, 22 février 1996).
           
        Voici donc la doctrine très-traditionnelle réexposée par les papes de l'époque moderne, basée sur la grande loi fondamentale de la Légitimité pontificale que, je suis bien aise de m'en rendre un juste et mérité témoignage, j'ai sans cesse mise sur le chandelier de l'Église depuis plus de vingt-cinq ans, à savoir : toute élection pontificale conclavique théologiquement achevée, c'est-à-dire reçue et approuvée par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique des cardinaux, est formellement valide, sans qu'aucune raison puisse jamais l'invalider pour quelque cause que ce soit, de droit divin ou de droit canon.
 
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        ... La tentation sédévacantiste, qui prétend faire du libre-examen luthérien de la Légitimité pontificale, est hélas extrêmement forte, aux temps cala(très)miteux du pape François, elle est même si forte qu'il arrive de la voir professée extra muros, à l'extérieur des groupuscules tradis intégristes habituels, par des... cardinaux conservateurs.
           
        Ainsi, on a vu le cardinal Raymond Burke, partant d'une pure supputation complotiste qui n'est absolument pas démontrée, il le reconnaît lui-même, celle dite du "groupe de Saint-Gall" (il est bon de savoir que le cardinal Kasper a formellement démenti qu'il ait été question d'élection pontificale dans ces réunions, dont il était un des principaux membres), invoquer le § 79 de la constitution Universi Dominici Gregis de Jean-Paul II sur les élections pontificales, lequel, selon lui, pourrait invalider l'élection de François au Siège de Pierre, laquelle pourtant a été théologiquement dûment faite par la majorité canonique des cardinaux jusqu'à son "oui, accepto" et ne peut donc qu'être valide, car elle aurait été possiblement obtenue par un pacte secret entre grands-cardinaux électeurs, en quelque sorte un "délit d'initiés" pourrait-on dire dans un langage de financiers modernes...
           
        Or, notre cardinal, visiblement trop pressé, a mal lu le n° 79. Je cite textuellement ce n° 79, tout d'abord : "§ 79. ― De même, confirmant les prescriptions de mes Prédécesseurs, j'interdis à quiconque, fût-il revêtu de la dignité cardinalice, de contracter des engagements, tandis que le Pontife est vivant et sans l'avoir consulté, à propos de l'élection de son Successeur, ou de promettre des voix ou de prendre des décisions à ce sujet dans des réunions privées".
           
        Cependant, pour bien comprendre la théologie qui sous-tend ce n° 79 de la Constitution de Jean-Paul II sur les élections pontificales, il faut lire préalablement le n° 78 où elle est exposée explicitement, qui a trait aux élections pontificales simoniaques, et qu'on vient juste de lire plus haut ensemble. Le cardinal Burke, pour sa part, est vraiment en faute de ne l'avoir point fait. Pour ce qui est de moi, que Dieu a consacré et qui me suis consacré à la vérité intégrale quant à la théologie de "la crise de l'Église", je lis donc ensemble les deux numéros, 78 & 79, parce que c'est seulement de cette manière que l'on aura le vrai sens de ce qu'il faut entendre dans ce n° 79 :
           
        "§ 78. ― Si dans l'élection du Pontife Romain était perpétrée (que Dieu nous en préserve !) le crime de simonie, je décide et je déclare que tous ceux qui s'en rendraient coupables encourront l'excommunication latae sententiae et qu'est cependant supprimée la nullité ou la non validité de cette élection simoniaque, afin que, pour cette raison (comme cela a déjà été établi par mes Prédécesseurs), ne soit pas mise en cause la validité de l'élection du Pontife Romain (23).
           
        "§ 79. ― De même, confirmant les prescriptions de mes Prédécesseurs, j'interdis à quiconque, fût-il revêtu de la dignité cardinalice, de contracter des engagements, tandis que le Pontife est vivant et sans l'avoir consulté, à propos de l'élection de son Successeur, ou de promettre des voix ou de prendre des décisions à ce sujet dans des réunions privées".
           
        Ainsi donc, il suffisait de... bien lire (!) la constitution de Jean-Paul II sur les élections pontificales pour invalider complètement le raisonnement sédévacantiste attentatoire à la Constitution divine de l'Église qu'ose tenir le cardinal Raymond Burke. Le raisonnement que tient Jean-Paul II dans ces numéros 78 & 79 est en effet le suivant : si une élection pontificale est délictueuse ou défectueuse, soit par simonie soit par intrigues, sont excommuniés tous ceux qui prennent part active à ce délit ou cette défectuosité, MAIS L'ÉLECTION DU NOUVEAU VICAIRE DU CHRIST AINSI FAITE ET ENTACHÉE EST ET RESTE VALIDE. Et la même règle fondamentale régit toute élection pontificale qui serait délictueuse ou défectueuse pour une raison ou pour une autre, de droit divin ou de droit canon, car elle est basée sur la règle prochaine de la Légitimité pontificale qui veut qu'une élection pontificale ne saurait plus être entachée d'aucun vice, ni de forme ni de fond, à partir du moment où elle est reçue et approuvée par l'Église Universelle représentée par la majorité canonique du Sacré-Collège cardinalice.
           
        C'est bien pourquoi d'ailleurs, Jean-Paul II introduit son § 79 par "DE MÊME", qui le lie formellement dans le raisonnement théologique au § 78, c'est-à-dire que le même raisonnement théologique qu'on a vu, qui excommunie les fauteurs de simonie mais ne touche en rien à la validité de l'élection pontificale simoniaque, s'applique à une élection pontificale entachée d'intrigues. La conclusion est donc certaine : même si l'élection de François succédant à Benoît XVI avait été faite par "délit d'initiés", ce qui serait un vice dans son élection, les cardinaux qui se seraient rendus coupables d'un tel délit seraient excommuniés, MAIS L'ÉLECTION DU PAPE FRANÇOIS QU'ILS AURAIENT AINSI FAITE FRAUDULEUSEMENT SERAIT ET RESTERAIT VALIDE.
 
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        Nous venons donc de voir ensemble que la certitude d'avoir un vrai pape, verus papa, nous est donnée premièrement et fondamentalement par la seule adhæsio cardinalice, c'est-à-dire dès le "oui, accepto" du nouvel élu au Siège de Pierre, confirmé s'il en était besoin (mais en vérité, théologiquement, il n'en est pas vraiment besoin) par l'obédience publique et solennelle des cardinaux envers le nouveau pape qu'ils viennent d'élire, lors de la cérémonie d'intronisation qui a lieu dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, devant toute l'Église.
           
        C'est l'enseignement unanime de tous les papes de l'ère moderne, de Pie X à Jean-Paul II en passant par Pie XII et Paul VI, et on a vu qu'ils expriment cette doctrine très-explicitement, sans aucune ambiguïté ni équivoque, ils sont au contraire très-formels sur cela, supprimant dans leurs constitutions tout ce qui pourrait s'opposer à cette loi fondamentale : "Dès l'instant où le nouvel élu a donné son acceptation, il est pleinement et vrai pape, verus papa". Or, bien sûr, à ce stade du "oui, accepto", c'est la seule adhæsio cardinalice, au sein d'un conclave encore fermé et non-ouvert, qui a donné ce pape certainement vrai pape, sans que ne s'y adjoigne d'aucune façon quelque élément qui ne soit strictement cardinalice. Puisque donc, sur l'enseignement formel des papes contemporains, ce stade exclusivement cardinalice donne la certitude d'avoir un pape pleinement et vrai pape, c'est donc à ce stade que la nouvelle élection pontificale devient formellement un fait dogmatique, de soi toujours doté de l'infaillibilité ecclésiale, ce qui signifie bien sûr que cela implique la croyance de fide de tout fidèle de croire que le nouveau pape est vrai pape, sous peine d'anathème ipso-facto, dès le stade du "oui, accepto". Et c'est bien de cette manière formelle que les papes de l'époque moderne l'entendent. Reprenons en effet la formule très-forte de Pie XII : "Le consentement (de l'élu à sa propre élection au Siège de Pierre) ayant été donné (…), l'élu est immédiatement VRAI PAPE, et il acquiert par le fait même et peut exercer une pleine et absolue juridiction sur l'univers entier" (supra).
           
        On peut alors se poser la question : que devient l'adhæsio a-posteriori de l'universitas fidelium ? Faudrait-il, au rebours complet de la thèse avancée communément (à savoir que l'élection pontificale devient fait dogmatique uniquement quand cet adhæsio de l'universitas fidelium est actée, celle cardinalice actée lors du "oui, accepto" du nouveau pape n'ayant aucune valeur ou seulement d'ordre moral n'emportant pas de soi le fait dogmatique), professer tout au contraire que, selon l'enseignement des papes modernes, ce serait cette adhæsio de l'universitas fidelium qui serait, elle, parfaitement superfétatoire, n'ayant aucune valeur théologique, seule l'adhæsio cardinalice opérée lors du "oui, accepto" qui la précède toujours dans l'ordre chronologique ayant, et elle seule, véritablement valeur pour opérer et acter le fait dogmatique ?
           
        Répondre à la question par l'affirmative serait un excès qui montrerait, de la part de celui qui souscrirait à cette thèse, une non-connaissance de la Constitution divine de l'Église. En effet, remettons-nous bien devant les yeux que l'Église Universelle, quant au charisme d'enseignement magistériel infaillible, ici enseignement quant à la Légitimité pontificale, est à la fois le pape seul, mais encore et à égalité le pape et tous les évêques qui lui sont unis.
           
        Or, dans la vacance du Siège Apostolique, nous avons vu plus haut que le Sacré-Collège, dans sa majorité canonique, tient lieu du pape et qu'en son sein réside l'infaillibilité ecclésiale pour élire le nouveau pape (dans cette situation sede vacante extra-ordinaire, on pourrait dire que les cardinaux sont en effet à peu près, en corps d'institution dans le Sacré-Collège, l'équivalent d'une matière de pape actuel en exercice pour l'acte d'élire le futur pape, et bien sûr uniquement pour cet acte ; ils n'ont certes pas la forme de la papauté évidemment laquelle exige l'unicité de la personne pontificale, c'est-à-dire l'Autorité divine qui fait le vrai pape actuel en exercice, mais ils en sont, à eux tous ensemble, comme une matière ; si la formule guérardienne n'était profondément hétérodoxe, je dirai que le Sacré-Collège cardinalice, en corps d'institution, est, dans la période sede vacante, un "pape materialiter"). C'est précisément la raison pour laquelle, dès que leur unanimité cardinalice a élu le pape UN, sous grâce divine et motion très-pure du Saint-Esprit comme on l'a vu, celui-ci, ayant accepté son élection, ne peut qu'être très-certainement le vrai pape, verus papa, le fait dogmatique engageant formellement la croyance de fide de tout fidèle étant acté dès ce moment-là, comme, notons-le avec soin, ont beaucoup tenu à nous l'enseigner les papes modernes.
           
        C'est donc l'adhæsio du Sacré-Collège cardinalice qui, pour l'enseignement des choses de la Légitimité pontificale, tient la place du pape seul. Cependant, l'adhæsio de l'universitas fidelium est, dérivée et liée à celle cardinalice, théologiquement aussi importante, comme tenant, quant à elle, la place des évêques de l'orbe catholique unis au pape, dans l'enseignement magistériel de soi doté de l'infaillibilité ecclésiale. L'adhésion de tous les fidèles au nouveau pape élu, lorsque les cardinaux en font la monstrance épiphanique à tout l'univers par l'habemus papam est donc très-importante et nullement superfétatoire (commençons par bien noter la formule, d'ailleurs : Annuntio vobis gaudium magnum : habemus papam. Je vous annonce une grande joie : nous avons un pape. Nous avons, c'est-à-dire : ça y est, c'est un fait accompli déjà et formellement dès que la formule est prononcée du haut du balcon de Saint-Pierre, le nouveau pape est déjà tout fait lorsque les cardinaux le présentent à "l'adoration" de la foule des fidèles, sans qu'il y ait nul besoin constitutivement de l'accord des fidèles pour qu'il soit vraiment vrai pape ! ; ce qui, une fois de plus, confirme la doctrine des papes modernes que l'adhæsio des cardinaux scellée par le "oui, accepto" du nouveau pape suffit à faire certainement le vrai pape, verus papa).
           
        Pour bien comprendre l'articulation théologique entre les deux adhæsio, prenons l'exemple de la proclamation dogmatique par le pape Pie IX, de l'encyclique Quanta Cura. Cette encyclique est dotée de l'infaillibilité par la seule promulgation du pape Pie IX. Cependant, un grand nombre d'évêques d'alors ont voulu souscrire et proclamer magistériellement, eux aussi, la doctrine contenue dans cette encyclique. Ils ont alors adressé une lettre collective à Pie IX, pour, en union avec lui, souscrire à Quanta Cura. C'était une simple lettre quant à la forme mais en fait, pour le fond, ça n'en était pas moins un véritable et authentique acte du Magistère épiscopal des évêques dispersés una cum le pape actuel, théologiquement un avec lui, et donc elle aussi, cette pourtant simple lettre, n'était pas moins qu'un document formel du Magistère infaillible, autant doté du charisme d'infaillibilité que l'encyclique du seul pape Pie IX promulguant Quanta Cura.
           
        "Pie IX promulgua ce Décret [Quanta Cura] dans des conditions d'infaillibilité certaines que tous, catholiques et opposants, reconnaissent. D'ailleurs, bien qu'il n'en soit nullement besoin, il n'est pas mauvais de préciser que ledit Décret fut ratifié a-posteriori par l’unanimité morale des Évêques de l'époque. Six mois après que le pape eut publié cette encyclique le 8 décembre 1864, cinq cents Évêques venus du monde entier, réunis à Rome, signèrent une adresse de salutation qui fut solennellement remise au pape le 1er Juillet 1865. On y lisait : «Dans la Foi que Pierre exprime par la bouche de Pie, nous disons, confirmons et déclarons aussi tout ce que tu as dis, confirmé et déclaré pour la sauvegarde du trésor de la Foi transmise. Nous rejetons aussi unanimement et d'un commun accord tout ce que ton jugement a trouvé nécessaire à désapprouver et à condamner». Ces cinq cents Évêques représentaient alors environ cinq/sixièmes de tous les Évêques du monde, c'est-à-dire la plus grande majorité" (La fidélité au Pape — un devoir sacré pour tout catholique, Johannes Rothkranz, 1998, p. 16).
           
        Voilà qui nous permet de bien comprendre l'articulation exacte entre l'adhæsio cardinalice et l'adhæsio de l'universitas fidelium : la première est fondamentale et acte déjà formellement le fait dogmatique quant à l'élection du nouveau pape, elle n'a nul besoin de la seconde pour exister, ni surtout pour la compléter constitutivement. La seconde, tout au contraire, a besoin de la première, celle cardinalice, pour exister, elle est effectivement, elle aussi, et pas moins que la première, dotée de l'infaillibilité et acte le fait dogmatique qui engage la croyance de fide pour tout fidèle, mais il est capital de comprendre qu'elle n'est infaillible que parce qu'elle est viscéralement entée sur la première et fondamentale adhæsio, celle cardinalice ; de la même manière que l'adresse collective faite à Pie IX par tous les évêques ne fut dotée de l'infaillibilité que parce qu'elle était entée sur la promulgation de Pie IX. Sans y être entée, elle n'aurait pas été dotée de l'infaillibilité (car les évêques seuls sans le pape ne peuvent jamais être infaillibles, pas plus du reste in docendo, en enseignant, que in credendo, en croyant l'enseignement, nous allons voir cela tout-à-l'heure) ; y étant entée, elle est elle-même infaillible. En fait, leur adresse épiscopale collective d'approuver Quanta Cura est infaillible avec le pape, mais pas sans lui. Et de la même façon quant aux choses de la Légitimité pontificale, l'adhæsio de l'universitas fidelium n'acte le fait dogmatique doté de l'infaillibilité que parce qu'elle est entée et entièrement dérivée de l'adhæsio cardinalice antécédente, actée quant à elle au moment précis du "oui, accepto" du nouveau pape. Elle acte le fait dogmatique impliquant la croyance de fide des fidèles, avec l'adhæsio cardinalice, mais pas sans elle. C'est l'adhæsio cardinalice qui fait que l'adhæsio de l'universitas fidelium puisse acter infailliblement, quant à elle, le fait dogmatique.
           
        On soutiendra alors que dans ce cas-là, seule l'adhæsio cardinalice formellement actée lors du "oui, accepto" de nouveau pape a vraiment de l'importance, fondant in capite et au premier chef le fait dogmatique. C'est, remarquons-le, justement exactement ce que nous disent les papes de l'ère moderne, comme nous l'avons vu ! Serait-ce à dire que, bien que dotée elle aussi de l'infaillibilité quand elle ente sa déclaration sur cette première adhæsio cardinalice, celle de l'universitas fidelium n'aurait aucune importance...?
           
        Il faut bien se garder de le croire. Cela équivaudrait à dire que la profession de Foi des évêques de l'orbe catholique n'aurait pas d'importance, même entée sur celle du pape, du moment que le pape seul proclame la doctrine. En réalité, cette adhæsio de l'universitas fidelium est aussi importante, sur le plan théologique, spirituel, que l'adhæsio cardinalice, quoique seconde non seulement chronologiquement mais surtout dans l'ordre théologique. Nous nous retrouvons là en fait avec l'enseignement de Jésus-Christ dans l'Évangile, lorsqu'Il répond à la question du pharisien, docteur de la loi : "Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton esprit. C'est là le plus grand et le premier commandement. Mais le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dans ces deux commandements sont renfermés la loi et les prophètes" (Matth XXII, 36-40). Il y a donc un premier, il y a donc aussi un second, mais les deux sont semblables, ont même valeur devant Dieu.
           
        C'est exactement la même chose pour notre affaire. Il y a deux adhæsio en fait, qui confectionnent le fait dogmatique, celle cardinalice (première et fondamentale) et celle de l'universitas fidelium (seconde et dérivée de la première). Mais elles ont toutes les deux, chacune à leur place, semblable valeur, cependant que la seconde ne peut exister qu'en étant entée viscéralement sur la première, en totale dépendance d'elle, à défaut tout simplement de pouvoir exister (le même raisonnement se tient, on l'a compris, pour la proclamation de la Foi par le pape seul, première dans l'ordre théologique, et la proclamation de la Foi par les évêques unis au pape, seconde dans l'ordre théologique).
           
        Il y a, c'est bien vrai, deux commandements divins, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme et tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais s'il y a un et deux, donc une ordonnance hiérarchique qui veut que un est toujours premier dans l'ordre, et que deux ne vient qu'à sa suite, ces un et deux sont semblables, c'est-à-dire ont même valeur théologique. C'est exactement la même chose pour notre affaire : l'adhæsio cardinalice est première dans l'ordre théologique pour fonder la croyance de fide dans le nouveau pape, l'adhæsio de l'universitas fidelium est toujours seconde, et cependant elles sont toutes deux semblables, c'est-à-dire que toutes deux opèrent la croyance de fide dans le nouveau pape, la seconde cependant ne pouvant l'opérer qu'en étant entée sur la première, de la même manière que je ne peux pas aimer mon prochain si, d'abord, je n'aime pas Dieu, car c'est uniquement par l'Amour de Dieu que je peux aimer réellement mon prochain.
           
        Dans sa remarque sur l'élection pontificale valide de François, Géraldina Boni a une formulation judicieuse, elle écrit que "la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio est le signe et l’effet infaillible d’une élection valide et d’un souverain pontificat légitime". Les mots sont effectivement fort bien choisis. Un signe est une "chose perçue qui permet de conclure à l'existence ou à la vérité d'une autre chose, qui la manifeste, la démontre ou permet de la prévoir, et à laquelle elle est liée" (Dictionnaire). C'est exactement cela qu'est l'adhæsio de l'universitas fidelium a-posteriori : le signe manifeste, démontré, que l'élection du nouveau pape est d'ores et déjà opérée de droit divin par le Sacré-Collège cardinalice, ça n'en est donc qu'un effet. L'adhæsio de l'universitas fidelium au nom de tous les fidèles n'est qu'un signe topique et un effet d'une élection pontificale qui est déjà formellement valide et légitime. Il ne faudrait pas comprendre cette adhæsio de l'universitas fidelium comme un constituant de la validité de la nouvelle élection pontificale, sous-entendu qu'à son défaut ladite élection ne saurait être notée de légitime ni de valide, comme les auteurs qui ont traité de cette question ont l'air de trop le croire. C'est le contraire qui est vrai, à savoir : l'adhæsio cardinalice réalise déjà et formellement l'élection pontificale valide et légitime, et l'adhæsio de l'universitas fidelium qui vient juste après, a-posteriori, n'est qu'un confirmatur (Jean de Saint-Thomas) qui entérine à son compte cette validité et légitimité déjà certaines sans elle. L'adhæsio de l'universitas fidelium n'est effectivement qu'un signe et un effet. Le signe qu'une chose est déjà absolument telle sans que le signe ait à réaliser en cette chose, de quelque substantielle manière que ce soit, la réalité de cette dite chose ; c'est donc un simple effet, qui ne produit aucune cause.
           
        L'image suivante va bien le faire saisir : si vous allumez un grand feu de bois, quasi aussitôt va s'en émaner de la fumée. La fumée de votre feu de bois ne crée évidemment pas le feu lui-même, elle n'en est que "le signe et l'effet", un effet obligatoire certes mais rien de plus qu'un effet, quand bien même elle possède un être substantiel à part entière, qui n'est pas celui du feu, et qui donc a même valeur que lui. De la même manière, l'adhæsio de l'universitas fidelium (fumée) est "signe et effet" de l'adhæsio cardinalice (feu) qui est la seule à créer et générer premièrement la croyance de fide pour tout fidèle quant à la légitimité du nouveau pape, cependant que l'adhæsio de l'universitas fidelium a même valeur théologique que l'adhæsio cardinalice, elle lui est "semblable", quoique seconde. Elle lui est tellement "semblable", que si jamais vous étiez loin du feu allumé, un rideau d'arbres vous le cachant, et que vous n'en voyiez que la fumée, vous seriez tout-à-fondé à conclure que le feu existe, aussi infailliblement et sûrement que si vous voyiez le feu lui-même. Ainsi de même, si, par extraordinaire et surtout par impossible, l'adhæsio de l'universitas fidelium seule était visible dans l'Église sans que l'adhæsio cardinalice le soit, elle prouverait formellement l'existence de cette dernière...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
 
        Justement, posons-nous à présent la question qui invalide complètement la thèse qui voudrait que la seule adhæsio de l'universitas fidelium ait pouvoir d'acter le fait dogmatique obligeant à la croyance de fide tout fidèle, autrement dit lapidairement, que "deux" seul existerait mais pas "un". Cette hypothèse va tout-de-suite montrer son absurdité, par la réponse faite à la question primordiale suivante : dans ce cas de figure où "deux" existerait sans que "un" existe, quels seraient les sujets de cette adhæsio de l'universitas fidelium ? Or, la vérité, c'est qu'on ne peut en trouver aucun qui puisse acter le fait dogmatique !! Même Jean de Saint-Thomas est bien obligé, ne sachant trop sur quel pied danser, d'avouer son impuissance à désigner cesdits sujets de l'adhæsio exclusive de l'universitas fidelium censés confectionner et acter le fait dogmatique : "Est-ce dès que les cardinaux proposent les élus aux fidèles qui sont dans la localité immédiate, ou seulement lorsque la connaissance de l’élection s’est suffisamment répandue dans le monde entier, où que se trouve l’Église ?", nous dit-il dans le brouillard-brouillon, bien obligé de se rabattre, pour la suite de son exposé, sur les cardinaux comme seuls sujets visiblement valables pour acter le fait dogmatique que constitue l'élection du nouveau pape...
           
        Rigoureusement impossible, en effet, de prendre les seuls "fidèles" comme sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium, pour acter le fait dogmatique doté de l'infaillibilité : les fidèles ou simples "membres enseignés", qu'ils soient très-peu nombreux comme ceux qui "sont dans la localité immédiate" de la proclamation cardinalice du nouveau pape, ou au contraire très-nombreux, sans qu'on puisse d'ailleurs jamais savoir s'ils représentent valablement ou bien non l'adhæsio "du monde entier, où que se trouve l'Église", les "fidèles" disais-je, qui ne sont que "membres enseignés", ne peuvent de toutes façons, en tout état théologique de cause, jamais acter un fait dogmatique doté de l'infaillibilité, chose bien sûr réservée exclusivement aux "membres enseignants" !
           
        Les auteurs "ralliés" des articles que j'ai lus l'ont compris, et alors, cherchant désespérément quels pourraient bien être ces sujets problématiques de l'adhæsio de l'universitas fidelium seule résolument déconnectée de l'adhæsio cardinalice, soit disant théologiquement capables d'acter le fait dogmatique, ils ont voulu les trouver dans les chefs ecclésiaux de cesdits "fidèles" du monde catholique évoqués par Jean de Saint-Thomas, à savoir dans leurs évêques. Cette solution épiscopale a une apparence, mais une apparence seulement, de solidité, ceux-ci en effet étant des "membres enseignants" de par leur caractère épiscopal.
           
        Mais malheureusement pour ces auteurs "ralliés", ils ne font que se retourner le fer dans la plaie. Dans le cas qui nous occupe en effet, ces évêques seraient supposés acter le fait dogmatique... sans le pape. Et pour cause !, puisqu'il faudrait que, tous ensemble, évêques de l'orbe catholique toute entière, ils professent reconnaître le nouveau pape actuel, reconnaissance qu'ils ne pourraient acter évidemment que... sans lui, nouveau pape ! Or, bien sûr, tous les évêques seuls sans le pape n'étant jamais infaillibles dans l'enseignement magistériel, ils ne peuvent donc pas, en tout état de cause, confectionner le fait dogmatique quant au nouveau pape. Mes "ralliés" s'en sont bien rendus compte.
           
        Alors, piteusement et n'importe comment sur le plan théologique, ils ont tâché d'inventer un distinguo complètement aberrant : les évêques sans le pape ne sont certes jamais infaillibles dans l'enseignement (in docendo), mais, soutiennent-ils, ils pourraient être infaillibles ensemble sans le pape dans la croyance (in credendo) ! Nous sommes là en pleine absurdité : si les évêques sans le pape ne peuvent pas enseigner infailliblement, ils ne peuvent pas plus, sans le pape, croire infailliblement. Attendu que la croyance entraînant le fait dogmatique doit obligatoirement être théologiquement fondée, et que bien sûr, elle ne peut l'être si... l'on exclut par principe le pape actuel ou bien le Sacré-Collège cardinalice récipiendaire de l'infaillibilité dans les périodes sede vacante ! En effet, si l'on veut que les évêques catholiques dans leur universalité soient infaillibles dans la croyance, cela inclut la nécessité et l'obligation formelles d'avoir à fonder théologiquement leur croyance sur un suppôt doté de l'infaillibilité ; or, précisément, in casu, ils n'en peuvent trouver aucun, puisque le seul qui existe et sur lequel ils pourraient appuyer leur croyance est l'adhæsio cardinalice posée sur le nouveau pape au moment de son "oui, accepto", adhæsio cardinalice que, dans l'hypothèse envisagée, on veut que les évêques l'excluent pour poser leur croyance ! L'excluant par principe, les évêques de l'orbe catholique n'ont donc plus aucun moyen, aucune assise, pour fonder infailliblement leur croyance que le nouveau pape est certainement le vrai pape, non seulement pour eux-mêmes mais pour tous les fidèles dont ils ont charge...
           
        Vouloir que les évêques soient infaillibles in credendo à défaut de pouvoir l'être in docendo n'est donc en réalité qu'une pure sottise, c'était reculer pour mieux sauter...
           
        Résumons-nous. Si l'on veut que ce soit l'adhæsio de l'universitas fidelium toute seule, sans être entée de quelque manière que ce soit sur l'adhæsio cardinalice, qui fonde le fait dogmatique quant au nouveau pape élu, alors l'enquête serrée sur les sujets de cette adhæsio de l'universitas fidelium résolument déconnectée de l'adhæsio cardinalice montre qu'il est absolument et rigoureusement impossible... d'en trouver aucun pour la mettre en œuvre !! Les fidèles ? C'est non. Les évêques de cesdits fidèles ? C'est encore beaucoup plus non, in docendo comme in credendo !
           
        C'est montrer avec une grande clarté, et même éblouissante, la fausseté intégrale de cette thèse, qui n'a pouvoir que de s'empaler sur sa propre impuissance...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
             
        L'histoire ecclésiastique nous fournit d'ailleurs une preuve concrète supplémentaire que les évêques de l'orbe catholique n'ont strictement rien à voir dans les sujets pour acter le fait dogmatique d'avoir un nouveau pape, dans le cas du pape Pélage 1er. Voyons cela de plus près.
           
        Lors de l'élection de Pélage 1er (556-561), une fraction importante des évêques de l'univers catholique ne le reconnut pas durant de longs mois et même pour certains pendant tout son pontificat, et cependant Pélage n'en fut pas moins tenu par l'Église pour vrai pape, verus papa, et ce, dès le tout premier jour de son élection canonique par le haut-clergé de Rome (à cette époque reculée, le Sacré-Collège cardinalice n'existait pas encore, mais les archidiacres et autres primiciers qui formaient le haut-clergé romain en tenaient lieu). Ce qui montre bien que ceux qui, au tout premier chef, sont habilités et aptes à poser l'acte de droit divin entraînant la croyance de fide de tous les fidèles quant au nouveau pape actuel, sont les seuls cardinaux (ou leurs ancêtres) et non les évêques.
           
        Pélage vit en effet les premières années de son pontificat complètement brouillées par la pénible et toute passionnelle querelle des Trois Chapitres, avatar entortillé de l'hérésie monothélite, qui elle-même n'était qu'une sophistication intellectualiste de l'hérésie monophysite. L'infortuné pape fut sérieusement "boudé" par une fraction non-négligeable de l'Église d'alors, à savoir : quasi toute l'Église africaine et celle d'Illyricum (alors très-importantes dans l'orbe universelle), aussi, bien des évêques de Gaule (qui mirent tellement le doute dans l'esprit du roy Childebert, fils de Clovis, que celui-ci exigea du pape une profession de Foi ; la première, d'ailleurs, n'ayant pas satisfait, le pape Pélage 1er dut s'humilier à en rédiger une seconde...!), mais encore, les églises de Milan et d'Aquilée, d'Émilie, c'est-à-dire quasi toute l'Italie du Nord... ce qui, en tout, faisait vraiment pas mal de monde, et même beaucoup ! Il est du reste à noter que Pélage 1er "ne parvient pas à venir à bout des schismes de Milan et d'Aquilée, qui se prolongent jusque sous [son successeur] le pape Jean III [561-574] pour Milan et jusqu'au début du VIIe siècle pour Aquilée" (Dictionnaire historique de la papauté, etc., Levillain, p. 1296, 1ère col., art. "Pélage 1er").
           
        Donc, un nombre important d'églises, à commencer bien évidemment par les évêques qui étaient à leurs têtes, ne reconnaissaient pas Pélage 1er comme pape actuel. Pour autant, cela n'a nullement empêché que la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio fut parfaitement actée sur le pape Pélage dès le premier jour de son élection, ce que l'Église, postérieurement, a enregistré formellement dans ses annales officielles, ne faisant aucun doute sur la validité de l'élection de Pélage dès qu'il fut canoniquement choisi par les ancêtres romains des cardinaux. Ce qui, une fois de plus, prouve bien que ce sont les cardinaux, ou ceux qui en tenaient le rang dans les temps reculés, qui ont mandat et pouvoir divins de faire le vrai pape, verus papa, et ainsi de poser la croyance de fide pour tout fidèle, bien avant que les évêques ne le fassent, d'une manière seulement subséquente quant à eux et en union avec le haut-clergé romain, ne venant que confirmer et corroborer l'acte cardinalice in capite.
 
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        Les seuls sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium méritant un examen seraient donc les évêques de l'orbe catholique, nous dit-on. Hélas pour la thèse, on vient de voir qu'ils sont théologiquement encore plus inaptes à en être les sujets que les simples fidèles ! Outre ce que je viens de dire invalidant formellement leur emploi comme sujets de l'adhæsio de l'universitas fidelium pour désigner par le fait dogmatique le nouveau pape à tous les fidèles, une autre raison invalide beaucoup plus encore leur emploi pour être lesdits sujets. Si en effet l'universalité des évêques avaient un pouvoir quelconque pour légitimer le pape actuel, ne serait-ce qu'une fois dans un cadre extraordinaire, alors, ce serait souscrire et tomber ipso-facto dans l'hérésie du conciliarisme.
           
        Il est en effet absolument et radicalement proscrit que les évêques aient un quelconque pouvoir sur la fonction pontificale suprême, sur le pape. Ainsi donc, non seulement les évêques, comme nous venons de le voir, ne peuvent jamais être les sujets d'un acte infaillible sans le pape, qu'il soit in docendo ou in credendo, mais le pourraient-ils théoriquement, qu'il serait de toutes façons proscrit absolument qu'ils posent un tel acte pour légitimer un nouveau pape actuel. Or, évidemment, c'est ce qu'ils feraient si on mettait dans leurs mains épiscopales le pouvoir par-dessus les cardinaux d'acter le fait dogmatique quant à l'élection pontificale. Le pape ainsi élu et certainement pape mais seulement de par l'accord unanime des évêques de l'orbe catholique tout entière, ne serait donc pape que par le consentement épiscopal, et il n'y a pas besoin de continuer longtemps le raisonnement théologique pour comprendre que son autorité pontificale, en quelque matière elle s'exprimerait ultérieurement, serait donc à partir de là tout le temps dépendante de l'accord unanime des évêques... et c'est là toute l'hérésie conciliariste. Il est capital de comprendre que le pouvoir pontifical du pape ne doit dépendre jamais et d'aucune manière de celui épiscopal, sous peine de subvertir l'Institution pontificale telle que le Christ l'a constituée en disant à Pierre : "Tu es Pierre, et sur cette Pierre Je bâtirai mon Église" (Matth XVI, 18).
           
        Proscrire absolument tout conciliarisme dans les mœurs de l'Église. ― C'est pourquoi l'on voit le pape Pie IX n'avoir qu'une pensée, lorsqu'il édicte comment doit être réglée une nouvelle élection pontificale si jamais le pape devait mourir en plein concile général : celle d'en ôter absolument tout pouvoir aux évêques ; et il va jusqu'à déclarer aboli ledit concile général aux fins de supprimer tout empiètement, si minime soit-il, des évêques sur l'élection pontificale réservée aux seuls cardinaux, statuant haut et fort que lesdits évêques ne puissent avoir jamais aucune participation à l'élection pontificale qui aurait lieu après pour remplacer le pape de cujus. Or, si l'on suivait le mauvais raisonnement de ceux qui voudraient que les évêques soient les sujets formels de l'adhæsio de l'universitas fidelium pour confectionner le fait dogmatique quant au nouveau pape élu, alors, la mort d'un pape intervenant en plein concile général, cela simplifierait pratiquement énormément les choses, tous les évêques étant déjà réunis, de les utiliser tout-de-suite pour la prochaine élection pontificale s'ils y avaient un quelconque droit, surtout celui d'acter le fait dogmatique obligeant à la croyance de fide quant au nouveau pape élu.
           
        Mais le pape Pie IX, édictant en la matière, suivant en cela les prescriptions de son prédécesseur Jules II et lui-même suivi par le pape Pie X, fait le raisonnement exactement inverse : "Reprenant un usage introduit par Jules II, Pie IX a promulgué que, s'il arrivait qu'un pape mourût pendant la célébration d'un concile œcuménique, l'élection du successeur serait faite non par le concile, lequel est aussitôt interrompu ipso jure, MAIS PAR LE COLLÈGE SEUL DES CARDINAUX (Acta et decreta sacrosanti oecumenici concilii Vaticani, Romae, 1872, p. 104, sq.). Cette même disposition est rappelée dans la constitution Vacante sede apostolica, de Pie X, 25 décembre 1904, n° 28".
           
        Pie XII exposera cette doctrine d'une manière encore plus inflexible et plus militante : "§ 33. ― Si jamais il arrive que le Pontife romain meure durant la tenue d’un concile général, soit que le concile siège à Rome, soit qu’il ait lieu dans un autre endroit de l’univers, l’élection du nouveau pontife doit toujours être faite exclusivement par le seul Collège des cardinaux de la Sainte Église romaine, et non point par le concile lui-même, dont Nous déclarons nuls juridiquement les actes qui, d’une façon quelconque, sembleraient par une audace téméraire, affaiblir le droit exclusif du Sacré Collège des cardinaux ; de cette élection doivent absolument être exclues toutes les autres personnes qu’une autorité quelconque, même celle du concile, pourrait par hasard déléguer, hormis les cardinaux. Bien plus, pour qu’en cette élection les cardinaux mentionnés puissent, par la suppression de tout empêchement et l’éloignement de toute occasion de troubles et de divisions, procéder avec plus de liberté et de facilité, le concile lui-même, en quelque situation et étape qu’il se trouve, doit être regardé comme suspendu de droit, dès la réception de la nouvelle certaine du décès du pontife, de sorte que sans nul retard, il doit aussitôt cesser toutes réunions, congrégations et sessions, et arrêter la rédaction de tous décrets et canons, sous peine de nullité de ces actes, et ne pas se poursuivre pour n’importe quel motif, même si le motif paraissait très grave et digne de spéciale considération, jusqu’à ce que le nouveau pontife, canoniquement élu, ordonne de le reprendre et de le continuer (Pie IX, const. Cum Romanis Pontificibus, 11 ou 13 décembre 1869 ; Code de Droit canon, can. CIS 229)" (Vacantis Apostolicæ sedis, Pie XII, 8 décembre 1945).
           
        Ainsi donc, il est trop clair qu'on en revient toujours à la doctrine catholique en la matière, à savoir que non seulement les évêques n'ont aucun pouvoir sur l'élection pontificale, quelqu'il soit, mais que tout pouvoir quant à l'élection pontificale est donnée par l'Église aux seuls cardinaux ou haut-clergé de l'Église romaine, "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet). Les papes Pie IX et Léon XIII le diront très-explicitement : "Le droit d'élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n'importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu'elle soit" (Pie IX, const. In hac sublimi, 10 des calendes de septembre 1871 & Consulturi, 10 octobre 1877 ; Léon XIII, const. Praedecessores Nostri).
           
        Tout cela montre fort bien à quel point la thèse de l'adhæsio par les seuls évêques, brandie sans réflexion par les auteurs "ralliés" que j'ai lus, est radicalement fausse puisqu'elle verse ipso-facto dans l'hérésie conciliariste (nonobstant le fait, comme on l'a vu, que les évêques seuls sans le pape sont de toutes façons complètement impuissants à poser un acte doté de l'infaillibilité, in docendo ou in credendo, ce qui les exclut dans le principe de pouvoir poser le fait dogmatique quant à l'élection du nouveau pape).
           
        Si en effet l'on professait que la croyance de fide dans le nouveau pape ne dépend que de l'adhæsio des évêques de l'orbe catholique universelle, alors, on ferait dépendre toute Légitimité pontificale de l'union formelle des évêques, ce qui, sur le plan théologique, est similaire à l'union matérielle desdits évêques dans un concile général, et donc le pape ne serait pape que par l'accord des évêques, ce qui est virtuellement soumettre l'Autorité pontificale à cette union formelle des évêques, proposition qui est identique à celle voulant soumettre l'Autorité du pape au concile général épiscopal, ce qui a été condamné comme hérétique (conciliarisme) par le pape Martin V, à la fin du grand-schisme d'Occident, puis par Eugène IV son successeur. De jure, cette thèse de l'adhæsio épiscopale est donc condamnée ; elle ne l'est pas moins dans le de facto. En effet, si la certitude théologique d'avoir un vrai nouveau pape dépendait uniquement de l'adhæsio universelle des évêques, celle des cardinaux qui la précède ne valant théologiquement rien, cet adhæsio épiscopale universelle et unanime ne pourrait se former que dans un laps de temps très-long, ce qui est incompatible avec la loi fondamentale qui veut que le nouveau pape doit être règle immédiate de Foi pour tous les fidèles, dès son élection... loi fondamentale que par contre, réalise très-bien l'accord sur le nouveau pape par l'adhæsio des cardinaux dans leur majorité canonique, adhæsio cardinalice canoniquement unanime actée dès le jour même de l'élection conclavique, comme le formulait si bien notre génial adolescent de quatorze ans, Jérôme Bignon. Et c'est pourquoi, c'est leur acte à eux, cardinaux de la sainte Église romaine "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet), qui est fondateur de celui, subséquent et seulement dérivé, des évêques approuvant a-posteriori la nouvelle élection pontificale au nom et pour le compte de l'universitas fidelium.
           
        Ceci, pour sauvegarder le merveilleux équilibre constitutionnel de l'Église : si l'évêque avait un quelconque droit dans l'élection du pape, c'en serait bien fini de la liberté du pape ainsi élu ! Faire dépendre la validité d'une élection pontificale de l'adhæsio des seuls évêques est anti-théologique au possible : souvenons-nous du concil(iabul)e de Bâle voire même de Constance à ses débuts, lesquels n'avaient rien moins en projet que de soumettre en principe le pape à tout concile général (qui sont composés des seuls évêques quant aux voix actives) ; il suffit en effet de lire les discours conciliaristes complètement hérétiques sur cela du français Gerson ; ce n'est qu'à fort grand'peine si l'Église romaine réussit, notamment grâce à l'action intelligente, pondérée, inspirée et persévérante, du pape Eugène IV (1431-1447) et de sa Curie, à sauvegarder sa constitution voulue par le Christ, à savoir que l'Autorité du Pape prévaut sur tout concile général. Or, depuis ces conciliabules du XVe siècle, très agressifs dans leur dernier avatar, celui de Bâle, étouffés d'extrême justesse, cette révolte contre l'Autorité pontificale ne cessa jamais : les hérésiarques parus dans l'Église depuis lors, qu'ils soient luthériens, calvinistes, hussites puis jansénistes et enfin modernistes, ont tous voulu battre en brèche l'autorité du Souverain Pontife, en voulant la plier démocratiquement aux voix épiscopales de l'Église, qu'on fasse résider ces voix dans des assemblées "parlementaires" d'Église, conçues comme de véritables "États généraux permanents de l'Église" reconductibles tacitement, ou bien dans des conciles nationaux, comme avec les jansénistes français. C'est d'ailleurs cette sourde mais continuelle et formidable révolte qui a fini par susciter la proclamation libératrice de Pie IX en 1870, concernant l'infaillibilité du pape seul, dans son Magistère ex cathedra.
           
        Nonobstant le caractère anti-théologique et anti constitutionnel de la chose, soumettre donc ne serait-ce qu'une seule élection pontificale à l'adhæsio exclusivement épiscopale au nom de l'universitas fidelium, serait du même coup créer un précédent des plus fâcheux dans la vie de l'Église militante, alors que les ennemis du Christ et de son Église n'ont jamais renoncé à abattre l'Autorité pontificale. Il est bien facile de comprendre qu'une fois cette adhæsio épiscopale canoniquement enregistrée dans les annales ecclésiastiques, rien ni personne ne pourrait plus désormais contredire les prétentions indues des démocrates révolutionnaires, ensoutanés ou non, qui veulent soumettre par principe le pape au concile général (ce qu'on voit de nos jours d'ailleurs, cet esprit synodal tous azimuts, en est une résurgence abâtardie ; mais, signe des temps apocalyptiques que nous vivons, cette fois-ci, c'est... le pape lui-même, notre inénarrable François, qui promeut cette subversion démocratique de la fonction pontificale instituée par le Christ !!).
 
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        Objection. ― Certains pourraient invoquer l'élection du pape Martin V (1369-1431), qui termina le grand-schisme d'Occident, comme argument pour soutenir qu'une élection pontificale peut être le fait des évêques, puisque les électeurs de Martin V, loin d'être seulement des cardinaux, furent aussi des évêques, du moins comptèrent-ils dans les électeurs admis.
           
        L'argument est cependant parfaitement faux, et un tout petit peu d'histoire ecclésiastique suffira à le bien montrer. Mais auparavant, il va être encore bon de rappeler que les seuls électeurs ordinaires du pape sont les cardinaux, et eux seuls. Nous l'avons déjà vu plus haut, les papes Pie IX et Léon XIII les font consister dans les seuls cardinaux, à l'exclusion formelle de tout autre tiers : "Le droit d'élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n'importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu'elle soit" (supra).
           
        Cependant, le cardinal Journet, dans L'Église du Verbe incarné, résume lapidairement et merveilleusement bien la question en évoquant la possibilité d'électeurs extraordinaires, par ces propos : "Le pouvoir d'élire le pape réside formellement (c'est-à-dire, au sens aristotélicien, comme apte à procéder immédiatement à l'acte d'élection) dans l'Église Romaine, en comprenant dans l'Église Romaine les cardinaux-évêques qui sont, en quelque sorte, les suffragants de l'Évêque de Rome (le pape). C'est pourquoi, selon l'ordre canonique prévu, le droit d'élire le Pape appartiendra de fait aux cardinaux seuls. C'est pourquoi encore, quand les dispositions du droit canonique seraient irréalisables, ce serait aux membres certains de l'Église de Rome qu'il appartiendrait d'élire le Pape. À DÉFAUT DU CLERGÉ DE ROME, CE SERAIT À L'ÉGLISE UNIVERSELLE, dont le pape doit être l'Évêque" (L'Église du Verbe Incarné, Journet, p. 623). La question qui nous occupe donc se résume ainsi avec une grande précision : l'élection pontificale revient au Haut-Clergé de Rome ; à son défaut, elle revient au Bas-Clergé de Rome ; à son défaut encore, elle revient à l'Église Universelle.
           
        Il n'est pas bien difficile de remarquer que les évêques ne sont jamais nommés, ni dans les électeurs ordinaires ni dans ceux extraordinaires. Pour autant, devrait-on comprendre que, dans la situation très-extraordinaire où l'élection pontificale reviendrait à l'Église Universelle, les électeurs seraient les seuls évêques, ou du moins y auraient-ils une place prépondérante ? C'est justement ce qu'on voudrait pouvoir dire à propos de l'élection de Martin V, seule élection pontificale dans toute l'Histoire de l'Église qui eut lieu sous le mode extraordinaire de l'Église Universelle, mais nous allons voir qu'il n'en est rien.
           
        Toutes les histoires ecclésiastiques rangent en effet en deux catégories bien marquées, bien distinctes l'une de l'autre, les électeurs de Martin V : il y a les vingt-six cardinaux de toute obédience des trois papes douteux d'un côté, et, de l'autre, trente représentants des cinq Nations chrétiennes principales d'alors, France, Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, soit, en tout, cinquante-six électeurs. Or, notons bien que même s'il y avait (forcément) des évêques parmi ces trente représentants des cinq Nations qui donc n'étaient pas cardinaux, ils ne l'étaient pas tous, et de plus, ceux qui l'étaient n'agirent au conclave élisant Martin V nullement en tant qu'évêques, mais juste comme simples mandataires des nations, comme toutes les Histoires le révèlent fort bien.
           
        Limitons-nous à deux exemples : dans sa célèbre Histoire universelle de l'Église catholique écrite au XIXème siècle, l'abbé Rohrbacher, à propos de ces trente représentants des cinq nations principales de la Chrétienté ayant voix au conclave, emploie le mot très-révélateur de "députés". Députés de qui ? Pas de l'Église, mais des nations chrétiennes qu'ils représentaient. Or, quand on est "député", on n'a pas plus de pouvoir que celui qui nous députe, c'est en effet un principe formel de droit que le mandataire n'a pas plus de pouvoir que ceux possédés par son mandant. Autrement dit, les personnes juridiques des nations n'ayant bien entendu nullement le pouvoir d'Ordre qui appartient exclusivement à l'Église, les députés qu'elles envoyaient au "conclave universel" pour les représenter ne l'étaient nullement en tant qu'évêques, pour ceux qui l'étaient. C'est pourquoi l'appellation de Rohrbacher dans son Histoire, etc. nous semble être la plus juste, à propos de ces trente représentants des cinq nations principales d'alors : "députés". Un autre historien, Gaston Castella, désigne ces trente députés des nations par la double dénomination fort significative elle aussi pour notre sujet de : "prélats et docteurs", parce qu'elle laisse encore mieux entendre que s'il y eut certes des évêques parmi ces électeurs des nations, il y eut également des laïcs, docteurs de Sorbonne, de Salamanque ou autres ("Prendraient part, cette fois-là, à l'élection, non seulement les cardinaux présents, mais trente prélats et docteurs, soit six de chacune des cinq nations" ― Histoire des papes illustrée, t. 1, p. 315).
           
        C'est donc bien à tort qu'on invoquerait l'élection du pape Martin V terminant le grand-schisme d'Occident, pour cautionner la thèse de l'adhæsio de l'universitas fidelium par les seuls évêques de l'orbe catholique toute entière.
           
        Retenons de tout ceci que la théologie la plus assise dans la Constitution divine de l'Église pose deux choses fondamentales : 1/ À défaut d'une élection pontificale opérée par les électeurs ordinaires que sont les cardinaux de la sainte Église romaine ou à leur défaut le bas-clergé de Rome (second cas de figure ordinaire qui, au reste, ne s'est jamais produit dans toute l'Histoire de l'Église), l'élection pontificale par l'Église Universelle est une chose très-extraordinaire, qui nécessite quasi un miracle de Dieu pour pouvoir être opérée afin de donner à l'Église l'élu UN ; 2/ Dans ce cas très-extraordinaire, l'Église Universelle n'est pas du tout représentée par les seuls évêques agissant de par leur pouvoir d'Ordre, mais par l'ensemble des fidèles catholiques, universitas fidelium, qu'ils soient clercs ou laïcs, qu'ils aient ou non autorité dans l'Église, qu'ils soient membres enseignants ou enseignés. Tout le monde catholique doit être dûment représenté et c'est précisément pourquoi la réunion universelle de l'Église est si extraordinaire. On ne sait plus qu'il y a eu un vrai miracle du Saint-Esprit pour réaliser dans l'Unité et la concorde générale l'élection du pape Martin V terminant le grand-schisme d'Occident, il faut lire l'histoire de concile de Constance pour le comprendre et en être saintement émerveillé...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
           
        Nous avons donc bien vu ensemble, en suivant l'enseignement formel des papes de l'ère moderne, de Pie X à Jean-Paul II en passant par Pie XII et Paul VI, que c'est le "oui, accepto" du nouveau pape qui le fait vraiment pape, verus papa. Pour être complet sur la question, il faut cependant préciser que la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, intervenant dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite, a parfois été retenue par les papes du passé comme étant le moment où le fait dogmatique était acté. Cela, de toutes façons, ne change rien quant au fond sur la doctrine qui veut que ce soit le seul Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique qui acte formellement le fait dogmatique, car que celui-ci soit acté lors du "oui, accepto" à la fin du conclave ou bien lors de l'intronisation du nouveau pape ayant lieu quelques courts jours seulement après ce "oui, accepto", nous sommes toujours là dans le cadre exclusif de l'adhæsio cardinalice seule. Mais il ne me semble pas inutile de rappeler que certains papes du passé ont voulu en effet privilégier l'intronisation du nouveau pape sur l'élection conclavique, comme étant le jour où commence vraiment son pontificat, où l'on est absolument sûr qu'il est vrai pape, verus papa, pour toute l'Église.
           
        Je l'exposais ainsi dans L'Impubliable : "L'acte de reconnaissance ecclésiale universelle du nouveau pape par l'organe des cardinaux unanimes est si important sur le plan théologique, que la coutume a été prise, depuis la décision du pape saint Léon IX (1048-1054), de dater le pontificat du jour du couronnement ou intronisation ou «adoration», et non à compter de celui de l'élection conclavique ou encore celui du Sacre épiscopal éventuel si le nouveau Pierre n'est pas encore évêque ; et «cet usage a persisté, en dépit de la Constitution Cum esset du 15 décembre 1633, dans laquelle Urbain VIII cherchait à faire prévaloir la date de l'élection» (Le Conclave, Lucius Lector, 1894, p. 667). La sigillographie illustre très-bien, elle aussi, l'importance plus grande, quant à la légitimité papale, de l'acte de reconnaissance ecclésiale universelle posé par les cardinaux le jour de l'intronisation du pape nouvellement élu, sur celui de l'acte d'élection conclavique : «Aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, les papes ont utilisé, entre leur élection et leur couronnement un sceau de plomb incomplet, la demie-bulle (bulla dimidia, blanca, defectiva), ne comportant pas leur nom au revers ("mais seulement les effigies des saints Pierre & Paul" ― ibid., p. 666). Les actes ainsi scellés présentaient des particularités rédactionnelles : dans la suscription, le nom du pape était suivi du mot electus, la formule suscepti a nobis apostolatus officii remplaçait dans la date les mots pontificatus nostri, et une clause spéciale expliquait les raisons de l'emploi de la demi-bulle. Le plus ancien original connu scellé de cette façon est un acte de Grégoire X du 4 mars 1272» (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, 1994, art. "bulle", p. 240, col. 1).
           
        La reconnaissance officielle par les cardinaux représentant l'Église Universelle du pape nouvellement élu, qui est le fondement théologique de la cérémonie du couronnement et de l'intronisation, est un constituant intrinsèque si important de la légitimité pontificale, qu'un pape mort seulement quatre jours après son élection, sans avoir pu être «adoré» pontificalement, ne fut tout simplement pas inclus dans la liste officielle des papes durant tout le Moyen-Âge, comme s'il ne l'avait pas vraiment été : il s'agit d'Étienne II (mars 752). Et Lucius Lector, de préciser : «Il en est de même, probablement, d'un Jean XV en 985 ; plus tard, le cas se reproduit encore pour Urbain VII (1590)» (Lector, p. 661, note 1)" (L'Impubliable, note de fin de texte "s", p. 280).
 
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        Conclusion, récapitulation. ― Pour être sûr qu'un pape est certainement pape, c'est donc uniquement la reconnaissance de ce pape que les cardinaux posent dans leur majorité canonique, soit lors du "oui, accepto" à la fin du conclave, soit au sein de la cérémonie d'intronisation, qui est l'acte théologiquement enseignant, et nul autre. Une fois que cet acte, qui a valeur formelle de fait dogmatique, est posé, alors, la légitimité du nouveau pape ainsi reconnu par eux, cardinaux, est indubitable, certaine, et l'anathème est formel sur celui qui oserait y contredire. Sur cedit acte cardinalice théologiquement fondateur, vient se greffer, subséquemment, ensuite et par après, ce que les théologiens ont appelé l'acceptation pacifique universelle de l'Église, c'est-à-dire que derrière les cardinaux, tous les autres membres de l'Église sans distinction de rang, à leur tour, du plus grand des archevêques au plus simple laïc, tous indistinctement, reconnaissent eux aussi, comme pape vrai et indubitable, celui que les cardinaux viennent de désigner (dans l'élection conclavique) et reconnaître (dans la cérémonie d'intronisation), presque simultanément, comme vrai Vicaire du Christ, acceptus et probatus, en tant que "membres enseignants" de la légitimité pontificale. Le SEUL acte qui a valeur théologique formelle pour acter la légitimité pontificale, est celui des cardinaux dans leur majorité canonique des 2/3 posé, soit lors du "oui, accepto" à la fin du conclave, soit lors de la cérémonie d'intronisation : l'acceptation pacifique du nouveau pape par tous ceux qui, dans l'Église, ne sont pas cardinaux de la sainte Église romaine, qui lui est toujours postérieure, n'en est théologiquement que subséquence, et n'a pas, en soi et toute seule, valeur théologique. Elle n'endosse une valeur théologique, comme nous l'avons vu plus haut, que lorsqu'elle s'appuie, pour acter son acceptation, sur celle in capite des cardinaux.
           
        C'est dire que c'est donc au plus tard immédiatement le jour même de l'intronisation du pape élu, que l'acte théologiquement subséquent et non fondateur de l'acceptation pacifique universelle, est quant à lui posé par tout "le peuple de Dieu" (Géraldina Boni), agréant tout naturellement et immédiatement ce que les "membres enseignants" de ladite légitimité pontificale viennent tout juste de leur enseigner, soit dans le "oui, accepto" conclavique, soit dans et par la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, à la face de l'Église Universelle et du monde entier. Par ailleurs, il est excessivement important que la certitude d'avoir un vrai pape soit connue très-rapidement après son élection conclavique, puisque le pape nouvellement élu est règle prochaine de la Foi pour tous les fidèles, rapidité que ne réalise pas l'acceptation pacifique universelle fondée sur la seule universitas fidelium.
           
        Enfin, il est important de dire une autre chose. Cet acte cardinalice infaillible de reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de pape sur un tel étant posé au plus tard le jour de l'intronisation du nouveau pape élu, cedit acte, à partir de ce jour, se reconduit tacitement et implicitement tous les jours suivants du règne pontifical du nouveau pape, jusqu'à sa mort sans qu'il y ait plus besoin d'aucune autre déclaration cardinalice. C'est-à-dire que, une fois posée par les cardinaux au plus tard le jour de l'intronisation, la reconnaissance ecclésiale universelle du pape valant formelle légitimité de cedit pape couvre tout son pontificat, si elle n'est contredite postérieurement par le même organe et dans la même proportion de sa majorité canonique. Pour qu'elle soit remise valablement et validement en cause, il faudrait en effet que ceux qui l'ont acté, c'est-à-dire les "membres enseignants" de la légitimité pontificale que sont les cardinaux, déclarent publiquement dans leur majorité canonique des 2/3 + 1, retirer leur obédience au pape... chose qui ne s'est jamais produite, de saint Pierre jusqu'à François.
 
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        Il est vrai que si on lit d'une manière je ne dirai pas superficielle mais trop générique, les auteurs qui ont traité de la question par le passé (mais il est vrai que ceux contemporains professent généralement la même chose que ceux du passé), sans approfondir la doctrine comme j'ai tâché de le faire dans cet article, on aurait tendance à croire que l'Église Universelle approuvant une élection pontificale et confectionnant le fait dogmatique serait l'universitas fidelium dans son ensemble, ou plutôt dans sa généralité la plus nébuleuse, sans tenir aucun compte de la place in capite et première des cardinaux dans cette représentation de l'Église Universelle. Mais la fausseté du raisonnement de fond de la plupart de ces auteurs consiste essentiellement à dissocier l'Église Universelle du Sacré-Collège cardinalice. C'est là que gît l'erreur de parallaxe, c'est-à-dire qu'on prend une mesure à partir d'un mauvais point de vue, et donc la mesure est fausse. Car, voir les choses ainsi, c'est oublier que, en droit et en fait, l'Église Universelle, en matière d'élection pontificale, c'est avant tout... le Sacré-Collège cardinalice lui-même soi-même ! Ainsi, par exemple, on voit un auteur appeler la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, une "seconde élection par toute l'Église" (W. Wilmers, A Handbook of the Christian Religion, 1891, p. 95). L'appellation est plutôt exacte, mais il faut bien saisir que les sujets de cette "seconde élection" dont tout l'objet est juste d'approuver la première élection conclavique proprement dite, sont, in capite et premièrement... les mêmes que ceux qui ont confectionné la première élection, à savoir, bien sûr, les cardinaux de la sainte Église romaine, dans leur majorité canonique, avant que tous les autres membres de l'Église qui ne sont pas cardinaux de la sainte Église romaine ne puissent donner leur approbation ! C'est eux-mêmes qui, premièrement, approuvent au nom de l'Église Universelle l'élection conclavique du nouveau pape qu'ils viennent tout juste d'opérer de leurs propres mains, c'est eux-mêmes qui font cette "seconde élection" !
           
        Donc, puisqu'il en est ainsi, le processus théologique est le suivant : 1/ les cardinaux seuls, représentant l'Église Universelle, désignent le nouvel élu au Siège de Pierre ; 2/ puis secondement et enfin, le nouveau pape une fois canoniquement élu, les mêmes cardinaux approuvent, toujours au nom de l'Église Universelle, le nouveau pape qu'ils viennent d'élire, ce qui se fait dès qu'ils lui font leur obédience, pour la première fois, dans le sein du conclave lui-même, lorsque l'élu a prononcé son "oui, accepto". Il est capital de comprendre que cette première obédience faite par tous les cardinaux au nouveau pape qu'ils viennent de choisir, qu'on pourrait dire d'ordre privée, privatim, parce qu'elle n'est pas encore connue de l'universitas fidelium, est déjà la première expression de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio qui fonde le fait dogmatique impliquant formellement la croyance de fide de tous les autres fidèles de l'Église qui ne sont pas cardinaux. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous l'avons vu plus haut, le cardinal qui, juste après cette première obédience cardinalice privatim, présente le nouveau pape à tous les fidèles réunis place Saint-Pierre, dit sans équivoque, du haut du balcon de Saint-Pierre : habemus papam, nous avons un pape. Sous-entendu : il est non seulement déjà tout fait par nous cardinaux, mais il est de plus déjà formellement approuvé, acceptus et probatus, par l'Église Universelle que nous, cardinaux dans notre majorité canonique, représentons.
           
        Cette première obédience cardinalice manifestant déjà la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio dotée de l'infaillibilité en tant que fait dogmatique, sera suivie de deux autres obédiences cardinalices faites presque coup sur coup, ainsi qu'il ressort de la constitution de Pie XII sur les élections pontificales, et ce triple rite est là pour vraiment bien faire comprendre que dès que ces trois obédiences cardinalices sont dûment faites, la "seconde élection" est déjà faite, le fait dogmatique est théologiquement acté :
           
        "Ensuite [lorsque l'élection est théologiquement achevée par le "oui, accepto" du nouveau pape], après l’accomplissement de ce que demande la coutume selon le cérémonial romain [exemple : après le "oui, accepto" du nouveau pape, tous les cardinaux hormis celui qui venait d'être élu nouveau pape, abaissaient les baldaquins de leurs stalles, qui restaient élevés, en signe de leur souveraineté cardinalice collective, tout le temps sede vacante que durait la nouvelle élection pontificale avant que l'élu UN soit surnaturellement trouvé], les cardinaux font au Souverain Pontife élu la première obédience d’usage ; celle-ci achevée, et après le chant de l’hymne Te Deum, le premier des cardinaux diacres annonce au peuple qui attend l’élection le nom du nouveau Pontife romain et peu après le pontife lui-même donne la Bénédiction apostolique à Rome et au monde. Il y a ensuite la seconde obédience, que les cardinaux font, revêtus de la cappa violette" (§ 103).
           
        "Toutes choses enfin ayant été régulièrement accomplies, le conclave est ouvert, à l’intérieur, à l’extérieur et sur l’ordre du nouveau pontife. (...) Après l’ouverture du conclave sont admis ceux qui, selon la coutume, sont introduits pour faire l’obédience au pontife élu" (§ 105).
           
        "Pour faire la troisième obédience, les cardinaux devront être convoqués par le préfet des cérémonies apostoliques quand le Souverain Pontife le fixera" (§ 106).
           
        Il n'est cependant pas faux, nous l'avons vu plus haut, de voir que l'universitas fidelium, c'est-à-dire tous les évêques et simples fidèles qui ne sont pas cardinaux, acte elle aussi le fait dogmatique, cependant, seulement en adhérant à l'élection du nouveau pape par les cardinaux, étant entée sur l'antécédente adhæsio cardinalice. Mais ce serait une profonde erreur, que j'ai pris à tâche de dénoncer dans ce nouvel article, de voir le fait dogmatique n'être acté que lorsque l'universitas fidelium sans les cardinaux acte la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio pour sa part.
           
        J'ai fait remarquer en commençant ce chapitre que la plupart des auteurs du passé comme d'ailleurs du présent, en restent trop au générique nébuleux de l'universitas fidelium. Mais il est bon de noter que certains auteurs ou saints ont fort bien compris que l'acte qui fonde le fait dogmatique en matière d'élection pontificale est opéré in capite et premièrement par le Sacré-Collège cardinalice qui représente au premier chef cette universitas fidelium.
           
        Par exemple, lors du grand-schisme d'Occident, sainte Catherine de Sienne (1347-1380) le professe sans ambiguïté. Elle considère très-justement que ceux qui refusent le pape ayant bénéficié de l'adhesio cardinalice sont non seulement schismatiques mais hérétiques (... avis à Jules II et Paul IV !!), et, pour le dire, elle ne mâche pas ses mots bien crus et verts, comme on peut le voir dans une de ses Lettres aux schismatiques cardinaux français : "... Qu'est-ce qui me montre l'élection régulière par laquelle vous avez élu le seigneur Barthélemy, archevêque de Bari, aujourd'hui véritablement le Pape Urbain VI ? Cette vérité se montre dans la solennité de son couronnement. Que cette solennité se soit faite dans la vérité, la révérence [= l'adoration rituelle] que vous lui avez faite nous le montre. Ce que vous dites [à présent] fût-il vrai [à savoir : nier a-posteriori l'élection valide d'Urbain VI], ne nous auriez-vous pas menti, à nous, quand vous nous l'avez dit souverain Pontife, comme il l'est en effet ? Ne lui auriez-vous pas fait mensongèrement la révérence en l'adorant pour le Christ sur la terre [voilà qui condamne Paul IV qui récuse à l'adoration cardinalice, dans son hérétique § 6, la note d'infaillibilité !] ? D'anges terrestres que vous devriez être, pour ramener les brebis à l'obéissance de la sainte Église, vous avez pris l'office de démons en nous amenant à l'obéissance de l'Antéchrist, qui est membre du diable, et vous êtes avec lui, tant que vous persisterez dans cette hérésie"...!!
           
        Saint Robert Bellarmin est à citer également, lui qui a écrit : "Il arriva peu après que [le pape] Sylverius mourut et que Vigilius, qui jusque-là siégeait en schisme, commença maintenant à être le seul et légitime Pontife de façon certaine par la confirmation et la réception par le clergé et le peuple romain" (De Romano Pontifice, IV, chapitre 10).
           
        Et... Mgr Marcel Lefebvre lui-même soi-même, mais oui, le professait fort bien : "L’éloignement des cardinaux de plus de 80 ans et les conventicules qui ont préparé les deux derniers conclaves ne rendent-ils pas invalide l’élection de ces Papes ? Invalide, c’est trop affirmer, mais éventuellement douteux. Toutefois l’acceptation de fait postérieure à l’élection et unanime de la part des cardinaux et du clergé romain suffit à valider l’élection. C’est l’opinion des théologiens [!]" (La nouvelle messe et le Pape, Fideliter n° 13 de février 1980, d’après Cor unum de novembre 1979).
           
        Certains, dont les auteurs "ralliés" que j'ai lus, veulent nier que les cardinaux puissent acter le fait dogmatique de toute élection pontificale, sous le vain et très-faux prétexte que l'Institution cardinalice serait soit disant de droit ecclésiastique et non de droit divin, raison pour laquelle, croient-ils pouvoir déduire, ils n'auraient pas le pouvoir dans l'Église d'acter le fait dogmatique de toute élection pontificale.
           
        Ce raisonnement est théologiquement primaire et pèche à la base. D'abord et premièrement, ce n'est pas parce que le Sacré-Collège cardinalice serait d'institution seulement ecclésiastique, que ses membres ne pourraient pas avoir une fonction de droit divin, ce sont deux choses différentes. Or, les cardinaux ne tirent pas leur fonction suprême d'élire le pape de l'institution ecclésiastique mais de la Parole du Christ : "Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église" (Matth XVI, 18), c'est-à-dire, on l'a compris, du droit divin. Cette fonction d'élire le pape est donc tout ce qu'il y a de plus fondée sur le droit divin ("La principale faculté des cardinaux est celle d’élire le Souverain Pontife" ― Vacante Apostolicæ Sedis, 8 décembre 1945, § 35).
           
        Et justement, secondement, ladite fonction étant de droit divin, rejaillit sur l'Institution cardinalice elle-même : puisque leur fonction, en tant que haut-clergé de l'Église de Rome, "nom d'humilité de l'Église Universelle", est de droit divin, alors cela signifie que l'Institution cardinalice est, elle aussi, et ne peut qu'être, de droit divin. C'est ce qu'a pensé saint Robert Bellarmin, qui, chacun le sait, est une autorité supérieure quant aux choses de l'élection pontificale : il émet l'hypothèse que l'Institution du Sacré-Collège est de droit divin dans son De Romano Pontifice (je n'ai malheureusement pas noté la référence où il le dit). Et cette thèse est non seulement probable, mais certaine. Car en effet, on se tromperait étrangement en voulant voir l'Institution du Sacré-Collège des cardinaux comme une création ex nihilo au XIIème siècle, sous-entendu qu'avant cette création, il n'y aurait rien eu, et que, tout-à-coup, on fait surgir dans l'Église une nouvelle chose, les cardinaux, par génération spontanée ! La vérité est aux antipodes : les cardinaux du Sacré-Collège ne sont rien d'autres que la simple continuation structurée du haut-clergé de l'Église de Rome, des archidiacres et autres primiciers des temps antiques, qui, quant à lui, haut-clergé romain, a toujours existé depuis saint Pierre, et qui est doté du droit divin dans son acte d'élire le Souverain Pontife pour l'Église de Rome et donc pour l'Église Universelle. Ce qui signifie bel et bien que les cardinaux agissent eux aussi de droit divin lorsqu'ils élisent le nouveau pape, en tant que simples successeurs de leurs ancêtres.
           
        Tout, d'ailleurs, le dit, dans le rituel scrupuleusement suivi et détaillé pour créer un nouveau pape qu'on peut voir dans la constitution de Pie XII de 1945.
           
        Lisons par exemple le § 38 : "Cependant si des cardinaux absents arrivent lorsque l’affaire de l’élection est encore entière, c’est-à-dire avant que l’Église soit pourvue d’un Pasteur, qu’ils soient admis à participer à l’élection en l’état où ils la trouveront" (Grégoire X, ch. 3, Ubi periculum, § 1, de elect., 1, 6, in Sext)". Il n'est pas bien difficile de comprendre de ce § 38 que lorsque l'élection faite uniquement par les cardinaux sera faite, alors, "l'Église sera pourvue d'un Pasteur", ce qui signifie très-clairement que le fait dogmatique sera acté lorsque les cardinaux, et les cardinaux seuls, auront fini l'élection en cours. C'est bien pourquoi d'ailleurs, nous l'avons déjà vu, lorsque l'élection est finie, le cardinal présentant le nouveau pape à "l'adoration" des fidèles massés Place Saint-Pierre, leur dit : nous avons un pape, habemus papam, il est tout fait, il n'y a plus rien à y rajouter pour qu'il soit verus papa, sujet formel de la croyance de fide de tout fidèle, sous peine d'anathème.
           
        Et lorsque le nouveau pape est élu, alors les cardinaux, comme on vient de le voir, lui font rien moins que... trois obédiences !      
           
        ... Du carton-pâte, ces obédiences au nombre trinitaire de trois, comme pour en bien marquer la signifiance de droit divin, qui, de plus, seront refaites deux fois par les cardinaux dans la cérémonie d'intronisation du nouveau pape, quelques jours après, soit en tout... cinq obédiences des cardinaux !? Allons donc, soyons sérieux ! Comment les papes de la Renaissance, Jules II et Paul IV, ont-ils bien pu oser s'autoriser à désacraliser ces rites cardinalices si fortement révélateurs du droit divin qui les habite, ou plutôt qui les inhabite par la Présence du Saint-Esprit...?!? Mystère, et mystère d'iniquité...
           
        Ces papes auraient quand même dû se rendre compte de l'impossibilité théologique radicale de leur thèse. Prenons en effet le § 6 de la bulle de Paul IV : il ose soutenir qu'un pape convaincu d'avoir été hérétique avant son élévation au Souverain pontificat n'aurait jamais été pape, même s'il avait été "adoré" par l'unanimité des cardinaux en bonne et dûe forme, même pendant un plus ou moins long temps : "[on ne peut prétendre que] le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son Pontificat" (§ 6). Paul IV n'oubliait juste qu'une toute petite chose, qui invalidait in radice sa thèse : c'est à savoir que pendant tout le temps, qui peut être plus ou moins long, où ce pape, hérétique avant son élévation au Siège de Pierre, aurait été admis comme vrai pape dans toute l'Église, il n'y aurait pas eu que les seuls cardinaux à l'avoir reconnu et accepté comme vrai pape, dont on voudrait croire (très-faussement) que leur adhæsio n'est pas dotée de l'infaillibilité, mais encore l'acceptation et la reconnaissance de ce pape aurait été formellement actée par... l'universitas fidelium, qui suit dès l'élection pontificale l'adhæsio cardinalice, les deux en effet étant conjointes et quasi simultanées ! Or, l'universitas fidelium est dotée de l'infaillibilité, au rapport de tous les théologiens, de tous les canonistes, ce qui signifie bien sûr que ce pape approuvé non seulement par les cardinaux mais infailliblement par l'universitas fidelium... ne pouvait pas... ne pas être vrai pape, verus papa !
           
        Donc, en fait, Paul IV récusait implicitement mais formellement, dans son § 6, la loi fondamentale, expression du Magistère ordinaire & universel ecclésial, de l'infaillibilité de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, et empêchait par-là même qu'un pape élu puisse jamais être certainement pape, jamais faire l'objet d'un fait dogmatique impliquant la croyance de fide de tout fidèle puisque, si l'on supprime l'infaillibilité de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio, il n'existe plus aucun autre moyen en Église pour savoir de fide qu'un pape est vrai pape ! Proposition parfaitement hérétique, puisque le pape étant règle prochaine de la Foi, dire qu'on ne peut jamais être sûr d'avoir un pape légitime (ce qui, soit dit en passant, est le soubassement de tout raisonnement schismatique sédévacantiste, et l'on comprend fort bien que les sédévacs actuels se soient entichés de cette fumeuse bulle qu'ils adorent... mais pas le pape), est tout simplement inférer le doute formel sur le dogme lui-même et sur toute l'Église ! Le § 6 de la bulle de Paul IV est donc bel et bien complètement hérétique...
           
        On pourrait s'étonner cependant de voir la très-grande majorité des auteurs qui ont parlé de la pacifica universalis ecclesiæ adhæsio n'avoir jamais dit explicitement que les sujets premiers en sont les cardinaux, mais n'avoir vu la question que d'une manière lointainement et nébuleusement générique ? On peut sans doute répondre en disant qu'ils se sont uniquement focalisés sur l'acte dernier de cette adhæsio, celui le plus épiphanique si je puis dire, le plus visible, posé effectivement par les évêques et les fidèles du monde entier. Sans chercher à décortiquer comme je viens de le faire l'articulation théologique précise qui, générée par l'adhæsio cardinalice, aboutit tout-à-fait en finale, et en finale seulement, à l'adhæsio de l'universitas fidelium, comme dernier acte qui fonde la croyance de fide dans le nouveau pape.
           
        Un dernier mot pour finir de finir. Ce point de doctrine que je viens d'exposer a certes son importance, mais il n'a... aucune incidence sur la question de la légitimité des pontificats modernes vaticandeux & post. Car de toutes façons, que ce soient par l'adhæsio de l'universitas fidelium ou par l'adhæsio cardinalice, une chose est absolument sûre et certaine, et doit être tenue pour telle par tout catholique sous peine d'anathème ipso-facto : tous les papes modernes, de Jean XXIII à François, ont dûment bénéficié de l'une ou de l'autre adhæsio, et même des deux à la fois, et donc la croyance de fide à la légitimité de leurs pontificats respectifs est absolument de rigueur, obligatoire, sous peine d'anathème formel ipso-facto pour qui ose y contredire.
 
        Notamment, il faut avoir le courage de le dire même si on s'en trouve crucifié dans sa Foi, quant au pape actuel, à savoir notre inénarrable pape François...
 
LeSueur Jesus Christ donnant les clefs à St Pierre 1024
 
        "Il faut se glorifier ? Cela ne sert de rien. (...) Si je voulais me glorifier, je ne serais pas insensé, car je dirais la vérité ; mais je m'en abstiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend dire de moi" (II Cor XII, 1 & 6).
           
        Cependant, la vérité intégrale et complète de "la crise de l'Église" consistant en "LA PASSION DE L'ÉGLISE" que je suis le seul à exposer en docteur in utroque dans tout le monde catholique (Dieu sait pourquoi, moi je ne le sais pas), est si conspuée et foulée aux pieds par les bêtes de toutes sortes, modernes comme tradis, qu'il m'apparaît utile, je le dis dans la confusion, de me "glorifier", quand bien même cela ne sert de rien. Je ne le fais uniquement que pour mettre en valeur non ma pauvre personne mais la vérité ecclésiale de notre temps, "LA PASSION DE L'ÉGLISE".
           
        Alors je dirai, quoique cela ne serve de rien, que j'ai la gloire sans doute de désenvelopper pour la première fois dans l'Église le distinguo qui définit avec certitude les sujets habilités et aptes à acter théologiquement l'acceptation pacifique ecclésiale universelle du nouveau pape ayant valeur de règle prochaine de la Légitimité pontificale. Cependant, il est encore plus vrai que la gloire ne m'en appartient pas, elle revient à l'Église, car c'est "la crise de l'Église" elle-même qui m'a poussé invinciblement à cette explicitation, sans même que je m'en rende trop compte d'ailleurs, en la formulant dès les premières rédactions de L'Impubliable : cette crise de l'Église est en effet, depuis qu'elle a commencé, une crise toute centrée sur la Légitimité pontificale.
           
        Dès la fin de Vatican II, on a des gens qui mettent en doute publiquement et ardemment la légitimité de Paul VI, et qui parfois le font bruyamment Place Saint-Pierre, les Père Barbara, les abbé de Nantes, pas très-longtemps quant à ce dernier, les Père Guérard des Lauriers, etc. Cela m'a poussé à rendre explicite une doctrine qui n'était encore qu'implicite dans l'Église. Tant il est vrai que l'hérésie est opportune, opportet haereses (j'ai envie de rajouter, qu'on me pardonne, qu'avec les hérésies, les connards et leurs sottises aussi, sont opportuns, sorte d'aiguillons dans les côtes du théologien pour l'obliger à avancer...).
           
        Ainsi donc, comme dit saint Paul : "Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et Sa grâce [quant à l'intelligence de la Foi appliquée à la théologie de la "crise de l'Église"] n'a pas été stérile en moi ; mais j'ai travaillé plus qu'eux tous [les prétendus "chefs de file" et théologiens non moins prétendus, dans le Tradiland et chez les modernes] : non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi" (I Cor XV, 10).
           
        Puisque donc je me glorifie pour "LA PASSION DE L'ÉGLISE", j'en mets ici encore une fois le lien où je l'expose en profondeur, ex professo : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/13-la-passion-de-l-eglise/7-la-passion-de-l-eglise-2.
           
        ... Amen, Alleluia, vive Dieu !
 
En la fête de saint Grégoire de Nazianze,
Ce 9 mai 2023.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
               
 
GrégoireDeNazianze
Saint Grégoire de Nazianze (329-390)
 
 
 
 
09-05-2023 19:18:00
 

Faire enfin le point exact sur l'unicité pontificale aux temps ecclésiaux de Benoît et... de François

 
 
Faire enfin le point exact sur l'unicité pontificale
aux temps ecclésiaux de Benoît et... de François
               
               
        L'association "Terre et famille", de mouvance conservatrice, vient de faire, hier 27 février, l'envoi collectif par courriel, dont j'ai été l'un des destinataires, d'une vidéo exposant la thèse pontificale survivantiste du journaliste italien Andrea Cionci, sans un mot d'accompagnement. On trouvera cette vidéo au lien suivant : https://terre-et-famille.fr/dies-irae-rien-que-la-verite-sur-la-demission-de-benoit-xvi/.
               
        Bien qu'ayant déjà réfuté en règle la thèse survivantiste, qui s'avère n'être en fait qu'une sorte de sédévacantisme original mais illuministe, dans plusieurs articles fort charpentés et construits (cf. notamment : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/13-la-passion-de-l-eglise/12-refutation-de-la-these-survivantiste & https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/encore-du-survivantisme-pontifical?Itemid=1), articles de fond que, bien entendu, ceux qui devraient les lire pour se convertir ne lisent pas parce qu'ils ont peur de... se convertir, j'ai cru devoir à nouveau, une fois visionné un peu par pénitence cette vidéo, rembarrer succinctement et à chaud les faux raisonnements qui y sont exposés, en les réduisant à rien par l'exposé simple de la vérité catholique qu'ils contredisent. Donc, j'ai envoyé un petit courriel de réponse hier à cette association "Terre et famille", ainsi rédigé :   
               
        "Bonjour,
               
        "La thèse exposée sur cette vidéo est radicalement fausse, quoique possédant un fond de vérité.
               
        "Elle est fausse pour deux raisons essentielles :
               
        "1/ Benoît XVI n'était pas du tout un traditionaliste au niveau de la Foi, mais seulement un conservateur parmi les modernistes. Il est donc en soi parfaitement faux de le voir comme un pape tradi défenseur de la Foi catholique intégrale et subissant le martyre pour cela, en fallacieuse opposition dialectique avec le pape François qui, lui, attaque la Foi, comme faisant parti des méchants. Vous le comprendrez en lisant mon dernier article : ‌https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/Que%20le%20pape%20Beno%C3%AEt%20XVI,%20MALGR%C3%89%20%20TOUT,%20repose%20en%20paix%20dans%20le%20Christ?Itemid=1.
               
        "2/ Le cardinal Billot, sous Pie XI, l'avait fort bien dit, et il ne faisait là que résumer la Foi catholique la plus certaine en la matière : le criterium premier de la Légitimité pontificale, en avant de tous les autres, est LA RECONNAISSANCE ECCLÉSIALE UNIVERSELLE DE LA QUALITÉ DE PONTIFE ROMAIN SUR TELLE PERSONNE. L'organe juridique pour poser cette dite reconnaissance est le Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique des 2/3. Et il pose cet acte de reconnaissance dans la cérémonie solennelle d'intronisation du pape devant toute l’Église, qui suit généralement dans l'octave l'élection conclavique proprement dite du nouveau pape. Or, Bergoglio a dûment et légitimement bénéficié de cet acte de reconnaissance ecclésiale universelle de sa qualité de pape, puisque tous les cardinaux l'ayant posé sur lui en 2013 étaient certainement vrais cardinaux, ayant tous été créés soit par Benoît XVI soit par ses légitimes prédécesseurs. DONC, Bergoglio est pape. Et donc, le raisonnement qui veut le voir comme un antipape est archi-faux, in radice.
               
        "Pour ces deux raisons, la thèse Cionci est théologiquement insoutenable, irrecevable, une seule de ces deux raisons, d'ailleurs, suffirait à la dirimer.
               
        "Cependant, il y a un grand fond de vrai dans cette thèse qui veut voir le pape Benoît comme «pape empêché». Je l'ai expliqué dans plusieurs autres de mes articles, par exemples : http://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/feedback-sur-le-pape-benoit-xvi-ou-le-mystere-de-la-papaute-bicephale-actuelle-eclaire-et-resolu-par-la-passion-de-l-eglise?Itemid=1‌,
               
        "Ou encore :
               
        "Je vous souhaite une bonne et fructueuse lecture de ces trois articles dont je vous mets les liens ci-dessus.
               
        "Passez une bonne fin de journée.
               
        "Vincent Morlier,                
        "Écrivain catholique.                
        "https://www.eglise-la-crise.fr/".               
               
        Puis, le lendemain... c'est-à-dire aujourd'hui même, j'ai réfléchi que réfuter négativement la thèse Cionci n'est pas suffisant, quand bien même c'est nécessaire, il faut de plus expliquer positivement la situation théologique de ce pontificat double que nous ont montré Benoît et François entre 2013 et 2023. Or, ce qui n'est pas très-connu et certainement pas de Cionci, il y a un précédent historique entre deux papes du VIIème siècle, tous deux légitimes et fonctionnant un très-court laps de temps en même temps, qui permet d'exposer la situation théologique précise d'un pontificat fonctionnant en bi-double, à épeler au présent composé. Ce précédent historique permet au catholique de comprendre ce qui s'est passé de nos jours entre Benoît et François, sur le plan de la Légitimité pontificale. Je n'ai pas pensé à le dire hier dans mon courriel, j'ai donc renvoyé un nouveau petit courriel aujourd'hui même à cette association "Terre et Famille", ainsi rédigé :               
               
        "Bonjour,
               
        "J'ai omis, hier, en vous écrivant sur la thèse Cionci, de vous apporter une importante précision, que voici : il y a un précédent historique dans l'Histoire des papes, où l'on a vu deux papes parfaitement légitimes en même temps dans l’Église, et la solution apportée à cette situation par nos Pères dans la Foi nous permet de solutionner aussi notre situation, celle de Benoît et de François. Mais d'abord, voici l'épisode historique :
               
        "«Au mois d'octobre 649, Martin 1er convoqua le célèbre concile du Latran où l'hérésie monothélite fut condamnée. Quatre ans plus tard, le pape fut arrêté [par l'empereur d'Orient, qui favorisait l'hérésie], le 17 juin 653, qui le fit conduire à Constantinople après un an de captivité dans l'île de Naxos. L'enlèvement du pape avait eu lieu dans la basilique constantinienne attenante au Palais du Latran. La soldatesque envahit le saint-lieu, brisant tout sur son passage. Le pontife, malade, fut invectivé par l'exarque, qui lui reprocha de s'être emparé illégalement de ses fonctions et de n'être pas digne d'occuper le Siège apostolique. Condamné à la déposition et à l'exil, Martin fut embarqué le 26 mars 655 pour la Chersonèse où il mourut le 16 septembre suivant, exténué par les privations. Les insultes s'étaient ajoutées aux souffrances. (...) Il fut honoré comme un martyr et sa dépouille mortelle fut ramenée plus tard à Rome où elle repose dans l'église de saint-Martin-des-Monts. À l'automne de 654, saint Martin avait écrit de Constantinople que son exil ne justifiait pas l'élection d'un successeur et que l'archidiacre, l'archiprêtre et le primicier, ou chef des notaires apostoliques, devaient être tenus pour ses représentants pendant son absence [ces dignitaires ecclésiastiques étaient les ancêtres des cardinaux les plus importants, chefs d'ordre]. Aussi, les romains, qui ne voulaient pas qu'on leur imposât un pape monothélite, avait-ils attendu jusqu'au 10 août 655 [donc : avant la mort du pape Martin 1er] pour faire élire [pape] et consacrer le saint clerc Eugène 1er. Martin ne protesta point, se contentant de prier pour que le nouveau Pontife fût préservé de toute hérésie. Tant que vécut Martin, Eugène ne pouvait être tenu pour le Pape légitime, mais à sa mort, il lui succéda sans difficulté. Il se montra aussi ferme que ses prédécesseurs, repoussant toute concession aux professions de foi byzantine favorisant l'hérésie monothélite, etc.» (Histoire des papes illustrée, Gaston Castella, t. I, p. 123).
               
        "Il est facile de voir l'impressionnant parallèle avec notre situation pontificale Benoît-François. Le saint pape Martin fut mis par les méchants dans l'impossibilité d'exercer le ministerium (= "faire le pape", comme dit le chroniqueur de la vidéo que vous avez envoyée hier à vos correspondants), quoique restant le pape véritable de l'Église en possession du munus (= "être le pape", redit-il dans sa vidéo). Exactement comme Benoît fut mis lui aussi dans l'impossibilité d'exercer son ministerium, tout en gardant le munus. Cependant, pour remplacer les deux papes «empêchés», afin de permettre au ministerium pontifical d'être toujours mis en œuvre et en activité dans l'Église, ceux qui ont pouvoir et mandat divins de le faire ont alors élu deux nouveaux papes, et, ce faisant, ils n'ont pu le faire qu'en leur communiquant obligatoirement, de droit divin, le munus (car il est rigoureusement strictement impossible, théologiquement, de mettre en oeuvre le ministerium si l'on n'est pas en possession du munus) : Eugène pour remplacer Martin, et François pour remplacer Benoît. Or, notez bien que «Martin ne protesta point» contre l'élection pontificale d'Eugène... de même que Benoît n'a pas protesté, et il ne l'a jamais fait, contre l'élection pontificale de François. Martin se contenta et se cantonna juste à un devoir de prière pour celui qui le remplaça dans le ministerium... et, là encore, ce fut très-exactement la même fort édifiante attitude qu'adopta le pape Benoît envers François, beaucoup plus édifiante encore, d'ailleurs, de sa part, que chez le pape Martin (car Eugène qui remplaça Martin était dans le camp ami et du même parti catholique que Martin, tandis que François qui remplace Benoît est dans le camp ennemi qui persécuta Benoît).
               
        "Car, comme je vous le disais hier dans mon courriel, ce qui fait qu'un pape est vrai pape est, d'abord et en avant de toutes autres conditions, qu'il soit désigné par l'Église Universelle pour l'être, c'est la règle prochaine et le droit divin de la Légitimité pontificale. Or, Eugène est légitimement désigné par l'Église Universelle représentée par l'unanimité des grands-clercs romains de l'époque pour remplacer Martin... et François, de nos jours, est légitimement désigné exactement de même par le Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique représentant l'Église Universelle, pour remplacer Benoît. ILS FURENT DONC TOUS DEUX, EUGÈNE ET FRANÇOIS, DÈS QUE FUT POSÉ SUR EUX L'ACTE DE RECONNAISSANCE ECCLÉSIALE UNIVERSELLE DE LEUR QUALITÉ DE PAPE, TRÈS-CERTAINEMENT VRAIS PAPES, VERUS PAPA, C'EST-À-DIRE EN POSSESSION DU MUNUS. Quand bien même, très-anormalement et contradictoirement eu égard à la Constitution divine de l'Église, les papes «empêchés» qu'ils remplaçaient gardaient eux aussi la possession dudit munus. Mais puisque un seul pape peut être en possession actuelle du munus, les nouveaux papes Eugène et François, tant qu'ont vécu leurs prédécesseurs «empêchés» Martin ou Benoît, ne purent être tenus que comme papes virtuels. Ils ne furent vraiment pape que lorsque leurs prédécesseurs «empêchés» moururent : «À sa mort [de Martin], il [Eugène] lui succéda [comme vrai pape] SANS DIFFICULTÉ». Et de même pour notre situation à nous, François n'étant, comme Eugène, que pape virtuel tant que Benoît vécut, il lui succéda comme vrai pape sans difficulté lorsque Benoît mourut. Et tous les actes pontificaux posés par Eugène et François sous le mode d'un "munus passif" dû au fait que leurs prédécesseurs "empêchés" vivaient encore, prennent rétroactivement tous leurs effets, pleins et entiers, lorsque, à la mort de Martin et de Benoît, ils deviennent ipso-facto actifs. Par exemple, la création des cardinaux par François avant que Benoît ne meure, par un munus sous mode passif, devient effective et réelle sans autre forme de procédure, dès que Benoît meurt : ils sont dès lors vraiment cardinaux, par le seul fait que le munus de François, de passif, devient actif à la mort de Benoît.
               
        "Si donc, pour conclure d'une manière générale, il est possible de dire que François ne fut pas pleinement pape en 2013, n'étant alors que pape virtuel, il l'est désormais maintenant, depuis que Benoît est mort le 31 décembre 2022. Et il l'est ipso-facto, c'est-à-dire par le fait même de la mort de Benoît, sans qu'il soit besoin d'aucune autre procédure canonique ou théologique supplémentaire de légitimation de sa Charge pontificale, l'ayant reçue dûment dès son intronisation en 2013 ; Eugène succéda à Martin de la même manière, par le seul fait ipso-facto de la mort de Martin.
               
        "Il nous faut donc bien saisir ceci. En fait et en droit, Martin et Eugène ne furent qu'un seul pape, certes pendant un très-court laps de temps, seulement un bon mois, et il en fut de même de nos jours pour Benoît et François, pour un laps de temps cette fois-ci beaucoup plus long, neuf années. Benoît avait donc fort bien raison de dire sans cesse, pendant ces neuf longues années, très-intelligemment : «IL N'Y A QU'UN SEUL PAPE» sans JAMAIS préciser la personne humaine, de lui ou de François, endossant cette unicité pontificale. Et si on l'avait obligé à préciser, il aurait fallu qu'il nomme, et François, et lui-même, Benoît. Exactement de la même manière qu'aux temps de l'hérésie monothélite, il n'y avait qu'un seul pape, dans un laps de temps certes beaucoup plus court que les neuf longues années de Benoît et de François, seulement un mois bien tassé, du 10 août 655 au 16 septembre 655, et c'étaient à la fois Martin et Eugène...
               
        "Voilà. Fin de ma démonstration.
               
        "Je ne sais pas comment contacter Cionci, n'arrivant pas à trouver son e-mail même sur son blog (...?), mais il serait bon qu'il prenne connaissance de cette démonstration que je viens de faire, qui montre l'inanité complète de sa thèse et sa fort dangerosité pour la Foi (c'est en effet du sédévacantisme à la fois hérétique et schismatique, à vocation sectaire certaine), Foi catholique que nous devons entretenir en nous pure de tout illusionnisme sédévacantiste hérétique, de tout illuminisme schismatique Petite-Église, qui pourrait mettre gravement en péril notre salut si nous y accrochions notre âme.
               
        "Passez une excellente journée sous le regard de Dieu, en ce saint temps de Carême.
               
        "Vincent Morlier,                
        "Écrivain catholique.                
               
         Cette situation pontificale qui fonctionne un temps au présent composé est de toutes façons une situation tout-à-fait extra-ordinaire, qui ne peut avoir pour cause qu'une très-grande contradiction subie et vécue de force par l'Église. Prenons bien conscience que l'écartèlement qu'elle manifeste va presque à renverser la Constitution divine de l'Église fondée par le Christ. Et, quant à nous qui vivons la fin des temps, qui l'avons vu exister pendant neuf longues années interminables fort significatives, très-loin du seul mois où elle a existé fugitivement et comme en passant au VIIème siècle, elle ne peut vraiment se comprendre que par "LA PASSION DE L'ÉGLISE", ainsi que je l'ai expliqué il me semble aux mieux dans l'article Feedback sur le pape Benoît XVI, etc., qu'on pourra consulter au lien Internet rappelé ci-dessus.
               
        Je souhaite un très-bon temps pénitentiel de Carême à mes lecteurs.
 
 
En la fête de saint Romain, martyr,
ce 28 février 2023.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
 
 
 
Basilica dei Santi Silvestro e Martino ai Monti
 Basilique mineure Saint-Martin-des-Monts (Rome)
où repose le saint pape martyr Martin 1er (v. 600-655)
 
 
 
 
 
 
28-02-2023 17:53:00
 

Que le pape Benoît XVI, MALGRÉ TOUT, repose en paix dans le Christ

 
 
 
 
 
Que le pape Benoît XVI,
MALGRÉ TOUT,
repose en paix dans le Christ
               
               
        ... Malgré tout ?, qu'est-ce à vouloir dire ? Malgré tout quoi ?
           
        Éh bien, premièrement, malgré la Foi pour le moins extrêmement mélangée de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, qui fut doctrinalement très-moderniste sous des dehors paradoxalement conservateurs, quand par ailleurs sa piété personnelle et son amour sincère envers Dieu sont restés cependant intacts et même édifiants, sans faille, durant toute sa vie jusqu'à sa mort, de manière certes si grandement contradictoire pour celui qui ne comprend pas "LA PASSION DE L'ÉGLISE", qui ne comprend pas ce que vivent l'Église et les hommes d'aujourd'hui...
           
        Et puis, secondement, malgré la cérémonie de ses obsèques, que le pape François a visiblement volontairement bâclée et même saccagée le plus que cet énergumène de pape, pardon, a pu faire, d'une manière absolument honteuse, scandaleuse, et on peut même dire sacrilègement attentatoire à la dignité de l'église de Rome, mère universelle de toutes les églises. Benoît XVI avait vraiment de quoi s'en retourner dans son cercueil...
           
        Il me semble intéressant, pour le bon entretien de notre Foi en ce début d'année 2023 qui enregistre le rapide rappel à Dieu du pape crucifié (certains parlent de pape empêché, et la formule n'est pas du tout mauvaise si on sait ne pas lui donner une connotation sédévacantiste...), de mettre un peu l'accent sur ces deux points importants dans ce nouvel article, tout en tâchant de situer la place spirituelle de Joseph Ratzinger-Benoît XVI dans "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Je l'ai certes déjà fait en profondeur dans plusieurs de mes articles (très-notamment dans celui-ci : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/feedback-sur-le-pape-benoit-xvi-ou-le-mystere-de-la-papaute-bicephale-actuelle-eclaire-et-resolu-par-la-passion-de-l-eglise?Itemid=1), mais il convient, dans l'occasion de son rappel à Dieu, de le refaire à nouveau.
           
bon Pasteur chapelle du Carme Marienthal Alsace  
Que Jésus, le Bon Pasteur, fasse miséricorde
à l'âme de Joseph Ratzinger-Benoît XVI,
enfermée dans les ronces du modernisme !
  
           
        Quant au premièrement, il n'est que trop vrai que Joseph Ratzinger-Benoît XVI a eu en effet une Foi extrêmement moderniste sur le plan doctrinal.
           
        Et c'est hélas dès son jeune âge sacerdotal qu'on perçoit cette déviance gravissime dans son esprit. En juillet 1953, il a vingt-sept ans et est prêtre depuis deux ans, il devient docteur en théologie et prépare alors sa thèse d'habilitation afin de devenir professeur d'université. Or, dans son travail de thèse, "il développe l'idée que la Révélation est «un acte dans lequel Dieu se montre», mais cette Révélation ne peut se réduire aux propositions qui découlent des penseurs néo-scolastiques. En effet, pour Joseph Ratzinger, la Révélation a une dimension subjective ou personnelle parce qu'elle n'existe que s'il y a quelqu'un pour la recevoir : «là où il n'y a personne pour percevoir ‘une Révélation’, il ne s'est produit aucune Révélation, parce qu'aucun voile n'a été ôté»" (Benoît XVI, le choix de la Vérité, George Weigel, 2008, p. 233). Autrement dit, dans l'acte premier de la Révélation et non dans la phase seconde de sa réception, l'homme compte métaphysiquement autant que Dieu. Cette conception de la Révélation fut à juste titre vivement critiquée par son co-directeur de thèse, Michel Schmaus, comme étant moderniste. Joseph Ratzinger fut alors obligé de revoir son travail en y supprimant cette doctrine moderniste sur la Révélation, ce qu'il fit ; et cela lui permit d'obtenir son habilitation, qui lui fut accordée le 21 février 1957, il a à peine trente ans, puis il fut nommé maître de conférences à l'université de Munich. Mais il est trop évident qu'il ne s'est pas du tout converti de cette pensée moderniste sur la Révélation qu'il a formulée dans sa thèse d'habilitation et qu'on l'a obligé d'y retirer, la suite le démontrera très-rapidement, comme nous allons le voir tout-de-suite, notamment lorsque Joseph Ratzinger collaborera quelques courtes années plus tard, dans le cadre de Vatican II, avec un certain Karl Rahner (suivez mon regard) pour élaborer tous deux un schéma sur la Révélation qu'ils auraient bien voulu voir adopter par les Pères conciliaires...
           
        Or, cette pensée moderniste fondamentale sur la Révélation, "thème de prédilection du principal conseiller du cardinal [Frings] de Cologne, Joseph Ratzinger" (Joseph Ratzinger dans la tourmente de Vatican II, Blandine Delplanque), est à mon sens le péché originel qui va faire germer en rejetons d'icelui toutes les subséquentes déviances hétérodoxes de Joseph Ratzinger puis du pape Benoît XVI, qui seront trop nombreuses par la suite dans tous les domaines, œcuménique, biblique, liturgique, dogmatique, ecclésiologique, etc., dont je vais éplucher quelques-unes plus loin dans mon travail, sans, hélas, aucunement prétendre à l'exhaustivité.
           
        Je vais rester un bon bout de temps sur cette pensée moderniste de fond de Joseph Ratzinger quant à la Révélation, car elle est en effet extrêmement grave et hétérodoxe, en voulant, dans un premier temps, mettre à rang d'égalité l'ontologie humaine avec l'Être Transcendant de Dieu, extrinsèque à l'homme, puis, en dernière étape obligée du processus métaphysique, en opérant carrément la supplantation luciférienne du Dieu Transcendant par l'homme, ce que ne voulaient sans doute pas tous ceux qui l'ont professée au départ sans prendre conscience de toutes ses ultimes implications (et sûrement pas Joseph Ratzinger), mais sans pouvoir empêcher que, par une dynamique obligée, elle n'aboutisse in fine jusqu'à cette supplantation métaphysique terminale luciférienne et antichristique du Dieu véritable par l'homme.
           
        Car bien développée dans toutes ses conséquences ultimes, cette pensée moderniste sur la Révélation est en effet pas moins que L'HÉRÉSIE DE L'ANTÉCHRIST. Lorsqu'il paraîtra en ce très-bas monde pour la punition des hommes, l'Antéchrist-personne ne fera rien d'autre que la mettre en œuvre radicalement sans y rien rajouter en terme de perversité doctrinale. On ne peut pas aller plus loin, en effet, dans la perversité hérétique, que cette pensée moderniste le fait. La raison métaphysique en est fort simple. Si je mets deux dieux à rang d'égalité et ensemble dans un même cosmos comme le veut Joseph Ratzinger pour la Révélation, alors, pour rester dieu, l'un va automatiquement et obligatoirement phagocyter l'autre. Car un dieu ne peut souffrir un autre dieu à côté de lui dans un même cosmos, sous peine de ne plus pouvoir être et s'appeler dieu. Certes, du côté de Dieu Transcendant, Trine, Lui n'anéantit pas le dieu-homme ou déité qu'Il a créé. Mais c'est parce qu'il est Amour substantiel (I Jn IV, 8). Et l'Amour substantiel, au contraire d'anéantir le dieu-homme, va le transformer, épanouir sa déité jusqu'à le rendre semblable à Lui, Dieu Amour Transcendant, l'assimiler à Lui, véritablement le convertir par inhabitation en sa propre Substance d'Amour super-essentielle, pour l'Éternité bienheureuse. Mais du côté du dieu-homme taré du péché originel, si on le met à rang d'égalité avec le Dieu Transcendant comme le fait le moderniste, alors, puisque lui n'est pas Amour substantiel, il va anéantir en lui le Dieu Transcendant, pas forcément d'ailleurs par haine, du moins au départ, mais juste pour rester dieu dans son cosmos. C'est précisément là la phase terminale de la pensée moderniste : phagocyter radicalement le Dieu Transcendant par et dans l'homme-dieu ou déité. Or, ce péché "qui perce la voûte des cieux" (Secret de La Salette), le plus grave qui puisse être commis par la créature de Dieu, est celui qui a été commis au tout début des temps par l'ange rebelle, Lucifer, et il sera commis à nouveau par l'Antéchrist-personne à la toute-fin des temps, dont le règne maudit s'annonce de nos jours à la terre de manière pressante et imminente, précisément, signe topique indéniable, par l'apostasie moderniste qui s'épanouit affreusement et universellement non seulement parmi les enfants des hommes mais parmi les plus grand'clercs de l'Église... jusqu'au pape légitime sur le Siège de Pierre, depuis Vatican II.
           
        Cette pensée de fond est en effet, sous différentes formes inchoatives plus ou moins abouties, le dénominateur commun de tous ces théologiens modernistes-progressistes, majoritairement allemands et français ou pays voisins, qui grouilleront ensemble dans la vie de l'Église pendant les années pré-conciliaires, et auxquels, d'instinct, s'affectionnera et s'acoquinera rapidement, avec une très-grande conviction et un très-grand enthousiasme, notre jeune théologien Joseph Ratzinger : les Henri de Lubac, qui sera un de ses maîtres à penser, les Hans Urs von Balthazar, les Hans Küng même, avec lequel il se séparera certes plus tard, mais non pas sur le fond, seulement sur les conséquences extrêmes professées par Küng entées sur leur hérésie de fond, qui, quant à elle, leur est et restera commune. Lorsque Vatican II s'ouvre, ils s'entendent effectivement tous admirablement bien comme cul et chemise dans leur projet fervemment souhaité, ardemment entretenu, de modernisation de l'Église, en témoigne par exemple "Yves Congar qui écrit dans son Journal du concile : «Heureusement, il y a Ratzinger. Il est raisonnable, modeste, désintéressé, d’une grande aide», ou encore Henri de Lubac, qui définit Ratzinger comme un «théologien aussi pacifique et bienveillant que compétent»" (Ratzinger au concile Vatican II, Robert Cheaib). En 2013, le pape Benoît XVI, officiellement démissionnaire du Souverain pontificat, fort loin d'être dégrisé de ce compagnonnage illuministe de ses bouillonnantes années pré-conciliaires et conciliaires (il ne s'en dégrisera hélas jamais), se félicitera encore et toujours d'avoir, à Vatican II, "connu de grandes figures comme le Père de Lubac, Daniélou, Congar, etc." (Discours de Benoît XVI au clergé de Rome, 14 février 2013 ; cf. http://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2013/february/documents/hf_ben-xvi_spe_20130214_clero-roma.html).
           
        Le plus puissamment illuminé de tous ces progressistes-modernistes et comme leur chef de file, est évidemment le trop célèbre Karl Rahner (1904-1984). C'est lui qui va désenvelopper la pensée moderniste dans ses caractères les plus radicaux et abominablement clairs, hérétiquement clairs, comme je vais le montrer tout-à-l'heure. Or, il n'est pas banal ni anodin que Rahner choisisse le théologien bavarois, Joseph Ratzinger, qui fut son élève et disciple, comme meilleur collaborateur de sa pensée moderniste pour l'infuser dans Vatican II. Quand le concile arriva, dans ses travaux, au décret sur la Révélation, qui deviendra Dei Verbum, nos deux penseurs modernistes qui avaient tous deux été nommés peritus, c'est-à-dire experts officiels du concile nommés et agréés par le pape, arriveront presque à faire passer la doctrine moderniste que Joseph Ratzinger avait formulée en 1957 comme on l'a vu, en préparant ensemble, tous les deux, un texte devant remplacer le défunt schéma De Fontibus présenté par le cardinal Ottaviani au nom de la Curie, basé sur la traditionnelle doctrine des deux sources de la Révélation, l'Écriture sainte et la Tradition, schéma qui avait été refusé par le cardinal Frings auquel s'étaient alliés les prélats progressistes franco-allemands pour faire bloc, et dont il faut noter soigneusement que ce refus ne pouvait qu'être le fruit des consultations que le cardinal allemand avait eues avec le théologien privé qu'il avait amené avec lui dans ses bagages à Rome pour le concile... Joseph Ratzinger.
           
        Remettons-nous devant les yeux ce qu'avait professé notre théologien moderniste en 1957, dans sa thèse pour son habilitation au professorat : "La Révélation a une dimension subjective ou personnelle parce qu'elle n'existe que s'il y a quelqu'un pour la recevoir : «là où il n'y a personne pour percevoir ‘une Révélation’, il ne s'est produit aucune Révélation, parce qu'aucun voile n'a été ôté»". Autrement dit, pour nos modernistes, la personne humaine est métaphysiquement nécessaire à l'existence de la Révélation, ce qui, comme je le disais plus haut, est la mettre à rang d'égalité dans un même cosmos métaphysique avec le Dieu Transcendant. Ce qui signifie que, pour eux, la Tradition ne saurait être une des sources de la Révélation, puisque, définitionnellement, la Tradition n'a pas de personne vivante en face d'elle et ne peut métaphysiquement en avoir jamais ! Tradition, en effet, veut dire : "1/ Doctrine, pratique, transmise de siècle en siècle, originellement par la parole ou l'exemple. La tradition juive, chrétienne, islamique. 2/ Ensemble de notions relatives au passé, transmises de génération en génération. Tradition orale. 3/ Transmission du contenu de la vérité révélée à partir de l'Écriture, par les écrits des Pères de l'Église, les conciles, les écrits des docteurs de l'Église, la liturgie et les documents pontificaux, dans la fidélité à l'action du Saint-Esprit" (Larousse). La Tradition, on l'a compris, est exclusivement de l'ordre du passé. Or, puisque dans le passé il n'y a pas et ne saurait exister de personne humaine vivante, il n'y a donc pas de Révélation par la Tradition pour le moderniste, puisque, pour lui, la personne humaine vivante est théologiquement nécessaire pour que la Révélation puisse exister, Joseph Ratzinger nous l'a formellement dit dans son texte condamné de 1957.
           
        C'est bien pourquoi le moderniste rejette la doctrine traditionnelle de la Révélation basée sur ses deux sources, Écriture et Tradition. Pour lui, il n'y a plus que l'Écriture à compter pour acter la Révélation, à la condition expresse qu'elle soit faite à une personne vivante (car en fait, si on va au fond de son raisonnement, le seul criterium qui compte vraiment pour le moderniste qui a été jusqu'au bout de sa doctrine luciférienne, ce n'est pas Dieu qui fait la Révélation, c'est le sujet-réceptacle, l'homme vivant, qui la reçoit : la première condition métaphysique pour que la Révélation ait lieu, pour lui, est l'homme vivant, avant la condition métaphysique de Dieu, qu'il considère seconde...). Mais comme cette doctrine amputée de la Tradition et donc réduite à l'Écriture ressemble par trop à l'hérétique sola Scriptura des protestants, le moderniste va créer un pseudo-distinguo pour prétendument se démarquer de l'hérésie protestante qui, en réalité, est une absurdité, à savoir le concept de "tradition vivante", la formule n'étant en fait qu'un oxymore aussi absurde qu'un... jour nocturne (mais cela faisait écran de fumée pour les Pères traditionalistes en les rassurant, puisque le mot "tradition" était employé...).
           
        Mais laissons nos modernistes vider eux-mêmes leur sac sur la table : "Le schéma Rahner-Ratzinger affirmera que l’Église dépend de la Parole de Dieu. Les deux théologiens montreront comment l’Église «est gardienne de la Parole de Dieu révélée dans les Saintes Écritures, elle sert cette parole, elle vit de cette parole. En elle, elle trouve sa richesse». Mais le schéma prend aussi des distances par rapport à la formule protestante sola Scriptura puisque «jamais l’Écriture ne se suffit à elle-même, mais c’est seulement dans la Tradition vivante de l’Église qu’elle devient pour nous cette parole vivante de Dieu qui nous appelle de notre dépression à devenir un seul homme nouveau (Eph 2,15)». Il y a un caractère bilatéral qui unit l’Écriture et la Tradition : «L’Église ne peut prêcher autre chose que l’Écriture, mais l’Écriture ne vit que dans la prédication et dans la foi de l’Église, qui la clarifie et en définit le véritable sens par son autorité»" (Ratzinger au concile Vatican II, Robert Cheaib).
           
        Autrement dit, pour fonder et acter la Révélation, il n'y a plus que l'Écriture et ce que nos modernistes veulent appeler par absurde oxymore la "tradition vivante", qui en fait, dans leur concept, est juste le Magistère ecclésial du présent mais à l'exclusion radicale et formelle du Magistère ecclésial du passé. La doctrine moderniste le veut formellement puisqu'elle pose la personne humaine vivante comme nécessaire à la manifestation réelle de la Révélation et qu'il ne saurait y avoir de personne vivante dans le passé. En fait, il faut bien saisir que ce qui intéresse par-dessus tout le moderniste dans le Magistère ecclésial du présent, auquel il fait mine de se soumettre avec force déférence et profonds salamalecs, c'est beaucoup moins l'Autorité de l'Église actuelle, que l'homme vivant de la génération ecclésiale du présent auquel ce Magistère du présent s'adresse. En fait, l'homme vivant SEUL compte pour lui, Dieu, métaphysiquement, ne compte à tout le mieux qu'après (et il en est bien sûr de même pour sa Parole dans l'Écriture ou bien dans le Magistère ecclésial du présent), nous allons en voir tout-à-l'heure l'abominable raison, le pourquoi, avec Karl Rahner... Et il est si entiché de son homme vivant qu'il va jusqu'à tricher avec les textes sacrés ou les écrits des saints, pour le magnifier, le glorifier. On se rappelle le leitmotiv des modernistes au lendemain de Vatican II, ils ne cessaient de rabâcher que "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant", qu'ils disaient être tiré de saint Irénée de Lyon. Mais la vérité, c'est que ce grand docteur des tout premiers siècles chrétiens avait écrit : "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant ; la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu" (Contra Haereses, IV, 20, 7). Il n'y a donc pas de vie de l'homme sans qu'il contemple Dieu, et donc c'est Dieu qui est en première cause métaphysique de l'homme vivant, comme le dit si bien le grand saint Irénée, exactement contrairement à ce que professe en luciférien le moderniste quand il professe quant à lui en rester à l'homme vivant seul...
           
        Et c'est cette doctrine moderniste que nos deux compères, Karl Rahner et Joseph Ratzinger, veulent, dans l'élaboration de leur schéma, faire passer aux Pères conciliaires pour qu'ils la promulguent comme document magistériel sur la Révélation. Cependant, ils n'y arriveront pas. En effet, "les critiques [de leur schéma] fusent, notamment de la part des traditionnalistes français, à l’encontre de Joseph Ratzinger et de son ami le théologien Karl Rahner" (Joseph Ratzinger dans la tourmente de Vatican II, Blandine Delplanque). Ou plus exactement dit, ils n'y arriveront... pas tout-à-fait, car le décret final qui fut voté par les Pères de Vatican II, Dei Verbum, est très-fortement incliné vers leur doctrine moderniste : "L’empreinte fortement rahnérienne du document [préparé par nos deux peritus modernistes] empêchera qu’il soit inséré comme base de la discussion conciliaire, même si plusieurs Pères conciliaires soutiennent le texte. Ainsi, ce document disparaîtra explicitement mais il travaillera implicitement les cœurs, comme en témoignent les actes du concile qui attestent combien ce document, ainsi que d’autres facteurs, a contribué à renverser la perspective, qui sera officiellement reconnue dans Dei Verbum" (Ratzinger au concile Vatican II, Robert Cheaib).
           
        Le positionnement moderniste de Joseph Ratzinger est d'ailleurs bien connu des spécialistes, quand bien même ils n'en tirent, par manque de Foi, aucune conséquence. On voit par exemple George Weigel écrire : "La thèse presque avortée de Ratzinger sur Bonaventure et la place de la Révélation de Dieu fut en grande partie reprises par le concile Vatican II, dans la constitution Dei Verbum, qui considère que la Révélation de Dieu n'est pas une simple affirmation de Dieu, mais doit être comprise comme une rencontre de Dieu avec l'homme" (Benoît XVI, le choix de la vérité, p. 346). Mais qu'ai-je besoin d'aller chercher des témoins du modernisme de Joseph Ratzinger, puisque l'intéressé lui-même, devenu pape Benoît XVI, y souscrit encore et toujours, sans aucun complexe ni retour sur lui-même, dans son dernier discours public aux prêtres romains, en 2013 : "C’est seulement si nous croyons que ce ne sont pas des paroles humaines, mais que ce sont des paroles de Dieu, et seulement si le sujet vivant auquel Dieu a parlé et parle vit, que nous pouvons bien interpréter la Sainte Écriture" (Discours de Benoît XVI au clergé de Rome, 14 février 2013).
           
        Pour ne pas faire trop long dans ce nouvel article, je ne ferai pas d'autres zooms sur l'influence moderniste avérée qu'a eue, à bien des carrefours très-importants du concile moderne, Joseph Ratzinger, en compagnie étroite et serrée avec les Rahner, de Lubac et autre Congar, estimant suffisant le petit rappel théologico-historique ciblé que je viens de faire.
           
        Il est trop vrai de dire que Joseph Ratzinger fut un ultra-progressiste, un fieffé moderniste, au concile Vatican II, auquel il se rendait d'ailleurs en costard-cravate (ce qui, du reste, ne lui allait pas du tout), quoique prêtre...
 
 
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        Je disais donc plus haut que Joseph Ratzinger avait pris comme maître à penser, Henri de Lubac. Or, ce jésuite progressiste professait "dès 1946, dans son livre Surnaturel, que l'ordre surnaturel est nécessairement impliqué dans l'ordre naturel. Il en résulte que le don de l'ordre surnaturel n'est pas gratuit puisqu'il est redevable à la nature. En fait, la nature, en raison même de son existence, s'identifie au surnaturel. Dès 1938, dans son livre Catholicisme, il n'hésitait d'ailleurs pas à écrire : «En révélant le Père, et en étant révélé par Lui, le Christ achève de révéler l'homme à lui-même [= c'est-à-dire : comme une surnature, un Dieu, un Christ, nous allons voir tout-à-l'heure Jean-Paul II le dire crûment et sans voile dans son Noël 1978, et Joseph Ratzinger souscrire lui aussi à cette pensée extrême]» (p. 295). (...) Cette conception du surnaturel nécessairement lié à la nature humaine, est aussi clairement proposée par Karl Rahner depuis les années 30" (Pierre, m'aimes-tu ?, abbé Daniel Le Roux, 1988, p. 53). Pour en rester à Henri de Lubac, il n'est pas besoin d'être grand'clerc en théologie pour comprendre la parfaite similitude de doctrine fondamentale entre ce qu'il professe et ce que professe Joseph Ratzinger : si la nature humaine est nécessaire à la Surnature pour que cette dernière puisse vraiment et concrètement exister hic et nunc, comme le professe de Lubac, alors il est évident que la Révélation a nécessairement besoin de l'homme auquel elle s'adresse pour pareillement vraiment et concrètement exister, comme le dira plus tard Joseph Ratzinger.
           
        Mais laissons l'abbé Le Roux continuer sur Rahner. Comme je le disais plus haut, nous allons apprendre de lui ce que les modernistes entendent par l'homme vivant et pourquoi il est le seul à vraiment exister métaphysiquement : "En fait, il dépasse même la pensée du Père de Lubac. Fortement influencé par Hegel, «Rahner se propose surtout d'éclaircir théologiquement les conditions de la possibilité d'une incarnation», de l'aveu même de son plus fidèle disciple, Hans Küng. (...) Dans son ouvrage Teologia dall'incarnazione, écrit en 1967, Rahner affirme tout d'abord que l'essence de Dieu est la même que la nôtre : «Quand le Logos se fait homme... cet homme en tant qu'homme est précisément l'auto-manifestation de Dieu dans son auto-expression. L'essence, en effet, est la même en nous et en Lui ; nous, nous l'appelons nature humaine». D'autre part, l'union hypostatique est un évènement qui a eu lieu «dans et par la conscience humaine. (...) Cette vision immédiate et effective de Dieu, n'est autre chose que la conscience initiale, non-objective, d'être le Fils de Dieu ; et cette conscience est donnée par le seul fait que celle-ci est l'union hypostatique» (Considerazioni dogmatiche sulla scienza et autocoscienza di Cristo, Rome 1967, p. 224). Rahner enseigne même que l'acte de Foi est inutile «parce que, écrit-il dans Teologia dall'incarnazione, p. 119, dans mon essence il y a Dieu ; parce que toutes les actions, c'est Dieu qui les fait. Celui qui accepte son existence, donc son humanité, celui-là, même sans le savoir, dit oui au Christ. Celui qui accepte complètement son être-homme a accepté le Fils de l'homme parce qu'en celui-ci Dieu a accepté l'homme»" (ibid., pp. 53-56). On ne saurait aller plus loin dans la perversion doctrinale que ne le fait le modernisme : c'est dans les dernières déductions métaphysiques qu'on se rend bien compte que le moderniste phagocyte, supprime le Dieu Transcendant en lui pour ne plus considérer que sa propre déité déifiée, surnaturellement veut-il croire, par sa nature d'homme-déité...
           
        Cette pensée moderniste exprimée jusque dans ses conséquences lucifériennes ultimes et extrêmes, je l'ai baptisée personnalisme subjectiviste lorsque je l'ai dénoncée chez Jean-Paul II, dans mon article sur sa canonisation (cf. http://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/LaCanonisationDeJeanPaulIIMisEnForme.pdf), car le prédécesseur de Benoît XVI sur le Siège de Pierre l'a moult enseignée magistériellement lorsqu'il fut pape, avec une ardeur d'apôtre incroyable, y revenant sans cesse et le plus souvent possible. C'est pourquoi d'ailleurs, dès qu'ils se découvriront l'un l'autre, Joseph Ratzinger et Karol Wojtyla s'entendront immédiatement formidablement bien et de plus en plus, dans les années post-conciliaires (Ratzinger évoquera "cette sympathie spontanée entre nous, et nous avons parlé (…) de ce que nous devrions faire, de la situation de l'Église" ― Weigel, p. 248), jusqu'à les voir mettre ensemble comme s'ils n'étaient qu'un seul auteur cette pensée moderniste qu'ils professaient dans l'encyclique Veritatis Splendor, rédigée à quatre mains au piano forte et même fortissimo, encyclique bougrement hégélienne que j'ai dénoncée ici : https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/veritatis-splendor-l-encyclique-majeure-de-jean-paul-ii-extremement-loin-d-etre-catholique-enseigne-l-heresie-apostasie-de-l-antechrist?Itemid=1.
           
        Si je parle maintenant de Jean-Paul II, dont tout le monde, donc, sait la très-étroite collaboration et l'intime communion de pensée qu'il eut avec Joseph Ratzinger, c'est à dessein, car aucun moderniste ne manifestera la pensée moderniste dans son désenveloppement antichristique lapidaire et radical comme il osera le faire, professant carrément que l'homme a communication des idiomes ou identités théologiques avec Dieu, et donc est Dieu lui-même, ce qui est la dernière déduction métaphysique de la doctrine moderniste comme je l'ai établi plus haut, en totale communion avec Karl Rahner, un de ses principaux maîtres à penser. Il osera le faire dans son message de Noël 1978, ... le jour de Noël !!, son premier Noël pontifical, ainsi :
           
        "Ce message [de Noël] s’adresse à chaque homme, à l’homme dans son humanité. Noël est la fête de l’homme. C'EST LA NAISSANCE DE L'HOMME. L’un des milliards d’hommes qui sont nés, qui naissent et qui naîtront sur la terre. Un homme, un élément de cette immense statistique [... évidemment, si tout homme est le Christ depuis l'Incarnation, alors, la naissance de Jésus-Christ est la naissance de tout homme, Il n'est Lui-même qu'un homme parmi les milliards d'autres !!!...]. (...) Et en même temps un être unique, absolument singulier. Si nous célébrons aujourd’hui de manière aussi solennelle la naissance de Jésus, nous le faisons pour rendre témoignage au fait que chaque homme est unique, absolument singulier. (...) Ce message [de la Noël] est adressé à chaque homme, précisément en tant qu’il est homme, à son humanité. C’est en effet l’humanité qui se trouve élevée dans la naissance terrestre de Dieu. L’HUMANITÉ, LA «NATURE» HUMAINE, SE TROUVE ASSUMÉE DANS L'UNITÉ DE LA PERSONNE DIVINE DU FILS, DANS L'UNITÉ DU VERBE ÉTERNEL, DANS LEQUEL DIEU S'EXPRIME ÉTERNELLEMENT LUI-MÊME. (...) Dans la solennité de ce jour, nous nous élevons aussi vers le mystère insondable de cette naissance divine. En même temps, la naissance de Jésus à Bethléem témoigne que Dieu a exprimé cette Parole éternelle, son Fils unique, dans le temps, dans l’Histoire. De cette «expression», il a fait et il continue à faire la structure de l’histoire de l’homme".
           
        Ce que j'ai mis en rouge, qui est du Karl Rahner craché et théologiquement achevé, et qu'à ma connaissance aucun tradi n'a remarqué en son temps, ce désenveloppement radical et complet, sans voile, de la pensée moderniste que Joseph Ratzinger exprimera à sa façon en 1957 en parlant de la Révélation (mais en allant moins loin, cependant, que Karol Wojtyla dans ce Noël 1978), est tellement é-nhaur-me que cela passe dans les cœurs chrétiens habitués à un langage de Foi véritable de la part du pape, sans que personne ne se rende compte de la prodigieuse hérésie-apostasie ici FORMELLEMENT affirmée par le pape Jean-Paul II sans qu'il soit possible de lui donner le moindre sens orthodoxe, chacun rectifiant inconsciemment cette langue antéchristique radicale pour la méditer quant à soi dans l'orthodoxie.
           
        Mais il s'en faut que la langue de Jean-Paul II soit orthodoxe, nous sommes vraiment ici en présence de la "voix de dragon" dénoncée par saint Jean dans l'Agneau de la fin des temps c'est-à-dire dans le dernier pape légitime (Apoc XIII, 11), quand il est en train de dire sans ambigüité aucune, au contraire en toute proposition hérétique formelle, que, par l'Incarnation, le Verbe divin s'est uni à la nature humaine en tant que telle, c'est-à-dire à TOUT homme qui a existé depuis que le monde est monde, avant le Christ, au temps du Christ, et qui existera après Son passage terrestre il y a 2 000 ans, vous, moi, ceux qui naîtront et mourront après nous !! Car bien sûr, sa proposition est totalement hérétique : non pas toutes les humanités de la nature humaine, mais SEULE l'Humanité singulière, au singulier, qui a été ineffablement donnée par Dieu à l'homme Jésus à la Noël au moyen du canal immaculé de la très-sainte Vierge Marie, son humanité particulière que les théologiens appellent à juste titre la Sainte-Humanité de Jésus-Christ, participe théandriquement à la Divinité du Verbe dans sa Personne unique ! Et strictement aucune autre humanité n'a communication théandrique avec le Verbe divin !! Or ici, Jean-Paul II affirme au contraire, en prenant une formulation théologique bien connue des théologiens, que tous et chacun des hommes, à l'égal de l'homme Jésus, participent théandriquement, par la communication des idiomes, à la Divinité du Dieu Transcendant. Il n'en fallait pas tant, il s'en faut extrêmement, pour que l'Inquisition sévisse, au Moyen-Âge, les impénitents finissant sur le bûcher...
           
        Dans ce premier message de Noël 1978, Jean-Paul II ose donc dire carrément que c'est TOUTE humanité existante qui se trouve unie de soi au Verbe divin, de par le fait même de l'Incarnation et de la Noël, et qui, par-là même, est Dieu-Verbe elle-même. Ce qui signifie donc, sans ambiguïté aucune, en toute clarté théologique... et formidablement antéchristique-hérétique !!, je le répète, que l'homme, tout homme vivant actuel, a communication métaphysiquement immédiate avec le Verbe divin, c'est-à-dire est... Dieu-Christ lui-même !!! Et c'est bien pourquoi d'ailleurs, notons-le avec soin, le texte pontifical écrit, dans la proposition théologique de Jean-Paul II que j'ai soulignée en rouge : la «nature» humaine AVEC DES GUILLEMETS (j'ai été vérifier le texte sur le site officiel du Vatican : les guillemets modernistes-antéchristiques y sont bel et bien, qu'on en juge sur pièce : http://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/messages/urbi/documents/hf_jp-ii_mes_19781225_urbi.html). Parce que, comme le disait Karl Rahner, la nature humaine est une autre manière d'appellation, juste un surnom, de la Nature divine... qui est la seule existante. En fait, il faut lire SURNATURE DIVINE quand on lit NATURE HUMAINE !!!
           
        Et c'est justement bien cette illumination antéchristique radicale, qui est la finalisation terminale de la pensée moderniste, que le pape Jean-Paul II veut communiquer, ... et avec quel enthousiasme !, ... quelle ardeur de prosélyte !, au monde entier, quand il finit son abominable Homélie de Noël 1978 : "Je m’adresse donc à toutes les communautés dans leur diversité. Aux peuples, aux nations, aux régimes, aux systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels [dans son exaltation, excitation hérétique, qui confine à la folie, Jean-Paul II va jusqu'à vouloir enseigner son hérésie à des... idéologies ou des systèmes abstraits qui n'ont pas d'âmes et qui donc ne peuvent pas recevoir un enseignement !, ... mais pourquoi donc ne s'adresse-t-il pas aussi aux petits chiens sur les trottoirs ?!], et je leur dis : — Acceptez la grande vérité [!] sur l’homme ! — Acceptez la vérité entière [!] sur l’homme qui a été dite dans la nuit de Noël. — Acceptez cette dimension de l’homme [!], qui s’est ouverte à tous les hommes [!!] en cette sainte nuit ! — Acceptez le mystère dans lequel vit tout homme [!], depuis que le Christ est né ! — Respectez ce mystère ! — Permettez à ce mystère d’agir [!] en tout homme ! — Permettez-lui de se développer [!] dans les conditions extérieures de son être terrestre. Dans ce mystère se trouve la force de l’humanité [!]. La force qui irradie sur tout ce qui est humain [!!]".
           
        L'Antéchrist-personne n'aura pas un autre prêche. Nous sommes là dans la phase terminale du modernisme qui, si je puis dire vertement, sex-appeal de toutes ses forces l'avènement de l'homme d'iniquité... qui finira bien par venir, la Providence de Dieu laissant faire pour punir les hommes, mais encore pour que l'Écriture s'accomplisse.
           
        À ma connaissance, la pensée moderniste n'a pas connu une expression plus radicale ni plus formelle, allant lapidairement plus au fond de son essence antichristique, que dans ce Noël 1978 de Jean-Paul II, et c'est pourquoi je m'y suis un peu attardé.
           
        Or hélas, on ne peut que prendre acte que ce pire du pire de la pensée moderniste abominablement explicitée par Jean-Paul II est absolument partagé par Joseph Ratzinger. En mai 2005, juste après son élection au Siège de Pierre, les dominicains traditionalistes d'Avrillé ont fait paraître une brochure dans laquelle, reprenant un livre du cardinal Ratzinger, ils écrivent : "Que dire, quand nous sommes contraints de constater que le Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi professe dans ses livres de théologie, que, en Jésus, ce n'est pas Dieu qui s'est fait homme, mais qu'un homme est devenu Dieu ? Qui est, en fait, Jésus-Christ pour Ratzinger ? C'est «cet homme dans lequel se manifeste la réalité définitive de l'être de l'homme et qui, en cela même, est simultanément Dieu» (La Foi chrétienne, hier et aujourd'hui, 2005, p. 126). Que signifie cela, sinon que l'homme, dans sa «réalité définitive» est Dieu, et que le Christ est un homme, lequel est, ou mieux, est devenu Dieu, par le seul fait qu'en Lui est venue à la Lumière, «la réalité définitive de l'être de l'homme» ?" (Qui est le pape Benoît XVI ?, p. 14). Il n'est pas besoin de souligner l'absolue identité de doctrine entre la formule wojtylienne et celle ratzingérienne...
           
        Tout cela est du rahnérisme poussé jusqu'au dernier wagon tamponne-cul dans le pire extrémisme moderniste, pur jus pur fruit d'enfer. L'homme, puisqu'il est Christ-Dieu, devient une norme auto-suffisante, auto-rédemptrice, qui se justifie par immanence vitale, et donc prétend métaphysiquement se sauver par lui-même, avec lui-même et en lui-même, per ipsum et cum ipso et in ipso, dans une pseudo-liturgie à l'envers, anthropocentrique.
           
        On est bien obligé d'en conclure que Rahner, Wojtyla, Ratzinger, c'est un même substantiel combat...
           
        Pour résumer ce chapitre. C'est donc dans tout ce courant moderniste ultra, que se meut avec grand enthousiasme et passion, comme poisson frétillant dans l'eau, Joseph Ratzinger, avant de devenir pape en 2005, duquel courant on ne peut hélas, affligé pour lui, que constater qu'il ne voudra jamais sortir et ne sortira jamais (dans son dernier refuge terrestre, ne couvait-il pas encore dans sa bibliothèque toute l'oeuvre de Romano Guardini, un moderniste notoire en matière liturgique... ― Mgr Viganò a été plus lucide et courageux : il a humblement compris l'hétérodoxie moderniste viscérale de Vatican II et l'a rejetée ; loin de dire comme Benoît XVI voulant s'imaginer le plus faussement du monde que tout le mauvais du post-concile est hors-concile -"Tout le concile, mais rien que le concile" soutiendra-t-il à tort-, Mgr Viganò tranchera dans la Foi en disant de Vatican II : "Ce qu’il faut faire une fois pour toutes, c’est de le laisser tomber «en bloc» et de l’oublier"... ce qui par ailleurs est théologiquement totalement impossible, et je dénonçais cette "solution" que Mgr Viganò voulait donner à "la crise de l'Église" dans l'article suivant : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/le-survol-tres-superficiel-de-mgr-vigano?Itemid=1).
 
bon Pasteur chapelle du Carme Marienthal Alsace
        
        Mais voyons maintenant les applications que Joseph Ratzinger va faire de la pensée moderniste qu'il professe, dans les domaines œcuménique, biblique, liturgique, dogmatique, ecclésiologique, etc., comme j'annonçais de le faire plus haut. Elles vont toutes dériver de son péché originel moderniste sur la Révélation, comme je le disais en commençant ces lignes.
           
        Commençons par son œcuménisme hérétique avec les juifs actuels qui ne croient pas que Jésus-Christ est le Messie attendu des siècles vétérotestamentaires, à la fois Dieu et homme, pour sauver l'humanité. Dans ce domaine, au reste, il est bon de remarquer que Benoît XVI ne fera rien d'autre que suivre son prédécesseur sur le Siège de Pierre, Jean-Paul II, qui lui-même suivait l'enseignement hérétique de Vatican II dans Nostra Aetate, sur les juifs. Tout d'abord, rappelons que l’Église catholique enseigne infailliblement que l’Ancienne Alliance a cessé avec la venue du Christ, et a été remplacée par la Nouvelle Alliance. Voilà pourquoi le concile de Florence a édicté que ceux qui pratiquent l’Ancienne Loi et la religion juive pèchent mortellement, sont "étrangers à la foi du Christ et qu'ils ne peuvent pas du tout avoir part au salut éternel, sauf si un jour ils reviennent de ces erreurs" (Denzinger, Enchiridion Symbolorum, Symboles et définitions de la foi catholique, n° 1348). Car, comme dit saint Jean : "Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ?" (I Jn II, 22).
           
        Or, voici ce qu'écrit Benoît XVI dans son livre-programme, une fois élu au Siège de Pierre : "La Lecture de l’Ancien Testament peut aussi éloigner du Christ : la direction vers lui n’est pas indiquée de manière univoque. Et si les juifs ne peuvent pas estimer qu’il s’accomplit en lui, il ne s’agit pas simplement d’une mauvaise volonté. C’est à cause de l’obscurité des paroles [!]... On peut donc, pour de bonnes raisons, refuser au Christ l’Ancien Testament et dire : non, ce n’est pas cela qu’il disait. Mais on peut, pour d’aussi bonnes raisons, le lui attribuer. C’est tout le débat entre les juifs et les chrétiens" (Voici quel est notre Dieu, Le Credo du nouveau pape, 2007, pp. 147-148). En d'autres termes, l'Ancien-Testament ne révèlerait pas formellement que Jésus est le Messie, Fils de Dieu et Fils de l'homme, et donc les juifs, en ne reconnaissant pas que Jésus est le Messie de Dieu seraient sans péché et toujours dans la voie du salut, quoique non-chrétienne.
           
        Voilà qui est absolument contredit par... Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, lorsqu'Il reproche ainsi aux juifs de ne pas croire qu'Il est leur Messie : "Vous scrutez les Écritures [il s'agit évidemment de celles de l'Ancien-Testament, celles du Nouveau-Testament n'étant pas encore écrites], parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle ; ce sont elles aussi qui rendent témoignage de Moi. (...) Ne pensez pas que ce soit Moi qui vous accuserai devant le Père [de ne pas croire que Je suis le Messie] ; celui qui vous accuse, c'est Moïse, en qui vous espérez. Car, si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en Moi, puisque c'est de Moi qu'il a écrit" (Jn V, 39 & 45-46).
           
        La proposition de Benoît XVI, qui ose mensongèrement évoquer une soi-disant "obscurités des paroles" vétérotestamentaires, est donc condamnée de plein fouet par le Christ Lui-même. Mais ce qu'il formulait ainsi dans son premier livre de pontificat n'était rien d'autre que l'aboutissement de sa pensée moderniste sur le sujet. Voici en effet ce que Joseph Ratzinger, alors cardinal, écrivait en 1998 : "J'en suis venu à penser que le judaïsme et la foi chrétienne exposée dans le Nouveau Testament sont deux modes différents d'appropriation des textes sacrés d'Israël, tous deux ultimement déterminés par la façon d'appréhender le personnage de Jésus de Nazareth. L'Écriture que nous nommons aujourd'hui Ancien Testament est en soi ouverte sur ces deux voies" (Ma Vie, Souvenirs, 1998, pp. 63-64). Il récidivera deux ans plus tard, aggravant même considérablement son propos en l'élargissant à tous les non-croyants que le Christ est le Messie de Dieu : "Nous sommes d'accord qu'un Juif, et cela est vrai pour les croyants d'autres religions, n'a pas besoin de connaître ou reconnaître le Christ comme le Fils de Dieu pour être sauvé..." (Zenit, 5 septembre 2000), ce qui est en complète opposition avec ce que dit Jésus-Christ, lorsqu'Il envoie ses Apôtres pour l'évangélisation du monde : "Et Il leur dit : Allez dans le monde entier, et prêchez l'Évangile [dont le dogme principal est bien sûr la croyance en la messianité de Jésus-Christ] à toute créature. Celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé; mais celui qui ne croira pas [en Moi] sera condamné" (Mc XVI, 15-16). Il nuancera peut-être un peu plus son propos, dans son premier livre pontifical : "Le «non» [des juifs] au Christ, d’un côté, met les Israélites dans une situation conflictuelle avec l’action de Dieu qui continue, mais nous savons aussi, d’un autre côté, qu’en même temps la fidélité de Dieu leur est assurée. Ils ne sont pas exclus du salut..." (ibid., p. 106). Le juif post-christique, quoique ne croyant pas au Christ, est cependant sans faute sur cela, il reste dans la voie du salut, selon la doctrine moderniste professée par Joseph Ratzinger-Benoît XVI...
           
        On ne saurait donc s'étonner, sur de telles hérétiques prolégomènes, que ce juif non-chrétien doit être considéré spirituellement comme notre frère et que nous devons donc cohabiter ensemble dans la voie du salut qui mène à Dieu, quoique nos voies soient messianiquement différentes. Benoît XVI ne manque pas d'œuvrer à ce devoir : "Depuis désormais deux décennies, la Conférence épiscopale italienne consacre cette Journée au judaïsme, dans le but de promouvoir la connaissance et l'estime mutuelles et pour accroître la relation d'amitié réciproque entre la communauté chrétienne et la communauté juive, une relation qui s'est développée de manière positive après le concile Vatican II et après la visite historique du Serviteur de Dieu Jean-Paul II à la Grande Synagogue de Rome... Je vous invite donc tous à adresser aujourd'hui une invocation insistante au Seigneur, afin que les juifs et les chrétiens se respectent, s'estiment..." (Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, 17 janvier 2007, § 2).
           
        Mais nous qui avons percé le fond du tonneau de la perversion moderniste, nous comprenons bien pourquoi il raisonne ainsi. Reprenons la proposition moderniste de Joseph Ratzinger de 1957 quant à la Révélation, pour bien le saisir : "Toute Révélation a une dimension subjective ou personnelle parce qu'elle n'existe que s'il y a quelqu'un pour la recevoir : «là où il n'y a personne pour percevoir ‘une Révélation’, il ne s'est produit aucune Révélation, parce qu'aucun voile n'a été ôté»". Il s'ensuit de là que la Révélation du Christ-Messie au juif n'est pas faite puisque le juif ne la perçoit pas, ne la reçoit pas. Car en effet, comme je le disais plus haut, dans le processus métaphysique de la Révélation vu par le moderniste, ce n'est pas Dieu qui fait la Révélation qui compte en premier, c'est l'homme vivant à qui est adressée la Révélation qui vient en première condition métaphysique de la réalité de la Révélation, c'est lui son étalon-or, par son acte de conscientisation d'icelle ! Puisque donc l'homme vivant juif ne reçoit pas, ne perçoit pas la Révélation du Christ, elle ne lui est donc pas faite, "aucun voile n'est ôté", et donc il n'est pas en faute de ne pas y croire. C'est aussi simple et abominablement blasphématoire que cela (car cela ne tient aucun compte que Dieu Transcendant a, de son divin côté, bel et bien fait la Révélation du Christ-Messie Jésus au juif, comme à tout homme venant en ce monde). C'est pourquoi, pour le moderniste, nous ne devons donc pas considérer le juif post-christique dans une voie de damnation, nous devons même, comme le fait honteusement et scandaleusement Joseph Ratzinger-Benoît XVI et tous les papes modernes depuis l'hérétique Nostra Aetate de Vatican II, tricher avec la Sainte-Écriture pour le déresponsabiliser de ne pas croire à la Révélation de Jésus-Christ... quand bien même c'est condamné par Jésus-Christ Lui-même, qui affirme qu'Il est le sujet messianique formel de l'Ancien-Testament en Jn V, 39 & 45-46, comme nous venons de le voir.
           
        Le même schème pervers antichristique sera appliqué par les modernistes pour tous les non-croyants, soit au Christ Jésus soit à l'Église catholique qui est "Jésus-Christ continué" (Bossuet), puisque le seul considérant métaphysique à prendre en compte, pour eux, est l'homme vivant, et non le Dieu Transcendant ou son Église.
           
        Voici par exemple le positionnement de notre moderniste Joseph Ratzinger-Benoît XVI avec les orthodoxes orientaux schismatiques.
           
        Il va les dédouaner de toute faute, ... car la révélation de la primauté juridictionnelle du Pontife romain sur l'orbe catholique toute entière ne leur est pas faite puisqu'ils ne la perçoivent pas !, ainsi : "Mais d’un autre côté, on ne peut absolument pas considérer la manière dont se présente la primauté [juridictionnelle pontificale] aux XIXe et XXe siècles comme étant la seule possible et qui s’imposerait à tous les chrétiens [donc aussi aux orientaux schismatiques]. Les gestes symboliques de Paul VI, jusqu’à son agenouillement devant le représentant du patriarche œcuménique [le schismatique Athénagoras], veulent justement exprimer cela..." (Les principes de la théologie catholique, 1982, p. 221).
           
        Or, voilà qui est contre la doctrine catholique en la matière, comme le rappellera le pape Pie IX au concile Vatican 1er : "... Nous renouvelons la définition du concile œcuménique de Florence, qui impose aux fidèles de croire que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain détiennent le primat sur tout l'univers [et Pie IX entend parler là d'un primat juridictionnel, et non pas seulement d'honneur ou de charité]... Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s'écarter sans danger pour la foi et le salut" (Denzinger, nn° 3059-3060), ce qui du reste n'était qu'un simple rappel de ce qu'avait enseigné infailliblement le pape Boniface VIII dans sa célèbre bulle Unam sanctam en plein Moyen-Âge (1302) : "...Nous déclarons, disons et définissons qu'il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d'être soumise au pontife romain" (Denzinger, n° 875).
           
        Mais, pour le moderniste, il n'est pas et ne saurait jamais être question de contredire la non-révélation aux orientaux schismatiques de la primauté juridictionnelle du pape, ce serait attenter à l'homme vivant qu'est tout oriental schismatique, ce qui est pour lui le péché métaphysique suprême. Il faut même aller jusqu'à dire que la non-révélation de la primauté juridictionnelle du pape pour les orientaux schismatiques est plus sage de sagesse divine que la révélation de cette dite primauté, qui est de droit divin !!! Je n'exagère nullement, c'est ce qu'ose dire Joseph Ratzinger en 1982, lisons-le : "Et le Patriarche [schismatique] Athénagoras renforce la pensée d’une nouvelle nuance : «Contre toute attente humaine, se trouve parmi nous l’évêque de Rome, le premier en honneur parmi nous, celui qui préside dans la charité». Il est clair que le Patriarche [schismatique] ne quitte pas le terrain de l’Église orientale et ne se met pas à professer un primat occidental de juridiction. Mais il met clairement en évidence ce que l’Orient a à dire sur la situation réciproque des évêques de l’Église, égaux en rang et en droit, et il vaudrait bien la peine de se demander si cette confession archaïsante qui ne sait rien de la «primauté de juridiction» mais reconnaît la première place en «honneur et charité», ne pourrait pas être considérée comme une conception de la place de Rome dans l’Église, suffisante pour l’essentiel" (Les principes de la théologie catholique, pp. 243-244) !!!
           
        On croit rêver ou plutôt cauchemarder : Joseph Ratzinger ose soutenir, en moderniste qui va au bout du toub de son raisonnement pervers, que la pensée de l'homme vivant oriental schismatique manifeste plus la sagesse divine que la Parole du Christ "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église" (Matth XVI, 18), c'est-à-dire toute mon Église, en ce compris bien sûr celle orientale ! Voilà qui contredit totalement la doctrine catholique en la matière, bien rappelée par le pape Pie IX au concile Vatican 1er : "Si donc quelqu'un dit que le pontife romain n'a qu'une charge d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l'Église, non seulement en ce qui touche à la foi et aux mœurs mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Église répandue dans le monde entier, ou qu'il n'a que la part la plus importante et non pas la plénitude totale de ce pouvoir suprême... qu'il soit anathème" (Denzinger, n° 3064).
           
        Cependant, pour oser soutenir que la formule du patriarche schismatique de vouloir considérer le pape de Rome comme seulement primus inter pares est "archaïsante", encore faut-il prouver la vérité de ce prétendu archaïsme, démontrer que la formule schismatique orientale est bien l'écho authentique de ce qui était cru sur le sujet dans l'antiquité des premiers âges chrétiens, c'est-à-dire avant l'an mille. Le moderniste Joseph Ratzinger ne va pas manquer de s'y atteler, contre la vérité ecclésiale historique indéniable bien connue même des élèves en théologie, qui savent fort bien, ne serait-ce que par le Contra Haereses du IIe siècle de saint Irénée de Lyon qui l'affirme sans ambigüité, que la primauté juridictionnelle de Pierre et de ses successeurs romains est professée par toute l'antiquité chrétienne dès les tout premiers siècles chrétiens. Mais le grand théologien Ratzinger... ne le sait pas : "Rome ne doit pas exiger de l’Orient, au sujet de la doctrine de la Primauté, plus que ce qui a été formulé et vécu durant le premier millénaire. Lorsque le Patriarche Athénagoras, lors de la visite du Pape au Phanar, le 25 juillet 1967, désignait ce Pape comme le successeur de Pierre, le premier en honneur d’entre nous, celui qui préside à la charité, on retrouvait, dans la bouche de ce grand chef d’Église, le contenu essentiel des énoncés du premier millénaire au sujet de la primauté, et Rome ne doit pas exiger davantage" (Les principes de la théologie catholique, p. 222). On ne saurait mentir plus effrontément...! "Personne ne doute et tous les siècles savent, dira par exemple le pape Pie IX au concile Vatican 1er, que le saint et heureux Pierre, chef et tête des apôtres, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus Christ, sauveur et rédempteur du genre humain" (Denzinger, 3056-3057).
           
        Passons maintenant aux protestants. Comment Joseph Ratzinger leur applique-t-il sa potion magique moderniste ? De la manière la plus simple du monde, en leur disant qu'il ne faut pas que l'homme vivant protestant renie sa "propre histoire de foi". Pas question de leur prêcher un œcuménisme de retour, c'est-à-dire pour les protestants, de revenir dans le bercail de l'Église catholique. Écoutons-le proclamer son reniement de la Foi au nom de son modernisme, c'était aux JMJ de 2005 : "Et à présent, demandons-nous : que signifie rétablir l'unité de tous les chrétiens ?... cette unité ne signifie pas ce que l'on pourrait appeler un œcuménisme du retour : c’est-à-dire renier et refuser sa propre histoire de foi. Absolument pas !" (Rencontre œcuménique à l'Archevêché de Cologne, 19 août 2005, § 7). C'est carrément prendre le contre-pied du langage de la Foi, comme le soulignait le pape Pie XI en ces termes : "... Il n'est pas permis, en effet, de procurer la réunion des chrétiens autrement qu'en poussant au retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ" (Mortalium Animos).
           
        Le 12 septembre 2006, Benoît XVI organise un service de vêpres œcuméniques où il réunit un maximum de chrétiens de diverses confessions, dans lequel il fait cette homélie : "Chers frères et sœurs dans le Christ ! Nous sommes réunis, chrétiens orthodoxes, catholiques et protestants (des amis juifs se trouvent également avec nous), nous sommes réunis pour chanter ensemble les Louanges vespérales de Dieu... Il s'agit d'une heure de gratitude pour le fait que nous puissions ainsi réciter ensemble les psaumes et que, en nous adressant au Seigneur, nous puissions croître également en même temps dans l'unité entre nous. (...) Notre koinonia [communion] est tout d'abord une communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ dans l'Esprit Saint ; elle est la communion avec Dieu Trine lui-même, rendue possible par le Seigneur à travers son incarnation et l'effusion de l'Esprit. Cette communion avec Dieu crée ensuite également la koinonia entre les hommes, comme participation à la foi des Apôtres..." (Célébration Œcuménique des vêpres dans la Cathédrale de Ratisbonne, 12 septembre 2006).
           
        Qu'il parle ou qu'il écrive, il n'a pas un autre langage à propos des protestants : "Le catholique ne mise pas sur la dissolution des confessions et sur la décomposition de la réalité ecclésiale qui se trouvent dans le monde protestant mais, tout à l’inverse, il espère un renforcement de la confession et de la réalité ecclésiale" (Les principes de la théologie catholique, 1982, p. 226). Logique avec son hérésie moderniste, Joseph Ratzinger professe que l'homme vivant protestant qui vit sa Foi dans la non-Révélation intégrale qui est celle catholique et elle seule, peut très-bien y trouver Dieu et se sauver par ladite non-Révélation... Ce qui compte en effet pour le moderniste, c'est ce que croit l'homme vivant, c'est l'auto-Foi, la Foi qu'il se donne à lui-même qui le sauve, car l'homme vivant est la seule réalité métaphysique qui existe, par-dessus le Dieu Transcendant. C'est pourquoi il n'est pas gêné de dire : "Entre temps, l’Église catholique n’est pas en droit d’absorber d’autres églises... Une unité basique d’églises, restant les églises qu’elles sont, bien que ne devenant qu’une seule église, doit remplacer l’idée de conversion..." (Cit. Catholic Family News, Father Ratzinger’s Denial of Extra Ecclesia Nulla Salus, juillet 2005, Postscript de l’Éditeur, p. 11). On ne saurait donc s'étonner de le voir bénir l'oeuvre de Taizé : "... Taizé apparaît comme le grand exemple d’une inspiration œcuménique... Il faudrait réaliser ailleurs, de façon analogue, une communauté de foi et de vie..." (Les principes de la théologie catholique, p. 341).
           
        Il s'agit, pour le moderniste, d'auto-justifier le chemin, la voie de l'homme vivant protestant, car cette voie, ce chemin, ne saurait qu'être une voie de salut puisque, comme le professe Karl Rahner, le principe surnaturel de Dieu s'incarne dans tout homme vivant, qui donc s'auto-sauve dans la voie qu'il se choisit... puisqu'il est Dieu et Christ à la fois, comme le dira en toute clarté des termes théologiques Jean-Paul II dans son abominable Noël 1978, et Ratzinger lui-même s'en fera l'écho, ainsi que nous l'avons vu. Le devoir du moderniste est donc de justifier à tout prix le chemin, quelqu'il soit, de tout homme vivant, ce que Joseph Ratzinger s'échine à faire avec tout non-croyant, jusqu'à l'abolition pure et simple du dogme catholique ou le mensonge historique, c'est-à-dire sans tenir aucun compte donc, du Dieu Transcendant, qui est ainsi véritablement phagocyté par l'homme vivant.
           
        Continuons à le regarder faire avec les protestants, après l'avoir vu faire avec les juifs et les orthodoxes schismatiques : "De même, une théologie qui s’appuie sur la notion de la «succession» [apostolique], telle que c’est le cas dans l’Église catholique et dans l’Église orthodoxe, ne nie pas forcément la présence salvifique du Seigneur dans la cène protestante [!!]" (Faire route avec Dieu, L’Église comme communion, 2003, p. 233). Et encore : "... La question pesante [!!] de la succession [apostolique] n’enlève au Christianisme protestant rien de sa dignité spirituelle ni de la force salvifique du Seigneur dans son milieu" (ibid., p. 235). Et, pour finir : "Au cours d’une histoire d’ores et déjà séculaire, le protestantisme est devenu une composante sérieuse de la foi chrétienne réalisée ; il a pu remplir une fonction positive dans l’expansion du message chrétien ; surtout, il a suscité, de diverses manières, chez l’individu non catholique, une disposition loyale et profonde à la foi, dont l’éloignement de la confession catholique n’a plus rien de commun avec la pertinacia qui caractérise l’hérétique comme tel. Le protestantisme contemporain est autre chose qu’une «hérésie» au sens traditionnel, c’est un phénomène dont l’exacte position théologique reste encore à découvrir" (Frères dans le Christ, 2005, pp. 108-109).
           
        ... Benoît XVI, pape conservateur ? Zut, c'est gênant, tout-de-même, ce qu'il dit et écrit, qui fait plutôt penser à un pape très-progressiste, au moins autant que François...!
           
        Le haut-clergé moderniste post-vaticandeux est si fou de sa folie totale d'auto-justifier toute voie, toute croyance de l'homme vivant quelqu'il soit, annihilant totalement dans son âme la réalité surnaturelle du Dieu Transcendant, qu'on va le voir aller jusqu'à prétendre justifier... la non-transsubstantiation dans certaines liturgies assyriennes schismatiques orientales, qui, excusez du peu, ne contiennent pas... de canon consécratoire, de récit d'Institution ! Or, en 2001, le Vatican permit aux catholiques d'assister à ces offices et d'y recevoir la communion, et vice-versa, permit aux assyriens schismatiques de recevoir la communion dans les offices catholique.
           
        Joseph Ratzinger, alors cardinal, approuva le fait, et le commenta dans un de ses livres de la manière suivante : "Ce cas a nécessité des études particulières parce que l’anaphora d’Addai et de Mari qui sont le plus souvent employées chez les Assyriens ne contient pas de récit d’institution. Cependant ces difficultés ont pu être résolues..." (Faire route avec Dieu, 2002, p. 217). Et l'on comprend hélas de quelle manière elles ont été résolues, ces difficultés, car notre moderniste explique dans un autre de ses livres que :"La validité de la liturgie dépend d’abord non pas de mots déterminés mais de la communauté de l’Église..." (Les principes de la théologie catholique, 1982, p. 421). Nous sommes là en plein dans les pires déductions hérétiques du modernisme, où la voie de l'homme vivant est tellement auto-déifiée qu'elle peut se permettre de se passer de Dieu Transcendant et de son Institution divine... Tout homme est roi et prêtre, et donc peut se fabriquer lui-même sa liturgie, comme je l'avais déjà noté et dénoncé chez Mgr Arthur Roche, l'actuel préfet de la Congrégation pour le culte divin, dans un de mes précédents articles (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-conception-liturgique-pseudo-millenariste-de-mgr-arthur-roche-prefet-de-la-congregation-pour-le-culte-divin-anticipation-vaticandeuse-luciferienne-d-une-nouvelle-economie-de-salut-1?Itemid=1).
           
        Mais, au moins, quant à la lecture de la bible, Joseph Ratzinger-Benoît XVI ne peut qu'être un créationniste traditionnel ? Voilà qui serait bien étonnant, car le créationnisme laisse beaucoup trop de place au Dieu Transcendant pour le moderniste. Ne soyons donc pas surpris de voir le cardinal Ratzinger écrire que le récit biblique de la création s'appuie "pour une part sur les récits de création païens" (Un chant nouveau pour le Seigneur, la foi dans le Christ et la liturgie aujourd’hui, 1995, p. 101). Mais s'il en était vraiment ainsi, cela signifierait que le récit biblique génésiaque ne serait ni authentiquement originel ni surtout inspiré directement par Dieu comme vérité enseignée à tous les hommes, il ne serait au contraire que le fruit de la pensée humaine universelle... donc, pas forcément doté de l'infaillibilité... donc, l'évolutionnisme, autre pensée humaine, pourrait se mettre à rang d'égalité avec la pensée créationniste. Cela est radicalement opposé à la Foi catholique en la matière : "En effet, tous les livres entiers que l'Église a reçus comme sacrés et canoniques dans toutes leurs parties, ont été écrits sous la dictée de l'Esprit-Saint. (...) Telle est la croyance antique et constante de l'Église, définie solennellement par les Conciles de Florence et de Trente, confirmée enfin et plus expressément exposée dans le Concile du Vatican" (Providentissimus Deus, Léon XIII, 1893).
           
        Sa désacralisation moderniste du Livre de l'Exode est encore pire que pour le Livre de la Genèse. Après avoir cité Exode XXXI, 18 (= "Or, le Seigneur ayant achevé les discours de cette sorte sur la montagne de Sinaï, donna à Moïse les deux tables de pierre du témoignage, écrites du doigt de Dieu"), voici son commentaire profondément désacralisant et même impie où l'on voit Joseph Ratzinger appliquer en copier-coller son concept moderniste de 1957 sur la Révélation, quasi en parfaite décalcomanie : "Mais la question se pose : ces commandements ont-ils vraiment été transmis lors d’une apparition de Dieu à Moïse sur la montagne ? Sur des tables de pierre «écrites de la main de Dieu» comme il est dit ?... Mais dans quelle mesure ces commandements viennent-ils réellement de Dieu ? [!!] Il s’agit ici d’un homme [Moïse] touché par Dieu et qui, à cause de la relation d’amitié avec lui, a pu donner à la volonté de Dieu une forme nous permettant d’y percevoir la Parole de Dieu ; cette volonté de Dieu qui n’avait été exprimée jusque-là que fragmentairement et dans d’autres traditions. Que les tables de pierre aient réellement existé est une autre question... Dans quelle mesure cet épisode est à prendre à la lettre est une autre question" (Voici quel est notre Dieu, 2001, pp. 116-118).
           
        On est là en pleine application pratique de son concept moderniste de la Révélation formulée dans sa thèse d'habilitation de 1957, et que je rappelle encore une fois : "La Révélation a une dimension subjective ou personnelle parce qu'elle n'existe que s'il y a quelqu'un pour la recevoir : «là où il n'y a personne pour percevoir ‘une Révélation’, il ne s'est produit aucune Révélation, parce qu'aucun voile n'a été ôté»" (supra). La révélation des dix commandements de Dieu, selon Ratzinger, n'existe que parce que l'homme vivant Moïse a donné à la volonté de Dieu une forme ! Autrement dit : c'est l'homme qui a donné activement aux hommes la révélation des dix commandements, la volonté de Dieu, autrement, n'aurait pas pu faire cette révélation, restant métaphysiquement virtuelle et passive !! Joseph Ratzinger va même beaucoup plus loin, jusqu'au bout de la perversion moderniste : non seulement c'est par Moïse et non par Dieu que la Révélation des dix commandements est faite, mais en plus, comme elle est faite par un canal humain particulier, l'homme vivant Moïse, il ose mettre en doute que, passant par cedit canal, il s'agisse authentiquement de la Parole de Dieu (= "Mais dans quelle mesure ces commandements viennent-ils réellement de Dieu ?") !!! N'oublions pas que, pour le moderniste qui va jusqu'au bout de sa perversion, la croyance initiée par une Révélation à l'homme vivant lui est personnelle, elle n'est faite qu'à la personne qui la reçoit, perçoit ; ainsi donc, dans le cas des dix commandements, cette Révélation, en outrant à peine les choses vues par le moderniste, n'obligerait formellement, au sens le plus fort du verbe, que... le seul Moïse !
           
        Son attitude quant à l'Islam ne dépare pas le tableau d'ensemble, le contraire aurait étonné. Il s'agit toujours et encore de voir la manifestation de Dieu dans et par l'homme vivant, quelle que soit sa croyance. "Le croyant, et nous tous en tant que chrétiens et musulmans sommes croyants... [commence-t-il son allocution, puis de poursuivre :] Vous guidez les croyants de l'islam et vous les éduquez dans la foi musulmane... Vous avez donc une grande responsabilité dans la formation des nouvelles générations" (Rencontre avec les représentants de diverses communautés musulmanes à l'Archevêché de Cologne, 20 août 2005). "J'espère qu'en divers moments de ma visite (par exemple, lorsque j'ai souligné à Munich combien il est important de respecter ce qui est sacré pour les autres) est apparu clairement mon profond respect pour les grandes religions et, en particulier, pour les musulmans, qui «adorent le Dieu unique»..." (Audience, 20 septembre 2006). Ce qui est faux, les musulmans n'adorent qu'un Dieu Un non-Trine, donc métaphysiquement inexistentiel, et par conséquent n'adorent PAS DU TOUT le vrai Dieu Un qui est Trine, sinon rien.
           
        "... Je voudrais aujourd’hui redire toute l’estime et le profond respect que je porte aux croyants musulmans, rappelant les propos du concile Vatican II qui sont pour l’Église catholique la Magna Charta du dialogue islamo-chrétien : «L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant»... Au moment où pour les musulmans commence la démarche spirituelle du mois de Ramadan, je leur adresse à tous mes vœux cordiaux, souhaitant que le Tout-Puissant leur accorde une vie sereine et paisible. Que le Dieu de la paix vous comble de l’abondance de ses Bénédictions, ainsi que les communautés que vous représentez !" (Audience aux Ambassadeurs de vingt-et-un pays à majorité musulmane accrédités près le Saint-Siège et à quelques représentants des communautés musulmanes en Italie, 25 septembre 2006).
           
        Ici, le haut-pic du blasphème est atteint, comme je l'avais déjà souligné en gras et en rouge dans un de mes précédents articles : quant à sa relation avec les musulmans, la papauté moderne s'appuie sur le blasphème hérétique ou l'hérésie blasphématoire comme on veut, d'oser appeler dans Nostra Aetate le dieu islamique, Allah, un dieu... "vivant et subsistant". Or, bien sûr, le dieu Allah ne peut être "vivant et subsistant" puisqu'il n'est pas trinitaire, et que le seul Dieu à être "vivant et subsistant" est précisément le Dieu Trine, Père, Fils et Saint-Esprit (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/l-erreur-profonde-de-benoit-xvi-et-de-sandro-magister-partie-1?Itemid=1) !
           
        Quant aux païens, que Jean-Paul II avait réuni dans ce qui fut le plus grand scandale ecclésial du XXe siècle, je veux parler de l'abominable cérémonie d'Assise en 1986, une abomination de la désolation dans le Lieu-Saint à elle toute seule, Benoît XVI se garderait bien d'être en reste : "Nous célébrons cette année le XXe anniversaire de la Rencontre interreligieuse de Prière pour la Paix, voulue par mon vénéré prédécesseur, Jean-Paul II, le 27 octobre 1986, dans cette ville d'Assise. Comme on le sait, il invita à cette rencontre non seulement les chrétiens des diverses confessions, mais également des représentants des diverses religions. (...) Parmi les aspects caractéristiques de la Rencontre de 1986, il faut souligner que cette valeur de la prière dans l'édification de la paix fut témoignée par les représentants de diverses traditions religieuses, et cela eut lieu non pas à distance, mais dans le cadre d'une rencontre... Nous avons plus que jamais besoin de cette pédagogie... Je suis donc heureux que les initiatives en programme cette année à Assise aillent dans cette direction et que, en particulier, le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux ait pensé à en tirer une application spécifique pour les jeunes... Je saisis volontiers l'occasion pour saluer les représentants des autres religions qui prennent part à l'une ou l'autre des commémorations d'Assise. Comme nous, chrétiens, eux aussi savent que c'est dans la prière qu'il est possible de faire une expérience particulière de Dieu et d'en tirer des encouragements efficaces dans le dévouement à la cause de la paix" (Message à l'évêque d'Assisi-Nocera à l'occasion du XXe anniversaire de la rencontre interreligieuse de prière pour la paix, 2 septembre 2006).
           
        ... Je rappellerai ici, un peu pour rire et se détendre les nerfs de la Foi, mis à très-rude épreuve par le déballage ratzingérien bougrement moderniste que dessus, la formule sophistique imbécile du cardinal Roger Etchegaray, ou plutôt Etch-égaré (qui fut lui aussi peritus au concile Vatican II, où Joseph Ratzinger se félicitait, dans son discours aux prêtres romains en 2013, de l'avoir rencontré : "Au Collège de l’Anima, où j’habitais, nous avons eu de nombreuses visites : le cardinal [Frings] était très connu, nous avons vu des cardinaux du monde entier. Je me rappelle bien la silhouette haute et svelte de Mgr Etchegaray, qui était secrétaire de la Conférence épiscopale française"...), formule par laquelle il prétendait justifier à l'époque la cérémonie d'Assise qu'il avait reçu de Jean-Paul II la charge d'organiser, contre les critiques tellement justifiées des tradis contre elle : "Nous sommes ensemble pour prier, et non pour prier ensemble".
           
        Sans doute le cardinal basque de Jean-Paul II sentait-il en lui-même quelque bonne raison quand il écrivit son livre intitulé J'avance comme un âne ! Car nous voilà-t-il pas là, effectivement, en pleine application pratique mais surtout absurde de la doctrine moderniste où l'homme vivant seul existe, quand le Dieu Transcendant est viré comme un malpropre. Si, catholiquement parlant, des hommes en effet sont ensemble dans un but de prière, ce ne peut et doit être uniquement que pour prier le Dieu Transcendant, le vrai Dieu catholique, Un et Trois ! Car l'objet premier de toute vraie prière, c'est le vrai Dieu Transcendant... et non l'homme qui prie ! Si donc nous ne sommes pas dans un même endroit pour "prier ensemble" le vrai Dieu, il est hors de question de se réunir "ensemble pour prier" ! Impossible, pour un catholique bien né qui se respecte et surtout qui respecte le vrai Dieu, d'accepter de prier en communion et pour un même but de prière avec à ses côtés l'adepte d'une secte qui priera quant à lui son faux dieu... qui en vérité est un démon, comme le révèle saint Paul ("Mais ce que les païens immolent, ils l'immolent aux démons, et non à Dieu. Or je ne veux pas que vous soyez en société avec les démons. Vous ne pouvez pas boire le calice du Seigneur, et le calice des démons ― I Cor X, 20) ! À moins de supposer, comme l'apostat moderniste le professe, que Dieu N'EXISTE PAS, n'y ayant que l'homme qui se réunit avec son semblable À EXISTER !! Et c'est bien là, précisément, la profession de "foi" apostate radicale du moderniste, que la formule du cardinal Etch-égaré exprime, comme je l'ai déjà exposé en commençant ces lignes : l'homme vivant SEUL existe, parce que l'aboutissement métaphysique obligé de la doctrine moderniste est la supplantation luciférienne de Dieu Transcendant par l'homme... C'est pourquoi il suffit métaphysiquement à l'homme moderniste d'être "ensemble pour prier", car l'homme vivant seul existe avec son semblable, et il n'a que faire de "prier ensemble" qui, ... ô sainte horreur !, n'a plus d'objet pour lui, car, de la manière la plus radicalement apostate qui se puisse concevoir, il a phagocyté le Dieu Transcendant dans son âme lucifériennement pervertie.
           
        Mais le moderniste ne peut pas comprendre ce que je viens d'écrire. Laissons Joseph Ratzinger-Benoît XVI nous exprimer cette incompréhension apostate qui est la sienne, tirée de son modernisme : "Mais il y avait aussi des chrétiens violents et fanatiques, qui ont détruit les temples, ne considérant le paganisme que comme idolâtrie, qu’il fallait éliminer de manière radicale" (Voici quel est notre Dieu, p. 263). Mais oui, cher Joseph Ratzinger-Benoît XVI, mais oui, figurez-vous que c'est même représenté sur les vitraux de nos églises catholiques, et non comme un témoignage de honte comme vous osez le dire en calomniant nos pères dans la Foi du haut de votre modernisme apostat mais comme un témoignage de gloire ! Voyez plutôt :
 
 
 Vitrail Quimper
Détail d'un vitrail de la Cathédrale Saint-Corentin
(Quimper, Petite-Bretagne, France)
           
        Mais le modernisme de Joseph Ratzinger-Benoît XVI ne peut décidément pas comprendre cela. "Nous ne manquons pas de respect à l'égard des autres religions et cultures, nous n'offensons pas le profond respect pour leur foi..." (Homélies, Messe sur l’esplanade de la Neue Messe, Munich, 10 septembre 2006). Notons bien qu'il ne s'agit pas de respecter l'adepte d'une fausse croyance, mais la fausse croyance elle-même, car "... la liberté religieuse est une expression fondamentale de la liberté humaine et la présence active des religions dans la société est un facteur de progrès et d’enrichissement pour tous" (Rencontre avec le Corps Diplomatique accrédité auprès la République de Turquie, 28 novembre 2006). Comme on le voit sans peine, ou plutôt avec beaucoup de peine, la déclaration du pape François à Abu d'Ahbi n'est pas nouvelle, et les conservateurs se couvrent de ridicule, comme je l'ai déjà dit dans mon article À la foire aux fous (au pluriel) !!! (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/a-la-foire-aux-fous-au-pluriel-1?Itemid=1), en voulant voir une opposition doctrinale fondamentale entre, d'une part, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI qui prétendument auraient été les glorieux gardiens de la Foi traditionnelle, et, d'autre part, le pape François qui la saccage en progressiste virulent ! En vérité, il n'y en a aucune, d'opposition entre eux, il y a tout au contraire une très-grande continuité entre tous ces papes post-conciliaires, le dernier en place sur le Siège de Pierre rajoutant juste un "supplément d'âme" moderniste dans l'Église plus les temps avancent, ce qui finira par faire venir l'Antéchrist-personne sur le Siège de Pierre, selon l'oracle salettin lapidaire : "Rome perdra la Foi et deviendra le siège de l'Antéchrist".
           
        Mais tout ce modernisme impie est déjà condamné par la Foi catholique, comme le rappelait fort bien le pape Pie X : "Ce que Nous voulons observer ici, c'est que la doctrine de l'expérience [religieuse], jointe à l'autre du symbolisme, consacre comme vraie toute religion, sans en excepter la religion païenne. Est-ce qu'on ne rencontre pas dans toutes les religions, des expériences de ce genre ? Beaucoup le disent. Or, de quel droit les modernistes dénieraient-ils la vérité aux expériences religieuses qui se font, par exemple, dans la religion mahométane ? Et en vertu de quel principe attribueraient-ils aux seuls catholiques le monopole des expériences vraies ? Ils s'en gardent bien : les uns d'une façon voilée, les autres ouvertement, ils tiennent pour vraies toutes les religions. C'est aussi bien une nécessité de leur système" (Pascendi Dominici Gregis, Pie X).
           
        On ne saurait mieux dire.
           
        ... Certains veulent mettre en avant l'objection que Joseph Ratzinger-Benoît XVI est très-conservateur, voire même traditionaliste dans certaines options de Foi. D'une certaine manière, c'est assez vrai, on pourrait même dire qu'il est le plus conservateur... mais parmi les modernistes, mais parmi les progressistes. Tout le monde a en tête, bien sûr, le haut-pic de son conservatisme, qui fut très-apprécié des tradis, lorsqu'il libéralisa, ... pardon pour l'emploi antinomique de ce verbe !, la messe selon l'ancien rite pour toute l'Église dans Summorum Pontificum : ni Jean-Paul II, ni surtout François, ne l'ont fait et ne le feront jamais (au moment où j'écris ces lignes, j'apprends que François s'apprête au contraire à guillotiner le vetus ordo radicalement, paraît-il, Traditionis Custodes n'ayant pas frappé assez fort...).
           
        Ce côté conservateur est certes très-fort et inné d'ailleurs en Joseph Ratzinger, il se manifeste très tôt... dès la fin du concile moderne. Dès 1964-65, il commence à prendre ses distances avec certaines exagérations progressistes. "Ainsi, le 18 juin 1965, il fait une conférence sur le thème de «la fausse et la vraie rénovation dans l’Église». Il se demande devant ses étudiants de Münster «si les choses sous le régime de ceux qu’on nomme conservateurs, n’allaient pas mieux que sous l’empire du progressisme». Il appelle à une nouvelle simplicité et considère que le contraire du conservatisme selon le Concile n’est pas le progressisme mais l’esprit missionnaire, et que c’est là le vrai sens de l’ouverture au monde. (...) En 1966, nouvelles critiques dans ses cours magistraux : «l’Église a certes ouvert ses portes au monde, mais le monde n’a pas afflué dans cette maison grande ouverte, il la harcèle encore davantage» ― «Bien sûr j’étais pour un progrès», confie t-il à Peter Seewald [plus d'un demi-siècle plus tard], mais «à l’époque cela ne signifiait pas faire exploser la foi de l’Église, cela visait à mieux faire comprendre et vivre la foi des origines»" (Joseph Ratzinger dans la tourmente de Vatican II, Blandine Delplanque). Le problème, c'est que cette fameuse "foi des origines" était conçue par lui de façon moderniste...
           
        Et tout est à l'avenant, hélas, chez Joseph Ratzinger. Car si sa forme est souvent très-conservatrice, le fond de sa doctrine reste entièrement et même extrêmement moderniste, comme on vient d'en prendre acte dans ce chapitre sulfureux. Son conservatisme s'appuie sur le fondement moderniste, il ne s'appuie pas sur le fondement traditionnel de la Foi.
           
        En voici une illustration, à simple titre d'exemple. On le voit, en 1985, "critique[r] les théologiens [trop progressistes] qui exagèrent l'importance donnée aux autres religions non-catholiques en les présentant comme des voies ordinaires de salut au lieu de les présenter comme des voies extraordinaires (Entretiens sur la Foi, p. 247)" (Les hérésies de Benoît XVI, abbé Méramo, p. 2). Mais, en voulant que les religions non-chrétiennes puissent être seulement des voies extraordinaires de salut, Ratzinger reste doctrinalement, quant au fond, absolument aussi hérétique que les modernistes ultra : car les fausses religions non seulement ne sont pas des voies ordinaires de salut, mais elles ne sont pas plus des voies extraordinaires de salut. Dire donc, comme le fait Joseph Ratzinger, qu'elles le sont est se mettre autant dans le camp de l'hérésie, que le moderniste ultra qui professe qu'elles sont des voies ordinaires de salut : les deux positionnements sont basés sur la même hérésie, à savoir, nier que la Religion et l'Église catholiques soient la SEULE voie du salut, ordinaire... comme extraordinaire.
           
        Je terminerai ce point important du conservatisme de Joseph Ratzinger, qui remue surtout les âmes qui restent à la surface et à la superficie des choses, souvent par sentimentalisme et/ou mondanité, en évoquant les deux revues théologiques qui furent fondées dans la foulée de Vatican II : Concilium, dès la fin du concile, et Communio, un peu plus tard, en 1972. Il est bien connu que la première citée est progressiste ultra quand la seconde est progressiste modérée, défendant toujours le point de vue romain, elle fut d'ailleurs fondée essentiellement pour servir de frein à la première.
           
        Or, Joseph Ratzinger collabore au plus près voire est co-fondateur autant de l'une que de l'autre revue. "Le jeune théologien Joseph Ratzinger, après avoir lui aussi fait partie du comité de rédaction de Concilium (comme membre de la section de théologie dogmatique entre 1965 et 1972) et fait cause commune avec Congar, Rahner et Küng, rejoint également Communio non sans avoir signé avec plusieurs centaines de théologiens l'appel lancé en 1968 par Concilium réclamant la fin des entraves et des sanctions contre les théologiens réformateurs d'alors" (Wikipedia, à Concilium). De même, quant à Communio : "De nombreux théologiens, comme Joseph Ratzinger, Henri de Lubac et Walter Kasper, participent à la fondation de la revue" (Wikipedia, à Communio).
           
bon Pasteur chapelle du Carme Marienthal Alsace
           
        Voilà donc ce qu'est Joseph Ratzinger-Benoît XVI sur le plan doctrinal, je veux parler du for externe de son âme : un antichrist, compagnonnant avec tous ses compères de papes modernes aussi antichrists que lui, un véritable précurseur de l'Antéchrist-personne, lequel doit formellement clore tous les temps historiques en manifestant épiphaniquement à la face du monde entier et de l'Église l'affreux épanouissement du mysterium iniquitatis (non certes pas pour qu'il triomphe définitivement, comme voudraient bien le croire les impies, mais tout au contraire pour qu'il puisse être définitivement expurgé de cette terre, par le déluge de feu et l'exorcisme universel foudroyant que constituera le Retour en Gloire du Christ pour le terrasser). C'est pourquoi, j'avais baptisé Karol Wojtyla-Jean-Paul II, en considérant uniquement sa doctrine, de "Jean-Baptiste luciférien de l'Antéchrist", c'était dans un commentaire du Secret de La Salette que j'avais écrit en 1988. Mais on vient de voir que cela, sur le plan doctrinal, s'applique pareillement et aussi fortement à Joseph Ratzinger-Benoît XVI.
           
        Serait-ce à dire que le jugement quant à Joseph Ratzinger-Benoît XVI et plus généralement à tous les modernistes en place aux plus hauts-postes dans l'Église, en ce compris le Siège de Pierre, doit s'arrêter là ? À ce constat certes absolument indéniable qu'ils professent tous et chacun, peu ou prou, la doctrine de l'Antéchrist, on vient de le voir copieusement dans la première partie de mon travail quant à Benoît XVI ?
           
        IL S'EN FAUT EXTRÊMEMENT. S'arrêter là, à ce seul et unique constat, en absolutisant ce qui n'est qu'un seul élément d'un ensemble beaucoup plus vaste, serait juste le meilleur moyen de ne pas pouvoir comprendre "la crise de l'Église", le drame eschatologique, la tragédie cornélienne, qu'elle vit sous la motion supérieure de l'Esprit de Dieu dans notre fin des temps ultime, ce serait s'engouffrer dans une voie de garage "noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir" à vocation fanatique, sectaire, extrémiste, obscurantiste, comme par exemple les sédévacantistes, qu'ils soient barbaresques purs et durs brut(e)s de décoffrage, guérardiens mitigés comme les robinets d'eau chaude et froide, ou survivantistes illuminés comme sapin de Noël, nous en donnent une pénible illustration.
           
        Ce premier élément, certes à prendre en compte impérativement pour ne pas vivre "l'aujourd'hui de la Foi" dans une cruelle illusion, n'est en effet que le tout premier départ de la réflexion sur "la crise de l'Église", avec lui, il faut surtout bien comprendre qu'on est encore juste dans les starting-blocks. Pour avancer dans la compréhension profonde de "la crise de l'Église", il faut le compléter tout-de-suite par un deuxième élément que nous enseigne la Providence divine, à propos de tous ces papes modernes issus de Vatican II qui sont doctrinalement antichristiques : tous sont désignés par le Saint-Esprit pour remplir légitimement le Siège de Pierre, tous sont vrais papes, verus papa. C'est le deuxième élément qui, sous peine d'embrasser une vision de "la crise de l'Église" complètement déséquilibrée et obnubilée du mal jusqu'au manichéisme, sous contrôle victorieux de Satan qui serait son maître d'œuvre et non plus la Providence de Dieu, doit venir très-vite compléter le premier dans notre esprit, et il nous aiguille déjà beaucoup mieux, presque parfaitement, sur la compréhension globale que nous devons avoir dans la Foi quant à "la crise de l'Église".
           
        Les papes non pas seulement modernes mais modernistes, issus de Vatican II et antéchristisés, des papes vraiment... légitimes ? Nous en avons en effet la certitude formelle, impérée par la Foi et le dogme catholique, parce que tous et chacun d'eux ont bénéficié et bénéficie toujours quant à François, de la désignation-reconnaissance de leur personne par l'Église Universelle pour être le vrai Vicaire actuel du Christ, chacun à leur tour. La règle prochaine de la Légitimité pontificale est effectivement, comme je l'ai soigneusement établi dans mes deux précédents articles réfutant in radice le sédévacantisme (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-fable-s-d-vacantiste-mensong-re-de-la-bulle-de-paul-iv-et-de-son-contexte-historique?Itemid=1), la désignation-reconnaissance ecclésiale universelle de la qualité de pape, verus papa, sur telle personne, laquelle est théologiquement et infailliblement achevée lorsque les cardinaux font leur obédience au nouveau pape, dans la cérémonie très-solennelle de l'intronisation qui a lieu à la face de toute l'Église et du monde entier, rituellement dans l'octave de l'élection conclavique proprement dite. Or, tous les papes vaticandeux et post, en ce compris bien entendu Joseph Ratzinger-Benoît XVI, ont dûment bénéficié sur leur personne de cet acte ecclésial doté de l'infaillibilité, en tant que fait dogmatique, qui est règle prochaine de la Légitimité pontificale. Par-là même, digitus Dei hic est, le Saint-Esprit les ayant choisi, ils sont vrais papes, verus papa, ils sont les élus du Saint-Esprit pour être, chacun à leur tour, de Jean XXIII à François, en passant par Paul VI, Jean-Paul 1er, Jean-Paul II et bien entendu Benoît XVI, les papes actuels de l'Église catholique, apostolique et romaine dans nos temps antéchristiques.
           
        Nous avons donc déjà deux éléments en notre possession pour élaborer en nos âmes la parfaite compréhension de "la crise de l'Église". 1/ Les papes modernes sont doctrinalement antichristiques ; 2/ les papes modernes sont, tous et chacun, certainement légitimes. Il faut rajouter un troisième et dernier élément, et alors l'intelligence de la Foi pourra nous être donnée et libérer nos âmes dans la vérité, veritas liberabit vos, si nous le voulons bien.
           
        Si le Saint-Esprit les a tous choisis comme vrai pape, nous ne pouvons qu'en déduire que c'est donc pour un but de sainteté, de Gloire de Dieu et de salut des âmes. Le troisième élément consiste donc à comprendre que tous ces papes vaticandeux et post, étant le choix certain de l'Esprit-Saint, ne peuvent qu'accomplir, de par leur Charge suprême, le dessein surnaturel supérieur du Saint-Esprit sur l'Église de notre temps. Or, quel est-il, pour notre temps, le dessein du Saint-Esprit pour l'Épouse-Église ? C'est, car nous sommes rendus dans les derniers temps ultimes, de lui faire vivre la Passion du Christ. Et nous en avons la preuve formelle précisément, justement, par le seul fait que les papes modernes antéchristisés crucifient, matériellement seulement (= c'est-à-dire dans l'inadvertance, comme je vais l'établir tout-de-suite), le Magistère ecclésial contemporain par leur doctrine antichristique. Par-là même, ils font, sans même s'en rendre compte, vivre à l'Épouse du Christ sa Passion, une véritable Passion qui, comme pour le Christ, va l'amener à sa mort terrestre. L'Église, depuis Vatican II pour faire court, est, éminemment par ses papes modernes antéchristisés, "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21), elle vit en croix dans "la si grande contradiction" (He XII, 3), sous "la puissance des ténèbres" (Lc XXII, 53). Or, faire vivre l'économie de la Passion à l'Église n'est pas un acte mauvais, la Passion n'est pas un péché, c'est tout au contraire une Volonté divine du Saint-Esprit que, à leur insu, les papes modernes et même modernistes accomplissent dans l'Église présentement, depuis Vatican II, sous la motion surnaturelle du Saint-Esprit. C'est précisément là le but de sainteté, de Gloire de Dieu et de salut des âmes que le Saint-Esprit a en vue et ordonne pour notre temps (et qui aboutira à la co-Rédemption de l'Église, dont le fruit surnaturellement savoureux et plein de gloire sera la nouvelle économie de salut du Millenium, qui sera donnée par l'Époux à l'Épouse après la Parousie).
           
        Par contre, la doctrine antichristique crucifiera formellement le Magistère de l'Église, et donc la fera ainsi mourir dans son économie présente dite du Temps des nations et de Rome son centre, seulement, uniquement, lorsque l'Antéchrist-personne la manifestera en toute malice de coulpe et advertance à la terre et surtout dans l'Église, à partir du Siège de Pierre. Mais nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant présent de la vie de l'Église, l'Antéchrist-personne n'est pas encore paru, ne manifeste pas encore le péché suprême qui fera mourir l'Église, quand bien même, par l'accroissement évident de la subversion de l'Église par la doctrine antichristique sous le pontificat du pape François, l'avènement de son règne maudit devient de plus en plus senti et imminent.
           
        Un point important à comprendre, c'est que la doctrine antichristique a d'abord corrompu les personnes privées de ceux qui sont devenus papes vaticandeux et post, mais une fois investis légitimement de la fonction pontificale suprême, ils ont promulgué très-notamment à Vatican II cette doctrine antichristique non plus en tant que personne privée mais in Persona Ecclesiae, c'est-à-dire au nom et pour le compte de l'Église, dans le cadre du Magistère ordinaire & universel de soi doté de l'infaillibilité, dont l'emploi est indiscutable à Vatican II. Mais que ce soit dans leur personne privée ou in Persona Ecclesiae, cette doctrine antichristique ne les a infestés et corrompus, eux d'abord, l'Église ensuite, que matériellement et non formellement. C'est-à-dire dans l'inadvertance complète du caractère antichristique de la doctrine qu'ils embrassaient avec passion et que, une fois sur le Siège de Pierre, ils ont fait embrasser à l'Église de même manière. Il est capital de comprendre que SEUL l'Antéchrist-personne, "l'homme d'iniquité", pèchera dans l'advertance et la malice la plus formelle et complète lorsque son heure maudite viendra pour très-peu de temps, mane, thecel, pharès.
           
        L'inadvertance totale de la malice contenue dans la doctrine antichristique qu'ils promeuvent en Église et qui la crucifie et la met dans l'économie de la Passion, chez les papes vaticandeux et post, est facile à prouver, et je vais le faire tout-de-suite. Mais avant cela, je veux montrer que le même cas de figure se vérifie lors de la première et archétypale Passion, celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. En effet, la sainte-Écriture nous enseigne fort bien que les juifs et les romains, qui ensemble récapitulent métapolitiquement le monde tout entier, étaient dans l'inadvertance complète du péché pourtant hyper-gravissime qu'ils commettaient en mettant à mort la Personne du Christ-Messie. Quel péché, en effet, est plus grave que le déicide ? En vérité, il n'y en a aucun. Mais pour autant, ce péché, le plus grave possible, fut commis par les hommes dans l'inadvertance. C'est Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même qui nous le dit et enseigne du haut de la croix : "Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font" (Lc XXIII, 34). S'ils savaient ce qu'ils faisaient, ils seraient certes remplis de malice comme les démons dans l'enfer ou l'Antéchrist-personne dans son règne maudit. Mais ils ne savent pas ce qu'ils font en mettant à mort le Christ, et donc pèchent par inadvertance. Oh !, certains parmi eux, il y a 2 000 ans, ont probablement commis le péché de déicide avec malice et advertance, peu ou prou, nous verrons cela au Jugement dernier, mais globalement, d'une manière générale, Jésus-Christ enseigne que les hommes l'ont fait mourir par inadvertance, ne sachant ce qu'ils faisaient.
           
        Saint Pierre, il n'en pouvait être autrement, confirmera l'enseignement du Christ quant à cette inadvertance générale non seulement des romains mais même des juifs qui Le crucifièrent : "Mais vous [hommes israélites], vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu'on vous accordât la grâce d'un meurtrier ; et vous avez fait mourir l'Auteur de la vie, que Dieu a ressuscité d'entre les morts ; ce dont nous sommes témoins. C'est à cause de la foi en Son nom que ce nom a raffermi cet homme [saints Pierre et Jean venaient de guérir miraculeusement un malade], que vous voyez et connaissez ; et la foi qui vient de Lui a opéré en présence de vous tous cette parfaite guérison. Et maintenant, mes frères, je sais que vous avez agi par ignorance, aussi bien que vos chefs [... même les chefs, les grand-prêtres donc, les Anne, les Caïphe, notons-le soigneusement, ne sont pas exclus par saint Pierre de l'inadvertance de leur péché d'avoir fait mettre à mort le Christ...]. Mais Dieu, qui avait prédit par la bouche de tous les prophètes que Son Christ devait souffrir, l'a ainsi accompli" (Act III, 14-18).
           
        Ce que dit saint Pierre est très-intéressant dans le v. 18, à savoir que non seulement les hommes, et donc en ce compris les chefs juifs, ont péché par inadvertance lorsqu'ils firent mourir Jésus-Christ, mais que c'était en fait la Volonté divine qui l'avait ordonné ainsi ; en dernière analyse en effet, c'est Dieu qui a accompli son dessein de la Rédemption en ordonnant par sa Providence l'inadvertance des hommes lorsqu'ils firent mourir le Christ.
           
        C'est extrêmement éclairant pour notre situation de seconde Passion, "LA PASSION DE L'ÉGLISE" que nous vivons et mourons présentement. En fait, c'est très-exactement la même chose. Cette inadvertance des papes modernes, et singulièrement celle de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, à crucifier l'Église par leur doctrine antichristique, est effectivement et en dernière analyse, providentiellement voulue et opérée en eux par Dieu pour pouvoir mettre en œuvre justement "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Cette inadvertance du caractère hérétique de la doctrine moderniste qu'il promeut en Église se voit très-clairement avec Benoît XVI, dont l'âme restera toujours, quant à son privé, fervente et vivant d'une vraie spiritualité ordonnée à Dieu, quand bien même cette ferveur vraie cohabitera, pour que l'Écriture s'accomplisse, avec la doctrine antichristique dans son âme.
           
        Inadvertance de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, bien montrée par la Présence de Dieu dans son âme. Ce sera très-perceptible quand, dans ses fameuses Notes de 2019 sur les mauvaises mœurs du clergé actuel, il sera quasi le seul à oser publiquement bien poser le fond du problème spirituel, en disant que de tels péchés gravissimes ne pouvaient être commis que parce qu'il y a absence de Dieu dans les âmes cléricales et la perte de la Foi en Dieu même dans l'Église. Le cardinal Sarah s'était à juste titre enthousiasmé d'un diagnostic spirituel aussi fort et aussi surnaturellement vrai : "Comment pourrions-nous résumer la thèse de Benoît XVI ? Permettez-moi de le citer simplement : «Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint de telles proportions ? En dernière analyse, la raison en est l’absence de Dieu» (III, 1). Tel est le principe architectonique de toute la réflexion du pape émérite. Telle est la conclusion de sa longue démonstration. (...) La crise de la pédophilie dans l’Église, la multiplication scandaleuse et effarante des abus a une et une seule cause ultime : l’absence de Dieu. Benoît XVI le résume en une autre formule tout aussi claire, je cite : «C’est seulement là où la foi ne détermine plus les actions de l’homme que de tels crimes sont possibles» (II, 2). (...) Mesdames, Messieurs, le génie théologique de Joseph Ratzinger rejoint ici non seulement son expérience de pasteur des âmes et d’évêque, père de ses prêtres, mais aussi son expérience personnelle, spirituelle et mystique. La crise des abus sexuels est le symptôme d’une crise plus profonde : la crise de la foi, la crise du sens de Dieu. (...) Le Pape Ratzinger veut montrer et démontrer qu’un climat d’athéisme et d’absence de Dieu crée les conditions morales, spirituelles et humaines d’une prolifération des abus sexuels. (...) Les explications psychologiques ont certes leur intérêt, mais elles ne font que permettre de repérer les sujets fragiles, disposés au passage à l’acte. Seule l’absence de Dieu peut expliquer une situation de prolifération et de multiplication si épouvantable des abus. (...) il faut dire que les enquêtes à propos des abus sur mineurs ont fait apparaître la tragique ampleur des pratiques homosexuelles ou simplement contraires à la chasteté au sein du clergé. Et ce phénomène est lui aussi une douloureuse manifestation, comme nous le verrons, d’un climat d’absence de Dieu et de perte de la foi" (fin de citation). Et Benoît XVI, de dire : "C'est à notre époque que le slogan «Dieu est mort» a été forgé. Lorsque Dieu meurt effectivement au sein d'une société, elle devient libre, nous assurait-on. (...) La société occidentale est une société dont Dieu est absent de la sphère publique et qui n’a plus rien à lui dire" (Notes).
           
        Or, la plupart des universitaires qui ont commenté ces Notes du pape Benoît XVI n'ont même pas été capable de prendre conscience de cette cause... première, à savoir l'absence radicale de Dieu, prouvant par eux-mêmes hélas trop bien, donc, le bien-fondé de l'analyse du pape Ratzinger ! Ils sont passés complètement à côté de Dieu, raisonnant dans du vide métaphysique, Dieu semblant vraiment leur être devenu une notion complètement étrangère et inconnue, qu'ils sont désormais absolument incapables d'appréhender (... sorte d'illustration supplémentaire de la grande Apostasie prédite par saint Paul pour les temps ultimes de l'Antéchrist, que nous trouvons à tous les carrefours, toutes les avenues de notre contemporanéité, et dont malheureusement Joseph Ratzinger-Benoît XVI ne prendra pas conscience : il voyait le fait, mais pas la signification apocalyptique dudit fait, bien dénoncée par saint Paul...) !
           
        Benoît XVI en fait ainsi la judicieuse et lapidaire remarque : "En quelques lignes, denses et riches d’implications, écrites dans la revue allemande de théologie Herder Korrespondenz, il répond très clairement à ceux qui ont critiqué ses Notes explosives parues en février dernier sur les abus sexuels dans l’Église. «Pour autant que je puisse voir, dans la plupart des réactions à ma contribution, Dieu n’apparaît pas du tout, et donc ce que je voulais précisément souligner comme le point clé de la question n’est pas abordé». C’est en ces termes que le Pape émérite Benoît XVI répond par quelques lignes publiées par Herder Korrespondenz à quelques-unes des critiques issues de son texte de réflexion sur la question des abus sexuels dans l’Église catholique. «La contribution de Mme Aschmann («La vraie souffrance catholique en 1968», Herder Korrespondenz, juillet 2019, 44-47), malgré sa partialité, lit-on dans le numéro de septembre du journal, peut inspirer une réflexion plus approfondie, mais en réponse à ma publication dans Clergy Paper on the Abuse Crisis (No 4/2019, 75-81), elle est néanmoins insuffisante et typique du déficit général dans la réception de mon texte. Il me semble que dans les quatre pages de l’article de Mme Aschmann, le mot Dieu, que j’ai placé au centre de la question, n’apparaît pas. J’ai écrit : «Un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde sans sens» (78). «La société occidentale est une société dans laquelle Dieu est absent de la sphère publique et n’a rien d’autre à dire. Et c’est pourquoi c’est une société dans laquelle la mesure de l’humanité est de plus en plus perdue» (79). Pour autant que je puisse voir, dans la plupart des réactions à ma contribution, Dieu n’apparaît nulle part, et donc précisément ce que je voulais souligner comme le point-clé de la question n’est pas abordé. Le fait que la contribution d’Aschmann néglige le passage central de mon argument, tout comme la plupart des réactions dont j’ai eu connaissance, me montrent la gravité d’une situation dans laquelle le mot Dieu semble souvent marginalisé dans la théologie»" (http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2019/08/27/et-le-mot-dieu-etait-absent/).
           
        Or, et c'est la raison pour laquelle je rapporte cet épisode, si Joseph Ratzinger-Benoît XVI était capable de se rendre compte de l'absence de Dieu dans la société et même dans l'Église contemporaines (quand bien même il n'en fera pas, comme il aurait dû le faire, la relation apocalyptique avec la grande apostasie prédite par saint Paul pour la fin des temps), cela ne pouvait être très-clairement que parce qu'il vivait de Dieu dans le profond de son âme : on ne peut pas se rendre compte, en effet, de l'absence de Dieu si soi-même on ne vit pas de la Présence de Dieu... Or, cette Présence de Dieu que Joseph Ratzinger vit dans son âme et qui, subséquemment, lui permet de prendre conscience de l'absence de Dieu source principale des maux de notre époque, dans l'Église comme dans le monde, ne peut pas être compatible, bien sûr, avec une croyance en la doctrine antichristique professée et crue par lui avec advertance, c'est-à-dire avec malice coupable, cela prouve donc qu'il la professe avec inadvertance, et c'est ce que je voulais bien montrer, cqfd.
           
        Cette pensée de remettre Dieu à la première place, de vivre de Dieu, un Dieu trop oublié de nos jours, n'est pas nouvelle chez lui, d'ailleurs, bien au contraire, c'est une pensée qu'il entretient dans son âme et qu'il vit très-fortement depuis longtemps. Il la rappellera par exemple avec force conviction aux cardinaux dans le grand discours qu'il leur fit en tant que Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi le 27 février 2 000. Il commence par leur rappeler immédiatement, dès le début, que le sujet principal de Vatican II avait été Dieu, avant même l'Église (... du moins, les Pères conciliaires l'avaient-ils voulu ainsi, cependant ce n'est pas du tout ce qui fut réalisé à Vatican II, c'est tout le contraire... mais cela, Ratzinger n'en prendra pas conscience) : "Parmi les membres de la Conférence épiscopale allemande [qui préparaient, en 1960, les thèmes à soumettre à Vatican II, avant que ses assises ne s'ouvrissent] prévalait un très large accord sur le fait que l’Église devait être le thème du Concile. Le vieil évêque Buchberger, de Regensburg, qui, comme maître d’œuvre du Lexikon für Theologie und Kirche en dix volumes (qui en est aujourd’hui à sa troisième édition) s’était acquis estime et renommée bien au-delà de son diocèse, demanda la parole – c’est ce que me raconta l’archevêque [Frings] de Cologne – et dit : «Chers frères, au Concile, vous devez avant tout parler de Dieu. C’est le thème le plus important». Les évêques demeurèrent interdits ; ils ne pouvaient se soustraire à la gravité de cette parole. Naturellement, ils ne pouvaient se décider à proposer simplement le thème de Dieu. Mais une inquiétude intérieure est pourtant restée, au moins chez le cardinal Frings, qui se demandait continuellement comment on pourrait satisfaire ce besoin impérieux. Cet épisode m’est revenu à l’esprit quand j’ai lu le texte de la conférence que prononça Johann Baptist Metz au moment de quitter, en 1993, sa chaire de Münster. Je voudrais citer au moins quelques phrases significatives de cet important discours : «La crise qui a frappé le christianisme européen, n’est plus en tout premier lieu, ou au moins exclusivement, une crise ecclésiale… La crise est plus profonde ; elle n’a pas en effet ses racines seulement dans la situation de l’Église elle-même : la crise est devenue une crise de Dieu», etc." (Intervention du cardinal Joseph Ratzinger sur l'ecclésiologie de la Constitution "Lumen Gentium" au congrès international sur la mise en oeuvre du concile œcuménique Vatican II, organisé par le comité du grand jubilé de l'an 2 000 ; cf. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20000227_ratzinger-lumen-gentium_fr.html).
           
        En fait, il est trop vrai qu'en faisant le PIRE DU PIRE, par leur doctrine antichristique, les papes modernes ont vraiment cru faire le MIEUX DU MIEUX en l'appliquant à l'Église, complètement aveuglés (la plus grande erreur d'appréciation des tradis, tout spécialement lorsqu'ils sont sédévacantistes, est justement de croire que les modernistes de la génération Paul VI et post, le sont avec malice et advertance). Et c'est là le drame, la tragédie ecclésiale cornélienne marquant la fin des temps, car cette situation va aller jusqu'à la mort, usque ad mortem. L'adage antique vient tout-de-suite à l'esprit : Jupiter aveugle ou rend fou ceux qu'Il veut perdre, quos vult perdere Jupiter dementat. En fait, il s'agit ici, pour "la crise de l'Église", non pas bien évidemment d'une perte éternelle synonyme de damnation, mais de mort temporelle, tout-à-fait à mettre en relation avec la mort du Christ en croix, et qui, dans ses derniers instants, a arraché au Christ ce très-significatif Eli, Eli, lamma sabachtani !, pourquoi M'as-Tu abandonné ?, pourquoi M'as-Tu perdu ? Jésus-Christ se sentait, dans son Humanité, terriblement, affreusement, abandonné, perdu, par le Père, et c'est cette même situation que vit l'Église aujourd'hui, dans son économie particulière du Temps des nations et de Rome son centre, elle est abandonnée, perdue par le Père également. En fait, c'est Dieu qui veut la mort non pas bien sûr de l'Église en tant que telle, car elle est éternelle dans son principe divin, mais de l'économie ecclésiale de salut en cours, celle du Temps des nations et de Rome son centre. Et pour arriver à cela, afin que l'Écriture s'accomplisse comme fait judicieusement remarquer saint Pierre dans le v. 18 des Actes, III, comme nous l'avons vu en commençant ce chapitre, Dieu envoie un esprit d'aveuglement et de folie totale sur les âmes des papes non seulement modernes mais modernistes, qui les obscurcit radicalement sur le caractère pourtant formellement antichristique de ce qu'ils croient et professent et qui, appliqué à l'Église, va la faire mourir.
           
        Fin 1987, Mgr Lefebvre va voir le cardinal Ratzinger pour discuter avec lui de la possibilité de faire des évêques tradis. Parlant avec lui doctrine et bien entendu arrivant aux fondements de la Foi avec son interlocuteur, il est bouleversé et scandalisé de constater que le cardinal Ratzinger qui est alors Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi... n'a pas la Foi la plus basique qui soit sur l'infaillibilité et la pérennité du Magistère de l'Église, c'est-à-dire en fait, sur les fondements mêmes de la Constitution divine de l'Église, excusez du peu. Et hélas, Mgr Lefebvre avait raison : le cardinal Ratzinger, aveuglé complètement dans son âme par sa doctrine moderniste subversive de la Foi, n'hésitera pas, en effet, à appeler dans ses écrits Vatican II, le contre-Syllabus... comme si le Syllabus du pape Pie IX n'était pas doté de l'infaillibilité ecclésiale et donc doctrinalement irréformable de soi ! Il ne pouvait donc pas être contredit par un décret magistériel postérieur à lui, ou, bien pire, par tout un concile universel de soi infaillible de par le Magistère ordinaire & universel ! Mais le cardinal gardien de la Foi ne pouvait pas comprendre cela, ce qui, sur un simple plan humain, était effectivement complètement renversant, pratiquement inimaginable, et Mgr Lefebvre en éprouva visiblement un véritable électrochoc spirituel.
           
        "Ce qui vous intéresse tous ici, dira-t-il à ses séminaristes, c'est de connaître quelles sont mes impressions après l'entrevue que j'ai eue avec le cardinal Ratzinger le 14 septembre 1987. Hélas, je dois dire que Rome a perdu la Foi, Rome est dans l'apostasie. Ce ne sont pas des paroles en l'air, c'est la vérité ; Rome est dans l'apostasie. On ne peut pas faire confiance à ces gens-là, puisqu'ils abandonnent l'Église. C'est sûr" (Nos relations avec Rome après l'entrevue avec le cardinal Ratzinger). L'évêque traditionaliste y reviendra quelques années plus tard, preuve que cela l'avait très-fort marqué, quelque un mois avant sa mort : "Ce qui est grave chez le cardinal Ratzinger, dira-t-il, c'est qu'il met en doute la réalité même du Magistère de l'Église, de l'enseignement du Magistère de l'Église. Il met en doute qu'il y ait un Magistère qui soit permanent et définitif dans l'Église. Ce n'est pas possible. Il s'attaque à la racine même de l'enseignement de l'Église, de l'enseignement du Magistère de l'Église. Il n'y a plus une vérité permanente dans l'Église, de vérité de Foi, de dogmes par conséquent ; c'en est fini des dogmes dans l'Église ; cela c'est radical. Évidemment, ceci est hérétique, c'est tellement clair, c'est horrible, mais c'est comme ça" (l'une des dernières conférences spirituelles de Mgr Lefebvre au séminaire d'Écône, 8 & 9 février 1991). Mais par ailleurs, il est important de noter que ce choc spirituel éprouvé par le chef de file des tradis a tellement obsédé son âme qu'il l'a empêché fort dommageablement de prendre conscience que cette apostasie, fruit de son modernisme, est professée et crue par le cardinal Ratzinger en toute inadvertance de son caractère hérétique, sans s'en rendre le moindre compte...
           
        Car c'est bel et bien en totale inadvertance que Joseph Ratzinger tombe dans une apostasie la plus radicale possible, l'âme absolument obstruée par sa doctrine moderniste antichristique. Et, en dernière analyse de la question, cette inadvertance est opérée dans son âme comme dans celle de tous les papes modernes, par Dieu lui-même, selon ce que nous dit saint Pierre des hommes pour la Passion du Christ, aux fins ultimes et supérieures de faire rentrer l'Église dans l'économie de la Passion, "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (cf. l'exposé complet que j'en fais, ici https://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf).
           
        Avec tous les papes modernes, en faisant LE PIRE DU PIRE, je le répète, il s'imagine vraiment faire LE MIEUX DU MIEUX, c'est-à-dire faire connaître à l'Église, sous l'inspiration du Saint-Esprit, un désenveloppement homogène de son dogme, ce qui est tout-à-fait orthodoxe et même classique. Cette bonne motivation de fond est très-évidente dans la pensée de Ratzinger quant à Vatican II.
           
        Cela commence d'ailleurs avec le pape Jean XXIII. Joseph Ratzinger-Benoît XVI n'est pas sans connaître les critiques qui fusent sur l'orthodoxie de Vatican II, qu'il peut considérer à bien des égards, lui aussi, comme son concile (j'ai cité au début de ces lignes la part active qu'il prit, en collaboration avec Karl Rahner, au décret Dei Verbum, mais il fut une cheville ouvrière importante de bien d'autres décrets, par exemple de Ad gentes, le décret sur les missions ; c'est Ratzinger, en tant que peritus, qui en posa les bases schématiques, en collaboration étroite avec Congar). Il y répond de manière globale en invoquant la bonne intention des Pères du concile moderne, explicitée par le pape Jean XXIII dès que le concile s'ouvrit. C'est le raisonnement qu'il a exposé et soutenu dans le grand détail devant tous les cardinaux, quelques jours avant son premier Noël pontifical, dans son Discours à la Curie romaine à l'occasion de la présentation des vœux de Noël, qu'on pourra trouver in extenso ici : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2005/december/documents/hf_ben_xvi_spe_20051222_roman-curia.html.
           
        Lisons-le, dans la partie qui nous intéresse : "... À l'herméneutique de la discontinuité [ou rupture] s'oppose l'herméneutique de la réforme [ou de continuité] comme l'ont présentée tout d'abord le Pape Jean XXIII, dans son discours d'ouverture du Concile le 11 octobre 1962, puis le Pape Paul VI, dans son discours de conclusion du 7 décembre 1965 [En effet. Paul VI y disait : "Pouvons-Nous dire que nous avons rendu gloire à Dieu, que nous avons cherché à le connaître et à l'aimer, que nous avons progressé dans l’effort pour le contempler, dans la préoccupation de le louer et dans l'art de proclamer ce qu'il est aux hommes qui nous regardent comme pasteurs et maîtres dans les voies de Dieu ? Nous croyons franchement que oui, notamment parce que c'est de cette intention première et profonde que jaillit l'idée de réunir un Concile. Ils résonnent encore dans cette basilique les mots prononcés lors du discours d'ouverture par Notre vénéré prédécesseur Jean XXIII, que Nous pouvons bien appeler l'auteur de ce grand rassemblement"]. Je ne citerai ici que les célèbres paroles de Jean XXIII, dans lesquelles cette herméneutique est exprimée sans équivoque, lorsqu'il dit que le Concile «veut transmettre la doctrine de façon pure et intègre, sans atténuation ni déformation», et il poursuit : «Notre devoir ne consiste pas seulement à conserver ce trésor précieux [du Dépôt révélé de la Foi], comme si nous nous préoccupions uniquement de l'antiquité, mais de nous consacrer avec une ferme volonté et sans peur à cette tâche, que notre époque exige... Il est nécessaire que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie et présentée d'une façon qui corresponde aux exigences de notre temps. En effet, il faut faire une distinction entre le dépôt de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérée doctrine, et la façon dont celles-ci sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée» (S. Oec. Conc. Vat. II Constitutiones Decreta Declarationes, 1974, pp. 863-865)" (fin de citation).
           
        On ne saurait mieux démontrer la bonne intention des Pères conciliaires, à commencer par les papes Jean XXIII et Paul VI, c'est-à-dire leur inadvertance complète de promulguer des hérésies voire des apostasies comme dans la Liberté religieuse, lorsqu'ils en promulguent.
           
        Et quant à lui personnellement, Joseph Ratzinger, c'est avec une très-grande ferveur religieuse qu'il se rend au concile, loin, tellement loin, de vouloir y introduire l'hérésie ou même l'apostasie. Laissons-le nous dire lui-même son pieux enthousiasme, non pas juste après l'évènement, ce qu'on pourrait attribuer à un sentiment de surface, passager, mais plus d'un demi-siècle plus tard, après, pourtant, toutes les désillusions post-conciliaires qui n'ont cessé de se compiler les unes sur les autres au fil des ans, mais qui n'ont égratigné ni terni en rien le grand enthousiasme, toujours aussi fort et prégnant dans son âme, qui a été le sien lors de Vatican II. Comme il dira lui-même simplement : "J’ai vécu, moi aussi, l’époque du concile Vatican II, j’étais dans la basilique Saint-Pierre avec beaucoup d’enthousiasme".
           
        C'est dans le Discours d'adieu aux prêtres de Rome, le 14 février 2013, juste avant de se mettre en retrait pontifical : "... Alors, nous sommes allés au Concile, non seulement avec joie, mais avec enthousiasme. Il y avait une attente incroyable. Nous espérions que tout se renouvelle, que vienne vraiment une nouvelle Pentecôte, une nouvelle ère de l’Église, parce que l’Église était encore assez robuste en ce temps-là, la pratique dominicale encore bonne, les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse étaient déjà un peu réduites, mais encore suffisantes. Toutefois, on sentait que l’Église n’avançait pas, se réduisait, qu’elle semblait plutôt une réalité du passé et non porteuse d’avenir. Et à ce moment-là, nous espérions que cette relation se renouvelle, change ; que l’Église soit de nouveau une force pour demain et une force pour aujourd’hui. Et nous savions que la relation entre l’Église et la période moderne, depuis le commencement, était un peu discordante (...) ; on pensait corriger ce mauvais commencement et trouver de nouveau l’union entre l’Église et les meilleures forces du monde, pour ouvrir l’avenir de l’humanité, pour ouvrir le vrai progrès. Ainsi, nous étions pleins d’espérance, d’enthousiasme, et aussi de volonté de faire notre part pour cela" (fin de citation). Et Dieu sait que ce qu'il décrit là au pluriel par modestie, le concernait lui personnellement, c'était le fond de son âme, qu'on ne peut manquer de trouver édifiant.
           
        Cependant qu'il est, concrètement, dans l'erreur la plus totale dans son analyse, erreur dont il n'est pas besoin de dire qu'il ne s'en rend absolument pas compte. Si en effet, le constat qu'il fait que l'Église, dans les années 1960, "n'avance pas, se réduit, semble une réalité du passé et non porteuse d'avenir", constat parfaitement lucide et exact, c'est en fait parce qu'elle est déjà rentrée dans l'économie de la Passion, et ce, bien avant les années 1960, bien avant Vatican II. Elle l'est en effet depuis plus d'un siècle et demi déjà, depuis le concordat de Pie VII avec Napoléon, qui a corrompu antéchristiquement les Mœurs de l'Église, ce dont ne prennent absolument pas conscience les modernes (et pas plus, d'ailleurs, les tradis). C'est en corrompant ses Mœurs par la pratique concordataire pontificale avec des États post-révolutionnaires constitutionnellement athées, que l'Église a subverti elle-même son message évangélique dans l'époque moderne, qu'elle est rentrée par-là même déjà dans l'économie de la Passion, et c'est la raison profonde pour laquelle elle y apparaît depuis comme languissante au niveau de sa force spirituelle, bémolisée. Car un crucifié est, avec ses proches, ses contemporains, toujours en-deçà de la vie ordinaire, et c'est cette cause première du bémol de l'Église contemporaine que ne perçoit pas du tout le moderne, à commencer par Joseph Ratzinger.
           
        Alors, se faisant illusion sur cette cause première de la situation bémolisée de l'Église contemporaine, il s'imagine qu'elle va reprendre son statut normal voire même un statut supérieur diésé, en catholicisant les principes révolutionnaires dont il veut s'imaginer qu'ils ont un fondement chrétien. Il fait donc le raisonnement absolument inverse, sataniquement contraire à la vérité, qu'il faudrait qu'il fasse : puisque l'amoindrissement de l'Église bémolisée dans la virtus de son message évangélique provenait en cause première de la prostitution concordataire de ses Mœurs avec les principes révolutionnaires qui se sont concrétisés dans les États constitutionnellement athées, alors, pour en guérir l'Église et lui donner à nouveau toute la force évangélique que l'Esprit-Saint infuse en elle, il s'agissait donc premièrement d'exorciser d'elle, d'expurger d'elle, le principe révolutionnaire épousé dans ses Mœurs par sa pratique concordataire au sortir même de la Révolution. Et non faire l'inverse, s'atteler à faire correspondre la Foi de l'Église aux mauvaises Mœurs corrompues de l'Église depuis l'immédiat sortir de la Révolution, dès 1801, en bénissant-oui-oui le mauvais principe de la Révolution, prétendant qu'il avait un fond chrétien, par tout un concile universel.
           
        Ce qui signifie que le vrai travail apostolique de l'ère moderne pour l'Église, aurait donc impérativement dû consister à Vatican II, premièrement, dans la purification publique radicale de ses Mœurs en cessant et rompant solennellement toute relation concordataire avec les États post-révolutionnaires constitutionnellement athées comme étant basés sur "les droits de l'homme" anti-Dieu, cassant strictement tous les concordats qui avaient été passés avec eux depuis le pape Pie VII, pour la raison théologique fondamentale que cesdits États, si l'on suit comme on doit le faire l'enseignement formel de saint Paul dans Rom XIII en matière politique constitutionnelle, ne sont tout simplement pas valides ni légitimes aux Yeux de Dieu, et que, subséquemment, ils ne doivent donc pas l'être non plus pour l'Église ni pour les âmes catholiques (et celles de bonne volonté) ; et qu'il est hérétique et même apostat de passer concordat avec des États qui, métaphysiquement, n'existent pas. Parce que si on fait l'inverse, comme on l'a fait ecclésialement depuis 1801 en se concordatisant-prostituant avec eux, ce qui est leur réputer validité et légitimité à cause de la structure juridique synallagmatique de tout concordat, on se corrompt, par les Mœurs pour commencer, à l'athéisme révolutionnaire. Et voilà pourquoi l'Église est, depuis lors, dans un tel état de langueur spirituelle qui va s'aggravant, le diagnostic de sa maladie grave est là, tout entier.
           
        Et donc, à Vatican II, il fallait de toute première urgence et nécessité, appliquer le seul onguent qui pouvait guérir l'Église de sa maladie qui menaçait de devenir mortelle plus le temps avançait, à savoir réadopter à nouveau les Mœurs catholiques en matière de Politique constitutionnelle, en n'acceptant plus de concordatiser uniquement qu'avec des États basés constitutionnellement sur les Droits de Dieu et de son Christ (il n'y eut qu'un concordat valide et légitime au XIXème siècle, celui passé pour l'Équateur entre Garcia Moreno et l'Église sous le pape Pie IX). Cela, certes, j'en ai parfaitement conscience, serait revenu à excommunier publiquement et solennellement tous les États modernes de la planète dans un décret conciliaire universel réunissant tous les Pères de la génération ecclésiale moderne una cum le pape actuel... puisque tous sont basés sur les "droits de l'homme" anti-Dieu post-révolutionnaires ! L'Église en serait certes devenue complètement isolée dans le monde ou plutôt dans la figure du monde qui passe, nul doute sur cela. Mais en même temps, cette vraie et seule solution du problème moderne généré par la Révolution aurait suscité un effet électrochoc salutaire pour le monde entier et l'Église en clarifiant à la face de l'univers entier la vraie situation, cela aurait considérablement étouffé "la puissance des ténèbres" et aurait, d'un seul coup d'un seul, redonner à l'Église la flamme de l'Esprit-Saint, toute la force spirituelle qu'elle avait perdue par la faute concordataire du tout premier pape venant après la Révolution, Pie VII Chiaramonti, corrompant de manière gravissime ses Mœurs. Elle serait certes repartie à zéro face au monde, mais avec la toute-Puissance du Christ pour le reconquérir librement.
           
        Mais, las !, aux antipodes de (pouvoir) comprendre cela, le moderne a donc fait le raisonnement exactement et sataniquement inverse de celui qui précède, qui était le seul bon à faire : loin de vouloir guérir les Mœurs de l'Église, corrompues par la pratique concordataire ecclésiale avec des États post-révolutionnaires constitutionnellement athées, ne prenant nullement conscience que la diminution des forces spirituelles de l'Église venait en cause première de là et de nulle part ailleurs, le moderne s'est imaginé soigner et guérir la langueur spirituelle de l'Église post-révolutionnaire, que Ratzinger constate tout-à-fait bien, en convertissant la Foi de l'Église aux... mauvaises Mœurs corrompues de l'Église post-révolutionnaire ! Alors que c'étaient elles, ces mauvaises Mœurs, qui étaient la grande cause première de sa langueur !! C'est-à-dire faire professer magistériellement le principe révolutionnaire des "droits de l'homme" par la Foi, ce qui fut éminemment fait dans le décret de la Liberté religieuse (que Ratzinger ose décrire, avec Nostra Aetate, comme étant le haut-pic de Vatican II : "De manière inattendue, on ne trouve pas la rencontre avec les grands thèmes de l’époque moderne dans la grande Constitution pastorale [Gaudium et Spes], mais bien dans deux documents mineurs, dont l’importance est apparue seulement peu à peu, avec la réception du Concile", montrant là qu'il est tout-à-fait à ranger dans la catégorie moderniste ultra... ― Vatican II vu par le jeune théologien Joseph Ratzinger, publié par le Centre diocésain d'information du Diocèse de La Réunion), alors que depuis la Révolution cedit principe révolutionnaire n'était encore pratiqué dans l'Église que par ses Mœurs. C'était donc, loin de guérir l'Église de son mal, l'aggraver considérablement, en pervertissant la Foi par la perversion des Mœurs, la crucifier définitivement sur la croix d'ignominie en n'ayant plus devant les yeux que l'étape ultime de la mort, Mœurs et Foi étant dorénavant contaminées, alors que, dans tout le XIXème siècle et au début du XXème, l'Église ne faisait encore que gravir le chemin du calvaire en portant sa croix mais sans encore y être crucifié. La corruption des Mœurs passant dans la Foi de l'Église, convertissant par décalcomanie la Foi de l'Église, sera très-explicitement constatée à Vatican II par le décret de la Liberté religieuse (j'explique en profondeur toute cette dynamique progressiste du mal dans l'Église, se transvasant des Mœurs dans la Foi, dans l'article suivant : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/les-moeurs-ecclesiales-concordataires-avec-les-etats-modernes-athees-partie-1?Itemid=1).
           
        Voilà donc en toute vérité ce qu'ont fait concrètement les modernes au concile Vatican II, et singulièrement Joseph Ratzinger qui en fut une cheville ouvrière très-importante : clouer définitivement l'Église sur la croix, dans l'attente du coup mortel que lui donnera l'Antéchrist-personne dans son règne maudit, lorsque la Providence de Dieu l'y autorisera. Loin de la guérir du mal qu'elle avait contracté dès le tout début du XIXème siècle en corrompant ses Mœurs par la pratique concordataire pontificale-ecclésiale avec des États démocratiques issues de la Révolution, l'Église moderne, par Vatican II, a rendu au contraire mortelle, sans issue autre que la mort, la maladie qui l'atteignait, en voulant trouver soi-disant une base chrétienne aux principes fondateurs de la Révolution qui engendreront les "filles de Babylone" (Louis Veuillot), c'est-à-dire toutes ses p... de démocraties post-révolutionnaires fondamentalement anti-Dieu, dont on voit bien à présent, je l'ai dit dans un article, qu'elles se transmuent toutes, comme tout naturellement et comme par hasard, en démonazies, ce qui s'est singulièrement vu, pour ceux qui ont des yeux pour voir, dans la gestion de la crise du Covid (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/reflexions-sur-le-nazisme-universel-contemporain-encore-dit-democratie-universelle?Itemid=1 ― À mon sens, soit dit en passant, nul n'a mieux défini ce qu'est, dans son fondement métaphysique essentiel, la Démocratie moderne post-révolutionnaire, que le penseur colombien Nicolás Gómez Dávila, 1913-1994, qui l'a superbement formulé ainsi : "une religion anthropothéiste dont le principe est une option de caractère religieux, un acte par lequel l’homme se regarde comme étant Dieu").
           
        Or, il est radicalement impossible de christianiser, comme les modernes ont voulu le faire à Vatican II, ce principe luciférien de l'homme qui se fait Dieu, comme a voulu le croire Paul VI dans l'utopie la plus totale et la plus mortifère, résumant lapidairement toute la pensée ecclésiastique des modernes qui est aussi celle qu'exprime Joseph Ratzinger, dans son discours de clôture du concile Vatican II le 7 décembre 1965, que Ratzinger-Benoît XVI évoque d'ailleurs (mais aussi, il suffit de lire en entier ce Discours, pour prendre acte qu'il est le plus saintement inspiré d'une bonne intention) : "La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l'homme qui se fait Dieu. Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l'a envahi tout entier" (fin de citation). Le problème, c'est que le bon Samaritain a fait la charité à un homme et non à une mauvaise doctrine, le raisonnement de Paul VI était donc tout faux partout...
           
        Il n'est pas besoin de chercher plus loin pour bien asseoir la réalité de l'inadvertance complète des Pères de Vatican II, singulièrement celle de Joseph Ratzinger qui deviendra le pape Benoît XVI, qui occupe plus spécialement mon présent article.
           
        Mais cette inadvertance des papes modernes, couplée à une autre réalité, celle de la doctrine antichristique que cesdits papes promeuvent en Église, fait vivre à cette dernière (et mourir en même temps), sa propre et personnelle Passion,
           
        "LA PASSION DE L'ÉGLISE".
           
bon Pasteur chapelle du Carme Marienthal Alsace
           
        Je crois que j'arrive à la fin de mon "discours de la méthode".
           
        Je ne saurai le terminer sans dire mon scandale profond et encoléré de la cérémonie bâclée des obsèques du pape Benoît XVI, c'est-à-dire aborder le "secondement" du malgré tout de mon titre. Tout le monde, même les modernes, a remarqué ce bâclage, ce saccage même, visiblement voulu et qui ne pouvait qu'être savamment préparé, et qui ne pouvait l'être évidemment que par le pape François qui en est le grand responsable. Et cela a montré, une fois de plus, une fois encore, de quoi cet énergumène pontifical, pardon, est capable...
           
        Son homélie, en particulier, qui a voulu donné le ton à toute la cérémonie, fut d'une platitude uniforme prodigieuse, qui n'a pu qu'être très-étudiée. Pas seulement sur le fond mais sur la forme, bonasse, ton monocorde, unicorde avec étouffoir, recto tono, banalisée et désacralisée au maximum dans un souffle mourant, chaque mot sortant de la bouche de François comme s'il était impossible qu'il ne soit pas le dernier, homélie récitée avec un esprit affiché volontairement à cent mille lieues des obsèques, la vérité est ailleurs, comme si son discours concernait un defunctus que François n'aurait pas du tout connu, bref, exactement comme si on assistait à l'enterrement d'un chien quelconque écrasé et laissé pour compte sur le bord de l'autoroute, que même la SPA aurait dédaigné de réclamer...
           
        Quant au fond, au texte de l'homélie, François a sûrement dû la travailler dur-dur pour arriver à ce résultat monstrueusement insignifiant. Ce pape crucificateur a réussi ce tour de force de n'y faire strictement aucune allusion à Joseph Ratzinger-Benoît XVI, sauf le mot "frère" lancé en l'air comme par hasard dans le discours avant de retomber complètement à plat, et une vague phrase en finale, comme un appendice mis là presque pour être opéré ! Un vrai scandale, étant donné la place très-importante de Joseph Ratzinger dans l'Église contemporaine ; un canevas même à grosses mailles de sa place dans l'Église contemporaine aurait pourtant été juste le a minima décent pour honorer l'église romaine dont il fut le pape. Mais non, l'homélie fut juste de la pseudo-spiritualité bâclée passée à la moulinette, des phrases tricotées dans le surréalisme évanescent, sans aucun effort de liaison logique entre elles, sans parler des nombreux couples de mots au sens absurde et ridicule. Une vraie homélie stalinienne, pour enterrer un défunt haï dont on a ardemment souhaité la mort depuis (trop, beaucoup trop) longtemps.
           
        ... Vous croyez que j'exagère ? Alors, lisons ensemble un peu cette homélie scandaleuse, qui, de près ou de loin, ne fit aucune allusion au parcours de vie de Joseph Ratzinger devenu le pape Benoît XVI, même pas sur un simple plan spirituel, il fallait le faire.
           
        Après nous avoir dit que le Christ s'est remis aux mains de son Père, on nous dit que cela L'a poussé à se remettre aux mains de ses frères (...?) pour s'ouvrir aux "histoires qu'Il rencontrait sur son chemin" (!!). On est là en plein délire moderniste imbécile : au moment de sa mort, le Christ, après s'être remis aux Mains de Dieu, son Père et le nôtre, "a été enseveli, est descendu aux enfers" (Credo), c'était terminé pour Lui les chemins de Jérusalem, de Capharnaüm ou d'ailleurs, et celui d'Emmaüs, après sa Résurrection, n'était pas encore programmé. Ce n'est là que verbiage insipide et surtout doctrinalement absurde. Mais, dans la foulée, on nous apprend vite que les mains du Christ ont été rongées (sic !) par l'amour. Que signifient bien, sur le plan spirituel, des mains rongées par l'amour ?!? Rongé, c'est négatif ; l'amour, c'est positif. Des mains ne peuvent donc pas être négativement rongées par l'amour qui est positif. Continuation de l'absurdité surréaliste de jean-foutre, du vrai foutage de gueule, et vu le contexte où elle est proférée inconsidérément, cela confine vraiment au blasphème.
           
        "«Père, entre tes mains je remets mon esprit» est l’invitation et le programme de vie qui murmure et veut modeler comme un potier (cf. Is 29,16) le cœur du berger, jusqu’à y faire palpiter les mêmes sentiments que le Christ Jésus". Zut. Cela fait plus d'un quart d'heure que j'y suis, ma cervelle commence à chauffer, et je n'arrive toujours pas à saisir le sens spirituel de cette phrase qui n'a pas de lien logique quant à l'idée exprimée. Qu'est-ce que c'est qu'un programme de vie qui murmure ?!, le cœur du berger qui palpite !? Des enfilades de mots émotionnels mais sans aucun sens surnaturel véritable et authentique, juste là pour en donner un semblant d'impression. On est dans le mode surréalisme-impressionnisme pseudo-spirituel bergoglien...
              
        Dans la suite, on apprend que le Seigneur... susurre. Continuation de l'exercice littéraire esthétique de pacotille. Mais... courage ô mon âme !, ne boude surtout pas ton plaisir, goûte encore suavement "le dévouement priant, silencieusement modelé et affiné entre les carrefours et les contradictions que le berger doit affronter" (??!). Plus loin, je ne vois pas ce que signifie "les fatigues de l'onction" (et sûrement que le pape François ne le voit pas non plus). Je pousse mon héroïsme jusqu'à : "Dans cette rencontre d’intercession, le Seigneur continue à générer la douceur capable de comprendre, d’accueillir, d’espérer et de parier au-delà des incompréhensions que cela peut provoquer". Rencontre d'intercession, de qui, de quoi ?, des incompréhensions, de qui, de quoi ? Cela n'est pas dit, et donc, le discours est incompréhensible. Tout cela n'a aucun sens, in the contexte et hors-contexte, c'est jeté en l'air n'importe comment pour occuper l'espace-son, le temps que d'autres alliages de mots aussi insensés soient lancés dans le vent au lance-pierre (sans jeu de mot !) pour les remplacer, jusqu'à ce que le temps imparti pour l'homélie soit (enfin) rempli...
           
        On m'épargnera le reste. Et la dernière phrase, très-souhaitée, arrive enfin en forme de cheveu sur la soupe vraiment immangeable, imbuvable : "Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix définitivement et pour toujours !"
           
        Bref, on ne peut se déprendre d'une sainte-colère parce qu'on voit très-bien que le pape François, dans cette incroyable homélie, voulait parler pour ne rien dire. Il s'y est livré à un exercice de langue de buis pseudo-spirituelle tout-à-fait remarquable, mais tout-à-fait scandaleux vu le défunt pour lequel il prononçait son homélie. Circulez, y'a rien à voir, surtout pas Joseph Ratzinger ni Benoît XVI, en résume le fond et la forme.
           
        Cette scandaleuse homélie ne faisait qu'être la devanture de la cérémonie, sa vitrine publicitaire. Tout le monde a remarqué le bâclage, le saccage, le sabotage, le réductionnisme à outrance voire le jean-foutisme de la cérémonie, visiblement volontairement organisés, et un seul n'en pouvait qu'être le maître d'œuvre, suivez mon regard.
           
        Voici par exemple comment un chroniqueur, sur le site SilereNonPossum.it, a listé les camouflets de la cérémonie :
           
        "-Le maître de cérémonie de François, le père Diego Ravelli, s'est efforcé de convaincre François de ne pas quitter la place Saint-Pierre avant que le cercueil de Benoît XVI ne soit porté dans la basilique. Cependant, François a catégoriquement refusé d'être présent lors de l'enterrement dans les grottes de Saint-Pierre.
           
        "-À l'origine, François voulait que les funérailles soient «comme celles d'un cardinal, rien de plus».
           
        "-Alors que l'Italie, l'Espagne et la Grande-Bretagne ont mis leur drapeau en berne après la mort de Benoît XVI, François ne voulait «aucun deuil» au Vatican.
           
        "-François a fait croire que seules deux délégations d'État seraient présentes. En réalité, de nombreuses personnalités de haut rang étaient présentes, mais [à cause de son refus, n'ont pu l'être qu'] à titre personnel. La Secrétairerie d'État leur a demandé d'assister sans tenue de gala mais ils n'ont pas obtempéré [et ont donc pris la tenue de gala] car ils l'auraient fait aussi pour les funérailles d'un simple cardinal.
           
        "-La Secrétairerie d'État a dit à ses journalistes judiciaires d'édulcorer les déclarations de l'archevêque Gänswein.
           
        "-François voulait enterrer Benoît en pleine terre, mais le dernier souhait de Benoît de reposer dans l'ancienne tombe de Jean-Paul II a été connu, ce qui a obligé François à céder.
           
        "-Le Governatorato n'a fait aucun plan pour les funérailles. Ce n'est qu'à la dernière minute qu'il a organisé un parking pour les participants de haut rang.
           
        "-François voulait quitter les funérailles le plus vite possible et a dit à quelqu'un à côté de lui : «Il fait froid»" (cf. https://gloria.tv/post/KkHkqZ2q39af39CKS3M8EiJhe).
           
        ... Je rajoute à ce listing scandaleux l'attitude de François lorsque, à la fin de la cérémonie, les porteurs funèbres ont arrêté le cercueil devant lui : il a, de l'air le plus bougon et constipé qu'il a pu prendre, comme s'il accomplissait un devoir honteux, pénible et insupportable, posé lourdement et en pataud sa main sur le cercueil sans lui faire... la moindre bénédiction ! Un simple laïc, même Grosjean l'idiot du village, aurait pensé à faire, à tout le moins, un signe de croix, mais lui, le pape en exercice, qui représentait toute l'Église devant toute l'Église, n'a pas fait le moindre signe chrétien sur la dépouille de son immédiat prédécesseur sur le Siège de Pierre arrêtée devant lui, avant qu'elle ne pénètre définitivement dans les grottes du Vatican, ni signe de croix ni surtout bénédiction pontificale !!!
 
        Pendant toute la cérémonie, le 5 janvier donc, il a pris un air fatigué, tellllement fatigué, dégoûté, abattu, triiiiiste. Mais dès le lendemain matin 6 janvier, il affichait au balcon de Saint-Pierre un sourire épanoui et éclatant, visiblement en pleine forme...!
           
        Un chroniqueur en a publié les photos révélatrices, puis de les commenter avec justesse : "Des funérailles expédiées en moins de deux heures, on n’avait encore jamais vu cela pour l’enterrement d’un Souverain Pontife, ne fut-il que «Pape émérite». Mais avec François on peut s’attendre à tout et nous ne sommes jamais déçus. En colère, tristes, scandalisés même, mais jamais déçus.
           
        "[le 6 janvier, il semblait] être heureux comme un pinson de ne plus avoir à supporter, derrière lui, au-dessus de lui ?, ce pape horriblement conservateur [hum !] qu’il vient d’expédier dans sa tombe sans un mot de compassion, sans une note sur sa vie, rien [dans son homélie scandaleuse, comme on vient de le voir, en effet]. Juste une fois, une toute petite fois, a-t-il accepté de prononcer le nom du Pape défunt. (...) La raison de cette embellie papale [du 6 janvier ne serait-elle pas que] : «Maintenant, il a les coudées franches». Ce qui n’augure rien de bon pour tout ce qui ressemble de près, ou de loin, à la Tradition…" (cf. https://www.medias-presse.info/francois-epuise-par-les-courtes-funerailles-de-benoit-xvi-et-joyeux-comme-un-pinson-le-lendemain-au-balcon/169081/).
 
 
funerailles et scandales benoit xvi   funerailles benoit xvi 06 1 2023
                      Le 5 janvier...                                               ... le 6 janvier
       
        Le lendemain même de cet articulet, un autre chroniqueur, l'ayant lu et vu ces photos où le pape François affiche sans retenue aucune son dégoût et sa prétendue grande fatigue lors des obsèques de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, puis montre un sourire épanoui et éclatant dès le lendemain, Jean qui pleure-Jean qui rit, en a été scandalisé, et commente plus encore en profondeur, de son côté :
           
        "Le cœur mesquin du Pape François.
           
        "Les personnes médiocres s’entourent de personnes plus médiocres qu’elles afin de pouvoir les manœuvrer à leur guise et de dissimuler leur propre médiocrité. C’est ce que Bergoglio a fait dès qu’il a accédé au trône papal. Et cela a été démontré pour la énième fois avec la mort du pape Benoît XVI.
           
        "Je résume ici certains des événements de ces derniers jours, pour la plupart anecdotiques, mais qui révèlent l’âme et la mesquinerie du pape François. Certains sont publics ; d’autres, en revanche, m’ont été confiés par des sources discrètes qui arpentent les couloirs du Palais sacré.
           
        "Avant même que la nouvelle de la mort de Benoît XVI soit connue, des ordres étaient déjà partis de Santa Marta : le travail continuerait comme d’habitude au Vatican. En d’autres termes, «il ne s’est rien passé ici». Ceux qui travaillent au Saint-Siège (clercs et laïcs) ont fait savoir que s’ils ne suspendaient pas leurs activités pour pouvoir assister au moins à la messe des funérailles, ils prendraient tout de même un jour de congé. Santa Marta a alors dû faire un compromis : ils seraient autorisés à assister à la messe mais seulement jusqu’à 13 heures. Ensuite, ils ont dû retourner au travail.
           
        "Aucun deuil officiel n’a été déclaré dans la Cité du Vatican, ses bureaux à l’étranger ou ses nonciatures. On ne sonnerait pas les cloches pour les morts et on ne mettrait pas les drapeaux en berne. Ce dernier détail a été une grande surprise. Tout pays connaît cette mesure de deuil lorsqu’une personne relativement importante meurt. Pour le Vatican et la cour du pape François, le pape Benoît XVI ne l’était pas. Curieusement, l’État italien et la Grande-Bretagne ont ordonné que leurs drapeaux soient mis en berne le 31 décembre.
           
        "On a répété à l’envi dans les palais sacrés que l’ordre était de continuer comme si de rien n’était. C’est pour cette raison que, mercredi, le pape François a tenu son audience générale comme à l’accoutumée, alors qu’à quelques mètres de là gisait le corps pas encore froid de son prédécesseur. Et il n’a fait qu’une seule référence à lui, le qualifiant de «grand maître de la catéchèse».
           
        "De nombreux cardinaux et évêques ont été déçus de ne pas pouvoir se joindre au cortège qui a transporté la dépouille du pape défunt du monastère Mater Ecclesiae à la basilique Saint-Pierre. Dans tout pays, dans toute monarchie, cette procession revêt une solennité particulière et austère, même lorsqu’il ne s’agit pas du décès du monarque régnant (rappelez-vous le cas de Don Juan de Borbón, ou de la reine mère d’Angleterre ou du prince Philip d’Édimbourg). La dépouille mortelle de Benoît XVI a été transportée dans une camionnette grise. Ni François ni le cardinal-vicaire n’ont présidé le cortège. Derrière le SUV se trouvaient simplement Mgr Georg Gänswein et les memores, les femmes qui l’ont assisté ces dernières années. Dans la curie, cela a été très mal perçu : «On ne fait pas cela même à un voisin du plus petit village d’Italie», a-t-on dit.
           
        "L’une des choses qui a le plus frappé les membres de la Maison pontificale et d’autres bureaux de la Curie qui se sont rendus à la chapelle funéraire, c’est le nombre de jeunes prêtres (plusieurs centaines) venus faire leurs adieux au Pape Benoît en portant la soutane. (...) Dans le même ordre d’idées, le nombre de jeunes et de familles avec enfants qui sont venus de loin pour voir le pape Benoît était très impressionnant.
           
        "L’une des choses qui a le plus agacé les évêques et les cardinaux présents a été l’attitude indolente du cardinal Gambetti, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre. Son attitude froide et mécanique lors de la célébration du premier service funèbre (et la voix d’un prêtre récitant que l’on pouvait entendre) et son manque de prévoyance pour de nombreux détails ne sont pas passés inaperçus. Tout aussi révoltante a été la présence d’Ettore Valzania, mécanicien dentaire de profession, que le cardinal a lui-même nommé gestionnaire de la basilique, et qui s’est promené à l’intérieur de la basilique pendant les trois jours, vêtu d’un jean, alors qu’il recevait cardinaux et chefs d’État. Cet obscur et vulgaire personnage était chargé, entre autres, de faire en sorte que les fidèles ne puissent s’arrêter plus de deux ou trois secondes devant le corps exposé du pape défunt, sans pouvoir dire une prière devant lui. N’aurait-il pas été possible, par exemple, de prolonger les heures d’ouverture de la basilique Saint-Pierre ?
           
        "Le pape François était déterminé à se retirer dans ses quartiers de Santa Marta dès la fin de la messe funéraire. Deux de ses plus proches collaborateurs ont dû insister fortement pour lui faire voir l’inopportunité du geste. Finalement, il a accepté de voir le cercueil du pape Benoît dans l’atrium de la basilique Saint-Pierre, dépouillé de ses vêtements pontificaux. Et il a refusé catégoriquement d’accompagner le cortège jusqu’à la crypte et d’y célébrer les derniers sacrements, qui ont été pris en charge par le cardinal Re, doyen du Sacré Collège.
           
        "De nombreux évêques et cardinaux du monde entier venus faire leurs adieux au pape émérite ont été étonnés (et l’ont fait savoir à leurs proches) par l’indolence des gestes et des paroles du pape François à l’égard de son prédécesseur [très-notamment donc, lors de son homélie, qui ne pouvait que scandaliser tout le monde, en effet, tant par le fond que par la forme].
           
        "(...) Dès que la mort de Benoît XVI a été connue, Santa Marta s’est empressée de dire que, en raison d’un souhait douteux du défunt, seules les délégations officielles d’Italie et d’Allemagne seraient présentes. Le problème est survenu mercredi [la veille de la cérémonie des obsèques], lorsque le Secrétariat d’État a découvert à son grand étonnement qu’un très grand nombre de délégations gouvernementales de différents pays seraient présentes à titre personnel. La nouvelle était tellement inattendue que ce n’est qu’en fin de journée que le Gouvernorat a donné l’ordre aux fonctionnaires respectifs de prévoir des places de parking pour les véhicules officiels qui transporteraient les dirigeants et les ministres.
           
        "Le Secrétariat d’État a officiellement informé les pays qui envoient des délégations que leurs représentants devaient s’abstenir de porter une tenue formelle. Cela a été une surprise, car même dans le cas des funérailles des cardinaux, ce type de tenue est utilisé. Même ces honneurs ont été refusés au pape Ratzinger.
           
        "Nous connaissons bien le bois dont sont faits les journalistes, mais quelques-uns conservent une certaine honnêteté. La vulgate qui a couru dans les salles de presse du monde entier, et dans la salle de presse du Saint-Siège lui-même, était que le pape Benoît était toujours un pontife distant, détesté ou indifférent au peuple chrétien. Beaucoup d’entre eux ont reconnu tranquillement leur erreur de jugement lorsqu’ils ont vu le nombre énorme et surprenant de personnes qui sont venues à la basilique Saint-Pierre ces derniers jours. En fait, le nombre de chaises qui ont rempli la place Saint-Pierre pour la messe des funérailles n’avait été égalé que lors de la messe inaugurale du pontificat de François" (cf. https://www.medias-presse.info/caminante-wanderer-scandalise-par-les-funerailles-de-benoit-xvi-titre-le-coeur-mesquin-du-pape-francois/169126/).
           
        ... Non, franchement, le pape Benoît méritait tout-de-même autre chose que ce coup de pied de l'âne hargneux, dur, haineux et méchant, que lui a décoché le pape François à ses obsèques. Avec François, il faut hélas dire qu'on n'est plus en présence de la mule du pape, c'est le pape lui-même qui est la mule, rancunière et vindicative à souhait, comme dans la fable d'Alphonse Daudet, sauf le respect que je dois à la fonction pontificale (même quand c'est François qui remplit le Siège de Pierre).
           
        En vérité, je ne lui trouve, dans toute l'Histoire ecclésiastique, qu'un pontife aussi énergumène que lui, à savoir, Paul IV Carafa, le géniteur de la fumeuse bulle dont se gargarisent religieusement et rituellement les sédévacs tous les matins à jeun, avant de prendre leur petit-déjeuner...
 
bon Pasteur chapelle du Carme Marienthal Alsace        
        Mais éteignons vite les flammes Boanergès allumées dans notre âme par les indignités du pape François, repartons sur du sérieux, sur le fond spirituel dramatique, tragique, de notre "crise de l'Église", pour conclure.
           
        L'époque de la fin des temps, que nous vivons et mourons à la fois, est celle où "Dieu a tout enfermé dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous" (Rom XI, 32 ― La Vulgate donne "incrédulité" au lieu de "désobéissance" employé par Crampon ; le sens en est de toutes façons semblable, et veut signifier que l'homme est en-dehors de la voie de Dieu). Or, si nous n'embrassons pas la totalité spirituelle du Plan divin dans cette fin des temps, alors, nous serons inéluctablement et invinciblement acculés au désespoir, ne retenant que le premier élément qui caractérise la fin des temps, à savoir que "Dieu a tout enfermé dans la désobéissance". Il faut faire l'effort surnaturel de s'élever dans la Foi pour comprendre qu'à la fin des temps, lorsque tout, absolument tout, même le Siège de Pierre, est "enfermé dans la désobéissance", c'est seulement "pour faire miséricorde à tous".
           
        Remarquons bien que saint Paul, juste avant cette phrase, évoquait la conversion des Gentils générée par l'incrédulité des juifs, puis ensuite, il prédit la conversion de ces juifs eux-mêmes, ce qui doit avoir lieu à la fin ultime des temps, afin que tous soient en fin de compte mis dans l'ordre du salut universel proposé à chacun et à tous ("De même donc qu'autrefois vous-mêmes [les romains, les Gentils] vous n'avez pas cru à Dieu, et que vous avez maintenant obtenu miséricorde à cause de leur incrédulité [celle des juifs] ; eux de même n'ont pas cru maintenant, à cause de la miséricorde dont vous avez été l'objet, afin qu'eux aussi ils obtiennent miséricorde" ― Rom XI, 30-31). Saint Paul, en parlant des juifs et des Gentils et de leur sort à la fin des temps, parlait en fait du monde entier, et notons bien que c'est ce même monde entier, récapitulé dans les juifs et les Gentils, qui a crucifié le Christ et qui l'a fait dans l'inadvertance, ainsi que, après le Christ en croix, nous l'a enseigné saint Pierre dans les Actes ; et cette même inadvertance caractérise le monde entier de notre fin des temps crucifiant cette fois-ci le Christ dans son Église.
           
        Et c'est pourquoi, en notre dramatique fin des temps, il sera fait miséricorde à tous (du moins en droit, car tous et chacun demeurent libres dans leur libre-arbitre, d'accepter ou de refuser le merveilleux Plan de salut du Bon Dieu qui veut faire miséricorde à tous). Ce Plan divin remplit saint Paul d'émerveillement, de gratitude et d'un immense élan d'amour envers ce Dieu qui est si bon, et cela doit être aussi notre sentiment de Foi, d'Espérance et de Charité, actuellement. Après avoir en effet résumé son enseignement en nous disant lapidairement que "Dieu a tout enfermé dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous", il laisse tout-de-suite échapper son cri de joie, éclater son admiration de ce Plan divin qui montre l'Amour salvifique de Dieu pour tous les hommes : "Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Que Ses jugements sont incompréhensibles, et Ses voies impénétrables ! Car qui a connu la pensée du Seigneur ? ou qui a été Son conseiller ? Ou qui Lui a donné le premier, et recevra de Lui en retour ?" (Rom XI, 33-35).
           
        On ne saurait donc être étonné que la Reine des prophètes, à Fatima, épouse elle aussi, elle la première, ce merveilleux Plan divin de salut universel, lorsqu'elle enseigne aux petits bergers, par l'ange du Portugal, de dire souvent la prière suivante : "... prenez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde", c'est-à-dire très-concrètement, les âmes qui sont le plus rigoureusement et invinciblement enfermées, cadenassées, dans la désobéissance, dans l'incrédulité... comme celles des papes modernistes de notre temps de la fin !! C'est bien pourquoi, à propos de ces papes modernistes qui infestent certes notre pauvre Église contemporaine, la menant irréversiblement à la mort, il faut bien se retenir de les juger, tout en nous gardant bien sûr de leur perversité doctrinale : "Ne jugez point, afin que vous ne soyez pas jugés. Car vous serez jugés selon que vous aurez jugé, et on se servira envers vous de la même mesure dont vous vous serez servis" (Matth VII, 1-2). Enseignement divin que saint Luc consigne, lui aussi, dans son Évangile : "Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez point, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez point, et vous ne serez pas condamnés" (Lc VI, 36-37).
           
        Là est le devoir de Foi fondamental, me semble-t-il, en notre temps de la fin où toutes les âmes, sans forcément faute ou coulpe de leur part, sont sous "la puissance des ténèbres", "enfermées dans la désobéissance, l'incrédulité", "faites péché pour le salut", dans une "si grande contradiction".
           
        Je ne peux m'empêcher de finir ce grand article, où l'on ne peut manquer de voir très-bien, à propos de la personne de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, que le moins se mélange inextricablement au plus, le négatif au positif, par un tout petit panégyrique à son intention, ne serait-ce que pour contribuer à réparer l'offense grave qui lui a été faite par le pape François dans l'homélie de ses obsèques. Je rappellerai pour cela ce que j'avais écrit de lui il y a plus de trois ans maintenant, le 30 mai 2019, lorsque je rédigeai mon article Sommes-nous dans le cas d'un pape hérétique ou d'une Église hérétique...?! : "... Benoît XVI est une âme attachante et émouvante. Ce bulldozer de la pensée est un allemand et, inné en lui, il a la qualité du génie catholique allemand, à savoir une spiritualité chaude et cordicole, fondée sur l'amour mystique et vécue concrètement, toute empreinte d'une ferveur simple, humble, familiale et communicative. Malheureusement, Joseph Ratzinger est né à l'époque des faux-prophètes, et il a ingurgité, dans tout l'élan généreux et fervent de sa jeunesse sacerdotale, le poison moderniste, qui a perverti son grand esprit, il semble bien, hélas, à jamais quant à cette terre" (c'est malheureusement vrai, il n'a jamais voulu ou pu s'exorciser de Vatican II, comme par exemple l'a fait Mgr Viganò).
           
        Je complèterai ce que j'écrivais là il y a plus de trois ans en disant que, certes, Joseph Ratzinger fut un très-grand esprit, un de ses condisciples lorsqu'il était encore séminariste ne l'avait-il pas baptisé "Mozart de la pensée", mais hélas, un grand esprit brassant et se jouant des contraires peut arriver à ne plus s'y retrouver dans les choix fondamentaux au moment précis où il faut les faire hic et nunc, là où un enfant du 1er catéchisme s'y retrouverait sans même réfléchir. Personne, à ma connaissance, n'a mieux décrit cette faille des grands intellectuels que Montaigne, lorsqu'il évoqua lapidairement "ces infinis esprits qui se trouvent rognés par leur propre force et souplesse". Joseph Ratzinger-Benoît XVI a par exemple toujours voulu présenter Vatican II comme un laboratoire extraordinaire de pensées les plus surnaturellement constructives, positives, alors que ce n'était en vérité que bouillon de cultures en forme de tête-de-mort où fermentaient très-dangereusement les idées hétérodoxes les plus mortifères pour la vie de l'Église et des âmes...
           
        Et puis, et enfin, maintenant qu'il est parti dans l'Au-delà, on ne peut s'empêcher de se demander, après cette incroyable situation d'un pontificat en bi-double avec François qui a duré huit longues années, dont j'avais fait plusieurs articles pour essayer de bien la cadrer dans "LA PASSION DE L' ÉGLISE" : quel va être le prochain avenir de l'Église après sa mort ?
           
        J'avais déjà évoqué cette grande question, c'était dans un autre article Une très-bonne nouvelle !!!, écrit il y a un peu moins de deux ans maintenant, le 19 mars 2021, et il me semble que je n'ai guère, pour les présentes, qu'à recopier ce que j'y écrivais, toujours aussi valable pour nos jours : "... Mais alors ? Que se passera-t-il lorsque le pape crucifié mourra ? La chose la plus simple du monde : le pape crucifié disparaissant, il ne restera plus dans l'Église actuelle, à l'heure où elle vit la Passion du Christ, que... le pape crucificateur, en l'occurrence François. Plus rien, alors, ne semble pouvoir retenir l'arrivée de l'Antéchrist-personne sur le Siège de Pierre, comme l'avait si bien prophétisé la très-sainte Vierge Marie à La Salette, et comme si peu de catholiques l'ont compris, même à présent alors que la terrible et affreuse prophétie achève de se réaliser hic et nunc concrètement sous leurs yeux obscurcis : «Rome perdra la Foi, ET DEVIENDRA LE SIÈGE DE L'ANTÉCHRIST».
           
        "On voudra me voir pousser les choses à fond : est-ce à dire que dès la mort du pape Benoît, puis celle du pape François (... ou sa démission ; ce qui serait étonnant, car François a un tempérament de dictateur et les dictateurs ne démissionnent pas...), autrement dit, dès après la disparition des papes en bi-double que nous avons actuellement et vivant l'ultime moment de la Passion de l'Église, l'Antéchrist-personne fera immédiatement irruption pour envahir le Siège de Pierre ? Réponse : je n'en sais rien, nous n'en savons rien, personne n'en sait rien, Dieu seul le sait, et cela me suffit et cela suffit aux âmes chrétiennes. Il est possible, selon la Volonté divine, que l'Église achève encore de mourir avec un seul pape crucificateur, avec François, encore un certain temps... pour que l'Écriture s'accomplisse. Jésus n'est pas mort tout-de-suite, sur la croix. Il serait même possible, pour que le cauchemar soit complet, qu'il y ait encore à venir un autre pape de l'Église après François, ... crucificateur ?, crucifié ?, les deux à la fois cette fois-ci ?, avant que l'Antéchrist-personne n'envahisse définitivement le Siège de Pierre et ne fasse mourir l'Épouse du Christ dans son économie de salut actuelle, dite du Temps des nations et de Rome son centre. Ce que nous savons en toute certitude, et c'est le plus important, c'est que le Bon Dieu nous donnera la force, si nous le voulons, de tenir bon dans la Foi afin d'être sauvés, jusqu'à la fin ultime" (fin de citation).
           
        Que le Bon Dieu accueille par sa grande miséricorde dans son Paradis éternel, celui dont la dernière parole terrestre, fut : "Jésus, je T'aime !"
           
        On a vu une banderole "Santo subito" parmi la foule, lors de ses obsèques, comme avec Jean-Paul II. Je crois, en effet, qu'on va probablement assister dans les prochains mois à un mouvement dans l'Église actuelle vers sa canonisation.
           
        Mais je crois extrêmement plus fort encore qu'il a vraiment besoin de nos prières pour monter au Ciel.
           
        C'est pourquoi, ayant eu quelque petite rentrée d'argent dernièrement, je suis heureux de pouvoir lui offrir une messe à l'intention de son repos éternel en Dieu.
           
        Que le pape Benoît XVI, MALGRÉ TOUT, repose en paix dans le Christ !
           
        Amen.
 
En la fête de la Conversion de saint Paul,
l'Apôtre des nations,
Ce 25 janvier 2023.
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
 
 
 ConversionSaintPaul
 
 
 
 
 
25-01-2023 11:36:00
 

Un complément d'antidote contre l'hérésie sédévacantiste, par... saint Bernard de Clairvaux

18-12-2022 15:30:00
 

La fable sédévacantiste mensongère de la bulle de Paul IV et de son contexte historique

 
 
 
La fable sédévacantiste mensongère
de la bulle de Paul IV
et de son contexte historique
 
           
            "Tu es maître en Israël,
et tu ignores ces choses ?"
(Jn III, 10)
           
        "Au sens premier, le mot «fable» désigne l'histoire ou l'enchaînement d'actions qui est à la base d'un récit imaginaire, quel qu'il soit" (Wikipedia). "Récit, propos mensonger, histoire, allégation inventée de toutes pièces" (Larousse). Bref, on l'a compris : la fable fait vivre celui qui la fabrique et celui qui l'écoute dans un univers faux et phantasmatique, qui ne pose pas les pieds par terre dans le réel, elle le fait vivre dans une sorte de... métavers, dirait-on de nos jours antéchristisés qui se dirigent tout droit vers l'enfer virtuel du règne de l'Antéchrist-personne.
           
        Comme chacun sait parmi les catholiques qui se sont méritoirement souciés de "la crise de l'Église", la bulle de Paul IV (Cum ex Apostolatus, du 15 février 1559) est agitée comme gonfanon de combat par les sédévacantistes. Le malheur pour eux, c'est qu'ils lui font dire n'importe quoi, tirant d'elle par exemple un prétendu argument dogmatique pour leur mauvaise cause de soutenir un soi-disant droit de déchoir de leur propre autorité les papes vaticandeux, argument qui, en réalité, n'existe nullement, n'étant rien d'autre que de la poudre de perlimpinpin. La vérité, c'est qu'ils se sont inventés une fable, ils vivent "la crise de l'Église" dans une sorte de métavers...
           
        Il ne va pas être mauvais de revisiter un peu tout cela en fichant le soc de charrue très-profond, plus encore peut-être dans le champ de l'Histoire que dans celui de la théologie, car le libre-examen hérétique de la Légitimité pontificale dans le contexte ecclésial actuel, ... on voudrait certes tellement que François ne soit pas pape !!, et donc avoir LE DROIT de déchoir ou de choisir le pape actuel qui nous convient !!, ressort périodiquement, de nos jours, de bâbord, de tribord, de poupe, de proue, pas forcément d'ailleurs où on l'attendrait, parfois à l'extérieur des murs sédévacs, extra muros, certains cardinaux conservateurs modernes n'hésitant pas même à y recourir...
 
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        C'est la Foi qui fait le pape, est le raisonnement de base du sédévacantiste, ou pour mieux dire son seul raisonnement. Or, c'est un raisonnement théologiquement faux, à la racine, in radice. En effet, ce n'est pas premièrement la Foi qui fait le pape, c'est l'Église Universelle qui fait le pape, plus précisément dit : c'est la désignation par l'Église Universelle d'un tel comme vrai Vicaire du Christ qui le fait pape actuel certainement légitime. Et parce qu'il est certainement le pape légitime actuel puisqu'il est désigné par l'Église Universelle pour l'être, alors il ne peut qu'avoir la vraie Foi, à tout le moins quant à son Magistère pontifical (car, mais ce n'est qu'un cas d'école purement hypothétique et qui n'est jamais arrivé, il est théologiquement possible de supposer un hérétique occulte en son privé pouvoir être vrai pape, le Saint-Esprit l'empêchant de transvaser dans le for public magistériel l'hérésie qu'il couve dans son for privé, du moment qu'il est toujours le sujet désigné par l'Église Universelle pour être le vrai pape ; Pighius, un théologien du temps de saint Robert Bellarmin, et aussi le jésuite Laymann au XVIIe siècle, l'exposent, Laymann en particulier dit très-clairement : "Notons cependant que, bien que nous affirmions que le souverain pontife, en tant que personne privée, est susceptible de devenir hérétique et, par-là, de cesser d'être un vrai membre de l'Église, pourtant, s'il est toléré par l'Église, et publiquement reconnu comme le pasteur universel, il jouirait réellement du pouvoir pontifical, de sorte que tous ses décrets n'auront pas moins de force et d'autorité qu'ils n'en auraient s'il était vraiment fidèle" ― Theol. mor., livre II, tr. I, chap. VI, pp. 145-146).
 
        La Foi magistérielle du pape, théologiquement, est donc subséquente, seconde, par rapport à la désignation par l'Église Universelle pour décider si un tel est pape ou bien non, elle est seulement une subséquence de sa légitime désignation par l'Église Universelle pour remplir le Siège de Pierre, et non une raison première de sa légitimité.
           
        Si donc, pour rentrer dans notre apocalyptique "crise de l'Église", l'on est dans le cas d'un pape hérétique dans son Magistère, le fait qu'il n'a pas la Foi dans son Magistère n'est théologiquement pas le criterium in capite à retenir pour en déduire et professer qu'il n'est pas pape, le seul criterium à retenir pour l'affirmer serait que sa personne ne soit pas le sujet de la désignation par l'Église Universelle pour être le vrai pape actuel, ou qu'il ne le soit plus s'il l'a été, l'Église Universelle cessant à un moment donné de son pontificat suprême de le désigner pour l'être. Or, in casu, tous les papes vaticandeux, de Jean XXIII à François ont dûment bénéficié, et bénéficie toujours quant à François, de la désignation de leur personne par l'Église Universelle pour être le Vicaire du Christ actuel : ils sont donc certainement pape. La solution théologique de "la crise de l'Église" ne passe donc pas par l'illégitimité de leurs pontificats, comme le croient à tort les sédévacantistes.
           
        Voilà en effet la règle prochaine de la Légitimité pontificale, ou pour parler une langue plus moderne son criterium premier et fondamental : la désignation du pape actuel par l'Église Universelle. Et c'est une règle de droit divin absolument intangible en toutes situations (car le droit divin ne souffre aucune exception, sous peine justement, de ne pas pouvoir s'appeler droit divin), la transgresser est par le fait même, ipso-facto, détruire radicalement l'Église telle que le Christ l'a constituée il y a plus de 2 000 ans.
           
        Autrement dit, il est théologiquement complètement faux de dire qu'il suffit de constater de l'hérésie dans le Magistère d'un pape pour en déduire et professer qu'il n'est pas ou plus pape, cette proposition est théologiquement parfaitement hérétique comme supplantant l'Église Universelle, la détruisant purement et simplement dans l'âme de celui qui la professerait. Seule l'Église Universelle a pouvoir et mandat divins de déchoir un pape hérétique dans son Magistère : si elle ne le fait pas, personne ne peut le faire à sa place. Et si quelqu'un s'arroge le droit de le faire à sa place, alors il supprime l'Église Universelle. Mais que resterait-il de la Foi dans l'âme de celui qui inexisterait l'Église Universelle, laquelle est "Jésus-Christ continué" (Bossuet) ? Il n'en resterait évidemment plus rien. C'est pourtant la situation dans laquelle se place le sédévacantiste, la plupart du temps inconsciemment heureusement pour lui. On se retrouve là exactement avec le cas de figure de Luther qui prétendait faire abstraction de l'Église Universelle, se mettant antichristiquement à sa place, pour entendre la Parole de Dieu. Or, il y a des "membres enseignants" mandataires de l'Église Universelle pour dire infailliblement la Parole de Dieu et il y en a aussi pour dire non moins infailliblement qui est, ou qui n'est pas, pape, à toute heure de la vie de l'Église militante, dans son économie du temps des nations et de Rome son centre. Et en-dehors de leur enseignement, il n'y a rigoureusement aucune possibilité d'entendre la Parole de Dieu ou de savoir qui est pape ou qui ne l'est pas. Pour qu'un pape ne soit pas vrai pape, il n'y a donc qu'un seul considérant à prendre en compte, je le répète, c'est à savoir qu'il ne soit pas désigné par l'Église Universelle pour l'être, ou alors que, ayant dûment bénéficié de cette désignation par l'Église Universelle lors de son élection pontificale, elle ne soit pas tacitement reconduite ultérieurement par l'Église Universelle à un moment donné du cours de son pontificat.
           
        Le fait de voir un pape bénéficiant de la reconnaissance par l'Église Universelle de sa qualité de vrai Pontife romain actuel être cependant hérétique dans son Magistère, ne supprime donc absolument pas la certitude de sa légitimité certaine de vrai pape, verus papa, impérée par ladite désignation de sa personne pour être le vrai pape actuel de l'Église catholique, cela ne fait que montrer à tout regard que l'Église-Épouse du Christ est en contradiction avec elle-même dans ses principes constitutionnels. Et rien d'autre.
           
        Impossible, en effet, quant au pape moderne, de supprimer, soit sa légitimité certaine, soit le caractère hérétique de son enseignement magistériel, puisque tous les deux sont fondés sur deux lieux théologiques intouchables, Autorité et Vérité. Et on ne peut certes point supprimer l'Autorité au nom de la Vérité (comme le font les sédévacantistes et les guérardiens), ni non plus faire l'inverse, supprimer la Vérité au nom de l'Autorité (comme le font les lefébvristes et les "ralliés"). Nous sommes donc dans une situation apocalyptique humainement absolument incompréhensible et il ne faut pas s'étonner qu'elle en fasse déjanter plus d'un dans la Foi, par exemple mon dernier article a montré qu'elle fait moult phantasmer blasphématoirement Mgr Williamson (cf. https://eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/Un%20blasph%C3%A8me%20(s%C3%BBrement%20inconscient)%20%20de%20Mgr%20Richard%20Williamson?Itemid=1).
           
        Mais on sort du blasphème si l'on veut bien approfondir sa Foi, et la vivre jusqu'à accompagner le Christ dans sa Passion, jusqu'au pied du Calvaire Rédempteur, y compatir avec la très-sainte Vierge Marie, saint Jean et les saintes femmes. Car, de contradiction, il peut y en avoir de deux sortes dans l'Église : l'une, formelle, signifierait certes que "les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église", ce que la Foi nous enseigne bien sûr être impossible ; l'autre, simplement matérielle, signifie, radicalement aux antipodes extrêmes de la première signification, que l'Église est rentrée dans l'économie de la Passion du Christ, que saint Paul dans l'épître aux Hébreux, nous décrit comme étant une "si grande contradiction" (He XII, 3).
           
        Et bien entendu, la Foi nous enseigne que seule la seconde possibilité peut exister sans aucunement attenter aux fondements de la Constitution divine de l'Église (cf. l'exposé complet de "LA PASSION DE L'ÉGLISE", ici : https://eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf).
 
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        Après avoir posé la grande loi, la règle prochaine de la Légitimité pontificale, rentrons à présent dans le concret. Puisque l'acte de désignation par l'Église Universelle du Pontife romain actuel est la règle prochaine de la Légitimité pontificale, il nous faut maintenant dire qui a pouvoir de représenter l'Église Universelle dans cet acte de désignation du Pontife romain actuel, ledit acte étant toujours un fait dogmatique, de soi doté de l'infaillibilité. C'est le Sacré-Collège cardinalice, et lui seul, qui, dans sa majorité canonique des deux/tiers plus un, représente, en corps d'Institution, l'Église Universelle lorsqu'elle a, après la mort d'un pape, à poser cet acte de désignation sur un nouveau pape, qui devient pour toute l'orbe catholique, le Pontife romain actuel. Pour ne citer que cela ici, les papes Pie IX et Léon XIII le diront très-clairement, en ces termes dénués de toute équivoque : "Le droit d'élire le Pontife romain appartient uniquement et personnellement aux cardinaux de la Sainte Église romaine, en excluant absolument et en éloignant toute intervention de n'importe quelle autorité ecclésiastique ou de toute puissance séculière, de quelque degré ou condition qu'elle soit" (Pie IX, const. In hac sublimi, 10 des calendes de septembre 1871 & Consulturi, 10 octobre 1877 ; Léon XIII, const. Praedecessores Nostri).
           
        Puisque, pour l'acte de désignation du Pontife romain actuel, les cardinaux de la sainte Église romaine ou haut-clergé de Rome représentent dans une identité absolue l'Église Universelle, en corps d'Institution dans leur majorité canonique, et que tout ce que fait l'Église Universelle est sous mouvance directe et immédiate de l'Esprit-Saint, alors, leur acte de désignation du nouveau pontife romain est doté de l'infaillibilité. En effet, lorsque l'Église Universelle, par l'organe collectif des cardinaux, se choisit une nouvelle tête visible, elle y "engage sa destinée" (cardinal Journet, dans L'Église du Verbe incarné). Or, elle ne peut que l'engager infailliblement puisqu'en le faisant, elle est sous mouvance directe et immédiate du Saint-Esprit.
 
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        Et justement, je vais en profiter, car c'est important pour bien montrer non seulement l'inanité complète de la thèse sédévacantiste sur le plan théologique, mais encore pour montrer aussi le caractère hérétique formel de ce que va oser dire le pape Paul IV dans le § 6 de sa bulle, que nous allons voir tout-de-suite, je vais en profiter disais-je, pour faire la démonstration théologique de la note formelle d'infaillibilité dont est doté l'acte de désignation du Pontife romain actuel par le Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique, organe transparent de l'Église Universelle. Je rassure le lecteur : après l'exposé de la théorie, les choses vont devenir immédiatement très-simples, limpides, claires comme de l'eau de roche, quant à dénouer la problématique posée par la fumeuse beaucoup plus que fameuse, bulle de Paul IV qui nous intéresse (ou plutôt qui ne nous intéresse pas du tout, étant doctrinalement une des bulles pontificales les plus honteuses de tout le Bullaire romain, dans son § 6).
           
        Énoncé de la thèse à démontrer.― L'infaillibilité de la désignation du Pontife romain actuel par l'Église Universelle, dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice dans sa majorité canonique, est vérité à croire de Foi, de fide, comme étant une expression formelle du Magistère ordinaire & universel doté de l'infaillibilité. Sous peine d'anathème formel et de se mettre soi-même, en la niant, hors de l'Église, anathema sit.
           
        C'est pourquoi, pour le dire avant de rentrer dans la démonstration, il ne faut pas s'étonner de voir dans le passé des hérétiques être condamnés pour avoir voulu, quant à la Légitimité pontificale, faire passer le criterium de la Foi avant celui de l'Autorité ecclésiale posant dûment cet acte de désignation du Pontife romain actuel, car cedit acte est doté de l'infaillibilité ecclésiale.
           
        Jean Huss, pré-protestant, par exemple, fut condamné par le Concile de Constance, pour avoir professé : "Ce n'est pas parce que les électeurs [du pape], ou une grande partie d'entre eux, ont acclamé telle personne d'après l'observation des hommes, que cette personne est légitimement élue [pape] ; ce n'est pas pour cela qu'il est le vrai et manifeste successeur et vicaire de l'apôtre Pierre, ou dans l'office ecclésiastique d'un autre apôtre. Par conséquent, si les électeurs ont bien choisi ou mal choisi, nous devrions le croire suivant les œuvres de celui qui a été élu : car c'est pour la raison précise que quelqu'un agit selon le bien de l'Église d'une manière pleinement méritoire, qu'il détient cette faculté de Dieu" (26ème ERREUR).
           
        Nous sommes là les pieds en plein dans la double hérésie sédévacantiste qui professe non seulement que c'est la mise en œuvre du Bien-Fin de l'Église qui est la règle prochaine de la légitimité pontificale mais qui en plus s'arrogent le pouvoir de juger si le pape opère ou bien non cedit Bien-Fin de l'Église, avec pouvoir de déchéance si l'examen s'avère négatif ; or, on vient de le lire, les Pères de Constance anathématisent cette proposition comme étant... hérétique.
           
        Wyclif, lui aussi pré-protestant, dans une proposition hérétique similaire, est pareillement condamné par le Concile de Constance, cette fois-ci sous forme de question : "[Les partisans de Wyclif] croient-ils que le pape canoniquement élu, qui a vécu quelque temps, après avoir exprimé son propre nom, est le successeur du bienheureux Pierre, possédant l'autorité suprême sur l'Église de Dieu ?" (24ème ERREUR). Le Concile de Constance pose cette question aux partisans de Wyclif, précisément parce qu'ils ne croient pas que le pape canoniquement élu est avec certitude le successeur de Pierre, mais que sa légitimité est conditionnée par ses œuvres, autrement dit par la rectitude doctrinale de sa Foi.
           
        Il est clair que le Concile de Constance, dans ces deux hérésies, condamne l'affirmation selon laquelle un pape canoniquement élu n'est pas pape avec certitude. Ce qui signifie a contrario qu'on doit reconnaître comme successeur de Pierre la personne canoniquement élue, et que cette dernière l'est avec certitude.
           
        Mais voici maintenant le corps de la démonstration théologique. Cette grande loi fondamentale de l'infaillibilité de toute élection pontificale théologiquement achevée est en effet tirée immédiatement, et non médiatement, des dogmes les plus fondamentaux qui fondent l'Église du Christ, à savoir : 1/ l'infaillibilité dont est dotée l'Église Universelle ; 2/ le fait que le pape est le suppôt (= une substance avec son mode d'exister) immédiat et capital de cette dite infaillibilité de l'Église Universelle, que lui, et lui seul, peut mettre en œuvre et met en œuvre in concreto. Or, évidemment, il est impossible que dans l'acte de se donner une tête qui met en œuvre immédiatement son charisme d'infaillibilité, l'Église Universelle puisse se tromper, par exemple en choisissant un hérétique formel ayant puissance d'infecter le Magistère pontifical de son hérésie, car s'il en était ainsi, cela introduirait ipso-facto une faille par laquelle la faillibilité pourrait s'introduire dans l'Église à chaque nouvelle élection pontificale, et donc il serait impossible que l'infaillibilité ecclésiale puisse être jamais mise en oeuvre. Ce qui prouve donc formellement l'infaillibilité de toute élection pontificale théologiquement achevée. Et il en est bien ainsi, parce que : 1/ L'Église Universelle est infaillible de soi dans TOUT ce qu'elle fait ; 2/ elle est donc infaillible en choisissant sa tête visible. La formule de Journet pour le dire, que je rappelle à nouveau, est très-profonde : l'acte de désignation ecclésiale universelle du Pontife romain est infaillible parce que, dit-il, "l'Église Universelle y engage sa destinée". Car bien entendu, l'Église Universelle ne saurait engager sa destinée que sous la mouvance très-immédiate du Saint-Esprit, c'est-à-dire, donc, de manière... infaillible.
           
        Or donc, puisque cette loi fondamentale de l'infaillibilité de la désignation ecclésiale universelle du Pontife romain actuel est tirée immédiatement et non médiatement des dogmes les plus fondamentaux (c'est bien pourquoi le cardinal Billot dans son exposé sur la question que j'ai cité au long dans L'Impubliable, dit que la raison de l'infaillibilité de l'acte de désignation ecclésiale universelle du Pontife romain actuel "n'est pas à chercher au loin", elle se trouve en effet dans les tout premiers dogmes du fondement de l'Église), dont elle n'est qu'une simple conséquence, subséquence, elle est donc elle-même intégrée, comme vérité implicite, aux vérités à croire de Foi, de fide, comme étant une expression formelle du Magistère ordinaire & universel d'enseignement. Elle est donc à croire FORMELLEMENT, au même titre qu'une vérité dogmatique explicitement formulée. Sous peine d'anathème non moins formel. Rappelons ici la règle de Foi posée par les Pères de Vatican 1er : "Est à croire de Foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l'Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé" (DS 3011).
           
        Le sédévacantiste semble avoir une fausse conception de ce qui est à croire de Foi pour un catholique, voulant, tel son frère ennemi le lefébvriste d'ailleurs, que seules les vérités ayant fait l'objet d'une explicitation dogmatique soient vérités à croire de Foi, de fide.
           
        On est loin de compte. En vérité, il faut y rajouter TOUTES les vérités qui sont professées par le Magistère ordinaire & universel, auxquelles sont intégrés les syllogismes qui contiennent au moins dans la majeure un dogme déjà défini et dans la mineure une vérité philosophique. Or, dans notre cas, nous avons non seulement un dogme dans la majeure, mais... un second dogme dans la mineure ! En effet : Majeure : L'Église est infaillible (vérité qui n'a jamais fait l'objet d'un dogme, mais qui a rang de dogme) ; mineure : le pape est récipiendaire immédiat et capital de l'infaillibilité de l'Église (vérité qui a été dogmatisée à Vatican 1er) ; conclusion syllogistique : toute élection pontificale est donc dotée de l'infaillibilité. La conclusion est donc une vérité à croire de Foi, de fide. L'abbé Favier, dans un petit précis de théologie pour exposer le dogme de l'Assomption résume fort bien la question par cette phrase : "[Outre les vérités révélées par le Magistère extraordinaire,] sont certaines aussi les vérités (...) qui ont une connexion nécessaire avec des dogmes déjà définis". Que le sédévacantiste retienne bien : "qui ont une connexion nécessaire avec des dogmes déjà définis". La loi fondamentale de l'infaillibilité de toute élection pontificale théologiquement achevée en est une illustration excellentissime : si on la nie, alors, on est absolument obligé de dire, soit que l'Église Universelle n'est pas dotée de l'infaillibilité, ou bien alors, que le pape n'est pas le récipiendaire capital et principal du charisme d'infaillibilité donné par le Christ à son Épouse l'Église, deux vérités dogmatiques ou ayant rang de dogme qu'il est hérétique de récuser.
           
        Outre cette dite loi fondamentale que je rappelle, quant à la Légitimité pontificale, voici quelques autres exemples de ces dites vérités implicites à croire de Foi, de fide, objets formels du Magistère ordinaire & universel, quand bien même elles n'ont pas (encore) fait l'objet d'une explicitation dogmatique, pour que le sédévacantiste saisisse bien la question.
           
        1/ Est-ce que le sédévacantiste croit que l'Église Universelle est infaillible ? Il va évidemment me répondre : mais oui, bien sûr, j'y crois, c'est même fondamental. Cependant, qu'il cherche dans tout le catalogue des définitions dogmatiques de l'Église depuis sa naissance jusqu'à maintenant, cette doctrine tellement évidente, à croire de Foi sous peine d'anathème, il… ne l'y trouvera pas. Cette pourtant fort grande vérité entre toutes, qui en commande tant d'autres, n'a en effet... jamais été dogmatiquement définie. Or, évidemment, on est sûr qu'elle est au rang de dogme, de vérité à croire de Foi, de fide, puisqu'un département d'icelle, à savoir l'infaillibilité du pape seul a été, quant à elle, explicitement dogmatisée à Vatican 1er. J'ai un très-excellent article de L'Ami du Clergé sur cette question, que le sédévacantiste pourra chercher et trouver dans L'Impubliable où je le cite (je ne lui donne pas la page précise, je le laisse l'y chercher, il s'instruira en cherchant...!).
           
        2/ L'infaillibilité doctrinale en matière liturgique est une doctrine à croire elle aussi de Foi, de fide : c'est-à-dire que dans un Rite promulgué par le pape pour l'Église Universelle, on ne saurait trouver la moindre prière professant ou même seulement insinuant l'hérésie ; le pape Pie VI l'a du reste bien rappelé pour condamner le concile janséniste de Pistoie. Cependant, là encore, que le sédévacantiste cherche dans le catalogue multiséculaire des dogmes de l'Église cette grande vérité, pourtant à croire de Foi sous peine d'anathème, il ne la trouvera pas plus, elle n'a, elle non plus… jamais été dogmatisée.
           
        Mieux, encore, pour bien faire comprendre ce point fort important : dans les trois premiers siècles de l'Église, il y avait, on le sait, très-peu de dogmes formulés, à telle enseigne que le plus important d'entre eux, à savoir la Divinité du Christ, n'avait pas encore fait l'objet d'une explicitation dogmatique… tellement il était évident que cette vérité fondatrice de toute la Religion catholique et de l'Église, allait de soi, elle n'était, si j'ose dire imparfaitement, que l'expression du Magistère ordinaire & universel (car il ne faudrait pas croire que c'est le Magistère dogmatique extraordinaire qui fonde le Magistère ordinaire & universel, quand c'est tout le contraire qui est vrai, c'est le Magistère ordinaire & universel qui fonde le Magistère dogmatique extraordinaire) ! Le sédévacantiste osera-t-il dire pour autant que parce que la Divinité du Christ n'avait pas été dogmatisée (elle ne le sera que pour régler et terrasser la crise arienne, au IVème siècle), un chrétien vivant avant le IVe siècle aurait pu la mettre légitimement en doute, sans pécher par-là même mortellement contre la Foi ?! Poser la question, c'est évidemment y répondre.
           
        Et, on l'a compris, il en est de même pour la loi fondamentale de l'infaillibilité de la désignation ecclésiale universelle du Pontife romain actuel, de l'infaillibilité de toute élection pontificale théologiquement achevée, exactement de même. Le sédévacantiste ne saurait la mettre en doute, ne pas la professer formellement, sans pécher gravement et mortellement contre la Foi, s'anathématisant ipso-facto lui-même, car théologiquement elle a "une connexion nécessaire", elle est syllogistiquement dérivée très-immédiatement, et non médiatement, de dogmes déjà définis ou ayant rang de dogme, et donc est intégrée au Magistère ordinaire & universel d'enseignement infaillible comme telle, en tant que vérité implicite à croire de Foi, de fide, tout-à-fait au même titre qu'un dogme explicitement défini par le Magistère extraordinaire solennel.
           
        Fin de la démonstration théologique.
 
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        ... Et maintenant, amis lecteurs, lisons ensemble le § 6 de la bulle de Paul IV :
       
        "§ 6 — De plus, si jamais un jour il apparaissait qu'un évêque, faisant même fonction d'archevêque, de patriarche ou de primat ; qu'un cardinal de l'Église romaine, même légat ; qu'un Souverain pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au Souverain pontificat, déviant de la Foi catholique, est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, sans valeur, non-avenue. Son entrée en charge, consécration, gouvernement, administration, tout devra être tenu pour illégitime. S'il s'agit du Souverain Pontife, on ne pourra prétendre que son intronisation, adoration (agenouillement devant lui [des cardinaux]), l'obéissance à lui jurée, le cours d'une durée quelle qu'elle soit (de son règne), que tout cela a convalidé ou peut convalider son Pontificat : celui-ci ne peut être tenu pour légitime jamais et en aucun de ses actes. De tels hommes, promus évêque, archevêques, patriarches, primats, cardinaux ou Souverain Pontife, ne peuvent être censés avoir reçu ou pouvoir recevoir aucun pouvoir d'administration, ni dans le domaine spirituel, ni dans le domaine temporel. Tous leurs dits, faits et gestes, leur administration et tous ses effets, tout est dénué de valeur et ne confère, par conséquent, aucune autorité, aucun droit à personne. Ces hommes ainsi promus seront donc, sans besoin d'aucune déclaration ultérieure, privés de toute dignité, place, honneur, titre, autorité, fonction et pouvoir" (fin de citation).
           
        Ce que j'ai mis en italiques dans ce § 6 de la bulle de Paul IV est formellement hérétique comme frappant de plein fouet la loi fondamentale de l'infaillibilité de la désignation du Pontife romain actuel par l'Église Universelle dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice, loi que je viens de soigneusement rappeler dans l'introduction de mon nouvel article. Au Moyen-Âge, ce § 6 aurait mené le pape Paul IV Carafa tout droit sur le bûcher, sans autre forme de procès, comme attentant directement à l'Église Universelle dont "le nom d'humilité" (Journet) est l'Église romaine, singulièrement récapitulée dans les cardinaux en corps d'Institution lorsqu'ils procèdent ensemble à l'acte de désignation du Pontife romain actuel. Avouons que cela fait comme un effet électrochoc de voir un pape qui se piquait de voir de l'hérésie partout et dans tout le monde, ... jusqu'à suspecter le cardinal Alexandrin, le futur saint Pie V !!, en commettre lui-même une si énorme dans son Magistère, attentant formellement à la Constitution divine de l'Église en renversant purement et simplement l'Église romaine dans l'acte d'élire un pape, puisqu'il ose soutenir que l'acte de désignation cardinalice du nouveau pape posé au nom de l'Église Universelle assistée infailliblement par le Saint-Esprit peut être... invalide.
           
        Mais on comprendra mieux comment un pape de la Renaissance voulant par extrémisme le bien, pouvait tomber dans un si grave et tel excès anathème, lorsqu'on étudiera ensemble plus loin le contexte historique qui révèlera certains efforts de subversion du Siège de Pierre lorsque Paul IV vivait, mais pas autant qu'il le croyait. Nous verrons qu'il ne fut d'ailleurs pas le seul pape à commettre cet attentat hérétique contre l'Église Universelle dans les élections pontificales, l'un de ses prédécesseurs, le pape Jules II, cinquante ans avant lui, commit exactement le même attentat dans une bulle (qui d'ailleurs est mère de celle de Paul IV, laquelle va jusqu'à en reprendre la forme), cette fois-ci non pas pour empêcher qu'un hérétique formel n'envahisse le Siège de Pierre, comme dans la bulle de Paul IV, mais pour empêcher qu'il ne soit envahi par un simoniaque. En fait, la situation de l'Église du Christ, à la Renaissance, présente une certaine et lointaine analogie avec la nôtre : elle était, non pas comme le croyaient à tort Jules II et Paul IV, sur le point d'être subvertie par Satan, ceci étant de toutes façons une chose que la Foi déclare impossible de toute impossibilité, mais, comme c'est arrivé à notre époque et ça n'est pas arrivé à la Renaissance, elle frisait seulement de pouvoir être soumise à "la puissance des ténèbres" et rentrer dans l'économie de la Passion du Christ, qui l'aurait fait alors "péché pour notre salut" (II Cor V, 21), vivant la "si grande contradiction" (He XII, 3) inhérente à la Passion du Christ. Mais ceci, qui est propre à la toute dernière crise de la fin des temps, n'était pas réservé à l'Église de la Renaissance quand cela est notre lot à nous.
           
        En fait, Paul IV a formulé cet hérétique et même impie § 6 parce qu'il est tombé dans un piège subtil du démon réservé à ceux qui veulent certes la perfection spirituelle (comme c'était bien sûr le cas du restaurateur de l'Inquisition, vénéré jusqu'à un certain point par saint Pie V) mais sans assez la vouloir dans la Volonté divine, la voulant au contraire dans la volonté humaine voire même "l'hommerie" comme disait Montaigne, c'est-à-dire dans l'imperfection humaine : en faire trop, et par-là même, court-circuiter l'Action de la Providence divine en se mettant à sa place (c'était sa terrible manière à lui, qu'illustre ô combien, sur le plan politique, la déplorable guerre qu'il soutint contre les Espagnols en 1556-57). N'y a-t-il pas un proverbe qui dit que "le mieux est... l'ENNEMI du bien" ? On se dit tout cela, surtout quand on lit le préambule de la bulle, dans lequel Paul IV expose ses motivations : "... Et, dit-il, pour que Nous puissions ne jamais voir dans le Lieu-Saint l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, Nous voulons, etc." (§ 1). Éh ! Diable de diable ! Est-il possible à l'homme, fût-il pape, de supprimer l'épreuve suprême que Dieu Lui-même a inéluctablement destinée à l'Église et à l'humanité pour la fin des temps, épreuve prophétisée infailliblement dans les saintes-Écritures (... précisément celle que nous vivons et mourons à la fois, nous autres, mais que ne vivaient pas encore les chrétiens de la Renaissance) ? Est-ce bien seulement catholique ? Non, car il faut que "l'Écriture s'accomplisse" (Jésus, justement, se répétait toutes ces prophéties sur la Croix, pour s'encourager à accomplir le Mystère de la Rédemption).
           
        Il faut donc absolument et même nécessairement, précisément pour accomplir le grand Mystère de la Rédemption et de la co-Rédemption ecclésiale, que cette "abomination de la désolation" prédite par le prophète Daniel... s'accomplisse très-réellement : à savoir qu'un très-mauvais jour, que le catholique certes ne souhaite pas, il y aura bel et bien sur le Siège de Pierre un hérésiarque consommé dans la malice du diable, manifestant à plein le mysterium iniquitatis, ce sera l'Antéchrist-personne. ET LE SAINT-ESPRIT LAISSERA FAIRE. Comme aux temps de la mortelle Passion du Christ, Il L'a laissé être crucifié jusqu'à ce que mort s'ensuive. Sans intervenir. Malgré l'horrible blasphème des pharisiens au pied de la Croix : "Il a appelé Élie, voyons s'Il va venir Le délivrer" (Mc XV, 35-36). Voilà, quant à l'Église, qui affole, qui obsède littéralement, voire rend fou, le respectable pape Paul IV dans les dernières années de sa vie, au point d'occuper toutes ses journées, au détriment même des grandes affaires de l'Église : il disait avoir peur qu'après sa mort, ne soit élu pape un des deux cardinaux Pole et Morone, le second héritier spirituel du premier, qu'il jugeait dangereux hérétiques occultes (bien à tort, cependant, je vais l'exposer plus loin)… à moins qu'il n’éprouvât cette peur pour l'un de ses bandits de cardinaux-neveux, comme je le dirais plus loin également !
           
        En 1846, la très-sainte Vierge à La Salette prophétisait dans le Secret confié à Mélanie le règne de l’Antéchrist-personne. Or, à aucun endroit, elle ne cherche à supprimer, comme Paul IV, la "grande tentation universelle" dont nous entretient l'Apocalypse, III, 10, pour les temps où l'Antéchrist-personne se manifestera : elle reste soumise au Plan de Dieu, à sa Volonté, à l’instar de son divin Fils, faisant montre de plus de sagesse, elle qui est le sedes sapientiae, que le pape Paul IV. Sans cesser d'être sereine, elle prophétise l'inéluctable épreuve suprême de l’Église, afin que les âmes fidèles puissent s'y préparer : "ROME PERDRA LA FOI, ET DEVIENDRA LE SIÈGE DE L'ANTÉCHRIST", point, c’est tout. Pas besoin, du reste, d'être grand'clerc pour comprendre que le "siège de Rome qui perd la Foi", c'est le… Saint-Siège, celui... du pape... qu'occupera, donc, un jour, l'Antéchrist-personne lui-même soi-même, en tant que dernier pape LÉGITIME, si dur et humainement parlant incompréhensible cela puisse paraître à nos yeux catholiques (cf. mon article de fond, où je fais l'exposé de cette très-redoutable question, au lien suivant : http://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/AntechristDernierPapeLEGITIMEMisEnForme.pdf).
           
        Mais justement… Paul IV, lui, ne veut ab-so-lu-ment-pas de cette horrible Passion du Christ répliquée dans l'Église usque ad mortem, il veut, tel saint Pierre, l'empêcher. Empêcher que l'Écriture ne s'accomplisse, c'est ce qui semble être le but premier de sa bulle volontariste (certes, on doit et il est même méritoire de chercher à retarder, tant qu'on peut, l'avènement de ce règne maudit de l'Antéchrist-personne à partir du Siège de Pierre, mais il ne faut pas s'imaginer pouvoir le supprimer, ce serait en effet lutter contre le Plan de Dieu... comme on le voit très-bien avec Paul IV qui est obligé, pour atteindre ce but qu'il s'est fixé dans son excès de zèle pieux, de toucher sacrilègement à un point fondamental de la Constitution divine de l'Église).
           
        La bulle de Paul IV a donc, dès les prémisses du § 1, un mauvais relent outrancier, bien d'ailleurs dans le caractère entier, violent, cassant, emporté et raide de son auteur. À son entière décharge, il faut d'ailleurs dire que lorsqu'il la promulgua, il était tellement choqué d'avoir été trompé par ses neveux-cardinaux, qu'il n'était plus en possession de tous ses moyens : "La main de la mort l'avait déjà légèrement touché ; l'émotion que lui avaient causée la découverte des méfaits de ses neveux et leur chute, avait donné le choc décisif à sa constitution de fer. À partir de ce moment, il fut malade de l'esprit autant que du corps", commente, un rien romantique mais d'une manière parfaitement exacte pour le fond, l'historien Pastor (Histoire des Papes depuis la fin du Moyen-Âge, t. XIV, p. 189). Je vais bien sûr revenir plus loin sur tout ce contexte historique et sur la personnalité énergumaniaque de Paul IV.
 
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        Le pape Pie X comprit en tous cas tout-de-suite le grave danger hérétique de ces bulles de ses prédécesseurs de la Renaissance, Jules II et Paul IV (contrairement aux sédévacantistes qui s'y sont hélas empalés passionnellement sans réflexion, jusqu'à fond du donf). Dans sa constitution Vacante Sede Apostolica du 25 décembre 1904 sur les élections pontificales, au § 79, il les abrogea, ou plus exactement dit, il abrogea juridiquement la seule bulle de Jules II (ou de tout successeur, notons-le bien), ce qui eut pour effet canonique immédiat d'obroger en même temps la bulle de Paul IV, c'est-à-dire que celle de Paul IV est désormais dans la situation d'une bulle officiellement abrogée sauf qu'il n'y a pas eu de déclaration juridique abrogative explicite, c'est la seule différence ("obrogation : suppression ou abrogation indirecte d'une loi par une loi postérieure contraire et de même degré" ― Dictionnaire de droit canonique, Naz, 1957). Saint Pie X, mettant discrètement le voile de Noé sur le sujet, ne voulait pas, évidemment, porter le discrédit sur ses prédécesseurs de la Renaissance. Qu'on veuille bien noter avec soin que Pie X gardait les anathèmes de son prédécesseur Jules II contre les fauteurs d'une élection pontificale simoniaque, mais il supprimait l'annulation d'une élection pontificale qui aurait eu lieu en étant entachée de simonie, parce que, dira-t-il très-explicitement, cela risquerait d'attaquer la valeur en soi des élections pontificales. Autrement dit, Pie X était parfaitement conscient, contrairement à son prédécesseur Paul IV ou Jules II, de l'infaillibilité attachée de soi à tout acte de désignation cardinalice du Pontife romain actuel, parce que, toujours et à tout coup, il est fait in Persona Ecclesiae, au nom et pour le compte de l'Église Universelle...
           
        En fait, la bulle de Paul IV n'est qu'une décalcomanie de celle de Jules II, de cinquante ans son aînée, dont elle est fille spirituelle, reprenant exactement le même raisonnement de fond qu'elle, à savoir essentiellement, comme le sédévacantiste ne le sait que trop bien ou plutôt que trop mal, d'oser invalider les élections pontificales même approuvées par les cardinaux au nom de l'Église Universelle, c'est-à-dire théologiquement achevées, pour une cause ou pour une autre, simonie (Jules II) ou hérésie (Paul IV), allant même jusqu'à en copier les formules soufflées et boursouflées d'alors. Toutes ces bulles, en effet, ne brillent pas fort par la simplicité et la clarté dans l'expression, comme si la forme emberlificotée, embrouillée, tarabiscotée et brumeuse, rejoignait le fond, en était le signe topique. Lucius Lector, pseudonyme d'un cardinal qui écrivit un gros livre sur les arcanes des conclaves dans les dernières années du pontificat de Léon XIII, a ces lignes sévères mais fort justes sur la forme rédactionnelle de celle de Paul IV : "… Préambule prolixe rédigé dans ce style ampoulé, sonore et creux, qu'ont affectionné parfois les scriptores de la chancellerie pontificale" ; "… toute cette redondance d'un langage riche en pléonasmes menaçants…" ; "En somme, ce sont là sept pages de style éclatant, pour amplifier ce que le décret du pape Symmaque avait dit en neuf lignes" (Le Conclave, Lucius Lector, 1894, respectivement pp. 106-107, 108 & 109).   
           
        Et bien sûr, si le pape Pie X abroge la bulle de Jules II dans sa Constitution sur les élections pontificales de 1904 pour ce motif principal et précis qu'elle invalide les élections pontificales approuvées par les cardinaux agissant in Persona Ecclesiae, la bulle de Paul IV tombe sous la même sentence puisque cette proposition hérétique est explicitement formulée et sert de raisonnement de fond dans son § 6 incriminé. Car que ce soit pour cause d'hérésie ou de simonie, le motif de l'abrogation par Pie X de la bulle de Jules II se retrouve identiquement et absolument dans celle de Paul IV : cette dernière subit donc la même sentence de condamnation, quoique seulement implicitement mais avec la même portée que la bulle de Jules II. La bulle de Paul IV, au moins depuis la Constitution de saint Pie X sur les élections pontificales, n'a donc plus aucune valeur en Église. Les deux bulles, en effet, on est bien obligé d'en prendre acte, que cela plaise ou non, péchaient contre la Foi en ne tenant aucun compte de la loi fondamentale de l'infaillibilité de l'acte de désignation ecclésiale universelle des papes nouvellement élus, dont l'organe ordinaire est le Sacré-Collège cardinalice.   
 
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        Parvenu à ce carrefour, je suis sûr que le sédévacantiste ne comprend plus. Comment, dira-t-il, une bulle dogmatique peut-elle être... hérétique, et, subséquemment, faire l'objet d'une obrogation, c'est-à-dire cesser définitivement d'avoir force de loi ?
           
        C'est là que le sédévacantiste se trompe le plus gravement : la bulle de Paul IV, loin d'être dogmatique, a un objet uniquement et purement disciplinaire, non-dogmatique, elle n'a aucun objet dogmatique.
           
        Lorsqu'un pape promulgue une bulle, il commence généralement dans les tout premiers § par dire pourquoi il l'édicte, en exposant et explicitant clairement son objet de fond. Paul IV n'y manque pas, dès le § 2 il expose l'objet formel de sa bulle, qui s'avère être exclusivement... disciplinaire. Lisons-le, il est là très-clair : "Après mûre délibération à ce sujet avec nos vénérables frères les Cardinaux de la Sainte Église Romaine, sur leur conseil et avec leur assentiment unanime [… hum ! rien moins que sûr, ce prétendu "assentiment unanime" des cardinaux quant à la teneur de cette bulle, au moins pour le § 6, nous verrons cela plus loin…], de par notre autorité Apostolique, Nous approuvons et renouvelons toutes et chacune des sentences, censures et peines d'excommunication, interdit et privation et autres, quelles qu'elles soient, portées et promulguées par les Pontifes Romains, nos Prédécesseurs, ou tenues pour telles, soit par leurs lettres circulaires (extravagantes) mêmes, reçues par l'Église de Dieu dans les Saints Conciles, soit par décrets et statuts de nos Saints Pères (conciliaires), soit par les Saints Canons et Constitutions et Ordonnances Apostoliques portés et promulgués, de quelque façon que ce soit, contre les hérétiques et les schismatiques. Nous voulons et Nous décrétons qu'elles soient portés et promulgués, de quelque façon que ce soit, contre les hérétiques et les schismatiques, observées perpétuellement ; si peut-être elles ne le sont pas, qu'elles soient rétablies en pleine observance et doivent le rester".
           
        Rien de plus clair. L'objet formel de la bulle est purement disciplinaire, donc non-dogmatique. Il s'agit, pour Paul IV, de remettre en vigueur la discipline la plus drastique existant dans l'Église quant au traitement des hérétiques. Il n'y a là, il n'y a même pas besoin de le dire, aucun objet dogmatique. Paul IV est d'ailleurs ici très-logique avec le programme de pontificat qu'il s'est tracé dès son entrée en charge du Siège de Pierre, et qu'il expose dans le premier consistoire qu'il tint avec ses cardinaux le 29 mai 1555 : "Il promit solennellement de consacrer toutes ses forces à la restauration de la paix dans la Chrétienté et au renouvellement de l'ancienne discipline dans l'Église universelle" (Pastor, p. 73). Le problème, c'est que s'il prit beaucoup de mesures heureuses à Rome, par exemple contre les filles publiques, etc., il concevait cette restauration violemment et sans aucun discernement, c'est le moins qu'on puisse en dire, qu'on en juge par le fait absolument époustouflant suivant : "Cette absence de ménagement de Paul IV apparut dans la façon si rude avec laquelle, le 30 juillet 1555, il donna son congé à Palestrina [!!!], de la chapelle papale, dans laquelle à l'avenir il ne voulait plus souffrir de gens mariés [!!!]" (Pastor, p. 74)… Palestrina, viré comme un malpropre !!! Le plus grand polyphoniste pieux de tous les temps !!!
           
        Cette bulle de Paul IV a donc, de par la volonté même du pape qui la promulgue, la discipline pour seul objet. Et après avoir formulé cet objet disciplinaire dans le § 2, Paul IV va magistériellement le mettre en œuvre concrète immédiatement après, dans le § 3. Il emploie pour cela tout un train de verbes pour acter cet objet... disciplinaire. Continuons à le lire : "Nous décidons, statuons, décrétons et définissons : [sans hiatus] Les sentences, censures et peines susdites [celles que le pape vient tout juste d'énoncer dans le grand détail dans le § 2], gardent toute leur force et leur efficacité, entraînant leurs effets".
           
        La première chose dont le sédévacantiste aurait dû se rendre compte, c'est que le verbe "definimus" du § 3, sur lequel il a tellement phantasmé, est, dans la bulle de Paul IV, immédiatement appliqué à… une remise en vigueur des antiques prescriptions disciplinaires concernant le traitement des hérétiques, qui est tout l'objet déjà sus-énoncé au § 2 comme étant le but théologique formel de la bulle, laquelle remise en vigueur purement disciplinaire, grammaticalement, en est le complément d'objet direct. Il s'agit donc pour Paul IV, on l'a déjà vu, on le sait déjà, uniquement, seulement, de ramener la pratique disciplinaire de l'Église à sa forme antique la plus drastique et… c'est tout, strictement tout. Non seulement il le dit dans le § 2, mais il y revient donc formellement dans le § 3, après le train de verbes par lequel il manifeste son vouloir pontifical : nous décidons, statuons, décrétons et DÉFINISSONS… une remise en vigueur de prescriptions d'ordre disciplinaire. Un point, c'est tout. Et c'est cet objet purement et exclusivement disciplinaire que, dans sa bulle, Paul IV dit et veut "définir" et… "définit" effectivement.
           
        Cela aurait dû grandement faire réfléchir le sédévacantiste, avant de se croire autorisé à conclure fébrilement, passionnellement, dans son sens hérétique. En effet, il aurait dû comprendre que Paul IV ne pouvait "définir", au sens dogmatique magistériel extraordinaire du verbe, une… simple remise en vigueur, un simple rappel, de lois disciplinaires ! En tout état de cause, il est en effet totalement exclu qu'une définition dogmatique extraordinaire, telle que le concile du Vatican 1er nous l'a définie, puisse porter sur une remise en vigueur d'une discipline particulière, le seul objet d'une définition dogmatique étant en effet, pardon pour cette lapalissade, de… faire un dogme, c'est-à-dire d'opérer dans le domaine purement doctrinal, ce qui exclut le domaine disciplinaire. Or, c'est bien ici le cas, le "definimus" dans la bulle de Paul IV a comme complément d'objet direct et porte exclusivement sur un objet disciplinaire, de soi évidemment… non-dogmatique. Cela prouve donc que cedit verbe "definimus" ne revêt nullement dans la bulle de Paul IV un sens dogmatique, quel qu'il soit.
           
        Le sédévacantiste, ici, probablement interloqué, va sans doute se demander comment il se peut bien faire que le verbe "definimus" puisse être employé magistériellement pour un objet non-dogmatique, comme c'est, dans la bulle de Paul IV, indiscutablement le cas. L'explication est à la fois théologique, historique et linguistique. En fait, en voulant donner forcément le sens dogmatique extraordinaire au verbe "definimus" contenu dans la bulle de Paul IV, le sédévacantiste commet un anachronisme. Parce que ce n'est seulement que récemment dans l'Église, après Vatican 1er, que le verbe "definimus" a revêtu l'acception stricte, exclusiviste et rigide, inhérente aux définitions du Magistère extraordinaire dogmatique (ou peut-être déjà à la fin de l'Ancien-Régime, la notion commençait à se désenvelopper). AVANT le XIXe siècle en effet, l'Église ne connaissait pas et n'avait pas désenveloppé, quant à son Magistère, la distinction "ordinaire" et "extraordinaire"... ni donc donné une acception théologique exclusiviste aux verbes "enseigner" et "définir", respectivement inhérents à cesdites distinctions. Au temps de Paul IV donc, lorsque les scriptores de la chancellerie pontificale comme dit Lucius Lector ont employé ce verbe "definimus", ils ont très-bien pu le faire en lui donnant le sens d'un simple vouloir pontifical... non-dogmatique. La meilleure preuve de cela, c'est que… c'est justement le cas pour la bulle de Paul IV.
           
        Grammaticalement, en effet, le complément d'objet direct du verbe "definimus" dans cette bulle, c'est immédiatement et seulement… une simple remise en vigueur d'une discipline particulière qui, évidemment, ne concerne pas un objet dogmatique. Il suffit tout simplement de… lire la bulle pour s'en rendre compte. Or, c'est le complément d'objet direct d'un verbe qui en norme le sens ; et ce sens, pour le verbe "definimus" employé dans la bulle de Paul IV est exclusivement et uniquement disciplinaire. Certes, pour être complet sur la question, il faut bien sûr préciser que même lorsque l'Église n'avait pas encore désenveloppé la distinction magistérielle "ordinaire" et "extraordinaire", c'est-à-dire donné une acception rigide et exclusiviste aux verbes "enseigner" et "définir", elle a pu employer et a effectivement employé parfois le verbe "definimus" dans le sens dogmatique (nous en avons par exemple une belle illustration dans la bulle de Boniface VIII où, en plein XIIe siècle, le pape "définit" le plus dogmatiquement du monde, dans la dernière phrase du document, qu'"il est nécessaire à tout être humain pour son salut d'être soumis au Pontife romain"), mais elle l'a aussi employé indifféremment dans le sens non-dogmatique dans d'autres décrets, précisément parce qu'elle n'avait pas encore explicité cette distinction.
           
        Donc, le seul moyen pour savoir avec certitude dans quel sens, elle l'a employé in casu, dogmatique ou non-dogmatique, c'est de prendre connaissance de la nature du complément d'objet direct attaché immédiatement au verbe "definimus", lequel explicite formellement, de manière décisoire, le sens, dogmatique ou non-dogmatique, que le rédacteur pontifical a voulu donner audit verbe dans tel ou tel décret magistériel particulier. Or, je le répète, dans le cas qui nous occupe, la bulle de Paul IV, ce sens est purement et exclusivement… disciplinaire, c'est-à-dire non-dogmatique. Il faut simplement lire la bulle elle-même, pour en prendre bon acte.
           
        Donc, conclusion, le sédévacantiste est débouté purement et simplement dans sa prétention indûe de donner la note dogmatique à la bulle de Paul IV.
           
        Et cette conclusion est des plus logiques avec la Foi. Car en effet, si le sédévacantiste veut que la bulle de Paul IV soit dogmatique, c'est pour pouvoir en connoter la proposition hérétique du § 6, invalidant une élection pontificale théologiquement achevée. Or, justement, comme cette proposition est hérétique, elle ne pouvait donc pas être l'objet d'une définition dogmatique, ce qui est précisément corroboré formellement par le fait que la bulle de Paul IV est non-dogmatique. N'étant pas l'objet d'une définition dogmatique, la proposition hérétique du § 6 pouvait donc être faillible, ce que hélas elle est effectivement et foutrement.
 
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        Mais le sédévacantiste va peut-être encore invoquer pour sa cause perdue d'avance, le fait que Paul IV assigne le caractère de perpétuité aux dispositions de sa bulle ("en vertu de cette Constitution nôtre valide à perpétuité" ― § 3). Or, le caractère de perpétuité convient aux dogmes, et pas à ce qui est non-dogmatique, pourrait-il arguer. Malheureusement pour lui, il ne fait là que souligner en rouge l'excès outrancier du volontarisme de Paul IV dans sa bulle... disciplinaire.
           
        La première question qui doit être posée, c'est en effet la suivante : Paul IV avait-il théologiquement le droit de noter de perpétuité sa bulle... disciplinaire ? C'est, me semble-t-il, tout-de-même bien la première question à poser. Or, il n'en avait pas le moindre droit, précisément parce que, on vient de le voir ensemble, l'objet, le motif formel de sa bulle est d'ordre purement disciplinaire, et que, par définition même de la chose, une discipline donnée, toujours particulière, ne saurait être valable pour tous les temps encore à venir de l'Église… "à perpétuité". Il y a en effet contradiction entre l'objet théologique formel de la bulle, une discipline particulière, et la note "à perpétuité" qu'a voulu y accoler Paul IV dans le § 3.
           
        Là encore, on ne peut s'empêcher de dénoncer l'abus de pouvoir évident, manifeste, scandaleux, de Paul IV… et cette fois-ci, rendons-nous bien compte, contre le Saint-Esprit pas moins !, de vouloir imposer à toute l'Église, pour tous les temps qu'elle aura encore à vivre sur cette terre de par Dieu, la discipline la plus drastique, la plus sévère, la plus rigoriste, la plus dénuée d'indulgence et de miséricorde qui soit ! La paranoïa de Paul IV hélas se voit ici en plein. Il se croyait donc vraiment investi de la grâce du Saint-Esprit pour tous les temps qu'aurait encore à vivre sur terre l'Église militante, puisqu'il suppose savoir de science divine qu'il faudra à l'Église, pour toutes les générations ecclésiales suivant la sienne, la discipline la plus strictement sévère et anathématisante jusqu'à la fin des temps, … "à perpétuité". On ne peut que constater là encore, de sa part, un empiétement sacrilège sur l'action du Saint-Esprit dans l'Église, qui parle à chaque Pontife suprême qu'Il crée Lui-même, comme étant le plus apte à remplir la mission qu'il assigne à chaque génération nouvelle de chrétiens, et à qui Il peut très-bien donner, quant à la chose disciplinaire, une direction, une vocation nouvelles, qu'Il ne révèle pas à l'avance, et qui peut tout-à-fait être à rebours de celle précédente, les périodes pastorales alternatives variant ainsi en Église, à la discrétion du Saint-Esprit (et non de Paul IV), jusqu'à la fin des temps.
           
        Qui ne comprend que dans une simple famille humaine, on ne doit pas toujours diriger les enfants avec la dernière sévérité, mais qu'au contraire la sagesse exige d'alterner les moyens de sévérité avec ceux de douceurs et d'indulgence ? Et que c'est ainsi que l'enfant est le mieux éduqué et dirigé vers le bien ? Combien plus la chose est-elle encore valable pour l'Église et les âmes ! Le changement d'orientation de la pastorale et de la politique pontificales, comme l'a intelligemment noté Lucius Lector, "est un fait historique qui se produit surtout lorsqu'un pontificat a eu une longue durée et une physionomie caractéristique. L'élection et le pontificat suivants marquent alors presque toujours un mouvement de réaction. C'est ainsi que, selon le mot d'un de nos écrivains les plus distingués, la succession des Papes représente «la part de mobilité dans l'immutabilité de l'Église» (L. Lefébure, La Renaissance religieuse, Paris, 1886, p. 69)" (Le Conclave, p. 485, note 1).
           
        Éh bien, l'Histoire ecclésiastique, justement, a remarquablement confirmé cette grande loi… dès le pontificat suivant celui de Paul IV. Le pontificat de son successeur Pie IV, en effet, a été un pontificat d'assouplissement, de pacification, de douceur de discipline, dont les âmes avaient certes fichtrement besoin après les dénis de justice les plus révoltants dont les avait abreuvés Paul IV. Et qui d'ailleurs les avaient tellement révoltés, qu'à peine sa mort fut-elle connue du peuple romain, et même un peu avant qu'elle ne survint (… et non de "la populace romaine", comme le disent les malhonnêtes sédévacantistes lorsqu'ils évoquent le fait, voulant faire accroire qu'il s'agissait de débordements injustifiés ou pire fomentés par les méchants initiés… qui, comme par hasard, ne se seraient produits… que seulement après la mort de Paul IV, mais… pour aucun autre pape dans toute l'Histoire de la papauté…!!), qu'on le vit en colère se répandre en traînée de poudre par toute la ville pour effacer partout où il se trouvait le nom de famille du pape, "Carafa", y cassant toutes ses armes et statues, brûlant et saccageant la prison de l'Inquisition, ce qui est très-révélateur des graves excès et iniquités commis par Paul IV sur le chapitre de la Foi, allant même jusqu'à… défenestrer son infortuné cardinal-neveu.
           
        À toutes les époques de l'Église, en effet, il n'est pas forcément bon sur le plan spirituel, cela va presque sans dire, de déchoir tout prélat dès la première chute dans l'hérésie et sans réintégration possible ultérieure. Certains papes l'ont clairement dit, par exemple dans les affaires compliquées de l'Église orientale, et d'ailleurs, pendant quasi toute la période tourmentée de la survie de l'Empire d'Orient, VIe-XIIIe siècles, Constantinople n'arrêtant pas d'enfanter des hérésies ou plutôt des sophistications d'hérésies déjà condamnées, compliquées d'une terminologie linguistique différente des latins et de questions d'antipathies de race entre les grecs et les latins. Leur pratique pontificale la plus commune a été de remettre sur leurs sièges respectifs, après une pénitence publique convenable, les simples prélats orientaux tombés dans l'hérésie par faiblesse devant la persécution ou par ignorance théologique, sans être eux-mêmes les chefs de file de l'hérésie, l'historien ecclésiastique Rohrbacher a de très-belles et édifiantes pages là-dessus (hélas, sans verser dans la calomnie ou la partialité, l'Histoire enseigne que les prélats grecs-orientaux étaient doctrinalement beaucoup moins forts dans la Foi que ceux romains-occidentaux ; et donc, justement, il convenait d'user d'indulgence avec eux, ce que les papes d'alors comprirent fort bien ; la bulle de Paul IV, parue dans ces temps-là, aurait tout simplement enterré l'Église d'Orient sans retour, bien avant que les musulmans ne le fassent…).
           
        Conclusion : la note "à perpétuité" dont Paul IV a voulu, de volonté volontariste et surtout sacrilègement abusive, doter sa fumeuse bulle, est donc théologiquement indûe, absolument irrecevable, blessante aux oreilles pies… "nulle, sans valeur, non avenue" pour reprendre ses propres anathèmes du § 6, justement appliqués cette fois-ci. On me permettra du reste de douter que ces formules formidables, éclatantes, solennelles, retentissantes comme cymbales, soient à prendre au premier degré, littéralement. Ce qui me fait dire cela, c'est que l'on trouve la même note "à perpétuité" donnée par Jules II à sa propre bulle, ce qui ne l'a nullement empêchée d'être… abrogée en 1904 par Pie X (voici comment s'exprimait Jules II dans sa bulle, et l'on a aucune peine à y retrouver le ton sentencieux et déclamatoire de celle de Paul IV : "Nous, de l'autorité et de la plénitude de la puissance apostolique, ce saint concile de Latran y donnant son approbation, nous approuvons les lettres susdites, nous les renouvelons dans tous leurs points, décrets, peines, défenses, et ordonnons qu'elles soient inviolablement et irréfragablement observées à perpétuité").
 
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        … Mais cependant, comment expliquer, tout-de-même, ces bulles édictées par des papes sérieux et voulant très-sincèrement le Bien supérieur de l'Église, bulles appartenant au Magistère authentique non-infaillible (puisqu'elles ont pour objet la discipline, et non la Foi ou les mœurs, ce que je viens de prouver pour la bulle de Paul IV, et la même note de non-infaillibilité s'applique également à celle de Jules II), bulles qui, on ne saurait se le cacher, contiennent un venin d'hérésie formelle en ce qu'elles supposent, ô blasphème !, l'impuissance du Saint-Esprit dans les élections pontificales ?
           
        C'est, me semble-t-il, dans l'ordre humain, ad hominem, qu'elles trouvent une certaine justification. Et on pourrait même dire, une justification... édifiante. Un peu d'histoire va nous le faire bien comprendre, et quittons un instant Paul IV pour visiter Jules II. Ce pape déjà vieux, intrépide et héroïque défenseur des droits tempo­rels du Saint-Siège comme peut-être nul autre pape avant ni après lui ne le fut (sur son lit de mort, "peu avant d'expirer, il protesta d'avoir éprouvé dans son pontificat des sollici­tudes si poignantes, qu'elles pouvaient être comparées au martyre" ― Histoire universelle de l'Église catholique, Rohrbacher, t. XXII, p. 346 ; ce n'était certes pas de sa part une vaine phrase ; un jour, Jules II était au lit avec une forte fièvre qui le minait ; on vint lui annoncer qu'une des villes appartenant au Saint-Siège était prête de tomber aux mains des ennemis : il ne fait ni une ni deux, se lève précipitamment, saute sur un cheval et fonce au camp des défenseurs, sa présence énergique ranima les combattants et le siège de la ville fut levé...!), quoique dans l'ordre concret on puisse fort discuter les guerres qu'il mena contre la France dans le Milanais, Jules II donc, voyait son époque dans une situation de dégénérescence morale générale chez les grands et, sur le plan humain, il y avait en effet un certain risque de voir le Saint-Siège envahi par un élu corrompu, à sa mort.
           
        Avec Jules II, en effet, nous touchons au déplorable règne d'Alexandre VI (1492-1503) dont il prend pratiquement la succession après l'éphémère passage de Pie III (1503), et sommes en pleine Renaissance païenne si fort pénétrée de l'idée politi­que moderne (que le Florentin Nicolas Machiavel n'a pas inventée, contrairement à ce qu'on croit généralement : dans son célèbre ouvrage, il n'a fait que révéler à tout le monde ce que tout le monde vivait et pensait…), basée sur une morale fort étrange que l'on peut résumer ainsi : un prince, comme individu, peut et même doit avoir de la re­ligion et de la conscience ; mais, comme prince et pour son politique, il n'en a d'autre que son intérêt, pour qui tous les moyens sont bons, même, oui, les moyens... honnêtes.
           
        Or, à cette époque, la translation d'un tel esprit amoral du politique au religieux se faisait tout naturellement car les princes de l'Église étaient tous, à de rares exceptions près, des princes temporels (de plus, le népotisme, c'est-à-dire le favoritisme de la famille du pape, est déjà une "tradition" de plusieurs papes lorsque Jules II monte sur le siège de Pierre). Lucius Lector résume pudiquement la situation, ainsi : "Les cardinaux du XVIe siècle, princes souvent mondains et politiques, s'effrayaient moins de cette espèce de simonie latente et indirecte qui ne se formule guère par des contrats, mais qu'impliquent aisément les adhérences de fac­tions et les compromissions de partis" (Lector, p. 106).
           
        Cette situation, en soi très-périlleuse pour l'Église, que Jules II perçoit avec une douloureuse acuité (Paul IV, à tort ou à raison, se croira dans le même genre de situation subversive, mais sur le plan doctrinal), qui ar­racha au pape dans sa bulle contre les élections pontificales simoniaques ce cri de l'âme "considérant de quelle gravité et de quel malheur seraient les élections adultérines des vicaires du Christ et quel détriment elles pourraient apporter à la reli­gion chrétienne, surtout dans ces temps si difficiles, où toute la religion chrétienne est vexée de diverses manières", fait, qu'en plus du droit divin ou plutôt hélas sans en tenir aucun compte, le pape crut nécessaire de frapper les esprits de son époque de la sainteté des élections pontificales par des dispositions canoniques excommunicatrices formidables qui, en soi, ce­pendant, sont parfaitement... inutiles. En effet, la Providence divine a prévu l'As­sistance toute-puissante et infaillible du Saint-Esprit pour les élections pontificales : cela, faut-il le dire, suffit évidemment à empêcher toute élection d'un simoniaque ou d'un héré­tique au Souve­rain Pontificat !
           
        Mais, cependant, sur le plan humain, ad hominem, on parlerait de nos jours enténébrés de psychologie, il est possible que ces bulles de Jules II et de Paul IV, théologiquement hérétiques, furent quand même utiles voire louables, pour prévenir, à l'époque où elles parurent, la faute de faiblesse de certains grands, leurs "présomption et ambition humaine" comme dit Jules II dans son décret, et pour les garantir miséricordieusement du châtiment divin qui n'aurait pas manqué de tomber sur eux comme la foudre du Ciel abat d'un seul coup d'un seul les chênes les plus noueux, s'ils avaient osé essayer d'envahir le Saint-Siège par des voies impures. En soi, donc, pastoralement, il faut penser que ces bulles firent un bien, et même un grand bien, plus qu'un mal, mais seulement sur les âmes des grands de l'époque où elles parurent, et dans une fourchette de temps très-étroite.
           
        Le problème, c'est que des esprits superficiels, impulsifs, passionnels, bornés et ne possédant pas le sensus Ecclesiae, en tireront de nos jours la conséquence hérétique qu'elles contiennent en droit, et que ne voulaient certainement affirmer ni Jules II ni Paul IV : à savoir que les élections au Souverain Pontificat ne sont pas couvertes infailliblement par le Saint-Esprit. Ce qui est hélas le cas des sédévacantistes de toute obédience.
           
        On ne m'en voudra pas, j'espère, de conclure sur une note d'humour. Rappelons ce trait dans Tintin & Milou (j'étais, Dieu me pardonne !, un tintinophile très-distingué dans ma petite jeunesse !) : quand un des deux Dupond/t affirmait une chose, son frère jumeau le couvrait et renchérissait par un "je dirai même plus", mais... de répéter mot pour mot la même chose que son frère ! Ici, le premier Dupond, c'est... le Saint-Esprit, le second, c'est... le pape Jules II ou Paul IV...! En soi, le fait de droit divin que les élections pontificales sont assumées infailliblement par le Saint-Esprit est bien entendu théologi­quement suffisant pour empêcher toute élection d'un fils de Satan sur le Siège de Pierre ; non, il n'y a vraiment pas besoin du "je dirai même plus" des papes Jules II et Paul IV, surtout, surtout, que ces "je dirai même plus" supplantent par le fait même le Saint-Esprit en mettant des garde-fous humains en lieu et place de ceux divins, et supposent donc théo­logiquement par-là même, quoique sans le vouloir (ce n'est évidemment pas le but de l'opération), que ceux divins ne sont pas suffisants ou pire la non-Assistance du Saint-Esprit dans l'élection du pape, proposition... singulièrement hérétique : en effet, s'il faut des garde-fous humains, cela suppose qu'il n'y en a pas de divin !
           
        Et voilà comment "le mieux est l'ENNEMI du Bien"...
 
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        "Il n'y a rien de plus pratique qu'un principe" (Mgr Duchesne).
           
        Je viens donc d'exposer la théologie de la Légitimité pontificale, toute récapitulée dans l'axiome : la règle prochaine de la Légitimité pontificale réside dans la désignation par l'Église Universelle du Pontife romain actuel. Or, on a une merveilleuse et magistrale démonstration pratique de cette règle prochaine, qui en même temps détruit le raisonnement hérétique et impie tenu par le pape Paul IV dans le § 6 de la bulle, dans l'histoire extraordinaire du pape Vigile (538-555).
           
        Si l'on suivait en effet les prescription dudit § 6, surtout si cesdites prescriptions étaient de droit divin, alors l'Église aurait disparu dès... le sixième siècle, avec Vigile. Le pape Vigile en effet fut, avant son intronisation au Siège de Pierre, complice formel d'hérétiques et de plus simoniaque (il était gourmand !, il cumulait à la fois l'invalidation de son pontificat suprême par la simonie selon Jules II et par l'hérésie selon Paul IV !). Et l'Église aurait donc disparu avec Vigile, puisque les prélats, même le pontife suprême, s'ils sont une seule fois pris la main dans le sac de l'hérésie, sont déchus de leurs sièges "définitivement" (§ 3), et "s'il s'agit du souverain pontife, on ne pourra prétendre que son introni­sation, adora­tion, etc., que tout cela a convalidé ou peut convalider son pontifi­cat : celui-ci ne peut être tenu pour légitime jamais et en aucun de ses actes" (§ 6). Tuediable & morsangbleu ! En aucun des actes pontificaux de Vigile ? Donc, ses ordinations auraient été nulles, et surtout celles du haut-clergé romain, archidiacres et autres primiciers de l’Église romaine chargés d’élire le futur pape (car à cette époque, il n’y avait pas encore de cardi­naux). À cette aune-là, toutes celles qu'a faites ledit pape Vigile (son pontificat a duré environ dix-sept ans, pendant lesquels on peut bien comprendre qu'il re­nouvela pratique­ment tout le haut personnel de l'Église romaine par ses ordinations épiscopa­les et ses créations de grands-clercs romains ― "En deux fois, au mois de décembre, il [Vigile] avait ordonné quatre-vingt-un évêques, seize prêtres, d'autres disent quarante-six, et seize diacres" -Histoire des souverains pontifes romains, par Artaud de Montor, 1851, p. 271-), toutes les ordinations du pape Vigile disais-je, auraient été parfaitement nulles, invalides, etc. Ce qui signifie que l’élection du pape ayant succédé à Vigile aurait été parfaitement... invalide.
           
        Évidemment, toute l'Église sombre et s'écroule. Dès le VIe siècle.
           
        Voici le fait. L'an 535, l'empereur d'Orient, Justinien, très-fort en palabres et autres décrets théologiques quant à la Foi (il y passait des journées entières, entouré de prélats courtisans...), mais un peu moins en actes et en tous cas circonvenu par sa mauvaise femme (une prostituée de théâtre ramassée sous le trottoir, qu'il avait élevée au rang d'impératrice), laissa mettre sur le siège patriarcal de Constantinople un héré­tique eutychien, Anthime. C'était au temps du pape saint Agapit (535-536), lequel, après diverses péripéties qu'il est inutile de relater, excommunia Anthime dans un concile gé­néral tenu à Constantinople même où il s'était rendu sous la pression des Goths d'Ita­lie, formelle excommunication édictée, d’ailleurs, avec le parfait assentiment de l'em­pereur et de toute l'Église. Ceci à peine fait, le pape meurt, l'an 536.
           
        Mais l'impératrice n'était pas d'accord avec cette excommunication, de mèche qu'elle était avec les euty­chiens hérétiques, fort influents à la cour. Et "parmi les ecclésiastiques que le pape saint Agapit avait amenés à Constantinople, se trouvait l'archidiacre Vigile, que le pape Boniface II [530-532] avait déjà précédemment déclaré son successeur [... mais il avait cassé sa bulle outrée, comme étant contraire aux Canons, juste avant de mourir : en quoi il fut donc un peu plus sage que le pape Paul IV], et qui de fait avait grande envie d'être Pape. L'impératrice le fit venir et lui dit en secret, que, s'il voulait promettre, au cas qu'il devînt Pape, d'abolir le concile qui venait de déposer An­thime, d'écrire des lettres de communion à Anthime, à Sévère et à Théodose d'Alexandrie [complices hérétiques d'An­thime], et d'approuver leur foi par écrit, elle donnerait ordre à Bélisaire [célèbre général de l'empire d'Orient à cette époque, qui faisait la pluie et le beau temps à Rome et à Constantinople sous les ordres du couple impérial] de le faire ordonner Pape, avec sept cents livres d'or. Vigile, qui aimait à la fois et l'or et l'épisco­pat, fit volontiers la promesse, et partit pour Rome. Mais il se vit trompé dans son at­tente ; car il y trouva un Pape tout fait. C'était le sous-diacre Silvère, fils du pape Hor­misda, qui avait été marié avant d'entrer dans l'état clérical. (...) Le diacre Vigile, le trouvant ordonné Pape, retourna à Constantinople, comme son apocrisiaire ou nonce [... légat, dirait la bulle de Paul IV...], après avoir vu Bélisaire à Naples.
           
        "(...) Mais l'impératrice, de concert avec le diacre Vigile, écrivit des lettres au pape Silvère, où elle le priait de venir à Constantinople, ou du moins de rétablir Anthime. Ayant lu ces lettres, Silvère dit en gémissant : «Je le vois bien, cette affaire va mettre fin à ma vie». Toutefois, se confiant en Dieu, il répondit à l'impératrice : «Jamais, madame, je ne ferai ce dont vous parlez, de rappeler un homme hérétique, justement condamné pour son opiniâtre malice». (...) L'impératrice, irrité de la réponse du Pape, envoya à Bélisaire, par le diacre Vigile, des ordres conçus en ces termes : «Cherchez quelques occa­sions contre le pape Silvère, pour le déposer de l'épiscopat, ou du moins envoyez-le nous promptement. Vous avez près de vous l'archidiacre Vigile, notre bien-aimé apo­crisiaire, qui nous a promis de rappeler le patriarche Anthime». En recevant cet ordre, Béli­saire dit : «Je ferai ce qui m'est commandé ; mais celui qui poursuit la mort du pape Silvère en rendra compte à Notre Seigneur Jésus-Christ»". De faux-témoins forgèrent alors de fausses preuves que le Pape Silvère entretenait des intelligences avec les Goths contre les Grecs, péché politique capital à cette époque, et, comme de bien entendu, on s'empressa de les croire : le Pape Silvère, en présence de Vigile, fut dépouillé brutalement de son pallium de souverain pontife, revêtu de l'habit monastique, et envoyé brutale­ment en exil.
           
        "Enfin, par l'autorité de Bélisaire, l'archidiacre Vigile, né à Rome d'un père consul, fut ordonné pape le 22 novembre 537" (ibid.). L'empereur, mis au courant, sortant pour une fois de ses nébuleuses plus ou moins théologiques et percevant bien qu'il y avait là un déni de justice, eut alors une velléité de faire remettre Silvère sur le Siège de Pierre : il donna ordre de le réinvestir dans sa charge pontificale, au cas où les lettres invoquées contre lui seraient fausses (ce qui était bien sûr le cas). Mais Vigile, épouvanté du retour de Silvère et craignant d'être chassé, manda à Bélisaire : «Donnez-moi Silvérius, autrement je ne puis exécuter ce que vous me demandez [c'est-à-dire : rétablir l'hérétique Anthime et ses complices !, communier avec eux !, approuver leur foi ou plutôt leur hérésie eutychienne par écrit !]». Silvérius fut donc livré à deux dé­fenseurs et à d'autres serviteurs de Vigile, qui le menèrent dans l'île Palmaria, où ils le gardèrent et où il mourut de faim [!!] le 20 juillet 538. (...) Il se fit beaucoup de miracles à son tombeau.
           
        "Vigile étant ainsi [!!!] devenu pape, l'impératrice Théodora lui écrivit : «Venez, accomplissez-nous ce que vous avez promis de bon cœur touchant notre père Anthime, et rétablissez-le dans sa dignité». Vigile répondit : «À DIEU NE PLAISE, MADAME, QUE JE FASSE UNE CHOSE PAREILLE. Précédemment [AVANT mon élévation au Siège de Pierre], j'ai parlé mal et comme un insensé ; mais, à cette heure [APRÈS cette élévation, donc], je ne vous accorderai nullement de rappeler un homme hérétique et anathématisé. Quoi­que je sois le vicaire indigne de l'apôtre saint Pierre [ô combien, en effet ! n'était-il pas complice formel d'hérétiques déposés, formel simoniaque et parricide spirituel de son immédiat prédécesseur ?!], mes très-saints prédécesseurs Agapit et Silvérius l'étaient-ils indignement comme moi, eux qui ont condamné Anthime ?»
           
        "Telle fut la réponse inattendue que le pape Vigile fit à l'impératrice, d'après le témoignage d'Anas­tase-le-bibliothécaire, qui raconte ensuite tout ce que ce pape eut à souffrir par suite de cette généreuse rétractation. Vigile tint le même langage dans ses lettres à Justinien. (...) Il ajoute que, tous ces hérétiques [Anthime et ses complices] ayant déjà été suffisam­ment condamnés, il avait cru pouvoir se dispenser de répondre à la déclaration que le pa­triarche Mennas [prélat catholique qui avait remplacé Anthime sur le siège de Cons­tantinople] lui en avait donnée dans sa lettre ; déclaration que, du reste, il confirme par l'autorité du Siège apostolique. Comme son silence avait été interprété en mauvaise part, il défie les malveillants, si rusés qu'ils soient, de trouver qu'il ait jamais rien fait ni tenté contre les décrets, soit des conciles, soit des Papes, ses prédécesseurs [... une fois élu Pape, donc ; c'est bien cela : il se retrouve assisté par le Saint-Esprit et donc pur sur la Foi dès qu'il est fait pape, étant tacitement désigné par l'Église Universelle pour l'être...!]. En­fin, il supplie l'empereur de ne point souffrir que les privilèges de la Chaire de saint Pierre soient diminués en rien par les artifices des méchants, et de ne lui envoyer que des personnes irréprochables dans leur foi et dans leurs mœurs" (Rohrbacher, t. IX, pp. 173, sq., pour tout l'épisode).
           
        C'est là certes une des plus surprenantes pages de l'Histoire ecclésiastique, qui en contient pourtant beaucoup, et quoi­que l'authenticité de tous les détails rapportés par Anastase-le-bibliothécaire et les au­tres historiens de l'époque qui consignent la chose ne semblent pas faire l'unanimité des historiens modernes, aucun d'eux ne met en doute, et ne saurait du reste le faire, l'exacti­tude de fond du récit quant à la collusion de Vigile avec le parti des hérétiques, via l'impératrice, pour sa promotion au souverain pontificat, collusion qui se déduit d'ailleurs des simples faits de l'Histoire admis de tous et non controversés (1/ Silvère est démis de la papauté pour son refus de rétablir les hérétiques, comme le voulait l'impératrice per­vertie 2/ celle-ci, désirant à toutes forces rétablir les prélats monophysites sur leurs sièges orientaux, fait alors immédiatement imposer Vigile, qu'elle connaît bien, comme pape).
           
        De cette bien peu glorieuse page, on tire deux enseignements de premier ordre.
           
        L'un condamne sans appel la bulle de Paul IV en son § 6 invoqué par les sédévacantistes pour invalider les papes vaticandeux et post : un complice d'hérétiques formels avant voire même lors de son élévation au Siège de Pierre peut parfaitement bien devenir et être vrai pape, verus papa, si le Saint-Esprit en a ainsi décidé. Puisque c'est arrivé une fois dans l'histoire de l'Église, il est par-là au moins prouvé que la bulle de Paul IV ne manifeste pas le droit divin dans son § 6 (le droit divin en effet, ne supporte aucune exception). Il est ma­nifeste, en effet, que Vigile est de connivence formelle avec les hérétiques avant d'être pape puisque c'est précisé­ment "grâce" à cette complicité avec l'hérésie qu'il est promu pape (selon la bulle de Jules II, il y aurait d'ailleurs une seconde raison grave d'invalidation de son élection, c'est qu'elle est entachée de simonie). Selon Paul IV, donc, aucun pro­blème, son élévation au Souve­rain Pontificat est absolument nulle, non-avenue de plein droit (car, dans sa bulle, non seulement il déclare déchu sans espérance de retour les prélats qui sont eux-mêmes hérétiques, mais aussi ceux qui "favorisent et se rendent complice" des hérétiques -§ 5-, comme c'est bien sûr éminemment le cas de notre très-méchant Vigile). Mais le Saint-Esprit n'a pas vu les choses comme cela, et, d'une pierre, a suscité un pain pour toute la Chrétienté : Vigile fut bel et bien vrai pape, "verus papa", c’est ainsi que l’Église l’a enregistré.
           
        L'autre enseignement est, on en conviendra, une édifiante et fort instructive illustration du caractère infaillible et tout divin de l'acte de désignation ou, à son défaut, comme dans le cas du pape Vigile, de reconnaissance approbative a-posteriori par l'Église universelle de la personne du pape actuel : une fois cet acte ecclésial intervenu, l'Assistance invincible par le Saint-Esprit de la personne du Pape pour les affaires de l'Église universelle ne peut manquer, comme il appert on ne peut mieux du cas Vigile. AVANT sa promotion au Siège de Pierre, Vigile, sur le plan doctrinal, "parle mal et comme un insensé", à son propre et surprenant témoignage ; mais APRÈS cette pro­motion, c'est-à-dire plus exactement après la reconnaissance de l'Église romaine de ladite promotion au Souverain Pontificat suite à la mort de l'infortuné pape Silverius, il devient parfaitement et héroïquement ortho­doxe dans sa Foi, au péril de sa vie, évidemment par grâce du Saint-Esprit qui ne lui per­met pas, dans sa charge et son Magistère de pape, de mener à mal les destinées de l'Église.
           
        Sur le plan théologique, Vigile est un cas d'école tout-à-fait extraordinaire. Il l'est d'autant plus si l'on considère que lorsqu'il supplante illégitimement Silverius, c'est… "sans élection" (de Montor, p. 266) par l'Église de Rome pour remplir la charge de pape ! En fait, il est tout simplement imposé comme pape par le général Bélisaire le lendemain de la déchéance scandaleuse, brutale et parfaitement illégitime de Silve­rius, les cardinaux anglais du grand-schisme d'Occident auraient dit : "par tumulte militaire". Jusque là, c'est exactement le cas de figure de l'intrus Constantin II (767-768), sauf la qualité de clerc et même de grand-clerc de Vigile que ne possédait pas ledit Constantin, simple laïc. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Vigile "avait figuré comme anti-pape sous Silvère" (ibid.), c'est-à-dire tant que ce dernier fut en vie. Ce n'est qu'après sa mort qu'il est canoniquement reconnu par l'Église Universelle comme pape, acceptus et probatus, car de toutes façons, il avait de grandes qualités pour assumer cette charge, ce n'était pas de sa part une ambition purement désordonnée, la suite montrant bien que "c'était un homme distingué par ses talents et une profonde connaissance des affaires" (ibid.). Gar­dons-nous bien, en effet, d'en rester à son intronisation trouble pour juger du pape Vigile : "Mais aucun de ces faits ne devient une raison pour s'armer de préventions, et surtout de fausses accusations. Examinons la vraie carrière pontificale de ce pape, qui va se montrer, en plus d'une occasion, un courageux soldat de Jésus-Christ" (ibid.).
           
        En tous cas, sur le plan théologique, on a là une magnifique leçon ! L'élévation au Siège de Pierre de Vigile n'est-elle pas une magistrale illustration du fait que l'acte de désignation ecclésiale universelle d'un tel comme pape actuel, assure À LUI SEUL la légitimité d'un pape, quand bien même tout le reste, élection y comprise, serait défectueux ? Vigile, en effet, ne fut jamais vraiment élu pape par l'Église romaine, mais seulement reconnu comme tel par elle à la mort de Silverius, et il n'en fut pas moins vrai pape, UNIQUEMENT, donc, notons-le soigneusement, par cet acte de désignation ecclésiale universelle posé quant à lui d'une manière a-posteriori inusitée et inédite sur sa personne…!
           
        Car, auquel cas d'un élu mauvais et hérétique désirant infecter l'Église, par complicité maligne ou corruption personnelle, le Saint-Esprit, qui n'a pas le bras raccourci, a deux solutions : soit le convertir, changer le persécuteur Saül en l'apôtre Paul (ce qu'il fait magistralement pour Vigile, peu recommandable apparem­ment, mais qui, une fois devenu pape, deviendra une des plus belles figures catholiques de ce temps, un des plus solides et énergiques défen­seurs de la Foi, très-notamment contre l'hérésie dont il s'était rendu l'ignominieux complice… avant son élection !), ou bien soit le dénoncer à la face de l'Église à tout le moins AVANT la consommation de l'élection par l'acte de désignation ecclésiale univer­selle de sa qualité de pape, par tout moyen qu'Il juge utile, si, dans Ses insondables décrets, Il n'a pas décidé de convertir le papabile hérétique.
           
        Mais en aucun cas, comme le suppose blasphématoirement Paul IV, ici vraiment mal inspiré puisqu'il suppose l'absence ou l'impuissance du Saint-Esprit dans l'acte d'élection du Pontife suprême théologiquement achevé, on ne peut supposer une désignation par l'Église Universelle d'un tel comme étant le Vicaire actuel du Christ, sans que celui-ci le soit vraiment, car cette dite désignation est un sceau, un agrément formel du Saint-Esprit, digitus Dei hic est, évidemment toujours doté de l'infaillibililité et de l'ordre du fait dogmatique. Il est vraiment très-important de bien saisir ce point qu'illustre merveilleu­sement bien le cas Vi­gile, mais sacrilègement contredit par le très-hérétique et impie § 6 de la bulle de Paul IV.
           
        Paul IV, pourtant, fut extrêmement persuadé que sa propre élection au Siège de Pierre fut un vrai mira­cle de Dieu ! "Bien que la proposition [du très-influent cardinal Farnèse, de faire voter les cardinaux pour Carafa], étant donné la grande aversion qu'inspirait Carafa même au parti français et l'hostilité ouverte du parti hispano-impérial et l'exclusive du Charles-Quint, n'eût presque aucune chance de succès, Carafa n'en obtint pas moins la tiare. L'auteur de l'Histoire des Conclaves y voit une preuve «du côté miraculeux des Concla­ves et que c'est Dieu qui fait réellement les papes»" (Pastor, p. 50). "Le fait surprenant que lui, le redouté et le haï, eût obtenu la tiare malgré l'exclusive de l'Empereur ne lui paraissait pas pouvoir s'expliquer que par l'intervention d'une puissance supérieure. Il était et resta fermement persuadé que ce n'étaient pas les cardinaux, mais Dieu Lui-même qui l'avait élu, pour l'exécution de Ses desseins" (ibid., p. 59). "[Le car­dinal protecteur de l'Empire], Mendoza, avait dit à Carafa, en entrant au Conclave, qu'il devait renoncer à tout espoir parce que l'Empereur l'excluait : «Tant mieux, avait répliqué l'ardent théatin ; si Dieu veut mon élection, je n'en aurai d'obligation à personne» ! Dieu la voulut en effet : malgré l'exclusion notoire, quoique non officiellement dénoncée, de l'Empereur, Farnèse rassembla ses partisans dans la chapelle Pauline, entraî­nant quelques adhérents flottants du groupe impérial, et Paul IV se trouva pape le huitième jour de ce Conclave extrêmement mouvementé (23 mai 1555)" (Lector, p. 526).
           
        Alors quoi, voyons, Paul IV aurait tout-de-même dû se dire que si Dieu fait déjà un grand miracle pour choisir parmi les catholiques celui qu'Il veut pour être pape, et pas un autre parmi les catholiques, combien plus pouvons-nous être sûr et certain qu'Il interdira toute élection d'un hérétique au Souverain Pontificat, et que donc son § 6 était parfaitement inutile, nonobstant son caractère affreusement hérétique et impie !!!
           
        L'assistance du Saint-Esprit est si forte dans les élections pontificales, que les signes miraculeux de sa Présence n'y sont en effet pas rares : le cas du pape saint Fabien (236-250) sur la tête duquel une colombe se reposa, le désignant ainsi aux électeurs comme le Choisi du Saint-Esprit, est bien connu, mais celui de Benoît XII (1334-1342) l'est moins. En ce qui le concerne, sans que les vingt-quatre cardinaux assemblés en conclave ne se consultassent préalablement, son nom sortit des urnes dans l'unanimité absolue, à la surprise générale ! Même cas de figure dans l'élection de Grégoire XV (1621-1623) : le conclave étant comme à l'accoutumée divisé inextricablement en des factions incapables de s'enten­dre, tout-à-coup, le nom du futur Grégoire XV à peine lancé au hasard, tout fut aplani ! "Cette dernière candidature recueille immédiatement l'approbation générale : le cardinal Borghèse abandonne la candidature Campori et le nouveau pape est élu au soir du 9 février selon la procédure exceptionnelle de l'acclamation : «On vit alors, écrit dans sa relation du conclave le prince Federico Cesi, conclaviste de son oncle et témoin oculaire, tant de discordes et de divergences d'opinions humaines se muer en une concorde subite et universelle, œuvre mer­veilleuse de l'Esprit-Saint ébauchée et accomplie selon un ordre parfait»" (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, art. Gré­goire XV, p. 765, 2e col.). Il est plus que probable qu'il existe d'autres cas similaires. L'Assistance divine dans les élections pontifi­cales est si forte que la chose se constate même au niveau simplement naturel et temporel : "Les 263 papes qui ont occupé le siège de saint Pierre offrent au regard de l'historien une série si remarquable de personnalités éminentes qu'aucune dynastie politique ne saurait soutenir la comparaison. En présence d'un pareil fait historique, l'on se demande instinctivement quelle loi de succession a présidé, à travers les siècles, à la création de ces Pontifes parmi lesquels abondent, plus qu'ailleurs, les saints, les hommes de génie, les politiques de grande envergure" (Lector, p. V). Quelle loi de succession, si formidable ? Mais tout simplement celle de l'in­faillible Assistance du Saint-Esprit…
           
        C'est pour­quoi le cardinal Billot pouvait bien dire : "Dès l'instant où le pape est accueilli comme tel, et apparaît uni à l'Église comme la tête l'est au corps, LA QUESTION NE SAURAIT PLUS ÊTRE AGITÉE D'UN VICE DANS L'ÉLECTION OU DE L'ABSENCE D'UNE DES CONDITIONS REQUISES POUR SA LÉGITIMITÉ. L'ADHÉSION DE L'ÉGLISE [UNIVERSELLE, TOUTE EN­TIÈRE ET EN PERMANENCE INFORMÉE DE LA GRÂCE TOUTE-PUISSANTE DU SAINT-ESPRIT] GUÉRIT POUR AINSI DIRE RADICALEMENT TOUT VICE POSSIBLE DE L'ÉLECTION". Et cette loi divine découle de l'Assistance invincible du Saint-Esprit dans l'élection papale. Dans le cas du pape Vigile, on en a vraiment, il faut l'avouer, une toute miraculeuse et renversante illustration : comment un homme qui s'est laissé aller par ambi­tion personnelle d'être pape jusqu'à un crime crapuleux sur la personne du pape son prédécesseur, son père dans la Foi, à laquelle furieuse ambition il sacrifie sans vergogne la Foi, or et argent d'une prostituée d'impératrice à l'appui, peut-il se retrouver, du jour au lendemain, non seulement catho­lique mais vigoureux défenseur de la Foi sur le point doctrinal même où il avait failli (comme dit le chevalier Artaud de Montor, dans son Histoire des souverains pontifes romains : "TOUT-À-COUP, on vit se manifester dans les dispositions de Vigile un chan­gement inespéré" (p. 266) ? Et d'une manière constante pen­dant les dix-sept années de son Pontificat, sans plus jamais faillir ?! On plaint celui qui ne verrait pas ici une opération aussi visible du Saint-Esprit.
           
        Il n'est pas inutile, malgré les longueurs mais longueurs intéressant notre Foi, de bien établir cette Foi militante extraordinaire du pape Vigile, après sa conversion lorsqu'il devint réellement pape après la mort de Silverius. Quelque dix ans après son élection, coincé à Constan­tinople par un Empereur grec retors, sans parole et favorisant l'hérésie, assisté de prélats courtisans, le pape Vigile aura une saillie digne d'un Confesseur de la Foi : "On le pressa même avec tant de violence [de souscrire à la condamnation des Trois Chapitres, suite bâtarde et compliquée du monophysisme qu'il est inutile d'exposer ici], qu'il s'écria publiquement dans une assemblée : «Je vous déclare que, quoique vous me teniez captif, vous ne tenez pas saint Pierre !»" (Rohrbacher, t. IX, p. 184). "Vigile tint alors une conduite sublime", note le chevalier de Montor.
           
        Rien de plus vrai, en effet. C'est d'ailleurs grâce à sa constance remarquable dans la pureté de la Foi, à son rare sens de la conciliation, à sa grande intelligence spirituelle de la situation globale, à sa pa­tience inouïe à supporter les pires outrages de la part de l'Empereur durant les sept ans qu'il le retint de force à Constantinople (ah, certes !, plus encore que son prédécesseur Silvère dont l'élection se fit sous influence politique goth, le malheureux Vigile paya fort cher et rubis sur l'ongle le grave péché de sa cou­pable élévation au Pontificat suprême !), que cet essai de résurgence du monophysisme fut étouffé dans l'œuf en Orient (… cette même hérésie dont il s'était rendu complice formel avant son élection !), que l'Occident se tint satisfait de la profession de Foi gréco-orientale et que l'Unité de l'Église fut ainsi sauvée...
           
        Le chevalier de Montor termine sa notice sur le pape Vigile par ces lignes très-équilibrées : "Vigile re­connut la nécessité d'une conduite qui, loin d'être une contradiction, devenait la preuve de l'extrême attention avec laquelle ce pape observait les évènements, leur puissance, leurs exigences obstinées, et finissait toujours par un acte d'habileté, après avoir épuisé toutes les phases de la détermination et du courage le plus exalté" (p. 270). C'est le jugement le plus juste qu'on puisse trouver quant au pape Vigile. Certains historiens à mentalité protestante, menteurs éhontés à la suite des centuria­teurs de Magdebourg, hypocrites falsificateurs de l'Histoire ecclésiastique dès lors qu'il s'agit de la papauté, feraient bien de comprendre, avant de vouer le pape Vigile aux gémonies, que si, détachés de leur terrible contexte, les actes de son pontificat semblent parfois sinueux, c'est que les circonstan­ces peu glorieuses de son élection rendaient sa position très-délicate envers un Empe­reur d'Orient politiquement tout-puissant, "entêté de théologie" (De la Monarchie pontificale, Dom Guéranger, p. 106), mais en vérité fort incapable de discerner les pièges des hérétiques pour lesquels sa Foi mélangée éprouvait une sympathie irrépressible, de surcroît devenu malveillant et cir­convenu contre un pape véritablement transfiguré après son élection en athlète du Christ. De plus, certaines lettres citées par Libérat l'Africain comme étant de Vigile, et dans lesquelles il ferait soi-disant ardente pro­fession de foi monophysite, sont reconnus comme des faux certains (l'historien Libérat était très-hostile à Vigile). "Quand on considère toutes ces difficultés, conclut le savant de Marca, on trouve, avec les érudits, que ce qui paraissait inconstance ou légèreté dans Vigile, était, au contraire, de la prudence et de la maturité de conseil" (Labbe, t. 5, Dissert. de Vigilii decreto, col. 603 & 4, cité par Rohrbacher, t. IX, p. 184). Novaes n'a pas une autre analyse : "[Le pape Vigile] décida tantôt dans un sens tantôt dans un autre, tant que son action fut libre, et toujours sans préjudice pour les vérités apostoliques" (cité par de Montor, p. 270). Et, après avoir précisé que la question des Trois Chapitres portait non sur la Foi mais sur des questions de personnes seulement, Novaes conclut de même que les historiens sérieux : "Avoir varié ne fut pas dans le pontife inconstance d'esprit, mais précepte de prudence". C'est le moins qu'on puisse en dire après une lecture appro­fondie de ce pontificat qui fut certainement l'un des plus persécuté de l'Histoire de l'Église, et peut-être bien, en définitive, oui, l'un... des plus saints !
           
        Il est bon de noter pour finir que son immédiat successeur, Pélager 1er (556-561), après avoir critiqué et fort combattu en tant que grand-clerc romain l'attitude du pape Vigile sur l'affaire des Trois Chapitres, fut bien obligé, une fois "poussé" lui-même par l'empereur sur le Siège de Pierre, d'adopter la même position que lui, pour être, pareillement que Vigile, grandement persé­cuté durant tout son pontificat ! L'éloge qu'on trouve sur son épitaphe officielle, rector apostolicae fidei, s'applique donc a fortiori pour Vigile, son "père spirituel" dont il ne fit que suivre en tout la politique religieuse dans l'affaire épineuse et toute passionnelle des Trois Chapitres qui remplit derechef son propre pontificat. Il est également bon de rappeler et bien noter que "quarante ans après [le pontifi­cat du pape Vigile], saint Grégoire-le-Grand trouvait encore les restes de l'opposition que Vigile avait tant redoutée dans l'Occident, et consentait à ce que, dans une occasion délicate, on passât sous silence le cinquième Concile [comme l'avait fait Vigile, donc, en son temps, et l'on voit par-là l'inanité de l'accusation de certains excessifs qui prenaient prétexte de ce même "silence" de Vigile pour lui imputer le péché d'hérésie ; le chevalier de Montor note d'ail­leurs que cedit concile controversé fut reconnu par "des successeurs de Vigile, Pélage 1er, Jean III, Benoît 1er, Pélage II et saint Grégoire-le-Grand" (p. 270)]" (Dom Guéranger, p. 107).
           
        Récapitulons et concluons. Le cas Vigile nous assure qu'un pape ne saurait qu'être vrai pape une fois désigné et reconnu par l'Église Universelle pour l'être, quand bien même il s'agirait avant sa promotion au souverain pontificat d'un comploteur vénal et simoniaque doublé d'un complice d'hérétiques formels et triplé d'un parricide spirituel, parce que son élection ne saurait plus être remise en cause après cet acte tout divin de désignation et reconnaissance universelles de sa qualité de Pontife romain actuel, même pour la raison d'hérésie antécédente à sadite élection. Cette affaire nous fait bien voir l'importance CAPITALE du lieu théolo­gique de l'acte de désignation ecclésiale universelle du Pontife romain actuel, acte parfaitement infaillible et suffisant EN SOI ET TOUT SEUL pour valider son élec­tion, NONOBSTANT TOUT CRITÈRE DOCTRINAL. Comme le disait si bien le cardinal Billot : "L'adhésion de l'Église universelle est toujours À ELLE SEULE le signe infaillible de la légitimité de la personne du Pontife", renchérissant ainsi sur les cardinaux anglais qui remettaient dans le droit chemin les schismatiques français lors du grand-schisme d'Occident par ces mots : "S'il y a eu l'assentiment unanime de l'Église sur le pape, alors, même s'il y a eu tumulte populaire ou militaire, l'élection est certainement valide".
             
        En soi et tout seul, en effet, c'est bien cela, et le cas Vigile le démontre magistralement. J'y insiste à dessein parce que le sédévacantiste se trompe principalement sur ce point que pour lui, ce qui fait qu'un pape est vrai pape, c'est d'abord qu'il a la Foi pour l'Église Universelle. Sans aucun doute, il est bien vrai que pour qu'un pape soit vrai pape, il faut qu'il soit inhabité de la Foi dans son Magistère public, c'est plus que sûr, mais, comme je le disais au début de ces lignes, il est capital de comprendre que cette rectitude doctrinale du pape pour l'Église universelle est la subséquence de sa légitimité impérée par la désignation ecclé­siale universelle de sa personne comme étant le Vicaire du Christ actuel, qui lui a donnée communication permanente de la grâce in­faillible du Saint-Esprit pour l'Église universelle, et non point la cause. Le cas Vigile en est certes une étonnante et magistrale illustration : lui est héré­tique, ou du moins complice formel d'hérétiques déposés, avant son intronisation, ce n'est donc pas parce qu'il a une Foi pure qu'il est fait pape ! Cependant, comme un pape ne saurait l'être s'il n'est catholique, le Saint-Esprit se devait donc de le convertir, et c'est ce qu'Il fait, superbement d'ailleurs.
           
        Notons bien l'ordonnance : le Saint-Esprit, par l'organe de l'Église universelle qui désigne et reconnaît Vigile comme sa tête actuelle, le fait vrai pape, verus papa, et après seulement, Il lui communique la Foi pour toute l'Église.
 
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        La question théologique de fond étant résolue, avec en sus une magistrale démonstration pratique du principe catholique exposé avec le cas du pape Vigile, je pourrais, ma paresse en crierait de joie, m'arrêter là, mettre le point final. Il est donc bien établi dans la Foi et en Église, que la règle prochaine de la Légitimité pontificale est la désignation par l'Église Universelle du Pontife romain actuel. Anathema sit, qui s'y oppose !! Ce qui fait s'écrouler dans son principe même, comme château de cartes dont on tire une carte du dessous, la fumeuse plus que fameuse bulle de Paul IV... et tout le raisonnement sédévacantiste qui s'appuie dessus, qu'il soit pur et dur à la barbaresque ou mitigé à la guérardienne.
           
        Cependant, il est nécessaire de poursuivre le sédévac dans ses erreurs et faussetés jusqu'au fond du donf, pour étouffer complètement son mensonge dans les âmes. Car il ne lui a pas suffi de professer l'hérésie dans le principe de la règle prochaine de la Légitimité pontificale, il triche derechef avec l'Histoire de la confection de cette bulle de Paul IV et de son contexte historique, tordant les faits pro domo sedevacantismus, inventant par exemple de toutes pièces que cette bulle aurait empêché un hérétique de monter sur le Siège de Pierre après la mort du pape Paul IV. De cette menterie, l'abbé Francesco Ricossa, sédévacantiste à la guérardienne et à la diable (c'est synonyme), s'est fait, dans deux numéros de sa revue Sodalitium, le champion, ou peut-être conviendrait-il mieux de dire le Don Quichotte de la Mancha (je rappelle ici mon démontage complet de la thèse guérardienne, au lien suivant : http://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/RefuteGuerardismeMisEnForme.pdf).
           
        Il convient en effet d'étudier avec soin le contexte historique, ecclésiastique, dans lequel a paru cette fumeuse bulle, aussi le caractère plus que déséquilibré du pape Paul IV, pour comprendre comment il s'est bien fait qu'un pape vrai pape (on n'en saurait point douter pour Paul IV !), a pu oser se permettre de professer une telle hérésie qui détruit l'Église structurellement d'un seul coup d'un seul, il faut bien en prendre conscience. L'ayant fait, et j'ai consigné mes résultats dans L'Impubliable il y a plus de vingt-cinq ans, je commencerai par dire qu'il appert de l'examen de l'Histoire que les cardinaux de Paul IV n'étaient pas du tout d'accord de souscrire à cette proposition hérétique du § 6, funeste au dernier degré pour l'Église.
           
        Pénétrant les arcanes de l'Histoire, on sent très-bien le conflit, combat, entre le pape atteint d'une sorte de "maladie" de la persécution, de folie paranoïaque de voir des hérétiques partout surtout là où il n'y en avait pas ("Un rapport de l'ambassadeur vénitien du 6 novembre 1557 nous apprend les protestations des cardinaux, parce que le Pape convoquait chaque dimanche l'inquisition pour poursuivre les hérétiques un à un et négligeait pendant ce temps les affaires les plus importantes, telles que le danger où l'on était de perdre des États entiers comme la Pologne et l'Allemagne, qu'il laissait sans nonce" ― Pastor, t. XIV, p. 279), et ses cardinaux maltraités par lui quasi à la Urbain VI, qui transparaît jusqu'à travers le parchemin de la bulle (dans les derniers consistoires secrets avec ses cardinaux, Paul IV se mettait dans de telles colères, qui duraient si longtemps, qu'un cardinal finira par dire, gémissant, en sortant d'une de ces éprouvantes séances : "Il ne va plus être possible de vivre et de traiter la moindre affaire avec le pape !" Qu'on se rende bien compte de la morbidité de l'état mental de Paul IV par le fait qu'il avait été jusqu'à soupçonner le cardinal Alexandrin, le futur pape saint Pie V, son dauphin bien-aimé pourtant, et que le bruit courait de son emprisonnement au château Saint-Ange, juste parce qu'il avait tâché de tempérer le pape dans ses accusations déséquilibrées et ses jugements injustes…!).
           
        Si, en effet, on excepte l'affirmation générale de l'introduction du § 1 : "Nous considérons la situation actuelle assez grave et dangereuse pour que le Pontife Romain (...) puisse être contredit s'il dévie de la Foi, etc.", cinq paragraphes sur sept (nonobstant les § conclusifs), qui forment quasi tout le corps du texte, ne citent nullement le pape comme pouvant être rétroactivement frappé de déchéance pour cause d'hérésie, mais seulement tout grand'clerc ou tout haut personnage laïc, je cite texto : "de quelque état, dignité, ordre, condition et prééminence, qu'il soit même évêque, archevêque, patriarche, primat, de dignité ecclésiastique encore supérieure, honoré du cardinalat et, où que ce soit, investi de la charge de légat du siège apostolique, perpétuelle ou temporaire, ou qu'il resplendisse d'une excellence et autorité séculière, comte, baron, marquis, duc, roi, Empereur, qui que ce soit parmi eux" (sic au § 2, réitéré tel quel au § 3, lequel s'arrête à "même la dignité cardinalice" comme ce qui est conçu hiérarchiquement de plus haut pouvant être frappé de par la bulle, le tout sous-entendu dans les §§ 4 & 5. Et là, c'est parfaitement orthodoxe, quoique nous projetant abruptement aux temps disciplinaires les plus drastiques, draconiens, de l'Église).
           
        Comme si les cardinaux qui, dans leur grande majorité, voulaient tempérer et freiner Paul IV, avaient essayé, dans leur rédaction commune de la bulle avec le très-irascible voire hélas fou Vicaire du Christ, de la cantonner au pouvoir qui lui était théologiquement réservé, contre le désir hérétiquement outré de Paul IV, à savoir : déclarer nulle et non avenue la charge de tout prélat de l'Église dont on découvre qu'il est hérétique, aussi élevé soit-il dans l'échelle de la hiérarchie ecclésiastique (ce qui, dans une période critique de la vie de l'Église où il y a danger prochain et immédiat de subversion, peut se comprendre, et c'était quelque peu le cas au temps de Paul IV mais pas autant que sa folie le lui montrait), MAIS NE SURTOUT PAS TOUCHER AU PAPE ET ENCORE MOINS À LA SACRO-SAINTE ÉLECTION PONTIFICALE.
           
        L'historique de la promulgation de cette fumeuse bulle nous convaincra sans peine de cette lutte interne farouche entre le paranoïaque Paul IV et ses cardinaux. "Moins on trouvait de preuves contre [le cardinal] Morone, plus s'accroissait la crainte de Paul IV que cet homme, qu'il tenait, une fois pour toutes pour hérétique, pût devenir son successeur. Il entendait à tout prix, par les plus sévères ordonnances, rendre impossible une pareille éventualité. À la fin de 1558, le bruit courut que Paul IV préparait une bulle pour retirer tout droit d'élection actif et passif dans les conclaves aux cardinaux convaincus d'hérésie ou à ceux mêmes qui avaient été soumis à l'Inquisition pour simple soupçon d'hérésie [à raison, ou... à tort !!!]. Le 8 février 1559, le Pape fit effectivement lire au Consistoire un document de ce genre. Il n'insista cependant pas ; les cardinaux déclarèrent que l'homme le meilleur pouvait avoir un ennemi qui l'accusât du pire ; tant qu'un cardinal n'était pas convaincu de ce crime, il ne pouvait être exclu du conclave. À la suite de cela, la bulle fut encore une fois remaniée. Dans la teneur où elle fut souscrite, le 15 février, par tous les cardinaux, elle déclarait que l'élection d'un homme qui aurait, ne fût-ce qu'une fois, erré en matière de foi, ne pouvait être valide. Le document en question renouvelait et renforçait solennellement les anciennes et sévères ordonnances contre les hérétiques, laïques aussi bien qu'ecclésiastiques, même s'ils étaient revêtus des plus hautes dignités, ajoutant que toutes les personnes occupant un rang et une dignité devaient être considérées, dès leur première [!!!] faute, comme sujettes à rechuter, car on n'a que trop de preuves des suites fâcheuses qu'une telle défaillance entraîne après elle. Paul IV n'abandonna cependant pas son plan original [on sent la lutte : les cardinaux ne sont pas d'accord d'aller si loin que le veut, à toutes forces, le pape, qui va finir cependant par imposer ses vues dans un des documents les plus regrettables et honteux du Bullaire romain, quant aux très-hérétique § 6]. Le 6 mars, il rendit un décret d'après lequel quiconque aurait été seulement accusé d'hérésie [à raison ou... à tort !!!], ne pourrait plus devenir pape. De la sorte, il ne se borna pas à lui retirer le droit d'élection actif mais même passif [= la possibilité d'être lui-même élu pape : voilà, justement, qui est hérétique comme prenant la place du Saint-Esprit et de l'Église Universelle dans les élections pontificales, et qui précisément est arraché de force des cardinaux terrorisés et apeurés par le pape janséniste et paranoïaque]" (Pastor, pp. 243-245).
           
        ... Mais, avant de poursuivre, un mot, d'abord, sur la vision morale de Paul IV qui motive ses excès, parce qu'elle est trop scandaleuse et même carrément antichrétienne pour ne pas la stigmatiser comme il convient : soi-disant, selon lui, un catholique ayant versé dans l'hérésie une seule fois, est à tout coup absolument et définitivement irrécupérable, ne peut plus qu'être hérétique tout le reste de sa vie, selon la sentence janséniste "là où il y a eu feu il y aura toujours fumée", quoiqu'il fasse, quoiqu'il en ait, de vouloir se convertir…! On est là en plein jansénisme avant la lettre !! L'histoire tellement édifiante du pape Vigile, que je viens de relater que dessus, détruit avec éclat cette vue ténébreuse, pessimiste, janséniste des choses, parce qu'elle fait scandaleusement abstraction totale, impie, de la TOUTE-puissance de la Grâce et de l'Amour divins dans les âmes !
           
        Sans parler du pharisien sectaire Saül devenu saint Paul, l'Apôtre des Gentils et son patron de pontificat, Paul IV se souvenait-il de l'histoire du rhétoricien Augustin d'Hippone, infecté pendant les trente premières années de sa vie de la pire des hérésies, le manichéisme, la plus difficile à se purger au propre aveu de saint Augustin lui-même dans ses admirables Confessions ? Si donc la bulle du janséniste Paul IV avait paru au IVe siècle, l'évêque d'Hippone n'aurait tout simplement pas existé et… l'on n'aurait pas eu… l'un des plus grands… Pères de l'Église.
           
        Mieux encore, si l'on peut dire, parce que l'histoire édifiante qui va suivre eut un grand retentissement et qu'elle se passait à Rome sous les yeux mêmes de Jean-Pierre Carafa, futur Paul IV : je veux parler de la si belle conversion de Sixte de Sienne, jeune et ardent franciscain hérétique "né dans le judaïsme, croit-on" (Saint Pie V, un pape pour notre temps, Pierre Tilloy, p. 39), que Michel Ghislieri, futur cardinal Alexandrin, futur saint Pie V, alors grand-inquisiteur, eut la sollicitude pastorale d'aller visiter en prison quand il était relaps impénitent et déjà condamné au bûcher ; il parvint à le faire se reconnaître, puis, immédiatement, alla demander à genoux sa grâce au pape Jules III qui la lui accorda : Sixte de Sienne se convertit tout de bon cette fois-ci et ne rechuta plus jamais ; le plus beau, c'est que ne voulant pas reprendre l'habit franciscain, "pensant l'avoir déshonoré, le P. Ghislieri le revêtit alors d'une de ses tuniques et introduisit dans son Ordre [dominicain] ce nouveau Frère qui devint [un prêtre,] un écrivain illustre et un vaillant champion du dogme chrétien" (ibid.) ! Un Sixte de Sienne que… Paul IV lui-même, en pleine contradiction avec ses propres principes, ne fut pas rebuté d'utiliser, l'employant pour la conversion des juifs !!! Or, il n'est qu'à peine besoin d'apporter la précision que l'histoire de l'Église regorge de cas semblables qui prouvent que la soi-disant loi morale rigoriste-janséniste de Paul IV qui veut qu'un hérétique converti, même sincère, ne puisse jamais cesser d'être hérétique en son âme (et donc qu'on doit l'éloigner de la prêtrise ou de l'épiscopat ou de la papauté), vient du diable, est janséniste. Et puis, je le redis, l'Histoire ecclésiastique nous enseigne le cas d'un pape, Vigile au VIe siècle, qui fut, avant son accession au souverain pontificat, un formel "complice d'hérétiques" et qui n'en fut pas moins un pape vrai pape, et de plus vigoureux athlète de la Foi contre l'hérésie même dont il s'était rendu complice, ce qui achève de montrer le caractère radicalement faux de la proposition hérétique de Paul IV dans son § 6.
           
        Pour en revenir à la structure rédactionnelle de la bulle, Pastor, dans ce qu'on vient d'en lire, nous permet de comprendre le fond du problème par ses fort intéressantes et intelligentes explications : ce mélange qu'on sent dans la bulle entre ce qu'il est permis de dire, et qui d'ailleurs en forme plus des trois/quarts (= que toute promotion à une charge d'Église sauf celle de pape puisse être déclarée ipso-facto nulle si le prélat est convaincu d'hérésie avant ou pendant l'exercice de sa charge ecclésiale), et ce qu'il n'était théologiquement absolument pas permis de dire, mais que l'insensé Paul IV voulait absolument dire (= que l'élection d'un pape serait elle aussi déclarée ipso-facto nulle au cas où on le trouverait hérétique, avant ou pendant son pontificat), se trouve vérifié par l'historique de l'élaboration de cette bulle regrettable. Les cinq principaux § de cette bulle qui en forment quasi tout le corps, donc, disais-je plus haut, ne touchent nullement au pape et à son élection. Mais brutalement, tout soudain, au seul § 6, on a le rajout surprenant, au bout de la longue litanie des dignités hiérarchiques des § précédents que nous avons citée, qui, pesante, revient à nouveau lourdement à l'identique : "... et même le Souverain Pontife". Ce § 6 n'est d'ailleurs pas seulement nouveau en ce qu'il inclut pour la première fois dans la bulle le pape dans la condamnation, à la suite et fin des grands dignitaires de l'Église, mais également dans le fait qu'il déclare déchus de toute charge dans l'Église non seulement les hérétiques révélés tels une fois en poste (comme cela avait été dit aux §§ 2, 3, 4 & 5), mais encore ceux qui l'auraient été AVANT lesdites élévations auxdites charges et fonctions ! Y compris donc, en ce qui concerne celle du Souverain Pontificat…!!! On croit rêver. Ou plutôt cauchemarder. Et le § 7 continue derechef sur la lancée hétérodoxe du § 6.
           
        Or, le sens précis du premier mot latin qui introduit ledit § 6 rejoint exactement la logique interne de la bulle, pour aboutir à la même formelle séparation du § 6 de tout ce qui le précède. Dans le texte latin originel de la bulle, le § 6 commence en effet par "Adiicientes". Ce terme signifie : "En rajout de, en addition de ce qui précède, au surplus de, etc.", ou toutes autres formules similaires que le lapidaire raccourci français "De plus" rend très-bien, comme toutes les traductions de la bulle de Paul IV que j'ai lues le montrent. Or, par signification définitionnelle même du mot, ce qui se rajoute à quelque chose… ne dépend pas de ce quelque chose. Donc, il est bien démontré que le § 6 est un "rajout" structurel dans la bulle de Paul IV, de deux façons qui le disent formellement (1/ la logique et la structure internes de la rédaction bullaire qui n'incluent nullement dans les cinq premiers § la fonction de pape dans les listes des prélats susceptibles d'être touchés par les condamnations infligées aux hérétiques, mais l'incluent seulement dans le § 6, duquel constat on déduit une séparation formelle dans l'idée entre les §§ 2 à 5 et le § 6 ; 2/ séparation dans l'idée qui est absolument confirmée linguistiquement par le terme latin "adiicientes" introduisant le § 6, qui signifie "de plus", signifiant formellement un rajout par rapport à ce qui précède).
           
        Le § 6 est donc, pour le dire crûment mais en toute vérité, une sorte de tumeur maligne sur un corps sain, une excroissance cancéreuse (avec le § 7 qui lui est subséquent). Et il n'est pas besoin d'aller chercher très-loin le coupable qui a implanté damnablement au forcing et aux forceps avec ses cardinaux cette tumeur cancéreuse : il s'appelle Paul IV…
           
        ... C'est vraiment Paul IV qui est coupable de la proposition hérétique du § 6 de la bulle, qui injurie et offense très-grièvement Dame la sainte Église romaine en faisant accroire et croire à tout fidèle qu'elle pourrait, SANS RÉAGIR OU POUVOIR LE FAIRE, par l'organe collectif des cardinaux qui la représentent formellement dans la vacance du Siège Apostolique, laisser des hérétiques envahir le Siège de Pierre, et de là bien sûr empoisonner toute l'Église…!! Mais, tonnerre de Boanergès !!!, où résiderait donc bien, je vous prie, s'il en était ainsi, la virtus éclatante, suréminente, divine, de l'Église de Rome singulièrement récapitulée dans le Sacré-Collège cardinalice, sur toutes les autres églises particulières du monde, si glorieusement et à si juste titre vantée et professée par tous les papes, tous les Pères, tous les théologiens, tous les scolastiques, tous les saints, tout spécialement sur le chapitre de la pureté de la Foi, si on acceptait l'impie proposition de Paul IV dans son § 6, à savoir que le Sacré-Collège cardinalice peut, dans sa majorité canonique, se laisser subvertir par un hérétique envahissant le Siège de Pierre ?!? Je me le demande. L'Église romaine ne serait que decorum de carton-pâte en faux-semblant.
           
        Que peut-il rester, en effet, de l'infaillibilité, de la sainteté, de la force et de la sagesse divines de l'Église romaine, "nom d'humilité de l'Église Universelle" (Journet), dirigée immédiatement par le Saint-Esprit, et non médiatement, alors qu'elle ne serait même pas capable, de par le droit divin infaillible dont elle est dotée, de barrer la route à un hérétique venant subvertir le Siège de Pierre, et à partir de lui, tout le Magistère de l'Église Universelle…! Il y faudrait soi-disant, dixit Paul IV, des prescriptions humaines pour l'en garantir ! Qui n'ont pas été utiles et nécessaires avant lui, pesons bien la chose, durant… quinze siècles !! Le Christ n'y aurait pas pensé avant le XVIe siècle de Paul IV, et malgré cela, le Saint-Siège ne se serait pas fait subvertir par des hérétiques pendant… quinze longs siècles !! Pas même, non, pendant les trois premiers siècles chrétiens où les hérétiques, les gnostiques, les magiciens tel Simon, les ignobles, les pneumatiques, pullulaient, grouillaient comme vermines autour du Siège de Pierre, menaçant de tout engloutir !!!
           
        Preuve, soit dit en passant, que cette proposition du § 6 était parfaitement inutile, nonobstant son caractère encore plus parfaitement hérétique…
 
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        Mais, au fait, au fait, les cardinaux Pole et Morone, contre lesquels œuvrait le pape Paul IV dans sa bulle comme un malade ou plutôt comme un possédé pour empêcher qu'ils ne soient élus pape, voulant à toutes forces qu'ils soient des hérésiarques occultes (ce qui ne concernait plus que Morone, Pole étant mort un an avant la parution de la bulle), étaient-ils vraiment... hérétiques ?
           
        Épluchons ensemble le contexte historique du pontificat de Paul IV, en y mettant le soc de charrue très-profond, avec tous les attendus de la problématique en mains et pas seulement certains, ce qui nous permettra de trancher cette question de façon définitive et sûre, et nous verrons alors que la réponse à la question sera... négative.
           
        Après la gravissime crise du protestantisme, deux tendances se dessinaient chez les hauts prélats catholiques pour la résorber, l'une rigide, dont le principal moyen sera inquisitorial, allié à l'austérité de vie des membres, l'autre, dite des Spirituels, plus humaniste, plus douce à la saint François de Sales, plus attachée à convertir par le cœur que par l'esprit, à coloration peut-être quelque peu irénique mais pareillement liée au grand et catholique désir d'une vraie réforme dans l'Église et à la sainteté de vie des chefs de file.
           
        Paul IV se trouve dans la première catégorie, la précision est inutile. Pole et Morone, par contre, se trouvent aux premiers rangs de la seconde, quoique les choses ne soient pas aussi tranchées que cela, Morone, quant à lui, n'hésitant pas à appuyer l'élection de Carafa qui deviendra Paul IV au conclave de 1555. Il est d'ailleurs assez étrange d'avoir à se rappeler que Morone et Pole furent les deux papabile les plus en vue avec Jean-Pierre Carafa dans le conclave de 1555 qui élit ce dernier : leur gardait-il un ressentiment ? Cela ne l'honorerait pas beaucoup, surtout si l'on rajoute qu'il fut élu à l'arraché, à une voix près, très-notamment grâce à l'intervention du cardinal... Morone ! auprès des concla­vistes qui ne voulaient pas de sa candidature, et surtout à celle du très-influent cardinal Farnèse, l'ami du cardinal ... Pole !, un cardi­nal Pole qui, d'ailleurs, en 1555, restant à son poste en Angleterre pour le motif spirituel élevé de se consacrer exclusivement, après la chute affreuse du roi Henri VIII, à la conversion du royaume très-fragilement recatholicisé avec la reine Marie -la suite, avec l'impie Élisabeth 1ère, le prouvera abominablement, effroyablement-, ne souhaitait pas du tout être élu pape.
           
        Le vindicatif et quasi insensé Paul IV, par contre, lui, une fois monté sur le Siège de Pierre, fait juger le cardinal Morone comme figure de proue de la seconde tendance, qu'il jugeait à tort hétérodoxe (... quand, dans le même temps, il élevait à la pourpre ses trois neveux indignes, cédant au népotisme ― "Le Sacré-Collège accueillit en silence cette grave déclaration de Paul IV [de promouvoir au cardinalat ses ne­veux], qui, auparavant, lorsqu'il était encore cardinal, n'avait pas de termes assez vigoureux pour condam­ner le népotisme des papes et qui maintenant retombait dans la même faute" ― Pastor, p. 98 ; d'autant plus que l'au­tocrate Paul IV avait bien précisé en convoquant les cardinaux pour ce consistoire, qu'il ne le faisait pas du tout pour leur demander leur avis mais seulement pour porter à leur connaissance sa volonté irrévocable de donner la pourpre à ses neveux…!), puis veut à toutes forces le convaincre d'hérésie formelle, mais sans succès, lors­qu'il le fait emprisonner (emprisonnement qui dura deux ans, de 1557 à 1559, mort de Paul IV ― comme le cardinal Pole, le cardinal Morone était en effet parfaitement innocent : "Quelque effort que les inquisi­teurs fissent par la suite pour trouver contre lui une apparence de faute, ils ne purent y réussir. Au contraire, on trouva des documents qui ne laissaient aucun doute sur les sentiments du cardinal. Malgré cela, le malheureux ne fut pas relâché" ― Pastor, p. 242).
           
        Bien entendu, les sédévacantistes à la guérardienne et à la diable de Sodali­tium font une lecture manichéenne de l'épisode, avec la télé en noir et blanc des années 60 devant les yeux : il y aurait d'un côté, les "mé­chants" (tendance des Spirituels, mystique), et de l'autre, les "bons" (tendance inquisitoriale, qui d'ailleurs, et ce n'est pas un hasard, ressemble comme deux gouttes d'eau au fameux mouvement de La Sapinière, plus officiellement appelé Sodalitium pianum, qui lutta rigoristement, voire jansénistement et anti-sémitiquement, contre le modernisme sous le pape Pie X ; … vous avez dit : Sodalitium ?).
           
        Les choses sont-elles si tranchées ? Je ne le crois vraiment pas du tout. L'Histoire s'inscrit absolument en faux contre le simplisme partisan, zélote, intégriste et sectaire, de cette thèse. Les cardinaux Pole et Morone étaient tout simplement d'une tendance beaucoup plus miséricordieuse que Paul IV dans la lutte contre les protestants, ce qui ne revient pas à dire moins ca­tholique et surtout moins valable pour convertir les nouveaux hérétiques, comme veut à toutes forces le croire Paul IV (Rohrbacher, à propos du grand cardinal Pole, précise : "Les voies de rigueur répugnaient extrêmement à son caractère, et il opina toujours dans le conseil privé [de la reine Marie d'Angleterre] pour celles d'indulgence" ― Rorhbacher, t. XXIV, p. 187).
           
        Le cardinal Morone est, de même que Pole, si peu convaincu d'hérésie, malgré les ardeurs juvéniles incroyablement vertes du vieux pape (Paul IV en effet, s'appuyant sur des antécédents familiaux, ne s'attendait pas du tout à mourir avant d'avoir bien mordu dans le fruit des 90 ans ; lorsque la mort s’invita dans ses 84 ans, il eut peine à le croire), qu'il sort de la redoutable prison du Saint-Office "deux jours après sa mort [de Paul IV]", participe au Conclave de 1559, activement et... passivement, c'est-à-dire avec la possibilité d'être lui-même élu pape et non pas seulement comme votant pour un autre (la chose est si sûre et… si contradictoire, que Philippe II, qui sera le premier roi à écrire à un conclave, ce qui initiera le droit d'exclusive, se raille de cette attitude ecclésiastique de gi­rouette dont fut victime le cardinal Morone, lorsqu'il se permet de passer hautainement en revue les cardinaux susceptibles d'êtres papabile : "Si Morone a commis des méfaits, pourquoi a-t-il été absous ?" ― Lector, p. 528).
           
        Cependant, le cardinal Morone n'est pas élu à la mort de Paul IV, c'est Pie IV, 1559-1565, qui l'est, grâce au cardinal... Carafa, le neveu foudroyé par Paul IV et... réhabilité dans toutes ses fonctions d'électeur par les conclavistes immédiatement après la mort de son oncle de pape ! Ayant toujours beaucoup d'entregent, c'est lui qui fit élire pape, Pie IV.
           
        L'abbé Ricossa, dans l'un de ses deux articles, s'abuse ou triche beaucoup, à lui de cocher la case utile, quand il dit que "grâce à la bulle [de Paul IV], il [Morone] ne fut pas élu pape". C'est totalement et historiquement faux. Au conclave de 1559 qui suivit la mort de Paul IV, lequel se scinda politiquement en trois groupes, Es­pagnol, Français et Carafa, personne n'invoqua cette bulle extrémiste et fanatique, mais surtout hérétique, la présence active et passive de Morone à ce Conclave en étant une preuve suffisante, surtout si on y rajoute celle, plus étonnante encore, de Carlo Carafa ! C'est assez dire que les hauts prélats contemporains de Paul IV n'avaient pas, dans leur grande majorité, jugé sa sévérité excessive et intégriste de bon aloi pour l'Église ; c'est pourquoi, Paul IV à peine mort, on les voit ne tenir absolument aucun compte de ses pourtant tout récents décrets anathématisants, censés foudroyer Morone ou peut-être... le neveu (je vais y revenir).
           
        La meilleure preuve en est dans la bulle sur la législation des conclaves qu'édictera Pie IV, le successeur immédiat de Paul IV, bulle importante que cite notre historien des conclaves, Lucius Lector : "Mentionnant les actes de ses prédécesseurs qui se sont occupés de cet objet de capitale importance, énumérant ces actes antérieurs d'Alexandre III à Jules II, Pie IV ne mentionne pas la bulle de son prédécesseur im­médiat Paul IV" (Lector, p. 114 & note 1 de la même page). Omission volontaire car confirmé par le can. 24 de cette bulle de Pie IV : "Il est interdit aux cardinaux de rien changer à cette bulle. Ils devront prêter serment de l'observer comme celle de Jules II et de ses prédécesseurs" (ibid., p. 120). C'est-à-dire que les bulles de Paul IV sur la question sont tout simplement passées à la trappe et précipitées dans les oubliettes du château Saint-Ange (car Paul IV fit aussi une bulle pour invalider les élections pontificales obtenues par brigue et intrigue passées avant le conclave) !
           
        Pour être complet dans la question, il faut cependant noter que saint Pie V, qui succèdera à Pie IV, remettra en vigueur la bulle de Paul IV du 15 février 1559, celle qui nous intéresse (ou plutôt qui ne nous intéresse pas), dans son motu proprio Inter multiplices curas, du 21 décembre 1566, § 1. Mais, notons bien ceci : saint Pie V ne cita la bulle de Paul IV qu'en annexe de son motu proprio, et non dans le corps de son texte, et en plus, il ne la mentionne que d'une manière générale, c'est-à-dire qu'en fait il n'y fait allusion que pour sa seule partie orthodoxe, et nullement pour son très-hérétique § 6 (rappelons-nous en effet, je l'ai établi plus haut, que les trois-quarts de la bulle de Paul IV, à savoir les §§ 2 à 5, sont parfaitement orthodoxes, seul le § 6 est hétérodoxe).
           
        C'est encore lui, cardinal Morone, qui mènera le Concile de Trente à sa très-difficile conclusion, ce qu'il fit sous le pontificat de Pie IV, pape édifiant dans son constant et fervent appui du concile de Trente, qui, "en général, se distinguait singulièrement de son prédécesseur [Paul IV] par une grande douceur de caractère ; (...) son pontificat fut une période de conciliation et de paix" (Rohrbacher, t. XXIV, p. 284).
           
        Le bon Pie IV, en effet, qui menait le plus saintement possible les affaires de son pontificat avec son neveu inspiré qu'il avait fait cardinal, saint Charles Borromée, avait totalement réhabilité le cardinal Morone suite à l'enquête établie notamment par Michel Ghislieri, le chef de toute l'Inquisition (nommé à cette fonction par trois cardinaux dont le cardinal… Pole ! — Saint Pie V, un pape pour notre temps, Pierre Tilloy, p. 37) et futur saint Pie V, lequel saint patron des tradis de toute obédience et singulièrement de celle sédévacantiste, ne croyait donc pas à l'hérésie de Morone. "Après une enquête suffisante [sur le cas Morone], conduite par les cardinaux Puteo et Ghislieri, dont l'un était réputé comme un grand juriste, l'autre comme un grand théologien, Pie IV rendit, le 13 mars 1560, le jugement définitif. Il releva dans la procédure de l'Inquisition sous Paul IV, une série d'erreurs tant dans le fond que dans la forme. L'incarcération de Morone avait eu lieu sans le moindre fondement de soupçon légi­time. L'instruction, ainsi que toute la procédure [dirigée personnellement par l'irascible, insensé, calomniateur et injuste Paul IV !], dans laquelle n'avaient pas été observées les formes prescrites et nécessaires, étaient flétries comme nulles, inconve­nantes et injustes [… plus le procès avançait, plus Paul IV, exaspéré, se rendait compte que par la procé­dure normale on ne pouvait arriver à la condamnation de Morone ; il eut alors un jour ce mot qui fit trembler tout le monde : "Étant le chef de l'Église, Nous pourrions bien Nous-mêmes juger la cause de Morone"... Sans les cardinaux et s'il n'avait tenu qu'à Paul IV, Morone aurait certainement fini sur le bûcher...!]. Il y était en outre établi qu'on n'y trouvait ni un motif sérieux de condamnation, ni même le plus insignifiant doute contre la rectitude de sa foi, en sorte qu'on en devait conclure juste le contraire des accusations élevées contre lui et que, par suite, le cardinal Morone devait être remis en liberté comme innocent" (Pastor, p. 247).
           
        Et en 1565, à la mort de Pie IV, ce sera encore et toujours lui, cardinal Morone, le papabile le plus en vue, soutenu, s'il vous plaît, par le grand cardinal saint Charles Borromée, neveu choisi dudit pape Pie IV, le plus saint, capable, prudent, avisé, des grands dignitaires de l'Église de l'époque et comme l'âme pensante et agis­sante du Vatican d'alors. Mais ce sera saint Pie V qui sera élu.
           
        Je viens d'écrire que c'est grâce au cardinal Morone que le concile de Trente eut une heureuse fin. Le concile, on le sait, de la Contre-Réforme de tendance conservatrice mais sans être intégristement inquisitoriale à la Paul IV, s'étala sur dix-huit ans et trois interruptions, sans cesse traversé et empêché. Il fut co-présidé en 1545, au tout début de ses assises, par le cardinal... Pole, comme ayant été un des trois légats nommés à cet effet par le pape Paul III (1534-1549), lequel cardinal Pole fit en cette qualité lors de l'ouverture une exhortation si édifiante à tous les Pères que Rohrbacher dit qu'elle "respire le véritable esprit de l'Église, l'esprit de Dieu, comme dans les consolantes lettre de sainte Catherine de Sienne" (Rohrbacher, t. XXIV, p. 18), ce qui n'est pas une petite louange et compliment. Pour sa part, le cardinal Morone œuvra si ardemment à bien terminer le concile, que l'évêque de Nazianze, dans le discours de clôture, lui adressa ces belles louanges : "À ce sujet [fin heureuse du Concile], très-illustre et très-glorieux Moron [sic], vous devez entre tous les autres éprouver une joie qui vous est pour ainsi dire personnelle : vous qui, après avoir, il y a vingt ans, posé la première pierre de ce magnifique édifice, auquel ont travaillé tant d'autres archi­tectes, allez, avec la sagesse admirable et presque divine qui vous appartient, y mettre heureusement la dernière main. Les louanges éternelles de tous les hommes célèbreront cette action si belle et si éclatante et nul siècle ne gardera le silence sur votre gloire".
           
        Ôtez le dithyrambe du discours, il reste que Morone fut le seul prélat a être nommément félicité dans ce très-officiel discours de clôture du concile de Trente, juste derrière le pape Pie IV...
 
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        Mais il me tarde à présent beaucoup de rétablir la bonne mémoire du saint et très-édifiant cardinal Réginald Pole, peut-être encore plus scandaleusement suspecté d'hérésie par le paranoïaque Paul IV que le cardinal Morone.
           
        Rorhbacher, à propos du saint cardinal Pole, après avoir dit, comme je l'ai rappelé plus haut, que "les voies de rigueur répugnaient extrêmement à son caractère, et il opina toujours dans le conseil privé [de la reine Marie d'Angleterre] pour celles d'in­dulgence", continuait ainsi : "Du reste, [le protestant] Burnet même lui rend la justice qu'il [le cardinal Pole] fut illustre, non seulement par son savoir, mais encore par sa modes­tie, son humilité, son excellent caractère ; et il convient que si les autres évêques eussent agi selon ses maximes et gardé la même modération, la réconciliation de l'Angleterre avec le Saint-Siège [après le schisme d'Henri VIII aggravé par son successeur le roi-enfant Édouard VI] aurait été consommée sans retour [... voilà donc celui que Paul IV suspectait d'hérésie !].
           
        "Quoique très-modeste pour sa personne, Polus tenait un grand état de maison et se montrait avec magnificence dans les occasions où il était obligé de paraître avec tout l'éclat de sa dignité. Généreux, libéral, hospitalier, il avait établi le plus grand ordre dans son domes­tique. Il trouvait, par une sage économie, les moyens d'exercer son immense charité envers les pauvres. Les bénéfices et les grâces qui dépendaient de sa légation étaient donnés gratuitement, et il ne souffrait pas que les personnes attachées à son service reçussent aucun présent, sous quelque prétexte que ce fût. Dans son diocèse de Cantorbéry, Polus suspendit l'exécution des anciennes lois contre les hérétiques [qui envoyaient systématiquement au bûcher tout prévenu condamné, en passant par des tortures barbares] et procéda plus par dou­ceur. Les évêques et les prêtres, qui, quoique adhérant au schisme d'Henri VIII, ne s'étaient point prêtés aux innovations religieuses d'Édouard VI, furent maintenus dans leurs bénéfices et dans leurs fonctions : les autres n'y furent réintégrés qu'après avoir subi des épreuves sur leur capacité et sur leur conduite. On répara les défauts des ordinations faites selon le nouveau rituel [anglican]. On obligea les prêtres mariés à se séparer de leurs femmes et à s'abstenir des fonctions sacerdotales, sans toutefois les destituer de leurs places. Le cardinal était entièrement livré au rétablissement de la discipline ecclésiastique, soit dans les assemblées du clergé de sa métropole, soit dans un concile national qu'il tînt à cet effet, et où il fit rédiger d'utiles règlements, tels que les circonstances pouvaient les comporter [on voit très clairement ici que la pastorale miséricordieuse du cardinal Pole était parfaitement catholique et extrêmement fructueuse, remplie de bons et saints fruits, point du tout motivée par une sorte d'indulgence coupable envers l'hérésie. Or, loin d'être suspecte dans l'Église, cette pastorale est en odeur de sainteté puis­qu'elle fut celle communément employée par les papes pour les hérétiques de l'Église orientale, pendant... les quatre siècles de survie de l'Empire d'Orient ! Mais certes, on comprend aussi combien cette douceur des moyens était étrangère à la "pastorale" intégriste et sectaire de Paul IV qui ne voulait rien moins qu'appliquer dans l'Église universelle les mêmes lois d'autodafés rigoristes que celles de la politique anglaise...].
           
        "Ce fut au milieu de ces travaux qu'il éprouva de violents accès de fièvre quarte, qui le conduisirent au tombeau le 18 novembre 1558, le lendemain de la mort de la reine Marie. Il prévit les suites funestes de ce triste événement pour la religion, et il en exprima toute son affliction par les dernières paroles qu'il prononça en embrassant son cruci­fix : «Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! Sauveur du monde, sauvez votre Église !»" (Rohrbacher, t. XXIV, p. 187).
               
        Voilà plutôt la vie et la fin d'un grand et saint prélat plutôt que celles d'un hérétique, n'est-ce pas ?
 
 
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Cardinal Réginald Pole (1500-1558)
            
        Il n'y avait que Paul IV pour ne s'en point rendre compte, la tête cadenassée dans son délire paranoïaque. "Pour vous dire la vérité, dira-t-il à un cardinal le lendemain de l'arrestation sur son ordre du cardinal Morone dans les prisons du Saint-Office (1557), Nous avons voulu Nous opposer aux dangers qui menaçaient le dernier conclave et prendre de notre vivant des précautions pour que le diable n'asseye pas à l'avenir un des siens sur le Siège de Saint-Pierre" (Pastor, p. 234). Paul IV visait là le cardinal Pole, qui avait failli être papabile au conclave de 1555 (mais... Pole lui-même déclina sa candidature à la fonction pontificale, voulant consacrer toutes ses forces à la recatholicisation du royaume d'Angleterre, après la défection du roi Henri VIII ! On était donc très-loin de l'initié maçonnique qui n'a qu'un but : subvertir le Siège de Pierre !), légat pontifical de très-catholique valeur qui eut la bonne idée de mourir en 1558, ce qui lui évita de finir sa vie sainte et édifiante dans les prisons du Saint-Office, en compagnie de Morone...
           
        L'inflexible suspicion d'hérésie de Paul IV à son égard, parfaitement infondée, fut monstrueusement inique et loin d'être heureuse à l'Église, qu'on en juge plutôt : "Le pape se montra dur à l'égard du cardinal Pole, qui remplissait le rôle de légat en Angleterre ; n'ayant aucun égard pour lui et ne tenant pas compte de la prudente conduite qu'il observa, il le destitua et lui substitua le vieux cardinal Peto, peu capable de le remplacer. L'effet produit par cette mesure impolitique et injustifiée, causa un tort considérable au catholicisme en Angleterre (Dictionnaire de Théologie Catholique, à "Paul IV", p. 23). Juste au moment, sous le très-difficile règne catholique de l'édifiante reine Marie Tudor, où il était capital de ne point commettre d'impair, pour empêcher la résurgence de l'anglicanisme ! La reine Marie le pressentit fort bien, après Pole lui-même, et, angoissée, "d'une manière pressante, manda à Paul IV qu'une pareille mesure [la destitution de Pole] apporterait le danger visible d'arrêter le mouvement catholique en Angleterre" (Pastor, pp. 241-242). Ce qui ne manqua pas d'arriver, effectivement, les hérétiques anglicans battant des mains de joie de voir celui qui avait combattu avec succès leur protestantisme après la mort d'Henri VIII et le règne éphémère du roi-enfant Édouard VI, être lui-même soupçonné... d'hérésie par... le pape (goddams ! quelle aubaine, les amis !). "Marie fit arrêter à Calais le messager [papal] avec les brefs pour Peto et Pole. De concert avec Philippe [II, roi d'Espagne, qui n'était pas précisément du genre laxiste, en matière d'orthodoxie doctrinale…], elle avait, dès la fin de mai, réitéré la prière que le pape laissât Pole dans sa fonction. Maintenant, si le pape, disait-elle, ne l'avait pas écoutée jusque-là, elle espérait qu'il le ferait à présent ; qu'on lui pardonnât à Rome, si elle croyait savoir mieux que personne ce qui convenait au gouvernement du royaume" (Pastor, p. 320). C'était la Sagesse même qui s'exprimait là par la bouche de la si catholique reine Marie d'Angleterre.
           
        Mais Paul IV n'était pas homme à changer d'avis, surtout quand il avait été trop loin. Pole fut donc destitué sans appel. C'était discréditer devant tous les anglais un héros catholique appartenant à la plus haute noblesse du pays et qui avait lutté contre Henri VIII jusqu'au martyre de toute sa parenté, surtout celui, terrible, atroce, de sa malheureuse mère : "Je ne saurais passer sous silence le meurtre de la mère du cardinal Polus et de ses autres parents [écrira William Cobbet, un historien pourtant protestant, membre du Parlement anglais]. Dans sa jeunesse, le cardinal avait joui de la plus grande faveur auprès du monarque [Henri VIII] ; il avait même étudié et voyagé aux frais du trésor royal. Mais quand l'affaire du divorce vint sur le tapis, il désapprouva hautement la conduite du roi ; et celui-ci eut beau le rappeler en Angleterre, il refusa d'obtempérer. C'était un homme aussi distingué par ses lumières que par ses talents et ses vertus, et ses opinions avaient un grand poids en Angleterre. Sa mère, la comtesse de Salisbury, issue du sang royal des Plantagenêt, était le dernier rejeton de cette longue dynastie des rois anglais. Le cardinal, que le pape avait élevé à ce poste éminent dans l'Église à cause de son grand savoir et de ses hautes vertus [… on rappelle que c'est un protestant qui écrit ces lignes…], se trouvait donc de la sorte être, par sa mère, le proche parent de Henri VIII : son opposition au divorce projeté par ce monarque suffit pour exciter au plus haut degré le désir de la vengeance dans son cœur. Toutes les ruses et tous les artifices furent mis en œuvre pour s'emparer de sa personne ; mais on eut beau prodiguer l'or, on ne put y parvenir, et Henri résolut alors de faire retomber le poids de sa colère sur les parents du vénérable prélat" (Rohrbacher, t. XXIII, p. 363).
           
        S'ensuivit l'affreuse mort de la mère du cardinal Pole sur l'échafaud qui, la malheureuse femme, outrée de colère dans sa fierté d'aristocrate catholique vertueuse d'être humiliée par la crapulerie d'Henri VIII, répliqua droite comme un i au bourreau qui lui demandait de baisser la tête sur le billot : "Une tête de Salisbury ne se courbe pas sous l'infamie : coupe-la comme tu peux !" S'ensuivit alors que le bourreau rata la comtesse debout, une première fois avec sa hache, mais la blessa affreusement, puis, la pauvre martyre courut sur l'échafaud, hurlant de douleur, gesticulant, affolée, ensanglantée de son sang et hors d'elle-même, poursuivie par le bourreau qui n'arrivait pas à lui donner le coup de grâce... et on vous passe les détails.
 
 
MargaretPole
 Margaret Pole (1473-1541)
 
        … Et voilà donc ce grand chrétien fils de grande chrétienne (qui fut béatifiée par Léon XIII comme martyre) que Paul IV destituait pour... soupçon d'hérésie !!! Quelle honte !!! Quel scandale !!! Quelle folie du diable dans la tête de Paul IV !!! Pastor est plus que fondé à commenter ainsi l'affaire de sa destitution inique : "Plus le noble anglais était doux et bon, plus il avait ressenti profondément l'affront qui lui était fait. Il n'y avait jamais eu d'exemple qu'un cardinal, dans le plein exercice de sa fonction de légat, eût été, sans enquête préalable, déposé de ses fonctions, sous le simple soupçon d'hérésie. «Comment, se demandait douloureusement le malheureux Pole, le Pape a-t-il pu soupçonner ma foi, après mes constants combats et difficultés avec les hérétiques et schismatiques et tant de brillants succès auprès des dévôts de la religion catholique [Qu'on juge de la haute valeur de Pole quant à la Foi, par le fait suivant : "Pour subvenir au manque de prêtres en Angleterre, Pole ordonna l'érection de petits-séminaires. Ce décret servit au concile de Trente d'introduction et de modèle pour son fameux décret si riche en conséquences sur les séminaires. Le nom et l'idée de séminaire ont été inspirés à Trente par le décret de Pole. Pole et Marie [d'Angleterre] s'efforcèrent de parer encore au manque croissant de prêtres par le relèvement des couvents détruits. (...) «De jour en jour, écrit Michiel, l'ambassadeur vénitien, le 1er juillet 1555, se relèvent de leurs ruines, par les efforts de Pole, hôpitaux, couvents, églises». Etc." (Pastor, pp. 315-316)] ? Quelle joie pour les hérétiques d'Angleterre dont j'ai si fort contrarié les agissements, que de me pouvoir retourner à moi-même ce titre d'hérétique ! En supposant que j'aurais jadis tenu pour vraies de fausses doctrines, ce qui n'est pas du tout le cas, il n'y avait plus maintenant aucune raison de me poursuivre, après que j'avais remporté tant de sérieuses victoires, sauvé tant d'âmes par mes efforts, et rétabli l'autorité du Saint-Siège en Angleterre» [c'est le moins qu'on puisse dire ! Effectivement, quoiqu'il en soit de l'hérésie personnelle de Pole, qui n'était pas plus fondée que celle de Morone, il y avait là, de toutes façons, dans le contexte anglais, un oubli total du Bien supérieur de l'Église de la part de Paul IV, qui fait frémir dans un pape !].
           
        "Un biographe de Pole observe avec raison que celui-ci eut à subir l'épreuve la plus dure qui pût être infligée à un fidèle enfant de l'Église, épreuve dans laquelle il eut à montrer que, cardinal, il plaçait au-dessus de sa personne, au-dessus de ses intérêts, la cause sainte à laquelle il s'était dévoué. Pole a brillamment soutenu cette épreuve. Dans son humble obéissance à la plus haute autorité établie par Dieu, il accueillit, comme venant des mains paternelles, l'injuste coup qui lui était porté et qu'il souffrit avec dignité et patience [sans un geste de révolte, il démissionna immédiatement de sa légation dès qu'il apprit la volonté de Paul IV, obligeant la reine Marie Tudor, proprement scandalisée de l'accusation du pape, à l'obéissance ; cette grandeur d'âme au-dessus de la persécution, si éminemment et même si exclusivement catholique, si héroïque à la nature humaine et quasi impossible sans la grâce du Christ, fait d'ailleurs penser à celle de Fénelon, fort injustement accusé par un Bossuet odieusement calomniateur en l'occurrence, mortifié par la supériorité de Fénelon et peut-être plus encore mû par un gallicano-jansénisme mal avorté dans son âme, qui réussit à arracher par Louis XIV une condamnation papale injustifiée : surmontant cette épreuve, Fénelon, lui aussi, se soumit exemplairement à l'iniquité de la condamnation par respect pour l'Autorité de l'Église. C'est à cela qu'on voit les vrais amis de Dieu...]" (Pastor, pp. 247-248).
           
        ... Éh bien !!, je le dis, puisqu'il faut parler de "soupçon d'hérésie" : si l'on veut rester dans la vérité objective et vraie de l'Histoire, ce qui inclut d'avoir à sortir des méprisables mensonges sédévacantistes, il faut bien dire qu'un "initié-infiltré-comploteur" de la pire espèce fait pape, un hérétique occulte sorti des plus sombres noirceurs des conventicules de Satan ayant réussi à envahir le Siège de Pierre, n'aurait pas pu "mieux" faire, ni frapper un plus grand coup de Satan, pour faire triompher le protestantisme dans toute une nation importante, que… ce grand fou possédé de Paul IV, sauf son respect de pape, n'a fait en destituant le grand et saint cardinal Polus !!! Chose qui effectivement arriva, l'Angleterre, depuis lors, étant en corps de nation hérétique jusqu'à la fin des temps, et c'est Paul IV qui en est le grand et premier responsable devant Dieu !!!
           
        L'emprisonnement du cardinal Morone donc, héritier spirituel du saint cardinal Pole, se passait deux ans avant la mort du pape. Paul IV, dans ses derniers mois, fut littéralement obsédé comme un fou furieux bon à enfermer de voir des hérétiques partout. Au point même d'en arriver à soupçonner... son dauphin, Michel Ghislieri, le futur... saint Pie V !! Dans une certaine affaire de soupçon d'hérésie contre un très-haut prélat portugais que le pape lui avait commise (c'est toujours la même histoire), le cardinal Alexandrin futur saint Pie V tâcha de tempérer la procédure draconienne voulue par Paul IV, et le tourner à un peu plus de justice envers l'accusé. Mal lui en prit ! "Cela jeta le Pape, que sa santé rendait de plus en plus anxieux et violent, dans un état tel qu'il fit, pendant une demi-heure, de si violents reproches à ce cardinal si hautement estimé dans le Consistoire, que le cardinal Consiglieri déclara qu'on ne pouvait plus vivre ni traiter de quoi que ce soit avec le Pape. Dans un nouveau consistoire, Paul IV réitéra ses reproches envers Ghislieri, le déclara indigne de sa place et assura qu'il regrettait de lui avoir donné la pourpre. Un rapport du 5 Août 1559 mande de Rome qu'on craignait là-bas que le grand-inquisiteur Ghislieri fût emprisonné au château Saint-Ange [!]. Ce fut en ce temps que Paul IV déclara à l'ambassadeur français que l'hérésie était un crime si grave, que si peu qu'un homme en fût atteint, il ne lui restait d'autre moyen de salut que de le livrer au feu immédiatement, sans se soucier qu'il occupât le plus haut rang" (Pastor, p. 256).
           
        Dès 1557, "son souci légitime de la conservation de la foi catholique dégénéra en une sorte de manie de la persécution, qui lui faisait voir les plus grands dangers là où, en réalité, il n'y en avait aucun. Une légère imprudence, une expression douteuse suffisait à rendre quelqu'un suspect d'hérésie. Imprudent et crédule, Paul IV ne prêtait que trop volontiers l'oreille à toutes les dénonciations même les plus absurdes. Le pieux cardinal Alfonso Carafa qui avait la confiance particulière de Paul IV se plaignait vigoureusement à l'ambassadeur français, en août 1559, «de la malice de ces cagots, desquels une grande partie estaient eux-mesmes hérétiques et remplissaient de calomnies les oreilles et le cerveau de Sa Sainteté». Ni le rang, ni la dignité, ni les services rendus ne pesaient dans la balance : dès que l'on était devenu suspect, on était traité par l'Inquisition avec la même rigueur, indifférente à toute considération, que si l'on eût été ennemi public et déclaré de l'Église. Les inquisiteurs aussi bien que le Pape dans son zèle inexorable flairaient de l'hérésie en de nombreux cas où un observateur prudent et circonspect n'en aurait trouvé trace, même quand il avait gardé le plus strict attachement à la doctrine catholique. Envieux et calomniateurs s'empressaient de détacher un mot suspect, sans tenir compte de ses rapports avec le reste de la phrase, et de dresser une accusation d'hérésie contre les hommes qui avaient été de fermes défenseurs de l'Église contre les novateurs. On en vint aussi contre des évêques et même des cardinaux à des accusations et à des procès aussi incompréhensibles que dénués de fondement. Un véritable régime de terreur commença, qui accabla tout le monde à Rome" (Pastor, pp. 231-232).
           
        "Comme Morone et Pole, un autre prélat eut à répondre à l'Inquisition, sous le soupçon d'hérésie pas plus fondé que pour ceux-ci : Egidio Foscarari. Il appartenait à l'ordre des dominicains et jouissait d'une grande réputation comme théologien autant que comme prêtre. Paul III l'avait nommé maître du Sacré-Palais. Il appréciait fort le livre des exercices de saint Ignace de Loyola. On lisait son approbation du magnifique écrit en tête des éditions imprimées. En 1550, Foscarari avait succédé à Morone comme évêque de Modène. L'année suivante, il participa au Concile de Trente. Revenu à Modène, il fut évêque distingué à tous points de vue. Et maintenant, ce savant et pieux prélat était soupçonné, incarcéré, le 21 janvier 1558, au château Saint-Ange et l'Inquisition faisait son procès. On ne trouva aucune preuve de culpabilité. Foscarari réclama donc une solennelle déclaration de son innocence. Celle-ci lui fut refusée. Il n'obtint sa liberté que le 18 août 1558, en prenant l'engagement de se tenir, à la première réquisition, à la disposition de l'Inquisition. (...) L'augustin Girolamo Negri s'était attiré la haine des luthériens par ses prédications à grand succès. Ceux-ci propagèrent à la fin la calomnie que Negri avait des opinions non-catholiques. La suspicion dont il devint l'objet eut pour résultat que Negri, en 1556, se vit retirer par ordre de Rome, l'autorisation de prêcher. Cette mesure fut un triomphe pour les hérétiques et une cause de consternation pour les catholiques. La hâte et l'imprudence avec lesquelles on avait agi apparurent, en 1557, à la suite d'une dernière enquête, qui se termina par une solennelle proclamation de l'innocence de Negri" (Pastor, pp. 251- 252)...
 
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        Et puis, et puis, pour en revenir à Pie IV, ce direct successeur du paranoïaque Paul IV avait été, au moins sur un point, moins "déliquescent" que lui, à savoir quant aux Capitulations. C'étaient des engagements auxquels s'obligeait le papabile pressenti par un groupe de cardinaux pour être le futur pape, de respecter un programme de pontificat convenu d'avance avec lesdits cardinaux qui, de leur côté, s'engageaient, si le papabile y acquiesçait, à voter pour lui… Il est facile de comprendre que cette coutume, aussi déplorable que le népotisme (auquel, là encore, on vit un certain Paul IV Carafa plus que céder… contre ce qu'il avait pourtant dit hautement avant d'être élu pape !), attentait gravement à la liberté de l'élection pontificale et de l'Église. Or, l'Histoire enseigne que l'autocrate Paul IV… s'y soumit, comme un vulgaire pape de la Renaissance à réformer, mais… pas Pie IV !
           
        "L'usage de ces sortes de Capitulations ou conventions arrêtées par les cardinaux, dans la pensée d'imposer au futur élu un programme de mandat impératif, se généralisa vers le début du XIVe siècle, à la suite de l'abdication de Célestin V et de l'élection de Boniface VIII, alors que le Collège cardinalice s'habitua à accentuer son importance vis-à-vis de la personne même du pontife. Déjà Innocent VI, en 1352, à Avignon, cassa et proscrivit ces conventions, comme faites en dehors de la compétence intérimaire des cardinaux et contraires au droit de juridiction personnelle du pape. [Cependant, malgré l'énorme baisse de popularité et d'autorité des cardinaux au sortir du grand-schisme d'Occident (discrédit parfaitement justifié, car, par l'embourgeoisement scandaleux du divin office que leur avait confié l'Église, dont ils étaient coupables, c'étaient bien eux les principaux responsables dudit grand-schisme), l'abus ne sera hélas pas supprimé :] Paul II (1464) annula celles faites à son conclave, et s'aliéna par-là les cardinaux. Au XVe siècle, l'usage en devint habituel. Innocent VIII (1484) ratifia expressément celles de ses électeurs. On les voit se produire encore de même au conclave de Paul IV (1559). Mais son successeur, Pie IV, dans sa Bulle In eligendis, les réprouve : omisso omnino capitulorum confectione primis diebus fieri solitorum. On en retrouve cependant encore des traces au conclave de Léon XI (1605)" (Lector, p. 401, note 1).
           
        La façon intégriste, déséquilibrée, fanatique, du pape Paul IV Carafa pour traiter les problèmes de la Foi se voit encore dans l'Index des livres interdits qu'il fit dresser en 1559 (il fut le premier pape de toute l'histoire de l'Église à le faire de manière systématique et exhaustive, ce qui en soi, d'ailleurs, était un bien). Son criterium, comme à l'accoutumée, était si excessif, si déséquilibré, suscitant "de profonds désaccords au sein même de l'assemblée [de la Congrégation de l'Index, gérée par dix-huit Pères du Concile de Trente]" (Dictionnaire historique de la papauté, Levillain, article "Index", p. 861, 2e col.), que ledit Index fut amendé dès 1561 par un Moderatio indicis librorum prohibitis, puis carrément refondu en 1564 dans un nouveau Catalogue, sous le pontificat de Pie IV.
           
        Autre illustration, fort peu glorieuse pour lui, non seulement de son tempérament complètement paranoïaque mais surtout de son incroyable absence de discernement dans la chose spirituelle : au rebours de ses trois prédécesseurs, les papes Paul III, Jules III et Marcel II, qui avaient vu naître la Compagnie de Jésus et en avaient globalement favorisé le développement, Paul IV la suspecta d'emblée (comme d'habitude ! En fait, il suspectait tout le monde qui n'était pas lui !...), et l'entrava, "voulant l'unir à sa propre congrégation, les Théatins. En guerre avec l'Espagne, il va jusqu'à faire perquisitionner chez Ignace [de Loyola] qui, sa mort venant, demande quand même sa bénédiction [... on mesure là toute la sainteté du fondateur des Jésuites, mais on ne saurait en dire autant de Paul IV…]" (Levillain, art. Jésuites, p. 966, 2e col.) ! Par ailleurs, il considérait saint Ignace, qu'il avait fréquenté avant son élévation au Souverain Pontificat, comme un… "tyran" (Pastor) !!
           
        Ce sont là des traits du manque de discernement spirituel flagrant de Paul IV, et fort dangereusement au service de l'ennemi des âmes, qu'il faut bien avoir en tête quand on veut parler de sa fumeuse bulle...
 
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        À présent, un point d'Histoire qui a son importance. Les sédévacantistes affirment très-mensongèrement, dans leur "légende dorée" hagiographique et simpliste de Paul IV, complètement trafiquée, que saint Pie V, dauphin de Paul IV, n'avait, une fois élu au Siège de Pierre, qu'une idée en tête : reprendre très-vite la politique religieuse rigoriste de Paul IV, après le pontificat soi-disant doctrinalement déliquescent de Pie IV (… mais derrière Pie IV, c'était son cardinal-neveu qui menait les rênes du pontificat et qui en était l'âme ; or, zut !, celui-ci s'appelait… saint Charles Borromée, il était comme la cheville ouvrière, sainte et saintement agissante, de tout le Vatican d'alors, et, faut-il avoir à apporter la précision, n'avait rien d'un libéral laxiste ni d'un "infiltré-initié-comploteur" ; mais donc, les sédévacantistes nous révèlent qu'il ne sut que donner une note doctrinalement déliquescente au pontificat de son oncle de pape… on en apprend tous les jours).
           
        Or, hélas pour eux, le seul nom de pontificat choisi par le saint pape Ghislieri renverse cette fable mensongère. Si, soi-disant, le pape Pie V, le jour de son élection, quand on lui demanda quelle serait la ligne directrice de son pontificat, répondit avec enthousiasme : "Celle de Paul IV !", selon la fable sédévac, alors, pourquoi dans ce cas, n'aurait-il donc pas pris aussi, avec son programme, son nom de pontificat, à savoir… Paul ? Pourquoi au contraire le voit-on prendre celui de Pie, son immédiat prédécesseur ? N'est-ce pas, justement, parce que ce dernier pape avait tempéré les ardeurs intégristes, iniques et paranoïaques, de Paul IV ? Dont il voulait continuer la ligne de conduite tempérée ? Quand un pape désire avec tant d'ardeur reprendre le programme d'un de ses prédécesseurs sur le Siège de Pierre, la première chose qu'il fait pour bien le faire comprendre de tous, c'est d'en reprendre le nom de pontificat. Mais l'Histoire nous montre Michel Ghislieri, cardinal Alexandrin, prendre le nom pontifical de Pie. Et qu'on ne radote pas, comme l'a fait l'abbé Ricossa, qu'il a choisi le nom pontifical de Pie pour remercier saint Charles Borromée le neveu du défunt pape Pie IV d'avoir favorisé son élection au conclave qui l'élit au Siège de Pierre : un pape nouvellement élu ne choisit pas son nom de pontificat pour faire un simple retour diplomatique d'ascenseur, raison très-secondaire voire mondaine, mais communément et généralement, pour tracer nominalement tout le programme surnaturel de son pontificat, raison première de son choix.
           
        C'est pourquoi il ne faut pas être surpris de constater, dans les actes pontificaux de saint Pie V, et non de saint Paul V, la modération des grands saints, si absente chez l'intégriste Paul IV et si fréquente dans le conciliant et non déliquescent Pie IV : "Ami du pape Paul IV et un instant disgracié par Pie IV, il [Pie V, qui, ayons garde de l'oublier, ne fut pas seulement disgracié par Pie IV mais aussi par son mentor Paul IV, lequel, dans ses accès de fou furieux à camisoler de force de toute urgence, faillit le faire emprisonner au château Saint-Ange, allant même jusqu'à lui dire qu'il "regrettait de lui avoir donné la pourpre"…!!] voulut témoigner hautement que les mêmes sentiments l'animaient envers ses deux prédécesseurs, et que leur mémoire avait droit au même respect. Il régla généreusement un démêlé délicat qui concernait le comte Altemps, l'un des neveux de Pie IV, et en même temps il s'occupa de la réhabilitation des Carafa, neveux de Paul" (Rohrbacher, t. XXIV, p. 391).
 
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        Par ailleurs, le pape Paul IV a invoqué la lutte contre l'hérésie comme seule motivation de sa bulle. Est-ce bien vrai ? Car il faut quand même bien remarquer qu'il avait des neveux-cardinaux qui se comportaient très-mal, et qui, à propos de leur complicité mondaine avec des hérétiques formels, auraient bien pu dire comme le fabuliste : "C'est là le moindre de mes défauts". Et très-probablement Paul IV avait-il aussi peur de voir un membre indigne de sa famille monter sur le Siège de Pierre (ou plus certainement favoriser un cardinal hérétique aspirant au Pontificat suprême, par ambition politique effrénée plutôt que par hérésie personnelle), qu'un hérétique formel étranger à sa famille... motif de sa bulle certes un peu moins glorieux que celui de l'hérésie pure et simple, et qu'il n'avouait pas avec la même franchise.
           
        Sur cela, lisons ensemble l'excellent Rohrbacher : "[Paul IV] était un homme vertueux et de mœurs austères : il avait un grand zèle et de bonnes intentions, mais ses intentions n'avaient pas toute la simplicité de la colombe ; il ne parut pas, comme Melchisédech, sans père, sans mère, sans généalogie, uniquement pontife du Très-Haut ; il eut des cardinaux-neveux qui abusèrent de son affection et de sa confiance, lui firent faire de fausses démarches, et qu'il finit par chasser d'auprès de sa personne et même de la ville de Rome [... mais ils étaient toujours cardinaux, ayant au conclave droit d'élection active et... passive ! La meilleure preuve, c'est que le plus influent d'entre eux, Carlo Carafa, bien que chassé de Rome par Paul IV, y revint immédiatement après la mort de son oncle pour participer au conclave, d'ailleurs "rappelé par décision du Sacré-Collège et réintégré dans ses droits d'électeur" (Histoire de l'Église, par Fliche & Martin, t. XVII, p. 174) ; et de plus, "reprenant tout son aplomb et toutes ses ambitions" (ibid.), il se retrouva possesseur du plus grand nombre des voix cardinalices, "le maître de l'élection" (ibid.) ! Chargé de la haine publique (il finit par être assassiné), il avait certes trop scandalisé tout le monde pour être élu lui-même pape, mais il n'en dirigea pas moins le conclave de 1559 en orientant les voix sur Jean-Ange Medici qui prendra le nom de Pie IV. Celui-ci lui devra entièrement son élection. Paul IV avait donc des raisons valables de craindre la possible élection au Souverain pontificat d'un pareil cardinal de neveu, amoral mais fort puissant et habile, au moins autant que celle du cardinal Morone...]. Paul IV n'avait pas non plus toute la prudence du serpent, mais quelque chose de la raideur du bélier [il refusa toute aide, par exemple, à la Société de Jésus fondée nouvellement par saint Ignace...]".
           
        On lit plus loin, du même auteur : "La guerre entre le pape Paul IV et Philippe II d'Espagne venait d'éclater ; deux neveux du pape en étaient la principale cause [il serait historiquement plus exact de dire que c'est Paul IV lui-même qui voulut cette guerre, par un sentiment mélangé de politique et de religion, voulant expulser de l'Italie les Espagnols et les Impériaux qu'il appelait "les barbares", les Français étant tout juste supérieurs à eux dans son esprit qui n'en pinçait que pour le génie italien...], et ils le paieront cher. Cette guerre rendait impossible le concours des jésuites espagnols à la nomination du général [de leur Ordre]. (...) Le souverain pontife avait chassé de Rome, il avait même puni en prince irrité ses neveux, dont les crimes passaient toute mesure. Cette sévérité prouvait les bonnes intentions de ce vieillard toujours impétueux ; mais elle ne réparait qu'à demi les désordres qui, à l'abri de tant de déportements, s'étaient glissés dans l'administration ecclésiastique. Le pape sentait que, pour faire respecter son autorité compromise, il importait de donner de grands exemples. Les vices pullulaient dans le clergé séculier et régulier. La préoccupation de Paul IV était d'en triompher. Pour réussir dans son dessein, il prend à partie la société de Jésus, innocente de ses désespoirs de famille, plus innocente encore des malheurs de l'Église.
           
        "(...) Le pape Paul IV ayant chassé de Rome ses propres neveux, s'appliqua fortement à réparer les fautes qu'ils lui avaient fait commettre. Il institua un tribunal de cardinaux (...) et redoubla de vigueur dans les mesures contre les hérésies et les hérétiques [ici, on tient à souligner qu'il est manifeste pour Rohrbacher que les mesures anti-hérétiques de Paul IV sont d'abord suscitées contre les cardinaux-neveux, et nullement contre le cardinal Morone ; la question des dates, d'ailleurs, milite fortement pour cette thèse : c'est dans le consistoire mémorable qui eut lieu le 27 janvier 1559, que Paul IV dénonça ses trois neveux au Sacré-Collège "dans un amer discours, d'une voix où le chagrin le disputait à la colère" (Fliche & Martin, t. XVII, p. 170), lesquels neveux "furent privés de toutes charges et titres" (ibid.) ; or, c'est seulement une quinzaine de jours après, le 15 février 1559, que Paul IV fit paraître la bulle qui nous occupe, dans laquelle il n'est pas bien difficile, dans certaines formules, de retrouver la préoccupation du pape quant à ses neveux-cardinaux, dont l'un était légat quand les deux autres administraient absolument tout le temporel et le politique de l’Église, tant pour les affaires de l’État du Vatican que pour celles de l’Église universelle ! Il faut bien se rendre compte que le neveu Carlo Carafa était rien moins que le Secrétaire d'État avant la lettre, le Consalvi de Pie VII, le Villot de Paul VI, tout-puissant sur les membres du Sacré-Collège eux-mêmes ! De 1555 à 1559, il donna plus d'audiences que le Pape, qui ne les aimait pas et qui soumettait au bon vouloir du cardinal-neveu tous les nonces et les ambassadeurs !! Mais, admettons d'en rester à la version officielle de Paul IV, à savoir que sa bulle était uniquement suscitée par le motif de l'hérésie pure, soupçonnée notamment dans le cardinal Morone, Pole venant juste de décéder. De toutes façons, cela ne change rien au débat de fond... quoique, on en conviendra, l'épisode des cardinaux-neveux aide tout-de-même à mieux comprendre dans quel climat cette incroyable bulle, hérétique en son § 6, parut].
           
        "(...) À Rome, pour soulager la misère du peuple, continue Rohrbacher, Paul acheta pour cinquante mille écus de blé, à huit écus la mesure pour ne la vendre qu'à cinq. Cependant, lorsqu'il mourut, 18 août 1559, à 84 ans, le peuple était encore si exaspéré de ce qu'il avait souffert sous le gouvernement de ses neveux, qu'il renversa et brisa la statue du Pape, abattit les armes des Carafa partout où elles paraissaient, brûla la prison de l'Inquisition et commit d'autres désordres jusqu'au 1er septembre. Le corps du pape fut enterré sans pompe. (...) Sa dernière parole fut : «J'ai été réjoui de ce qu'on m'a dit : Nous irons à la maison du Seigneur»" (Rohrbacher, t. XXIV, pp. 191, sq.).
 
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        Une chose doit cependant être rajoutée, concernant la figure par plus d'un côté hélas fort repoussante et même haïssable de Paul IV, si l'on en restait à un point de vue seulement humain. Je serais gravement injuste (… à la Paul IV !), si je ne rendais pas justice non seulement à l'intégrité morale sans tache de son pontificat dont Rohrbacher lui-même n'a pas manqué de prendre bon acte, aussi à une piété sincère et réelle, privée comme liturgique (... dont on peut du reste se demander comment elle pouvait coexister avec un tempérament si injuste, qui pouvait aller jusqu'à s'avilir dans les grossièretés de paroles et les voies de fait sur les personnes quand il était contredit et en colère, ce qui était souvent...), mais encore et surtout au bilan globalement très-positif, au for externe du moins, de son pontificat : "Tout en dépassant parfois la mesure [... doux, très-doux euphémisme !!], Paul IV imprima une impulsion décisive à la réforme catholique et prépara le succès futur du concile [de Trente]" (Dictionnaire de Théologie Catholique, art. Paul IV, p. 22). C'est également grâce à ses mesures sévères contre les mœurs relâchées du clergé (moines gyrovagues, évêques désertant leur résidence pour la cour vaticane, etc.), que l'état moral de Rome s'améliora très-sensiblement. "Un familier des Farnèse prétendait qu'[à sa mort], en 1559, Rome était devenue un monastère de Saint-François" (ibid.).
           
        Mais, pour une bonne et juste appréciation des choses, il est important de noter qu'on disait déjà cela en 1555 à la mort de Marcel II, l'immédiat prédécesseur de Paul IV, ce constat n'est donc pas dû personnellement à Paul IV et à son action. Les historiens Fliche & Martin concluent en tous cas le pontificat de Paul IV par ces mots qui ne sont pas une petite louange, et sur lesquels s'accordent tous les historiens : "Après lui, cependant, le retour à la vie païenne du temps de la Renaissance était devenu impossible" (p. 172). Il est bon aussi de se ressouvenir qu'au temps même où l'énergumène Luther, hérésiarque certes aussi à plaindre qu'à blâmer, affirmait dans ses libelles scatologiques que Rome n'était qu'un ramas de bêtes malfaisantes avec le pape-âne à leur tête, naissait à Rome même, suite au concile déjà réformateur de Latran, précurseur de celui de Trente, un Institut ayant pour but la régénération spirituelle de la société, recrutant parmi les plus hauts prélats ; il y en eut soixante, parmi les plus zélés, et l'on compte dans les tout premiers d'entre eux à s'y être affiliés... Jean-Pierre Carafa alors évêque de Théate, le futur Paul IV, au coude à coude avec saint Gaëtan de Thienne et saint Jérôme Émilien : l'institut ainsi fondé prit même son nom d'évêque, les Théatins !
           
        Cependant, disais-je, à la vérité, il semble que cette nette amélioration des mœurs ecclésiastiques constatable à la mort de Paul IV, en 1559, était surtout dûe à la Providence divine et à son action surnaturelle parmi les hommes. Si l'on veut dépasser la personne elle-même du pape, et c'est conseillé pour avoir une juste vue des choses, un regard scrutateur sur l'Histoire de l'Église nous montre que la Providence avait manifestement décidé de donner aux pontificats suivants ceux de Paul III (1534-1549) et Jules III (1550-1555), la grande grâce de commencer réellement, en pratique, la Réforme des mœurs ecclésiastiques relâchées tant attendue de tous, ce que ces deux derniers papes cités n'avaient réussi à faire que sur papier ou en parole. C'est plus à la grâce divine qu'à l'action de Paul IV et déjà celle avortée de Marcel II, décédé l'année même de son élection au Siège de Pierre (1555), qu'on doit attribuer le succès de la Réforme catholique.
           
        À la mort de Jules III en effet, les temps étaient déjà manifestement ouverts, surnaturellement, pour permettre une Réforme catholique réelle et effective, tous le comprirent par le remarquable pape que le Saint-Esprit envoya alors à l'Église, à savoir Marcel II, dont il est très-regrettable que le nom n'est plus en souvenir parmi les hommes que par la célèbre Messe que Palestrina composa en son honneur. Tout le monde, à juste titre, se félicitait que la Réforme catholique allait enfin commencer avec ce pape qui possédait visiblement toutes les qualités requises pour l'entreprendre dans la justice, l'intelligence et surtout la Charité, et qui de plus en avait personnellement un désir extrême… Mais à peine mit-il la main à la pâte, qu'il mourut d'une apoplexie (AVC) au bout de... vingt-deux jours seulement (et l'ardeur extrême qu'il mit à commencer la Réforme catholique, sans aucun ménagement pour sa personne et sa santé, ne fut sans doute pas pour peu dans cette mort prématurée).
 
Marcellus II Cervini Vatican Museums Musei Vaticani Vatican
 
S.S. Marcel II (1501-1555)
 
 
 
    
     
Messe du pape Marcel (Palestrina)
       
        La Providence divine envoya alors à l'Église un autre "Marcel II", Paul IV, possédant certes autant de qualités que lui pour la Réforme catholique, mais hélas, par défaut d'un tempérament complètement déséquilibré (Pastor parle à son sujet, d'une manière tout-à-fait humoristique par son euphémisme, d'"idiosyncrasie"…!), ne pouvant l'entreprendre, quant à lui et bien qu'il en ait, que trop souvent dans l'iniquité des moyens et l'absence totale de Justice et de Charité, ce qui est très-perceptible dans le cas du saint cardinal Pole. Sans forcer trop le trait, on peut dire que Paul IV fut en quelque sorte… un Marcel II raté. Avec Paul IV, tout se passe comme si, sans doute à cause des péchés des hommes, la Providence divine avait certes décidé de continuer à donner la grâce à l'Église pour commencer effectivement la Réforme catholique, mais elle ne la donnait plus que dans la sainte-Colère et l'Ire de Yahweh-Sabaoth, avec un pape quasi énergumène, alors qu'avec le pape Marcel, la Réforme catholique aurait sans doute eu lieu dans la paix des âmes et surtout la bonne justice. Plus Paul IV voulait le bien, et il faut lui rendre justice que toute sa vie fut tendue sans faille vers le bien, dans une extrême droiture d'âme, et plus, c'était comme malgré lui, il commettait, tant en politique qu'en religion, des injustices souvent grossières envers les personnes, mais hélas plus moralement graves encore que grossières, pour l'opérer… La Réforme catholique prenait corps, certes, mais envers et contre tout le monde et surtout au grave détriment de moult bons catholiques, clercs ou laïcs, qui y furent littéralement injustement sacrifiés, immolés. Sans compter la très-lourde faute de népotisme qu'il commit comme un des pires papes non-réformés de la Renaissance machiavélique.
           
        À ce sujet, qui fut tragique et dramatique pour le pape Carafa, il faut préciser qu'on a trop dit que ses neveux l'avaient "trompé", la vérité vraie est qu'ils le trompaient… avec son tacite consentement et sa complicité, leur ayant mis volontairement dans les mains trop de pouvoirs et n'écoutant personne de ses cardinaux qui lui en faisaient reproche ; ses cardinaux-neveux ne furent donc en vérité rien d'autre que la longue-main qu'il avait voulu lui-même se donner. D'où d'ailleurs le terrible choc moral qu'il éprouva lorsqu'on lui révéla leurs exactions et vies dissolues, qui le précipita vers la tombe : à juste titre, il s'en sentait moralement responsable au premier degré.
           
        On ne souscrit pas à l'une des dernières paroles qu'il prononça trois jours avant de mourir au jésuite Lainez, là encore toujours marquée par l'excès ("Depuis le temps de saint Pierre, il n'y a pas eu de pontificat plus malheureux pour l'Église que le mien ! Ce qui en est résulté me désole beaucoup ; priez pour moi !"), mais d'une manière générale, il est trop vrai que Paul IV ne sut mettre la vertu dans Rome et dans l'Église qu'avec une étonnante haine, passion et colère, la plupart du temps accompagnées d'une iniquité scandaleuse et révoltante dans les moyens, sans compter son absence de discernement presque incroyable dans le Spirituel. Allant jusqu'à lui faire commettre des actes si mauvais, que même les méchants, en y réfléchissant beaucoup, n'auraient pas pu concevoir ni commettre ; comme par exemple, redisons-le, le très-scandaleux rappel du cardinal anglais Pole, qui fut une des causes certaines et principales du triomphe définitif du protestantisme en Angleterre, ou encore le renvoi monstrueux de Palestrina de la chapelle papale (le compositeur le plus grand, le plus pieux, le plus céleste polyphoniste que le monde ait jamais connu : quelle honte, quel scandale inouïs !!!), et d'autres considérables dénis de justice et méfaits jamais réparés envers les prélats les plus respectables voire saints, dont il détruisait sans retour la réputation sans aucun scrupule en faisant porter publiquement sur eux, à tort, le soupçon d'hérésie, ce qui en soi est un très-grand péché de calomnie, suite à sa folie intégriste de voir des hérétiques partout.
           
        D'où, d'ailleurs, la terrible colère, très-justifiée, qui prit tout le peuple romain à sa mort, ou plutôt dans la journée même de sa mort alors qu'elle n'était pas encore arrivée, preuve que ladite colère était contenue à toute force depuis trop longtemps, et qui, ne manquons surtout pas de le noter avec soin, je l'ai déjà fait remarquer, se déchargea immédiatement sur les prisons de l'Inquisition d'une manière fort significative vox populi vox Dei (colère populaire contre lui, et non populacière comme le disent mensongèrement ces menteurs éhontés de sédévacantistes pour les besoins de leur mauvaise cause, juste colère donc que, pesons bien la chose, ne connut à sa mort aucun autre pape dans toute l'Histoire de l'Église depuis saint Pierre, histoire pourtant fort mouvementée et colorée…).
           
        Paul IV, sans doute caractériellement impuissant à faire mieux, ... Dieu lui ait fait miséricorde !, ne sut mettre la vertu dans le cœur de l'homme que, trop souvent, par le zèle amer, la colère, la haine, une iniquité et des dénis de justice envers les plus saintes personnes souvent monstrueux, et cela ne pouvait certes pas y faire fleurir le Bien véritable : il fallait de toute urgence dans l'Église, après le pontificat énergumaniaque de Paul IV, de saints, doux et bons papes à la saint François de Sales, pour mettre sur ce qui n'était qu'une matière de vertu, la forme de la vertu, à savoir la Charité de Dieu. Le Saint-Esprit s'y est employé, sachant mieux que personne ce qu'il fallait à l'Épouse du Christ après le pontificat intégriste de Paul IV, et pas seulement avec saint Pie V mais déjà avec Pie IV l'immédiat successeur de Paul IV sur le Siège de Pierre, Deo gratias.
           
        En vérité, que l'homme est petit, et que la perfection est rare en ce très-bas monde. C'est saint Grégoire de Nazianze qui a dit : "Le juste milieu est le chemin des crêtes".
 
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        Je voudrais maintenant, avant de mettre le point final, revenir sur le fond spirituel du débat. Il est très-important de le méditer pour le bon équilibre et la bonne justice de notre vie de Foi. Le zélotisme sectaire, rigoriste, grossier et janséniste avant la lettre de Paul IV, épousé fort inintelligemment avec grande passion par les sédévacantistes de nos jours, ne saurait en effet aucunement rendre raison du bon combat de la Foi, le bonum certamen dont nous parle saint Paul, ni aux temps de la Renaissance ni encore moins à notre temps qui voit la fin, fin qui, je l'ai dit en début de ces lignes, ne fut seulement qu'effleuré, attouché, à la Renaissance.
           
        Ce morceau de la Vie de l'Église à la Renaissance, au niveau de la papauté, est effectivement rempli d'instructions pour nos âmes. Ce qui est très-frappant, c'est que ce parallélisme de deux tendances au sein le plus intime de l'Église, toutes deux sincèrement au service de la Vérité quoique "frères enne­mis" (conservateur ― moderne, sans être moderniste ; on pourrait plus justement sans doute bapti­ser ces deux tendances : ascétique ― mystique), on va le retrouver... tel quel !, sous Pie XII. Mais, et voilà ce qui est intéressant, Pie XII, contrairement à Paul IV, va se servir à la fois des deux tendances, qu'il mettra sur pied d'égalité. Et il est bon de remarquer que saint Pie V partagera cette même attitude de Pie XII... et non celle de Paul IV, pourtant son mentor, je l'ai noté plus haut dans mon texte, en rappelant que Pie V "voulut témoigner hautement que les mêmes sentiments l'animaient envers ses deux prédécesseurs [Paul IV et Pie IV], et que leur mémoire avait droit au même respect". 
           
        Pour en rester à Pie XII, on s'entretient en effet beaucoup, dans les rangs sédévacantistes, dans une illusion infiniment primaire et en tous cas très-fausse : celle de le voir comme le dernier pape conservateur, digne quoique pâle successeur du rigoriste Paul IV et de saint Pie V (après lui il n'y aurait plus que des papes moder­nistes, et bien des sédévacantistes font remonter la vacance formelle du Siège de Pierre à la mort de Pie XII, en 1958). En vérité, Pie XII en était extrêmement loin. Par certains côtés de son pontificat, il est absolument un ardent "pré-Montini", un "avant-Paul VI", très-notamment sur la question politique constitutionnelle (il suffit de lire ses discours de Noël 39-45 incroyablement démocratiques, sept discours majeurs appelant de tous ses vœux, fervents et chaleureux, l'instauration de ce qui sera l'ONU, pour le comprendre). Paul VI, après la transition Jean XXIII, ne fera que suivre et développer le côté moderne déjà existant en Pie XII, ne faisant que finir les phrases que Pie XII avaient commencées (hélas, sans le contrepoids indispensa­ble du côté conservateur).
 
        Dans l'entourage de Pie XII, disais-je, on retrouve pour copie conforme, absolument, ces deux tendances de l'époque post-protestante du XVIe siècle. Or, le pape Pie XII profite de la mort quasi subite du cardinal Maglione en 1944, qui était son secrétaire d'État, pour choisir justement de nommer deux pro-secrétaires d'État au lieu d'un seul, ce qui était vraiment très-nouveau dans les coutumes vaticanes, et il les choisit comme représentant... les deux tendances qui nous occupent (à savoir Mgr Tardini pour la tendance plus conservatrice-inquisitoriale, et Mgr Montini pour celle moderne-mystique, l'un et l'autre respectivement délégués aux affaires extraordinaires et ordinaires). Avec Pie XII, on est, comme on le voit, un peu loin de Paul IV...
       
        On alléguera sans doute l'éloi­gnement de Montini au siège de Milan en 1953, pour dire que Pie XII "s'est repris" et a par cette mesure, excommunié, tardivement certes, la tendance moderne-mystique. Hélas, on ne peut surtout pas dire cela, et la raison en est d'ailleurs bien connue : en effet, le siège de Milan est traditionnellement oc­cupé par... un cardinal. Pie XII évidemment le savait mieux que personne. Nommer Montini à ce siège, c'était le désigner à son successeur pour l'élever à la pourpre cardinalice. On est donc loin d'un blâme définitif de la tendance moderne-mystique qu'il représentait. Car Montini étant déjà sous Pie XII un des plus sûrs papabile (l'élection de 1963 le prouvera), ce que Pie XII savait là aussi très-bien, le mettre sur le siège de Milan, c'était simplement vouloir retarder l'élection de Montini au Siège de Pierre d'un tour (ré­servant à Jean XXIII de promouvoir Montini au cardinalat, ce que d'ail­leurs celui-ci fit immédiate­ment après son élection, certains ont même écrit que c'était là l'acte le plus important de son pontifi­cat !), et donc non pas vouloir l'empêcher mais tout au contraire la préparer en quelque sorte, en donnant plus d'expérience à Montini. Et on a bien là la volonté de Pie XII, qui donc n'a jamais condamné cette ten­dance moderne-mystique.
           
        Dirais-je toute ma pensée ? Pie XII, en voulant mettre ainsi à l'œuvre ecclésiale les deux tendances, était d'une divine sagesse, véritable­ment inspirée par le Saint-Esprit. Car le contact des DEUX tendances aux grandes affaires de l'Église, l'une doctrinale, ascétique, mais peu inspirée mystiquement, freinant l'autre, beaucoup plus mystique, prophétique, illuminée du Saint-Esprit, voyant plus loin, mais par-là même ayant besoin de la purification des as­cétiques, et ce contact-là seulement, pouvait, dans une authentique, saine et héroïque pénitence des deux tendances mises à œuvrer, se frotter et se frictionner ensemble, faire arriver l'Église, sans heurt et dans l'esprit de pénitence surnaturel, au Royaume de Dieu "qui arrive, sur la terre COMME au Ciel" (Pater noster), c'est-à-dire d'une manière parfaite (pour le dire juste en passant, ces deux ten­dances furent fort bien représentées dans l'Église de France des XVIIe-XVIIIe siècle dans les figures de Bos­suet et de Fénelon).
           
        Combien ici s'impose, pour une saine compréhension de la Vie de l'Église du temps des nations, l'épisode évangélique de la Course de saint Pierre et saint Jean au Tombeau du Christ ! L'Évangile nous révèle des détails qui semblent superflus au regard superficiel, mais qui éclairent ô combien notre problématique : saint Jean le mystique court plus vite (c'est normal : le mystique voit avant l'ascétique les choses à venir du Royaume de Dieu), et arrive au Tombeau le pre­mier, c'est-à-dire à la destiné eschatologique finale de l'Église, qui voit presque concomitamment mort et Résurrection, mais... attend saint Pierre l'ascétique et rentre après lui dans le Tombeau (là aussi, c'est normal : en notre temps des nations qui n'est pas le Millenium où les mystiques auront le pas sur les ascétiques, c'est l'ascétique Pierre qui garde l'Autorité sur le mystique Jean). Cet épisode-là, il me semble, décrit à merveille le modèle tout divin des rapports qui devaient exister entre les deux tendances ascétique-mystique dont nous parlons et dont Paul IV avait satanisé celle ascétique par sectarisme, la tournant contre la tendance mystique.
           
        Et justement, si Pie XII, contrairement à Paul IV, n'a pas condamné la tendance mystique, c'est parce qu'il savait qu'elle était aussi UTILE à l'Église que la première. Ce qui n'est ab­solument pas vu par les sédévacantistes, généralement de tendance intégriste, anti-mystique, anti-prophétique, finalement a-gnostique, a-loge (l'erreur a-loge, sans le Logos, est une demie-hérésie aussi grave que l'illuminisme, comme supprimant du Canon des Écritures, l'Évangile de saint Jean et l'Apocalypse, par rejet de la Prophétie ; cette erreur aussi a une tenace filiation dès les assises de l'Église et, bien que peu perçue, aperçue, elle est généralement très-présente dans la tendance conservatrice, je l'expose dans la première partie de ma réfutation du guérardisme, dont j'ai mis le lien ci-dessus...), c'est que cette ten­dance moderne-mystique est ordonnée à l'Avènement du Règne millénaire, ce Règne du Christ Glorieux dont l'Église, présentement, réalise le Règne sans la Gloire.
           
        En cela elle est parfaitement et même ÉMINEMMENT catholique.
 
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        Je peux maintenant, la conscience heureuse, tranquille et apaisée, mettre le point final à mon présent travail qui, je tiens à le préciser, doit de grands chapitres et de grands hommages à L'Impubliable, mon tout premier ouvrage de fond sur la théologie de "la crise de l'Église" d'il y a vingt-cinq ans (cf. https://eglise-la-crise.fr/images/stories/users/43/LImpubliableCompletTERMINUSDEFINITIF7meEdition2015.pdf)...
           
        "Un peu de science [théologique, historique] éloigne de Dieu [et de la Vérité] ; beaucoup y ramène" (Francis Bacon, dans ses Essais ; et non Louis Pasteur, comme il a été dit).
 
        Remarquable axiome, si juste, qui rejoint d'ailleurs ce qu'en disait Rabelais : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".
           
        L'exposé sédévacantiste a montré la véracité de la première assertion et celle de Rabelais, quant à la bulle de Paul IV et son contexte historique.
           
        Quant à moi, Deo adjuvante, j'ai tâché pour ma part, dans ce nouvel article, de bien montrer la véracité de la seconde assertion, "beaucoup de science [théologique, historique] ramène à Dieu et à sa Vérité".
 
En la fête de la Médaille Miraculeuse,
O Marie conçue sans péché,
priez pour nous
qui avons recours à vous !
ce 27 novembre 2022,
Vincent Morlier,
Écrivain catholique
 
 
Légende des vignettes inter-§ :
Photos de mon pélerinage romain, 2003
(Archives personnelles)
 
 
           
27-11-2022 08:59:00
 

Un blasphème (sûrement inconscient) de Mgr Richard Williamson

 
 
Un blasphème (sûrement inconscient)
de Mgr Richard Williamson
           
           
        Oh ! Qu'on se rassure, je ne considère pas du tout Mgr Williamson comme un blasphémateur !!, mais il arrive aux pasteurs du troupeau de Jésus-Christ qui ne veulent pas aller au fond de "la crise de l'Église", comme c'est le cas de tous ceux qui refusent d'embrasser généreusement "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (et hélas, les lefébvristes, qu'ils soient dissidents ou non, sont dans le lot), d'émettre inconsciemment des blasphèmes lorsqu'ils exposent la situation ecclésiale actuelle en faisant abstraction complète de la Passion que l'Épouse du Christ est en train présentement de vivre et de mourir. Ils ne peuvent d'ailleurs pas faire autrement, car ne pas (vouloir ?) épouser ce qu'a ordonné le Saint-Esprit pour l'Église actuelle, c'est s'exposer à blasphémer inconsidérément tôt ou tard, il ne peut, la plupart du temps dans l'inadvertance, que s'échapper des lèvres ou de la plume de celui qui fuit "LA PASSION DE L'ÉGLISE", inévitablement, des blasphèmes.
           
        Mais je cite tout-de-suite les propos blasphématoires de Mgr Williamson qui me font écrire cela, tirés de son dernier Commentaire Eleison : "Le centre névralgique de l’épreuve actuelle de l’Église, qui est sans précédent dans toute son histoire, c’est que Vatican II (1962–1965) a séparé l’Autorité Catholique de la Vérité Catholique. Depuis déjà six papes consécutifs, la hiérarchie Catholique a abandonné la Tradition Catholique, forçant tous les Catholiques qui croient à la fois en la Vérité et en l’Autorité à devenir plus ou moins schizophrènes" (Commentaire Eleison n° 798 du 29 octobre 2022 ; cf. https://stmarcelinitiative.com/eleison-comments/?lang=fr).
 
 
 AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        Mgr Williamson n'a visiblement absolument pas conscience du blasphème qu'il profère là, en termes brutaux et lapidaires. Il suppose en effet que l'Autorité est séparée formellement de la Vérité dans l'Église moderne depuis Vatican II, une Église moderne qu'il sait par ailleurs être toujours légitime, toujours l'Épouse du Christ (elle l'est très-certainement en effet, le sédévacantisme n'est qu'une rébellion barbare orgueilleuse et profondément inintelligente, sans le moindre fondement théologique). Mais supposer cela, c'est ipso-facto dire que les Promesses d'Assistance du Christ-Dieu à son Épouse ("Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles" ― Matth XXVIII, 20) étaient vaines, mensongères, et que, subséquemment, "les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église" à Vatican II. Comment, en effet, le Christ pourrait-il bien être "tous les jours jusqu'à la consommation des siècles" avec l'Église, comme Il l'a promis, si l'on dit que pendant les jours du concile et du post-concile, qui se situent donc avant la consommation des siècles, l'Autorité est séparée formellement de la Vérité dans l'Église, ce qui est synonyme de sa faillite complète, radicale et définitive...?  
           
        Car si tel était vraiment le cas, en effet, alors, l'Église aurait définitivement fait faillite à Vatican II, et la chose la plus certaine serait que la Promesse du Christ serait trouvée en défaut, d'une manière radicale, définitive et irréparable. La supposition de Mgr Williamson est donc extrêmement blasphématoire, il suppose que l'Église a été vaincue par le diable à Vatican II ! Ce n'est pas tout. Non seulement il suppose cela, mais il aggrave le caractère peccamineux de son propos blasphématoire en faisant porter par les fidèles les conséquences de cette Église vaincue par le diable, il les soumet en effet sans complexe à la... schizophrénie, c'est-à-dire à un enfermement spirituel complètement verrouillé et cadenassé dans une non-logique, radicalement destructeur de l'âme fidèle, par lequel enfermement la logique de la Foi serait détruite sans retour : si le fidèle, dit-il, privilégie l'Autorité, alors, depuis Vatican II hérétique voire même apostat comme dans la Liberté religieuse, il est forcé, acculé, de détruire la Vérité dans son âme ; si au contraire il privilégie la Vérité, alors, il est obligé de désobéir dans son âme, de manière parfaitement excommunicatrice, à l'Autorité ecclésiale légitime.
           
        Mais si Mgr Williamson en est rendu là, à faire un exposé blasphématoire de "la crise de l'Église", c'est parce que, comme tout le monde dans l'Église aujourd'hui sauf rarissime exception, il fuit, à l'instar des onze Apôtres sur douze lors de la Passion du Christ, "LA PASSION DE L'ÉGLISE". La fuyant, c'est-à-dire fuyant ce qu'ordonne le Saint-Esprit dans "l'aujourd'hui de l'Église", il ne peut donc qu'arriver au blasphème, sans même en prendre conscience.
 
 
AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        Car "LA PASSION DE L'ÉGLISE" (cf. ici, l'exposé complet que j'en fais : https://www.eglise-la-crise.fr/images/pdf.L/ExposePassionEglise2.pdf) est ce que vit et meurt à la fois l'Épouse du Christ aujourd'hui, elle est cette clef apocalyptique "qui ouvre, et personne ne peut fermer, qui ferme, et personne ne peut ouvrir" (Apoc III, 7), elle, et elle seule, rend bon compte dans la Foi de la VRAIE situation théologique de l'Église après Vatican II, que voici : de même que l'économie de la Passion pour le Christ consiste essentiellement à ce qu'Il soit "fait péché pour notre salut" (II Cor V, 21), de même, lorsque l'Église vit sa propre et personnelle Passion à la fin des temps, ce qui est précisément le cas à partir de Vatican II (pour faire court), elle est également "faite péché pour notre salut". Remarquons bien comme saint Paul ne nous enseigne pas, parlant ici, dans II Cor V, 21, sous très-grande inspiration du Saint-Esprit, que c'est pour notre damnation que l'Église, après le Christ et à son exemple, est faite péché, mais pour notre salut. Ce qui veut dire que, à la suite du Christ de la Passion, le péché d'hérésie (voire d'apostasie dans la Liberté religieuse) dont son Épouse est configurée, formatée, depuis Vatican II, n'est qu'un péché matériel, sans coulpe aucune. S'il était en effet entaché de la moindre ombre de coulpe, alors, ce serait pour notre damnation que l'Église serait faite péché, ce qui est bien sûr impossible.
           
        Cette vraie et véritable situation de "la crise de l'Église" nous permet de comprendre qu'il n'y a donc pas de formelle séparation entre la Vérité et l'Autorité dans l'Église d'aujourd'hui, qui vit sa Passion, comme ce serait le cas si l'Église était faite péché pour notre damnation. L'Autorité est toujours l'Autorité, elle réside dans l'Église Universelle moderne, après comme avant et pendant Vatican II, et la Vérité doctrinale, qui est la raison d'être la plus fondamentale de l'Église, n'est pas reniée par les Pères du concile moderne, comme ce serait le cas, que suppose la formulation blasphématoire de Mgr Williamson, si les hérésies voire apostasie contenues dans les Décrets majeurs de Vatican II avaient été promulguées en toute connaissance de cause hérétique par les Pères de Vatican II, en toute advertance. Cette Vérité doctrinale est simplement crucifiée mais non reniée par les Pères de Vatican II, parce qu'ils n'ont absolument pas pris conscience du venin hérétique contenu dans les Décrets de Vatican II. Et c'est justement pourquoi l'Église, par Vatican II, est "faite péché pour notre salut". À cause de l'inadvertance totale des Pères de Vatican II à commencer par Paul VI, de promulguer des Décrets à contenu hérétique, contre la Vérité.    
           
        Le nœud de la question se situe en effet dans la manière dont furent promulgués les Décrets hérétiques ou favens haeresim par les Pères conciliaires una cum Paul VI : l'ont-ils été dans la pleine connaissance du caractère hérétique formel des doctrines exposées, très-notamment dans la Liberté religieuse ? Ou bien, les Pères conciliaires les ont-ils promulgué tout au contraire dans l'inadvertance totale de ce caractère hérétique formel, leur esprit étant sous "la puissance des ténèbres" ? Ce n'est que dans le premier cas où les Pères auraient promulgué in Persona Ecclesiae les Décrets hérétiques avec pleine connaissance et plein consentement de leur caractère hérétique formel, que, comme le formule Mgr Williamson, Autorité et Vérité seraient en formelle contradiction, ce qui serait une preuve que les portes de l'enfer auraient, à Vatican II donc, prévalu définitivement contre l'Église. Mais dans le second cas, si les Pères posent ces Décrets en toute inadvertance de leur contenu doctrinal hérétique, c'est simplement une mise de l'Église dans l'économie propre de la Passion : l'Église en est certes crucifiée, mais reste sans faute, elle est, par ces Actes magistériaux, "faite péché pour notre salut", cet oxymore spirituel surnaturellement salvateur étant à la fois l'essence et le signe topique de l'économie de la Passion.
           
        Mais voilà ce que ne pourra jamais comprendre celui qui ne veut pas rentrer dans "LA PASSION DE L'ÉGLISE". Je ne saurai du reste être surpris que mes propos, pourtant clairs, pourtant répétés depuis plus de vingt-cinq ans maintenant, et de toutes les façons que j'ai pu trouver pour faire passer le message, ne soient pas compris de l'immense majorité de ceux qui me lisent, surtout s'ils sont catholiques et plus encore s'ils sont tradis, car le simple disciple que je suis, j'espère pas trop indigne, n'est pas au-dessus du Maître : si, comme nous le révèle l'Évangile dans Lc XVIII, 31-34, les apôtres et disciples de Jésus-Christ ne comprirent pas ce qu'Il leur disait lorsqu'Il leur annonçait pourtant en termes très-simples, très-explicites, sa douloureuse Passion, comment pourrais-je prétendre avoir un autre sort que celui-là, de n'être pas compris lorsque je révèle clairement à l'âme chrétienne d'aujourd'hui que l'Église vit depuis Vatican II sa Passion propre et personnelle, "LA PASSION DE L'ÉGLISE"...? 
           
        C'est en fait par orgueil humain et pharisaïsme, qu'on appréhende "la crise de l'Église" comme une contradiction obligatoirement formelle, comme le fait Mgr Williamson. On voit trop les choses par l'extérieur, à la pharisienne. Mais si nous étions plus humbles, nous comprendrions qu'il y a deux grilles de lecture possibles lorsque la contradiction touche l'Église, et pas qu'une seule. Il y a, théoriquement, deux manières, en effet, dont la contradiction dans les principes peut rentrer dans l'Église, et pas qu'une seule. L'une, formelle ; l'autre simplement matérielle. La première est synonyme de reniement des principes de la Foi par les "membres enseignants", et cela signifierait bien sûr qu'Autorité et Vérité seraient formellement opposées l'une à l'autre comme le formule Mgr Williamson, c'est-à-dire que cela, dans les dernières déductions, signifierait le triomphe complet de Satan sur l'Église, et donc sur le Christ, et donc sur Dieu, et donc sur toutes les âmes. La seconde est absolument aux antipodes, elle est synonyme de crucifixion des principes de la Foi par les "membres enseignants", mais sans reniement par eux desdits principes, et cela signifie, en dernière analyse de la question, par la mystique de la Passion, le triomphe complet de Dieu sur Satan par la co-Rédemption de l'Église, une fois que celle-ci aura fini de souffrir sa Passion propre et personnelle et qu'elle en mourra de mâlemort dans et par le règne, maudit entre tous, de l'Antéchrist-personne (... avant certes de ressusciter elle aussi, la mort et la résurrection d'Énoch & Élie dans le règne de l'Antéchrist-personne en étant la parabole certaine). Exactement comme le Christ-Dieu mort sur la croix, loin d'être vaincu, triomphe sur Satan par-là même de sa mort en croix, possédant désormais la victoire rédemptrice complète sur le monde entier. Et il va en être de même pour notre chère Église, la Dame de tout cœur catholique véritable, en train présentement de devenir co-Rédemptrice justement par la crucifixion opérée en elle principalement par et depuis Vatican II.
 
 
AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        Mais les esprits qui ne veulent pas s'élever jusqu'à "LA PASSION DE L'ÉGLISE" ne peuvent que rester effectivement mortellement coincés, d'une manière qu'on peut certes appeler schizophrénique si ça fait plaisir, dans un clivage contre-nature, une dichotomie satanique, entre Autorité et Vérité. Et on est obligé de faire le constat qu'ils sont excessivement peu nombreux, les catholiques, même parmi les meilleurs défenseurs de la Foi, à ne pas rester clivés soit dans l'Autorité contre la Vérité, soit dans la Vérité contre l'Autorité, comme nous le dépeint pour sa part Mgr Williamson.
           
        Il n'est, pour l'illustrer, que de lire le récit de la dramatique confrontation entre les cardinaux de Paul VI et Mgr Marcel Lefebvre, en 1975, pour se rendre compte qu'ils restent tous passionnellement, les uns et les autres, dans ce clivage dialectique téléguidé par Satan. Dans cette confrontation, on voit en effet l'Église romaine légitime se montrer très-forte de l'infaillibilité de droit dont elle jouit dans l'exercice du Magistère ordinaire & universel à Vatican II, et l'on voit aussi Mgr Lefebvre se montrer non moins fort de son côté avec la Tradition dogmatique et doctrinale. Et les uns et les autres ferraillant, ne prennent nullement conscience de la "si grande contradiction" (He XII, 3) manifestant l'écartèlement de l'Église entre ces deux grands lieux théologiques que sont l'Autorité et la Vérité, qui, dans les temps normaux de l'Église militante, ne sauraient effectivement pas être trouvées en contradiction, mais seulement, et seulement matériellement, dans les temps où l'Église vit sa Passion à la suite du Christ, vit sa propre et personnelle fin des temps.
           
        Je relatais cette confrontation tragique mais tellement significative, tirée de la p. 507 de la biographie de Mgr Lefebvre écrite par Mgr Tissier de Mallerais, dans Pour bien comprendre la théologie de la crise de l'Église, mon abrégé de L'Impubliable, dans la note de fin de texte 1, en y apportant quelques commentaires entre crochets que je laisse pour les présentes : "... Ne soyons donc pas surpris de voir saillir très-nettement cette «si grande contradiction» lors du dramatique entretien de Mgr Lefebvre avec les cardinaux Tabera, Mayer et Garrone, le 3 mars 1975, là où les protagonistes se jettent à la figure ce qui est à la fois leurs premiers et derniers arguments : "… On en arrive à ce dialogue fondamental : Votre manifeste [la déclaration du 21 novembre 1974 de Mgr Lefebvre, indigné à si juste titre contre l'hétérodoxie doctrinale de la Rome conciliaire] est inadmissible, lance un des trois cardinaux de Paul VI, il apprend à vos séminaristes à s'en rapporter à leur jugement personnel, à la tradition telle qu'ils l'entendent. C'est du libre examen, le pire des libéralismes [en théorie, le cardinal de Paul VI n'a que trop raison : seul le Magistère du présent, dont l'organe est le pape et les évêques actuels avec lui, a mandat d'interpréter la Tradition pour les fidèles…] ! ― C'est faux, réplique le prélat [= Mgr Lefebvre], ce qui forme notre jugement, c'est le magistère de l'Église de toujours [oui, mais mis en œuvre par le magistère de l'Église du présent ! Ici, en théorie, Mgr Lefebvre a tort…] ― Vous reconnaissez le magistère d'hier, mais non pas celui d'aujourd'hui. Or, le concile [Vatican II] est magistériel [sous-entendu : couvert par l'infaillibilité du magistère ordinaire & universel en tout ce qui a trait à l'enseignement doctrinal, veut dire le cardinal de Paul VI ; et ici, combien il a raison !, je l'ai encore bien montré, il me semble, dans mon dernier article sur la soi-disant "pastoralité" de Vatican II, cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/cette-vieille-baderne-de-baliverne-suc-e-avec-d-lice-comme-cr-me-glac-e-par-les-conservateurs-et-autres-traditionalistes-la-soi-disant-pastoralit-du-concile-vatican-ii-?Itemid=191...], comme l'a écrit le souverain pontife en 1966 au cardinal Pizzardo [hélas ! hélas ! Le cardinal de Paul VI enfonce le clou avec trop de raison ! Il faudrait absolument sortir au grand jour cette lettre de Paul VI au cardinal Pizzardo à laquelle fait allusion le cardinal de Paul VI, que je ne connais pas et que je n'ai vue nulle part] ― L'Église est ainsi : elle conserve sa Tradition et ne peut rompre avec elle, c'est impossible [rétorque pour finir Mgr Lefebvre ; et cette fois-ci, c'est lui qui a raison contre les cardinaux de Paul VI !]" (fin de citation).
           
        Ce dialogue brûlant d'épées tirées à nue, est très-révélateur de la situation théologique anormalement contradictoire de l'Église contemporaine (contradiction que, notons-le bien, ne résolvent, ni les cardinaux de Paul VI, ni Mgr Lefebvre : ils ne s'en rendent même pas compte !, chacun étant complètement obnubilé comme taureau devant chiffon rouge par le lieu théologique qu'il défend mordicus contre son adversaire, Autorité ou Vérité...), à savoir l'écartèlement-crucifixion de l'Église entre deux lieux théologiques fondamentaux de la Constitution divine de l'Église, Autorité et Vérité, qu'on ne saurait et qui ne sauraient normalement s'opposer l'un l'autre… sauf quand l'Église vit l'économie de la Passion, à l'instar de Notre-Seigneur Jésus-Christ son Époux.
 
 
AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        Encore bien faut-il enseigner les âmes fidèles que c'est parce que l'Église est rentrée dans l'économie de sa Passion propre et personnelle, qu'elle voit dans son sein Autorité et Vérité s'opposer, mais seulement matériellement, et non pas formellement, comme l'expose blasphématoirement, au moins par manque de précision, Mgr Williamson, dans son dernier Commentaire Eleison.
           
        Mais voilà. À l'instar des onze Apôtres fuyant la Passion du Christ, dont l'un, il est bon de s'en rappeler, est mort en odeur de damnation, les catholiques de nos jours, qu'ils soient modernes ou tradis, ne veulent absolument pas souffrir cette situation ecclésiale, cette "PASSION DE L'ÉGLISE" certes humainement insupportable (sauf à la vivre dans la Passion du Christ), où l'Autorité, sans se renier mais parce qu'elle est mise sans faute initiale de sa part sous "la puissance des ténèbres", crucifie la Vérité sans même s'en rendre compte, et devient ainsi une Autorité "faite péché pour notre salut".
           
        Il me souvient par exemple d'une grande lettre que j'avais écrite à mes anciens coreligionnaires d'une chapelle sédévacantiste, avant de les quitter, où je leur expliquais le mauvais chemin que leur faisait prendre l'hérétique, obscurantiste et sectaire sédévacantisme. Une adepte bouillante de cette chapelle me renvoya l'exemplaire de ma lettre à elle adressée, en ayant barré toutes les pages d'un trait rageur en diagonale, avec une phrase manuscrite en 1ère page d'icelle, écrite avec hargne : "Tout ce que vous dites, on s'en fiche !" C'est exactement comme si elle avait dit : "On ne veut pas vivre «LA PASSION DE L'ÉGLISE» !"
           
        Les modernes, je n'apprends rien à personne, ne sont pas en reste. Dimanche dernier, la seconde Lecture de la messe était II Thess II, là où il est question de la fin des temps et de l'homme d'iniquité. Or, ils ont osé pousser la malhonnêteté jusqu'à tronquer le texte en lui faisant dire... l'exact contraire de ce que prêchait saint Paul ! Voici en effet ce qu'a lu le lecteur à l'ambon : "Si l'on nous attribue une inspiration, une parole ou une lettre prétendant que le Jour du Seigneur est arrivé, n'allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer"... point, c'est tout ! Et, quelques minutes après, le prêtre de blablater tout naturellement sur le passage tronqué-truqué, au début de son sermon, qu'il ne fallait pas, de nos jours, s'apeurer de ce que l'on voit, c'est comme ça à toutes les époques, nous ne sommes pas à la fin des temps ! Or, saint Paul continue II Thess II, en disant : "... Que personne ne vous séduise en aucune manière ; CAR il faut que l'apostasie arrive auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme de péché, le fils de la perdition". Saint Paul donc, citait un signe eschatologique, la grande apostasie, pour marquer la fin des temps. Or ce signe est spectaculairement arrivé... de nos jours !, ce qui signifie que nous sommes à la fin des temps et que nous vivons "LA PASSION DE L'ÉGLISE" ; le prêtre aurait donc dû commenter l'épître paulinienne au début de son sermon, dans ce sens, pour nos jours apocalyptiques... si II Thess II avait été lu aux fidèles en entier !
 
        Mais le clergé moderne rejette violemment cet enseignement eschatologique paulinien, il n'en a cure, car pour lui, les temps apocalyptiques n'existent pas, ou plutôt ils sont du passé, puisque le moderne vit déjà dans l'alleluia perpétuel du pseudo-Millenium qu'il s'est inventé (cf. mon article https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-conception-liturgique-pseudo-millenariste-de-mgr-arthur-roche-prefet-de-la-congregation-pour-le-culte-divin-anticipation-vaticandeuse-luciferienne-d-une-nouvelle-economie-de-salut-1?Itemid=1) !
           
        Mon moderne menteur et tricheur dit donc intérieurement dans son âme très-exactement la même chose coupable que ma sédévacantiste engagée et surtout enragée : "On ne veut pas vivre «LA PASSION DE L'ÉGLISE» !" Tous les catholiques ou prétendus tels, le disent de nos jours, sauf rarissime exception. Et Mgr Williamson, donc, quant à lui, préfère le blasphème plutôt que de vivre et mourir à la fois "LA PASSION DE L'ÉGLISE" pour son salut et celui de ceux qui le lisent.
 
 
AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        Par-là même, je prophétise que toutes les chapelles ou églises actuelles, des sédévacantistes les plus coincés aux modernes les plus libéraux, en passant par les lefébvristes, dissidents ou non, les "ralliés", les guérardiens, et tutti quanti des modernes, ne sont plus, aux Yeux du Seigneur, que des officines de pharisaïsme qui ne s'intéressent plus qu'à une chose : faire tourner chacune à sa manière de scribe la petite popote de Foi domestique dans les âmes, selon qu'il est convenu dans la gnose de l'Autorité sans la Vérité OU dans la gnose de la Vérité sans l'Autorité (scannez le bon QR code, selon votre goût culinaire, puis, salez-sucrez). Les âmes fidèles peuvent certes encore y trouver extraordinairement le salut, mais uniquement par la grande Miséricorde et Amour du Christ pour les âmes, par sa toute-Puissance aussi, car il en faut, de la toute-Puissance divine, pour briser le carcan d'iniquité abyssale dressé par les hommes contre la Volonté divine de faire vivre à l'Église la Passion, et aussi parce que le Christ n'a pas encore décidé de faire sentir sa sainte-Colère dans son Église devenue tous azimuts la grande Prostituée de Babylone, son Heure pour le "grand-soir" divin n'étant pas encore venue.
           
        Mais lorsque la sainte-Colère de l'Agneau immolé et ressuscité se fera sentir, je prophétise qu'aucune des églises et chapelles actuelles ne tiendra debout devant Lui, parce qu'elles ont toutes refusé la Passion du Christ revécue en Église, "LA PASSION DE L'ÉGLISE" inhérente à la fin des temps. Il leur arrivera à toutes très-exactement ce qui est arrivé à Jérusalem, la ville sainte mais déicide reniant son Seigneur et Sauveur, "il n'en restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée" (Mc XIII, 2).
           
        L'on me dira sans doute que ce que je dis là est trop dur, injuste, que cela ne correspond pas à la réalité spirituelle de l'Église aujourd'hui, qu'elle est quand même sainte et sanctifiante malgré tous ses errements et défauts, de bâbord ou de tribord...
           
        Je répondrai avec Ben Ezra, un prophète oublié du temps de la Révolution, que Jérusalem, aux temps du Christ, paraissait extérieurement sainte et sanctifiante, elle aussi, et même plus sainte qu'à certaines époques idolâtres de son passé. Or, la vérité, c'est qu'elle était tellement corrompue intérieurement, qu'elle ne recula pas devant le déicide sur la Personne du Christ, son Messie, tout au contraire, elle le commit moralement avec passion et poussa de toutes ses forces pour le faire commettre par les Romains, avec une rage diabolique indicible ! Ben Ezra a une très-belle page là-dessus, et la transposition de la Jérusalem au temps du Christ à notre Rome actuelle est hélas à faire, et pour toute l'Église contemporaine, l'Église Universelle, qu'elle soit moderne ou tradi :
           
        "Il est certain que lorsque le Messie parut à Jérusalem il n'y trouva aucune idole. Cet abominable péché, si commun dans l'ancienne Jérusalem, était, lors de Sa venue, répudié, purifié. En outre, les formes extérieures du culte, le sacrifice perpétuel, les heures de prière, les jeûnes et les fêtes solennels, tout était scrupuleusement observé. Qu'il y eût aussi des justes dans la ville, les Évangiles l'attestent [après la mort du Christ, il y eut en effet des résurrections de justes à Jérusalem]. En fait, Jérusalem s'appelait, et à raison, la ville sainte. Et même, cette désignation lui est donnée après la mort du Sauveur.
           
        "Néanmoins, à cette époque, les conditions spirituelles de Jérusalem étaient telles, aux yeux de Dieu, que Jésus versa des larmes sur elle. Et non seulement il versa des larmes, mais il prononça contre elle cette imprécation terrible, que nous trouvons dans l'Évangile : «Viendront sur toi des jours où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'investiront et te serreront de toutes parts ; ils te renverseront par terre, toi et tes enfants qui sont dans ton sein, et ils ne laisseront pas dans ton enceinte pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée» (Lc XIX, 43-45). Cette prophétie, tombée des lèvres du Fils de Dieu, eut son accomplissement quelques années plus tard. Mais, pour cela, il n'a été nullement nécessaire que la ville sainte se fût auparavant abandonnée à l'idolâtrie. Jérusalem fut châtiée, non pour idolâtrie, mais pour son iniquité, non pour ses péchés d'autrefois, mais pour ceux que son Messie avait dénoncés, tout spécialement les péchés de ses prêtres, dont l'Évangile nous parle clairement" (fin de citation).
 
 
AgneauCruciféBasReliefMaitreAutelEgliseArgentré
           
        ... Cependant, tant que le Christ n'est pas revenu, nous avons le devoir d'aimer et fréquenter cette Église actuelle "faite péché pour le salut", car le salut, justement, se trouve toujours et encore en elle, dans tous ses morceaux disparates, tradis ou modernes, même si c'est trop souvent le parcours du combattant pour l'y trouver...
           
        Je terminerai avec une des plus belles phrases de Mgr Williamson dans ses Commentaires Eleison, que j'ai déjà citée ailleurs : "Bénies les âmes catholiques qui savent abhorrer leurs erreurs [celles des prêtres modernes, disiez-vous dans votre article dont je tire cette phrase, Monseigneur ; mais auxquelles il faut rajouter les erreurs non moins grandes des prêtres et... évêques tradis...], sans cesser d’honorer leur office" (Problème profond, 17 novembre 2012).
 
En la très-grande fête de la TOUSSAINT,
remplie d'Espérance surnaturelle,
ce 1er novembre 2022,
Vincent Morlier,
Écrivain catholique.
 
 
 Légende de la vignette inter-§ :
Bas-relief du maître-autel
de l'église d'Argentré-du-Plessis
(Archives personnelles) 
 
 MaîtreAutelEgliseArgentré
 
 
 
  
Addenda. ― Lettre à Mgr Williamson, ce 6 novembre 2022.
 
 
Sujet : Votre nouveau Commentaire Eleison n° 799,

        Monseigneur Williamson,
       
        Avec tout le respect que je dois à votre caractère épiscopal, je dois aussi mettre le doigt sur le raisonnement blasphématoire que vous soutenez dans vos derniers Commentaires Eleison.
               
        Comment osez-vous enseigner que "l’essence de l’épreuve actuelle de l’Église consiste en la scission à Vatican II entre l’Autorité catholique et la Vérité catholique, scission opérée lorsque les plus hautes autorités de l’Église, réunies en Concile, ont officiellement abandonné la Tradition de l’Église" (sic, dans votre dernier n° 799 d'hier, 5 novembre 2022) ?
               
        Ne comprenez-vous donc pas que dire cela, c'est blasphématoirement supposer que l'Église légitime, dans la plus haute mise en œuvre de son Magistère, de soi doté de l'infaillibilité par le mode ordinaire & universel, a fait hara-kiri, s'est elle-même suicidée en corps d'Institution, qu'elle a donc radicalement cessé d'exister à Vatican II et depuis lors...? Montrant par-là même que les Promesses d'Assistance du Christ-Dieu à son Épouse, très-notamment pour qu'elle n'abandonne jamais sa Tradition, étaient mensongères, vaines, controuvées...? Que donc le Christ n'est pas Dieu...? Ni son Père qui nous L'a envoyé...? Et pas plus le Saint-Esprit qui L'aurait assisté... pour nous mieux tromper...? Selon votre théologie lefébvriste (car si vous avez quitté la Fsspx, vous professez toujours sa théologie hétérodoxe de "la crise de l'Église", basée sur le rejet de l'infaillibilité du Magistère ordinaire & universel formellement mise en œuvre à Vatican II, au moins dans ses Actes majeurs), il ne resterait donc plus que le règne de Satan à exister et triompher sur cette terre à partir de Vatican II, l'Épouse du Christ ayant définitivement et irréparablement prévariqué et fait défaut dans le concile moderne...
               
        Car il est théologiquement impossible de supposer que l'Église légitime fondée par le Christ puisse "abandonner sa Tradition", sans remettre en cause ipso-facto le caractère divin de l'Institution ecclésiale catholique. Si le fait ecclésial de facto semble montrer cet abandon formel de la Tradition par l’Église à Vatican II, ce n'est qu'une apparence, puisque le droit théologique fondamental de jure interdit de poser cette conclusion par laquelle est reniée radicalement la Foi catholique (= la solution, c'est d'expliquer le fait vaticandeux sans attenter au droit de la Foi ; et cela, seule la thèse de "LA PASSION DE L'ÉGLISE" que le Bon Dieu me fait "l'honneur ignominieux" de professer quasi seul dans le monde catholique, peut le faire, thèse que votre serviteur a sommairement encore exposée une nouvelle fois dans son dernier article, à votre spéciale intention et attention, Monseigneur Williamson (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/Un%20blasph%C3%A8me%20(s%C3%BBrement%20inconscient)%20%20de%20Mgr%20Richard%20Williamson?Itemid=191).
               
        Si votre théologie lefébvriste de "la crise de l'Église" vous mène à cette conclusion blasphématoire de dire que l'Église légitime a "abandonné sa Tradition", alors, cela vous montre avec une grande évidence qu'elle est hérétique puisqu'elle vous mène à conclure que "les portes de l'enfer ont prévalu contre l'Église" à Vatican II.
               
        ... Aurez-vous le bon courage, Monseigneur, de vous remettre en cause quant à cela, pour ne plus attenter à la Foi et ainsi risquer de scandaliser les âmes fidèles, comme vous y invite mon dernier article, à vous envoyé, auquel, jusqu'à présent, vous n'avez fait aucun retour (mais il est vrai qu'il ne date que de quelques jours) ?
               
        Je ne peux terminer qu'avec le bout rimé en forme d'alexandrin de votre nouveau Commentaire Eleison n° 799 (= "Pourquoi de «braves» Clercs se trompent-t-ils autant ? Parce qu’ils respirent un air modernisant"), légèrement revu et corrigé :
               
        Pourquoi tant de clercs tradis, tellement... déconnent ?
        Parce qu’ils respirent, un peu trop, l'air d'Écône.
               
        Avec tout mon respect et ma prière, Monseigneur Williamson.
 
 
 
 
01-11-2022 14:36:00
 

Cette vieille baderne de baliverne sucée avec délice comme crème glacée par les conservateurs et autres traditionalistes : la soi-disant "pastoralité" du concile Vatican II !

 
 
 
 
Cette vieille baderne de baliverne
sucée avec délice comme crème glacée
par les conservateurs et autres traditionalistes :
la soi-disant "pastoralité" du concile Vatican II !
 
 
         Je commence ce nouvel article en citant intégralement ce qui me fait l'écrire et réagir vigoureusement dans la Foi, il s'agit de la finale d'un article écrit sur LifesiteNews, site conservateur pro-vie qui, comme à peu près tous ceux de cette mouvance, vit sa Foi dans l'obscurantisme complet au niveau de la fin des temps, laquelle caractérise pourtant essentiellement l'époque que nous vivons et mourons à la fois, nous donnant, et elle seule, la clef spirituelle pour comprendre notre temps et surtout ce qui se passe dans l'Église aujourd'hui (s'en abstraire, donc, plus ou moins volontairement, est se vouer à ne rien comprendre à rien de "la crise de l'Église") :
           
        "Vatican II se voulait «pastoral» et non «doctrinal»
           
        "Alors que le Concile Vatican II est régulièrement et massivement cité dans le Vatican moderne et le pontificat actuel, les Papes du Concile — Jean XXIII et Paul VI — et Vatican II lui-même ont clairement déclaré que, contrairement à tous les Conciles précédents, il n’avait ni le but ni l’intention de proposer sa propre doctrine de manière définitive et infaillible.
           
        "Dans son discours à l’ouverture solennelle du Concile, le Pape Jean XXIII a déclaré : «Le but principal de ce Concile n’est donc pas la discussion de l’un ou l’autre thème de la doctrine fondamentale de l’Église». Il a ajouté que le magistère conciliaire aurait un caractère «principalement pastoral» (11 octobre 1962).
           
        "Entre-temps, le Pape Paul VI a dit dans son discours à la dernière session publique du Concile, que Vatican II «a fait son programme» à partir du «caractère pastoral» (7 décembre 1965). De plus, comme l’a rappelé Mgr Athanasius Schneider, une note du Secrétaire général du Concile datée du 16 novembre 1964 dit : «En tenant compte de la coutume conciliaire et du but pastoral du présent Concile, le Saint Concile ne définit comme contraignantes pour l’Église que les choses en matière de foi et de morale qu’il déclare ouvertement contraignantes»" (Pope Francis says "traditionalism" is "infidelity" to the Catholic Church and Vatican II, Michael Haynes, 12 octobre 2022, traduction par Reverso ― cf. https://www.lifesitenews.com/news/pope-francis-says-traditionalism-is-infidelity-to-the-catholic-church-and-vatican-ii/).
 
VATICAN II 054 MP00005
           
        Tout le fond de cette finale d'article est une ânerie à l'état pur, de la quintessence d'ânerie. Une ânerie, du reste, que le rédacteur de LifesiteNews n'a pas inventé, qui n'est pas née d'hier, au contraire, les conservateurs se la répètent incontinent les uns les autres, comme perroquets sans intelligence, s'en passant le flambeau sans jamais varier, perseverare diabolicum, depuis quasi... soixante ans maintenant, depuis la fin de Vatican II, ou plus exactement depuis que le pape du concile maudit a évoqué la pastoralité de Vatican II un mois après sa clôture, dans une célèbre audience du Mercredi (... tout en y évoquant en même temps l'emploi du Magistère ordinaire & universel dans ledit concile, dans la folie la plus totale, nous allons le voir tout-à-l'heure...).
           
        Pourquoi est-ce une ânerie complète et radicale de parler de "pastoralité" pour les Actes de Vatican II ? Pour la bonne et simple raison qu'en théologie, la "note de pastoralité" pour qualifier un document du Magistère ecclésial, N'EXISTE PAS. Puisqu'elle n'existe pas, elle ne peut donc pas, même La Palice aurait pu le dire, qualifier théologiquement un décret ecclésial... encore moins peut-elle ainsi qualifier tous les Actes d'un concile universel in globo, comme le dit le plus imbécilement du monde l'auteur de cet article...
           
        Et pourquoi la "note de pastoralité" n'existe-t-elle pas ? Tout simplement, parce que la pastoralité, en Église, c'est tout bonnement.... "paître salvifiquement le troupeau du Christ". Est donc pastoral... TOUT acte ecclésial, quelqu'il soit, cet acte, d'enseignement doctrinal ordinaire & universel ou de définition dogmatique tous deux de soi dotés de l'infaillibilité ou encore de simple gestion du Peuple de Dieu par le magistère dit authentique de soi non-doté de l'infaillibilité, du moment qu'il soit posé, cet acte ecclésial, par les "membres enseignants" d'une génération ecclésiale donnée en union avec le pape actuel ! Par conséquent, tous les Actes de Vatican II sont certes bien évidemment pastoraux... mais pas plus ni pas moins que les Décrets les plus rigidement doctrinaux de tout concile universel, comme Latran, Trente ou Vatican 1er par exemples, appartenant au Magistère extraordinaire de définition ou à celui ordinaire & universel d'enseignement, dotés de soi de l'infaillibilité ecclésiale. Même un concile le plus rigoureusement doctrinal, n'émettant que des propositions théologiques strictes se terminant par l'anathème pour qui n'y adhère pas, anathema sit !, est... pastoral. Parce que tout ce que font les Pasteurs principaux de l'Église en direction de l'universalité des fidèles est en effet de soi... pastoral, c'est-à-dire que cela a pour but, et ne peut avoir que pour but, de paître salvifiquement le troupeau des fidèles du Christ, tout simplement !
    
        Dire donc de n'importe quel Acte ecclésial posé par les principaux Pasteurs qu'il est pastoral, c'est en fait imiter le bourgeois gentilhomme de Molière, qui s'extasiait de faire de la prose rien qu'en parlant !
           
        La "note de pastoralité" est donc vraiment de la poudre de perlimpinpin, elle n'existe pas pour qualifier un acte du Magistère ecclésial. Elle ne peut donc être employée à tort sur des Actes ecclésiaux que pour occulter et subvertir ce qu'ils sont véritablement, par exemple des actes du Magistère ordinaire & universel de soi doté de l'infaillibilité ecclésiale, si c'est le cas... comme ça l'est pour les Actes majeurs de Vatican II (car c'est hélas pour cette peu avouable raison que Paul VI, à la suite de Jean XXIII, a employé cette pseudo "note de pastoralité" : pour tâcher de subvertir la véritable note théologique des Actes de Vatican II...).       
  
VATICAN II 054 MP00005
           
        Mais donc, qu'en est-il bien de la véritable note théologique des Actes ecclésiaux ? Quelle est la doctrine catholique sur ce point fort important ? Et, subséquemment, pour rentrer dans la problématique cruciale et brûlante de notre temps ecclésial, puisque la "note de pastoralité" n'est qu'une fumée d'illusion pour situer théologiquement les Actes ecclésiaux, quelle note attribuer aux Actes de Vatican II ? Voici la règle générale : lorsqu'un Acte ecclésial est dûment posé par les "membres enseignants" d'une génération ecclésiale donnée una cum le pape actuel, il peut théologiquement recevoir deux notes : 1/ faire partie du Magistère extraordinaire définitionnel ou bien du Magistère ordinaire & universel de simple enseignement (dit négativement et fort dangereusement "non-définitif" en nos temps modernes mais qu'il serait beaucoup plus orthodoxe de baptiser "inchoatif"), tous deux dotés de l'infaillibilité ecclésiale ; 2/ ne pas recevoir cette qualification (parce que n'ayant pour objets formels, ni la Foi ni les Mœurs), et alors, être simplement un acte du Magistère authentique, de soi non-doté de l'infaillibilité ecclésiale (c'est le cas, par exemple, de Traditionis Custodes, qui regarde une question purement disciplinaire). Et c'est strictement tout. Il n'y a pas d'autres catégories ou départements magistériels dans l'Église (... surtout pas un stupide "Magistère pastoral" auquel on aurait donné la sublime vocation de fourrer tous les Actes ecclésiaux qui ont été dûment posés... mais sans qu'on veuille qu'ils soient posés, comme ce que les âmes à la fois pusillanimes et folles voudraient pouvoir dire des Actes de Vatican II...). Et tous ces Actes ecclésiaux de catégorie 1 & 2, de par leur nature, sont... pastoraux. J'ai bien expliqué ces différentes catégories magistérielles, il me semble, dans le tout premier article que j'écrivais sur mon site il y a plus de dix ans maintenant, le 17 mars 2012, contre les élucubrations de Mgr Brunero Gherardini, La notation "non-infaillible" du concile Vatican II selon Mgr Gherardini : du grand n'importe quoi... moderniste (cf. https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/la-notation-non-infaillible-du-concile-vatican-ii-selon-mgr-gherardini-du-grand-n-importe-quoi-moderniste?Itemid=1), auquel article on pourra se reporter si l'on en ressent le besoin.
           
        La "pastoralité" évoquée d'abord par Jean XXIII puis par Paul VI immédiatement après la clôture de Vatican II mais encore dans le Discours de clôture du concile moderne, est juste un écran de fumée dressé devant les yeux des fidèles pour les empêcher de prendre conscience que Vatican II a dûment posé en toute réalité ecclésiale des Décrets qui sont l'expression formelle du Magistère ordinaire & universel de soi doté de l'infaillibilité ecclésiale, mais dont le contenu doctrinal, ... ô abomination de la désolation dans le Lieu-Saint !, est hérétique voire même carrément apostat, comme dans le Décret de la Liberté religieuse.
           
       Pour mémoire, il est bon de se rappeler que commencer le catalogage des hérésies de Vatican II (ou erreurs menant vers l'hérésie, favens haeresim), c'est hélas ne pouvoir le terminer… Le Courrier de Rome, organe de presse lefébvriste, dans sa livraison de juillet-août 2002, a fait un sommaire très-impressionnant des erreurs doctrinales et pastorales contenues dans Vatican II, dont voici l’effarant listing : "Synopsis des erreurs. — A. Erreurs doctrinales. 1. Erreurs concernant la notion de la tradition et de la vérité catholique ; 2. Erreurs concernant la Sainte-Église et la Très-Sainte Vierge ; 3. Erreurs concernant la Sainte-Messe et la Sainte-Liturgie ; 4. Erreurs concernant le Sacerdoce ; 5. Erreurs concernant l'Incarnation, la Rédemption, la conception de l'homme ; 6. Erreurs concernant le Royaume de Dieu ; 7. Erreurs concernant le mariage et la condition de la femme ; 8. Erreurs concernant les membres de sectes, hérétiques et schismatiques (dits «frères séparés») ; 9. La représentation erronée des religions non-chrétiennes ; 10. Erreurs concernant la politique, la communauté politique, le rapport entre Église et État ; 11. Erreurs sur la Liberté religieuse et le rôle de la conscience morale. B. Les erreurs dans la pastorale. [pour mémoire]. Conclusion — Revenir à la vraie doctrine ou périr" (fin de citation)...!
 
        Voilà la grande vérité ecclésiale, capitale, de notre temps tout donné, de par la Providence divine, à "la puissance des ténèbres", parce que l'Épouse-Église du Christ rentre, à partir de Vatican II pour faire court, dans l'économie de la Passion de son Époux, usque ad mortem, elle est véritablement "faite péché pour notre salut" (II Cor V, 21).
 
        Bien sûr, il importe de dire bien vite que cesdits actes magistériaux peccamineux de Vatican II n'ont été posés in Persona Ecclesiae que matériellement, c'est-à-dire sans que les Pères du concile moderne à commencer par Paul VI, n'aient eu aucune conscience, en les posant dûment, qu'il s'agissait d'hérésies ou d'apostasie radicale, ils n'ont pas été posés formellement, c'est-à-dire en toute conscience et connaissance de cause, de la part des Pères de Vatican II, qu'il s'agissait d'hérésie ou d'apostasie (ce qui signifierait que "les portes de l'enfer auraient prévalu contre l'Église" ― je fais la démonstration théologique de cette inadvertance complète des Pères de Vatican II, qui fait le péché purement matériel, entre autres, dans cet article : https://www.eglise-la-crise.fr/index.php/fr/component/joomblog/post/comment-je-suis-arrive-a-la-these-de-la-passion-de-l-eglise-nouvelle-preface-de-l-impubliable?Itemid=1). Mais ces Actes vaticandeux sont bel et bien posés matériellement.